N° 456
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 juillet 2008 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur l' état des comptes de la sécurité sociale en vue de la tenue du débat sur les orientations des finances sociales ,
Par M. Alain VASSELLE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, M. Bernard Seillier , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Louis Pinton, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le débat sur les orientations des finances sociales, organisé conjointement avec le débat d'orientation budgétaire, et baptisé cette année débat d'orientation des finances publiques, revêt un caractère particulier pour trois raisons au moins :
- il intervient dans un contexte de finances budgétaires et sociales fortement dégradées, avec un déficit public total compris entre 2,5 et 3 points de Pib, en 2007 comme en 2008, et une dette publique supérieure à 63 % de la richesse nationale ;
- il est organisé à un moment où la conjoncture mondiale s'essouffle et où la situation économique de notre pays apparaît marquée par un ralentissement de l'activité et une hausse de l'inflation , ce qui accroît considérablement les contraintes financières pesant sur nos budgets ;
- il se déroule à la veille de l'élaboration de la première loi de programmation des finances publiques qui sera votée à l'automne pour la période 2009-2012, c'est-à-dire à un moment privilégié pour orienter les perspectives de moyen terme et proposer un chemin précis et raisonnable en vue d'atteindre l'objectif de retour à l'équilibre.
Votre commission se félicite que le Parlement puisse débattre de ces questions et cela avec un interlocuteur gouvernemental unique . Un an après sa mise en place, il apparaît en effet avec évidence que l'institution d'un ministère unique des comptes publics favorise la vision plus globale des finances publiques que la commission des affaires sociales a toujours appelée de ses voeux et surtout limite les débats stériles de frontières ou les divergences d'interprétation entre les deux ensembles financiers - budget de l'Etat et loi de financement de la sécurité sociale - qui empêchaient souvent le débat de porter sur les questions réellement essentielles. Elle a aussi permis d'avancer sur des sujets importants, comme le règlement de la dette de l'Etat envers la sécurité sociale ou l'inscription de crédits budgétaires suffisants en loi de finances initiale pour un certain nombre de dotations.
Les conditions dans lesquelles le Sénat aborde le débat d'orientation des finances publiques appellent une observation liminaire .
Contrairement à l'année dernière, le rapport préparatoire au débat, transmis (un peu tardivement) au Parlement, est globalement conforme aux dispositions de l'article L.O. 111-5-2 du code de la sécurité sociale et donc aux attentes du législateur. Il comporte en effet plus de détails et offre surtout une vision des finances publiques plus respectueuse de la spécificité des finances sociales . Toutefois, il ne comprend pas encore ce qui est pourtant prévu par le code, à savoir une évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale ainsi que de l'Ondam.
Ces données sont importantes car la situation actuelle rend indispensable qu'une véritable stratégie de redressement de nos finances publiques soit mise en place et respectée. Il n'est plus possible de se contenter de mesures ponctuelles. Seules des réformes d'ampleur permettront à notre pays de se mettre en condition de faire face au défi que constitue le vieillissement de la population . Celui-ci est en effet bien réel. Le poids des dépenses supplémentaires, en matière de retraite, de santé et de dépendance, pourrait s'élever à au moins trois points de Pib d'ici à 2050.
C'est pourquoi, seul un assainissement véritable de nos finances publiques pourra garantir la pérennité de notre modèle social, modèle auquel nos concitoyens sont, à juste titre, attachés. Il nous faut donc trouver les moyens de cesser de reporter les dépenses d'aujourd'hui sur les générations de demain .
Cela signifie qu'il faut, d'une part, prendre la vraie mesure des évolutions actuelles des finances de la sécurité sociale, d'autre part, se donner les moyens de s'attaquer aux causes structurelles des déficits sociaux.
L'année 2009 présente à cet égard un caractère stratégique . Des décisions majeures, peut-être douloureuses, devront être prises pour inverser les tendances actuelles et permettre un retour à l'équilibre à moyen terme de nos comptes sociaux. Nous ne pouvons plus repousser encore les échéances.
