2. Les mesures d'urgence

La BCE et la Fed sont intervenues, à de multiples reprises, pour améliorer la liquidité du marché interbancaire. Le 8 octobre 2008, elles ont abaissé d'un demi-point leurs taux directeurs, dans le cadre d'une action concertée avec cinq autres banques centrales. Le 6 novembre 2008, la BCE a confirmé cette orientation en abaissant à nouveau ses taux directeurs d'un demi-point. Mais, les interventions de politique monétaire s'étant révélées insuffisantes, les pouvoirs publics ont dû réagir, après plusieurs semaines d'hésitations.

Dans un premier temps, les interventions publiques pour juguler la crise ont été rares en dehors des Etats-Unis. Après une première phase caractérisée par des annonces désordonnées, la coordination internationale a toutefois été renforcée. Des plans de sauvetage, comportant des mécanismes de refinancement et de recapitalisation des banques, ont été mis en oeuvre dans les principaux pays industrialisés.

LE PLAN D'ACTION ADOPTÉ PAR LE G7 LE 10 OCTOBRE 2008

La coordination internationale s'est progressivement intensifiée, en vue de rassurer les marchés. Elle s'est traduite par un plan en cinq points, adopté par le G7 à Washington en octobre, qui a notamment incité les Etats-Unis à procéder à des nationalisations partielles, selon une approche différente de celle initialement envisagée par le plan Paulson. Elle doit être poursuivie lors d'un sommet mondial du G20 à la mi-novembre 2008.

Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon) se sont engagés à :

- soutenir les institutions financières d'importance systémique ;

- débloquer le crédit et les marchés monétaires ;

- permettre aux établissements financiers de lever des capitaux publics comme privés ;

- se doter de programmes de garanties des dépôts robustes et cohérents ;

- relancer les marchés titrisés, grâce à des évaluations précises et à une information transparente.

Aux Etats-Unis , après un plan fiscal et plusieurs sauvetages ponctuels, un plan global a été adopté par le Congrès en octobre 2008. Initié par le secrétaire au Trésor américain Henry Paulson, il vise à racheter aux banques 700 milliards de dollars d'actifs « toxiques » invendables. Il a été complété par un plan de recapitalisation, sans précédent depuis 1932, par investissement en actions préférentielles 5 ( * ) à hauteur de 250 milliards de dollars, dont la moitié pour les 9 principales banques américaines.

En Europe , les gouvernements de la zone Euro se sont engagés à empêcher toute faillite susceptible de mettre en danger le système financier dans son ensemble. L'idée de création d'un fonds commun a été rejetée, mais un plan d'action concerté pour la zone euro a été adopté le 12 octobre 2008. Les initiatives nationales se sont dès lors multipliées. Elles peuvent poser problème au regard de la réglementation européenne de la concurrence. En Irlande par exemple, une garantie totale des dépôts a été instituée. Au Royaume-Uni, un plan complet de financement et de recapitalisation des banques a été adopté.

En France , Dexia a nécessité une intervention de l'Etat, au moyen d'une recapitalisation, à hauteur de trois milliards d'euros (pour la part française), et d'une garantie de financement, traduisant, dans le cadre d'un accord international, la volonté des pouvoirs publics de ne pas laisser un établissement faire faillite. La loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificatives pour le financement de l'économie a mis en place un cadre juridique d'ensemble, destiné à garantir le bon fonctionnement du système bancaire et financier. Elle institue notamment deux structures juridiques destinées respectivement au refinancement et à la recapitalisation des institutions financières. L'Etat pourra apporter, à titre onéreux, sa garantie à ses deux sociétés, dans la limite globale de 360 milliards d'euros .

La solution d'urgence adoptée en France suscite de multiples interrogations. Elle se fonde sur le mécanisme du « prêteur en dernier ressort » qui soulève des problèmes théoriques quant à ses effets de long terme : dans quelle mesure l'intervention publique n'incite-t-elle pas à des prises de risques excessives ?

Les modalités du plan français incitent par ailleurs à une interrogation sur les rôles respectifs de l'Etat et des banques centrales nationales . La création par l'Etat d'une société de refinancement, nouvel instrument de politique économique, ne vient-elle pas souligner l'insuffisante souplesse des instruments de politique monétaire existant en zone euro ou bien répond-elle à la vulnérabilisation de la Banque centrale ? Les conditions posées pour le refinancement, qui comportent des garanties substantielles pour l'Etat, en feront-elles un instrument efficace, c'est-à-dire une base de relance du crédit à l'économie ?

En tout état de cause, ce dispositif, conçu comme temporaire, constitue une solution d'urgence qui ne résout aucune des questions fondamentales que pose la crise actuellement en cours.

* 5 Les actions préférentielles acquises par le Trésor seront rémunérées par un dividende spécial de 5 % pendant cinq ans, qui sera relevé à 9 % par la suite. Cette mesure vise à inciter les institutions concernées à racheter leurs actions après cinq ans en vue d'éviter de prolonger l'intervention publique dans le secteur bancaire. En outre, en vue de protéger les intérêts des contribuables, le Trésor recevra des warrants représentant 15 % de la valeur faciale des actions préférentielles, exerçables pendant une durée de dix ans à un prix prédéterminé. En contrepartie, les banques bénéficiaires ne pourront augmenter leurs dividendes liés au capital ordinaire pendant cette période que sur autorisation spéciale du Trésor. Elles devront restituer les bonus en cas de révision des résultats et ne pourront pas inclure de « parachutes dorés » dans de nouveaux contrats.

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