e) S'interroger sur l'évolution du rôle de la CNSA
La question de la gouvernance et de l'efficacité des dépenses publiques conduit également à s'interroger sur l'évolution du rôle de la CNSA. D'un point de vue opérationnel, cet organisme fait en effet largement doublon avec les administrations centrales, tout en exerçant de plus en plus fréquemment un rôle d'intermédiaire auprès des départements. Or, au niveau local, les conseils généraux ne savent plus très bien qui représente l'Etat et se demandent s'il s'agit de la CNSA, des Drass ou des Ddass. La situation actuelle nécessite donc une clarification. Dans son rapport annuel 2007, la CNSA revendique d'ailleurs pour elle-même 165 ( * ) :
- la possibilité d'exercer une mission « d'appui à la qualité du service » auprès des conseils généraux, y compris dans le domaine de l'aide apportée aux personnes âgées ;
- mais aussi, un rôle accru - sous forme d'un pouvoir de proposition - dans la détermination des critères de péréquation pour l'attribution des dotations et leur répartition entre les départements ;
- le pilotage des crédits de l'Ondam et de la gestion du risque sur l'enveloppe soins.
Le rapport d'Hélène Gisserot recommandait d'ailleurs lui aussi de confier à la CNSA un pouvoir réglementaire délégué 166 ( * ) important en ce qui concerne les grilles d'entrée dans l'Apa, les barèmes de la prestation, la revalorisation de ses plafonds et la définition de ses critères de péréquation.
De telles perspectives aboutiraient à placer l'Etat dans un rôle de stratège et non plus de gestionnaire, tout en posant la question de la répartition des pouvoirs avec le législateur et les conseils généraux.
Il est toutefois incontestable que la CNSA doit prendre toute sa place comme agence nationale chargée du cinquième risque, ce qui suppose, au minimum, que les zones de friction existant avec les administrations centrales sur ce champ de compétences soient réduites.
f) Répondre au problème des retards pris par les mises en chantier et les créations de nouvelles places
La pénurie de places en Ehpad a été évoquée à de nombreuses reprises lors des travaux de la mission. Ce problème conduit à s'interroger sur les retards considérables pris par les mises en chantier.
De fait, la création des établissements publics ou privés accueillant des personnes âgées obéit à une procédure relativement lourde subordonnée à une autorisation délivrée pour une durée de quinze ans (article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles), après avis du comité régional de l'organisation sociale et médicosociale (Crosm). Cette autorisation est accordée si le projet répond aux conditions énumérées dans le cadre de l'article L. 313-3 du même code 167 ( * ) :
- par le président du conseil général, lorsque les prestations dispensées par l'établissement sont susceptibles d'être prises en charge par l'aide sociale départementale ;
- par l'autorité compétente de l'Etat, dans le cas où les prestations versées peuvent être prises en charge par l'Etat ou l'assurance maladie ;
- conjointement par l'autorité compétente de l'Etat et le président du conseil général lorsque ces prestations sont susceptibles d'être prises en charge pour partie par les organismes de sécurité sociale et pour partie par le département (article L. 313-3), ce qui est le cas des établissements médicalisés d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
L'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale est accordée aux établissements publics ou privés par le président du conseil général (article L. 313-8-1).
Devant la mission d'information, Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a particulièrement insisté sur la nécessité que les autorisations nouvelles accordées par les pouvoirs publics se traduisent par des créations effectives de places pour les usagers 168 ( * ) . Elle a précisé que le Gouvernement entend pour cela agir sur plusieurs leviers , en premier lieu, la mise en oeuvre d'enveloppes de financement anticipées et d'aides à l'investissement , délivrées par la CNSA.
Parallèlement, les pouvoirs publics souhaitent accélérer et améliorer la procédure d'autorisation des établissements et services médicosociaux, notamment en revoyant le rôle des Crosms. L'objectif consiste à mettre en place une procédure « d' appels à projets permettant de faire émerger des solutions innovantes » . Le Gouvernement réfléchit aussi à la conception d'un cadre pluriannuel d'autorisation qui fait aujourd'hui défaut.
Ces nouvelles procédures apparaissent d'autant plus nécessaires que les modalités actuelles d'instruction des dossiers de création de structures d'hébergement aboutissent fréquemment à des résultats paradoxaux. De fait, les propositions tendant à ouvrir des places supplémentaires sont réalisées à l'initiative des opérateurs. Il existe de nombreux cas de figure possibles. L'adéquation spontanée de l'offre à la demande de la population n'est pas garantie. D'où l'idée d'inverser la démarche en confiant aux personnes morales de droit public le soin de procéder par un mécanisme d'appels à projets permettant de s'assurer que leurs besoins seront pris en compte.
Par ailleurs, chaque proposition formulée par un opérateur fait l'objet d'un examen approfondi de la part des services de l'Etat. Or, beaucoup de ces projets sont « mal ficelés ». Des moyens administratifs importants sont donc mobilisés en pure perte. Lorsqu'une autorisation de création est accordée, le bénéficiaire dispose d'un délai de trois ans. Une « course contre la montre » est alors lancée pour rassembler les financements publics et privés nécessaires, recruter les personnels et mener à bien les travaux. Les enveloppes de financement anticipées accordées avant l'ouverture des locaux, ainsi que les aides à l'investissement ont précisément pour objet de limiter au maximum les risques d'échec.
* 165 Rapport annuel 2007 - CNSA - pages 91 et 92.
* 166 « Perspectives financières de la dépendance des personnes âgées à l'horizon 2025 : Prévisions et marges de choix » - Hélène Gisserot - op. cité - page 84.
* 167 Compatibilité avec le schéma d'organisation sociale et médicosociale dont il relève, respect des règles d'organisation et de fonctionnement, coût de fonctionnement « pas hors de proportion avec le service rendu » et compatible avec le montant des dotations publiques.
* 168 Audition du 28 mai 2008.