Le présent rapport suggère plusieurs pistes à ce titre, souhaitant ainsi apporter sa contribution dans l'attente des rendez-vous à venir.
I. 2007 ET 2008 : UN DÉSÉQUILIBRE DE 20 MILLIARDS
Les années 2007 et 2008 n'ont pas encore permis d'avancer sur la voie du retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Elles ont tout juste enrayé la progression du déficit global. Elles sont également marquées par une baisse sensible du déséquilibre de la branche maladie et, à l'inverse, par une hausse rapide du déficit de la branche vieillesse.
A. 2007 : LE DÉRAPAGE
Après les déficits record du régime général, de plus de 11 milliards d'euros en 2004 et 2005, et la légère décrue de 2006, avec un déficit ramené à 8,7 milliards d'euros, 2007 a connu un nouveau dérapage des comptes , le déficit du régime général s'établissant finalement à 9,5 milliards d'euros .
Soldes par branche du régime général sur la période 2003-2007 |
|||||
(en milliards d'euros) |
|||||
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
|
Maladie |
- 11,1 |
- 11,6 |
- 8,0 |
- 5,9 |
- 4,6 |
Vieillesse |
0,9 |
0,3 |
- 1,9 |
- 1,9 |
- 4,6 |
Famille |
0,4 |
- 0,4 |
- 1,3 |
- 0,9 |
0,2 |
Accidents du travail |
- 0,5 |
- 0,2 |
- 0,4 |
- 0,1 |
- 0,5 |
Total régime général |
- 10,2 |
- 11,9 |
- 11,6 |
- 8,7 |
- 9,5 |
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale |
L'exercice 2007 a pourtant bénéficié d'une progression particulièrement dynamique des recettes. Mais, dans le sens contraire de la dégradation des comptes, on a enregistré à la fois une progression supérieure à 6 % des prestations de la branche vieillesse et un dépassement de plus de 3 milliards d'euros de l'Ondam.
1. Une croissance soutenue des recettes
Les recettes du régime général ont augmenté de 4,4 % en 2007 , soit un rythme inférieur à celui des deux années précédentes, mais qui s'explique par le fait que ces deux derniers exercices avaient été marqués par des hausses de prélèvements et des recettes exceptionnelles. Cette progression est néanmoins significative et supérieure à celle de la croissance du Pib, soit 2,2 % en 2007.
Quatre aspects méritent d'être soulignés :
- le dynamisme de la masse salariale du secteur privé
La masse salariale du secteur privé qui représente l'assiette des trois quarts des recettes assises sur les revenus d'activité, a augmenté de 4,8 % en 2007 , ce qui est un niveau nettement supérieur à celui constaté en moyenne sur longue période. Cette hausse a donc assuré de bonnes rentrées des cotisations sociales (164,3 milliards d'euros) et de la CSG (56,3 milliards d'euros).
Toutefois, la forte augmentation des exonérations de cotisations a limité, par voie de conséquence, la hausse des cotisations dues par les employeurs qui, de ce fait, progressent moins vite que la masse salariale. C'est pourquoi, les recettes assises sur les revenus d'activité n'ont augmenté que de 3,6 % en 2007, soit un peu moins rapidement que la masse salariale.
- la forte augmentation des exonérations de cotisations
L'année 2007 est marquée par une forte hausse des exonérations de cotisations, que ce soit au titre des allégements généraux ou des allégements ciblés, mais aussi du fait de l'entrée en vigueur, le 1 er octobre, de la loi Tepa 1 ( * ) qui exonère de charges sociales les heures supplémentaires.
Au total, les exonérations compensées, sous forme de dotations budgétaires ou de recettes fiscales, se sont élevées à 25,2 milliards d'euros , en augmentation de 16,7 % par rapport à 2006.
Parmi ces mesures, les exonérations ciblées en direction de publics définis ou de certaines zones du territoire ont particulièrement progressé, à hauteur de 21 % (mesures liées aux contrats d'apprentissage, aux contrats de professionnalisation, à la création de nouvelles zones franches urbaines, au dispositif d'exonération en zone de revitalisation rurale).
