B. AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ÂGÉES EN PERTE D'AUTONOMIE
Depuis la fin des années 1990, la situation des personnes âgées dépendantes a fait l'objet d'un effort croissant de la part de la puissance publique. Toutefois, compte tenu de l'ampleur des besoins à satisfaire, la nécessité de poursuivre cet effort fait l'objet d'un consensus général. C'est tout l'enjeu du plan Solidarité-Grand Age.
Jusqu'où faut-il avancer dans la satisfaction des besoins ? De ce point de vue, la notion de convergence entre handicap et dépendance, posée par la loi du 11 février 2005, si elle est en grande partie justifiée, a néanmoins suscité des ambigüités qui n'ont pas été levées.
La situation des personnes dépendantes ne saurait également faire l'impasse sur le douloureux sujet de la maltraitance sur lequel le Sénat s'était penché en 2003 et pour lequel sa commission d'enquête avait émis des propositions 118 ( * ) .
D'une façon générale, l'évolution du coût de la prise en charge de la dépendance pourrait dépendre davantage des arbitrages qui seront réalisés sur le niveau qualitatif de l'offre que du vieillissement de la population. Selon les propos formulés par Hélène Gisserot devant la mission 119 ( * ) , les facteurs démographiques, d'une part, les choix politiques effectués par les pouvoirs publics, d'autre part, devraient entrer, à l'horizon 2025, respectivement pour un tiers et pour deux tiers dans la progression attendue des dépenses par rapport à leur niveau actuel.
1. L'analyse du centre d'analyse stratégique
Le rapport du centre d'analyse stratégique (Cas), intitulé « Personnes âgées dépendantes : bâtir le scénario du libre choix », a constitué la principale base de réflexion préalable à la mise en place du plan Solidarité-Grand Age, qui court jusqu'en 2012. L'approche du rapport du Cas était articulée autour de plusieurs principes, en particulier :
- le maintien, dans un premier temps, d'un effort soutenu de rattrapage par la création de places en établissement, suivi d'un effort vigoureux destiné à améliorer l'accueil à domicile ;
- le ciblage accru des dispositifs de solvabilisation publics en faveur des personnes les plus fragiles et la nécessité d'une répartition équitable des coûts entre les financeurs publics et les usagers ;
- la création d'outils de régulation innovants en vue de favoriser la performance et une meilleure allocation territoriale des dispositifs de prise en charge de la dépendance.
a) L'effort de médicalisation des établissements
Les résidents accueillis en Ehpad sont de plus en plus âgés et dépendants, puisqu'ils avaient soixante dix-neuf ans et deux mois en moyenne à leur entrée en institution au moment de la rédaction du rapport du Cas. Cette tendance, qui s'est aggravée au cours des vingt dernières années, s'est d'ailleurs accentuée depuis la rédaction du rapport. A ce titre, le centre d'analyse stratégique proposait :
- que les personnes très dépendantes, classées dans les groupes iso-ressources 1 et 2, soient, dans une très large proportion (deux-tiers), accueillies en institution ;
- que celles moyennement dépendantes (Gir 3 et 4) continuent de préférence à vivre à leur domicile ;
- tandis que les personnes faiblement dépendantes (Gir 5 et 6) n'auraient pas vocation à être hébergées en établissement.
Le centre d'analyse stratégique recommandait en conséquence de mener un effort soutenu de création de places en établissement (passage de 642 000 fin 2003 à 680 000 en 2010), puis de stabiliser leur nombre global à ce niveau 120 ( * ) .
Parallèlement, les capacités des unités de soins de longue durée (USLD) et surtout des foyers peu médicalisés devaient être réduites. Une fois accompli ce mouvement de restructuration, il s'agissait ensuite d'orienter, dans un second temps, l'effort en direction de l'accueil à domicile, par le biais notamment d'une très forte augmentation du nombre de places d'accueil temporaire, qui devait passer de 9 260 en 2003 à 68 000 en 2025, et du développement des services de soins infirmiers à domicile (229 000 places en 2025 contre 90 000 environ en 2006).
Les perspectives d'évolution du nombre de places en établissement d'hébergement selon le Cas |
||||
Situation estimée
|
2010 |
2015 |
2025 |
|
Logements foyers et autres formules d'accueil peu médicalisées |
148 890 |
110 000 |
110 000 |
110 000 |
Ehpad (hors USLD) |
407 430 |
460 000 |
442 000 |
432 000 |
USLD |
76 420 |
70 000 |
70 000 |
70 000 |
Accueil temporaire |
9 260 |
40 000 |
58 000 |
68 000 |
Total |
642 000 |
680 000 |
680 000 |
680 000 |
Source : calculs du centre d'analyse stratégique |
Cette démarche « volontariste » 121 ( * ) supposait non seulement de poursuivre la modernisation et la médicalisation des Ehpad, mais également de revoir l'architecture générale de l'hébergement en institution. Pour être menée à son terme, une telle réorganisation nécessitait aussi une forte volonté politique, ainsi qu'une révision des schémas gérontologiques. Les importants retards accumulés au cours des dix années précédentes par le processus de conventionnement des Ehpad pouvaient d'ailleurs faire douter de la capacité à relever le défi.
* 118 « Maltraitance envers les personnes handicapées : briser la loi du silence » - rapport de commission d'enquête n° 339 (2002-2003) - Jean-Marc Juilhard (rapporteur), Paul Blanc (président).
* 119 Audition du 16 janvier 2008.
* 120 Il convient au passage de noter que ces données diffèrent quelque peu de celles publiées par la Drees pour la même année. Le Cas ne disposait en effet que de données provisoires au moment d'élaborer son rapport.
* 121 « Perspectives financières de la dépendance des personnes âgées à l'horizon 2025 : Prévisions et marges de choix » - Hélène Gisserot - op. cité - page 30.