b) Un exemple de recyclage des niches : les 20 milliards d'euros d'allègements de charges sociales
En vertu de l'article 56 de la loi de finances pour 2006, les exonérations générales de cotisations sociales ont été transférées en 2006 à la sécurité sociale sans évaluation du dispositif au regard de la politique de l'emploi.
Il s'agissait par la baisse des charges sur les bas salaires de rendre le travail des salariés peu qualifiés économiquement viable, d'améliorer la compétitivité des entreprises et, ainsi, de freiner en partie les délocalisations. Les allègements concernent les salaires compris entre le SMIC et 1,6 fois le SMIC, soit près de 10 millions de salariés. Au niveau du SMIC, la réduction s'élève à 28,1 points de cotisations patronales dans les entreprises de moins de 20 salariés et 26 points dans les autres. Au total, le montant des allègements généraux a coûté plus de 20 milliards d'euros en 2007.
Sources : délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et direction du budget
Dès l'examen du projet de loi de finances pour 2007, notre collègue, Serge Dassault, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi », avait considéré que le peu d'emplois créés dans la restauration devait conduire à une révision de la politique systématique de réduction du coût du travail. Il s'était prononcé en faveur d'une diminution progressive du niveau et du coût des exonérations, préconisant une réduction de 1,6 SMIC à 1,5 puis 1,4 jusqu'à une suppression, à terme du dispositif.
En outre, le caractère massif et généralisé du dispositif actuel a conduit indirectement à créer des dispositifs encore plus coûteux d'allègements spécifiques (heures supplémentaires, rachat des RTT,...) afin d'être par définition plus avantageux que le droit commun. Ainsi, l'ensemble des allègements de cotisations sociales était évalué à plus de 26 milliards d'euros dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, une fois intégré le coût, notamment des exonérations sociales des heures supplémentaires.
Au surplus, les études menées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ont conduit au constat qu'il ne s'agissait pas de l'instrument le plus efficace pour améliorer la compétitivité de la France car 72 % des allègements sont concentrés dans le secteur tertiaire, moins exposé à la concurrence internationale et aux délocalisations que le secteur industriel .
Toutefois, cette orientation a été prise au début des années quatre-vingt-dix à la suite des travaux du commissariat général du plan 35 ( * ) à une époque où le chômage ne cessait d'augmenter, touchant fin 1993 plus de 12 % de la population active.
Des mesures d'allègement des cotisations sociales patronales sur le travail non-qualifé ont alors été préconisées. Leur coût a progressé par palier pour atteindre en 2006 environ 19 milliards d'euros pour lesquels il était estimé que 11 milliards d'euros correspondaient à l'accroissement des allègements liés à la réduction du temps de travail . Il convient ainsi de rappeler que les allègements généraux continuent ainsi à supporter le « fardeau » des « 35 heures ».
Ainsi, une réduction progressive du plafond d'exonération conduirait en trois ans à diviser par deux le coût du dispositif en le ramenant dès 2011 à 13 milliards d'euros , ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous.
Estimation de la diminution progressive du coût des allègements généraux
Source : commission des finances
Dans ce schéma 36 ( * ) , l'économie réalisée pourrait aller jusqu'à 17 milliards d'euros en 2012 .
L'atténuation des réductions de charges sociales sur les bas salaires doit être conduite en fonction de l'évolution du marché du travail.
Certes, le Conseil d'orientation pour l'emploi indique dans un rapport de février 2006 37 ( * ) que « L'extrapolation des ordres de grandeur qui précèdent conduit la DGTPE et la DARES à estimer que, quelles que soient les circonstances ayant présidé aux montées en charge successives des allègements de cotisations sociales sur les bas salaires, leur suppression totale aujourd'hui conduirait à détruire environ 800.000 emplois en l'espace de quelques années ». Il n'est évidemment pas question ici d'une suppression totale, mais d'une baisse progressive et empirique.
Avec un étalement de la réduction, l'impact sur l'emploi serait nettement moins négatif que le laissent supposer certains économistes, le marché du travail ne connaissant plus l'atonie caractéristique des années quatre-vingt-dix. On peut penser que, compte tenu de l'évolution démographique, l'offre du secteur des services resterait dynamique.
Enfin, il convient de souligner que l'alourdissement des charges des entreprises résultant d'une telle mesure, ne pourrait intervenir isolément et qu'elle devrait s'inscrire dans le cadre de réformes d'ensemble du cadre juridique et fiscal.
Bref, la mesure aurait , dans l'esprit de votre rapporteur général , des contreparties en termes d'assouplissement du droit du travail et notamment de la durée légale, ainsi que d'allègement ou de simplification des prélèvements de toute nature pesant sur les entreprises, sachant que, dans cette perspective, le gain net résultant de la mesure d'atténuation des allégements de charges serait alors sensiblement plus faible que les montants évoqués ci-dessus.
Tel devrait être, en tout état de cause, une des questions essentielles à évoquer dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires à laquelle le gouvernement procède actuellement.
* 35 Rapports Charpin et Brunhes de 1992 et 1993.
* 36 Il s'agit d'une estimation calculée selon une pente dégressive linéaire dont il convient de ne retenir que l'ordre de grandeur. Il aurait fallu intégrer dans la projection la répartition des salariés selon leur niveau de rémunération. Toutefois, si le nombre de bénéficiaires d'un revenu proche de 1,6 SMIC est moins élevé, le niveau des allègements à ce niveau de salaire est plus important.
* 37 « Rapport au Premier ministre relatif aux aides publiques », février 2006, consultable à l'adresse http://www.coe.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Aides_publiques.pdf.