La compensation des allégements généraux de charges sociales a été intégralement assurée en 2007, conformément aux engagements du Gouvernement, et ce malgré la disparition du mécanisme d'équilibrage « à l'euro l'euro » qui avait été mis en oeuvre en 2006.
- la très forte hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital
Ces prélèvements, composés d'une ressource CSG pour plus des trois quarts, ont augmenté de 11,8 % , principalement grâce au dynamisme des revenus et plus-values concernés, mais aussi grâce à l'incidence de mesures législatives comme l'élargissement de l'assiette « revenus fonciers » intervenue dans le cadre de la réforme de l'impôt sur le revenu.
- la baisse des transferts provenant du FSV
Ces transferts sont en grande partie liés à l'évolution du chômage. Du fait de la baisse de celui-ci, le montant des cotisations payées par le FSV à la Cnav au titre des chômeurs a diminué de 7,9 % pour s'établir à 7,1 milliards d'euros.
Au total, les transferts du FSV ont atteint 12,1 milliards d'euros en 2007, en baisse de 3,6 % par rapport à 2006.
2. Le creusement du déficit de la branche vieillesse
Les prestations vieillesse du régime général ont représenté 82,3 milliards d'euros en 2007, en augmentation de 6,1 % par rapport à 2006. Cette progression soutenue résulte de la conjonction de deux facteurs désormais bien connus :
- les effets du « baby-boom » avec l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre. Un seul chiffre permet de prendre la mesure de l'ampleur du choc démographique : le flux annuel des personnes atteignant soixante ans dans l'ensemble de la population française est passé de 500 000 environ pour les générations nées pendant la Seconde Guerre mondiale à 800 000 pour celles nées à partir de 1946 ;
- le succès de la mesure de retraite anticipée pour carrière longue , dont le nombre de bénéficiaires augmente encore en 2007, à hauteur de 8,4 %, pour atteindre 116 800. Ces départs anticipés représentent 15,4 % de l'ensemble des départs en retraite de 2007.
Ces évolutions se traduisent par une baisse de l'âge moyen de liquidation d'une pension à la Cnav qui a diminué de onze mois entre 2001 et 2007, passant de 62 ans à 61,1 ans. Or, cette baisse entraîne automatiquement une charge financière supplémentaire, liée au fait que les pensions sont versées plus tôt et le sont pour une période plus longue. La Cnav a évalué cette charge supplémentaire à 2,8 milliards d'euros en 2007.
3. Une alerte sur les dépenses d'assurance maladie
L'exécution de l'Ondam pour 2007 s'est caractérisée par le déclenchement, pour la première fois, de la procédure d'alerte, instituée par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, et prévue en cas d'évolution des dépenses d'assurance maladie incompatible avec le respect de l'Ondam.
Le 29 mai 2007, le comité d'alerte est intervenu pour signaler un risque de dépassement évalué à 2 milliards d'euros, portant sur le seul sous-objectif des dépenses de soins de ville. Cette estimation a été corrigée à la hausse lors de la réunion de septembre de la commission des comptes de la sécurité sociale, le dérapage des comptes étant alors estimé à 2,9 milliards.
La majeure partie de ce dépassement est imputable à la croissance des prescriptions médicales (honoraires des professionnels paramédicaux, médicaments, indemnités journalières) ainsi qu'à l'évolution des dépenses de transport sanitaire, toujours très dynamiques depuis plusieurs années. Ce phénomène a sans doute été accentué par l'épidémie de grippe de début d'année qui a significativement accru l'activité des médecins.
Conformément aux dispositions législatives, le déclenchement de la procédure d'alerte a entraîné la définition de mesures de redressement, présentées par les caisses nationales d'assurance maladie.
Le plan définitif, approuvé par le Gouvernement au mois de juillet 2007, comportait 1 225 millions d'euros d'économies. Il n'a pu produire que des effets encore limités cette année-là.
Finalement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a réévalué le montant de l'Ondam pour 2007 à 147,8 milliards , en augmentant de 3,1 milliards le sous-objectif soins de ville par rapport à son montant initial. L'Ondam a ainsi progressé de 4,2 % et les soins de ville de 4,6 %, soit la plus forte augmentation depuis 2003.
La Cour des comptes a accompli, pour la deuxième fois cette année, la mission de certification des comptes du régime général de la sécurité sociale qui lui a été confiée par la loi organique du 2 août 2005. Rappel des positions de la Cour sur les comptes 2006 En 2006, la Cour des comptes a certifié avec réserves les comptes de l'ensemble des branches et caisses nationales à l'exception de la branche famille et de la Cnaf . Pour ces dernières, elle a estimé qu'elle était dans l'impossibilité d'exprimer une opinion , en raison de l'ampleur des incertitudes pesant sur les comptes. Les positions de la Cour sur les comptes 2007 Dans son rapport, la Cour indique, à titre liminaire, qu'elle a constaté des progrès dans l'élaboration des comptes de chacune des caisses et de leurs réseaux. Toutefois elle estime que des efforts sont encore partout indispensables, notamment en matière de contrôle interne. Au terme de ses vérifications sur l'exercice 2007, la Cour a adopté trois séries de positions : - elle a refusé de certifier les comptes de la « branche » recouvrement et de l'Acoss : - elle a jugé à nouveau impossible de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf ; - elle a certifié avec réserves les comptes des branches maladie, AT-MP et retraite et des caisses nationales correspondantes. Le refus de certifier les comptes du recouvrement et de l'Acoss Cette position résulte de « trois désaccords avec l'Acoss et sa tutelle » dont l'impact total sur le résultat du régime général est évalué à 980 millions d'euros par la Cour. La Cour estime en effet que 640 millions d'euros (490 millions de CSG sur les revenus de placement et 150 millions de compensation des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires) ont été comptabilisés en 2007 alors qu'ils auraient dû figurer dans les comptes 2008. Par ailleurs, la correction comptable d'erreurs du passé aurait dû entraîner un accroissement du déficit du régime général de 340 millions d'euros. Au total, la Cour estime que si les écritures comptables avaient été régulières, le déficit du régime général aurait dû s'établir à 10,5 milliards d'euros en 2007 , soit un milliard de plus que les 9,5 milliards d'euros annoncés par le Gouvernement. L'impossibilité de certifier les comptes de la branche famille La Cour estime que les limitations relevées en 2006 « demeurent de même ampleur en 2007 ». En particulier, elle souligne à nouveau les déficiences générales du contrôle interne au sein de la branche famille et l'absence de fichier national des bénéficiaires de prestations (doubles paiements, indus, lacunes du contrôle des ressources, insuffisances du contrôle des droits ; quatre auditeurs seulement ont été recrutés pour un objectif de dix). La Cour ajoute deux nouveaux éléments cette année : - une sous-estimation d'au moins 330 millions d'euros des charges à payer et provisions de gestion technique sur lesquelles la Cour observe que « les recommandations antérieures n'ont pas été suivies d'effet » ; - une incertitude globale liée à des « constats très défavorables » sur l'ensemble des charges de l'action sociale (qui représentent 3,5 milliards d'euros). Les principales réserves sur les autres branches Sur la branche maladie et les comptes de la Cnam, la Cour a émis neuf réserves concernant en particulier les versements aux hôpitaux pour les derniers mois de l'année 2007 (calculés par le ministère de la santé sur une base qui lui est propre et relativement incertaine), les règlements aux établissements et services médico-sociaux (affectés de grandes insuffisances en matière de contrôle interne), le manque de fiabilité des données relatives aux opérations des mutuelles. Pour la branche AT-MP , cinq réserves sont exprimées.
Sur
la branche retraite
, seules
quatre réserves
sont émises, la principale
tenant au fait que certaines erreurs relatives à l'application des
règles de droit pour le calcul des prestations légales
d'assurance vieillesse ne sont que partiellement évaluées.
|
* 1 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.