2. Intensité et persistance de la pauvreté monétaire
a) L'intensité de la pauvreté monétaire
L'évolution des taux de pauvreté monétaire doit être analysée parallèlement à celle de l'intensité de la pauvreté monétaire , c'est-à-dire au regard de la distribution des revenus à l'intérieur de la catégorie des individus considérés comme « pauvres ». La pauvreté recouvre vraisemblablement des réalités très différentes selon que les individus considérés ont un niveau de vie plus ou moins proche du seuil.
Les indicateurs d'intensité de la pauvreté mesurent l'écart entre le revenu médian (ou moyen) des ménages pauvres et le seuil de pauvreté à 60 % de la médiane.
Il est exprimé en pourcentage du seuil de pauvreté. Plus ce chiffre est élevé, plus le revenu médian (ou moyen) des personnes pauvres est éloigné du seuil de pauvreté. L'indicateur privilégié par l'ONPES est l'intensité en termes d'écart relatif au revenu médian des personnes pauvres, cet indicateur figurant également au nombre des indicateurs centraux européens (cf. infra ).
Le graphe ci-dessous montre qu'après une diminution régulière de l'intensité de la pauvreté entre 1996 et 2002, celle-ci est significativement remontée, notamment en 2003 . L'intensité de la pauvreté a quasiment rejoint en 2005 son niveau de 1996.
Ceci signifie qu'entre 1996 et 2002, le niveau de vie médian de la population pauvre s'est rapproché du seuil de pauvreté à 60 % : l'écart était d'environ 16 % en 2002, contre 18 % en 1996. Sur la période 2002-2005, cet écart tend à revenir à 18 %.
L'évolution de l'intensité de la pauvreté depuis 1996 (en %)
Note : une rupture de série s'est produite en 2002 (cf. supra).
L'intensité de la pauvreté mesure l'écart entre le seuil de pauvreté et le niveau de vie médian des personnes pauvres, en pourcentage du seuil de pauvreté.
Champ : individus appartenant à des ménages dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n'est ni étudiante ni militaire du contingent.
La faible croissance du PIB en volume depuis 2001 s'est donc accompagnée d'une stagnation du taux de pauvreté (cf. supra ) et d'une augmentation de son intensité. Cette tendance n'a pas été modifiée par l'amélioration de la conjoncture en 2004 (avec une croissance du PIB de +2,5 %). Elle s'est confirmée en 2005, année qui voit tant le taux que l'intensité de la pauvreté stagner, dans le contexte d'une croissance économique à 1,7 %.
b) La persistance de la pauvreté monétaire
Le phénomène de pauvreté est d'autant plus pénalisant qu'il s'inscrit dans la durée, engendrant des processus cumulatifs d'exclusion. Il est utile de savoir si la pauvreté est un phénomène transitoire ou au contraire un phénomène structurel , car ces diagnostics appellent des politiques distinctes.
L'indicateur de persistance de la pauvreté permet de connaître la part des individus ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté pendant plusieurs années, par exemple (par convention au niveau européen) pendant l'année courante et deux des trois années précédentes. L'emploi d'un tel indicateur est recommandé tant au niveau national, par le groupe de travail du CNIS sur les niveaux de vie et les inégalités sociales, qu'à l'échelle européenne, dans le cadre des « indicateurs de Laeken » (cf. infra ).
Toutefois, l'indicateur de persistance de la pauvreté n'est pas à ce jour calculable en France . Il nécessite un suivi longitudinal des personnes pauvres sur au moins quatre années. Or un tel suivi a été interrompu suite à la suppression du panel communautaire des ménages, utilisé de 1994 à 2001 par Eurostat. De 1997 à 2000, le taux de persistance de la pauvreté était estimé en France entre 8 % (en 1998) et 9 % (en 1997, 1999 et 2000).
Ce panel a été remplacé par les Statistiques communautaires sur le revenu et les conditions de vie (EU-SILC) , projet qui a démarré en 2003 suite à un règlement cadre du Parlement européen et du Conseil (n° 1177/2003). En conséquence, l'INSEE a mis en place en 2004 un panel, dans le cadre d'enquêtes dites SRCV (statistiques sur les ressources et les conditions de vie des ménages). Le panel sur les ressources et conditions de vie, partie française du système de statistiques communautaires (SILC), compte environ 12.000 ménages interrogés sur leur revenu, leur situation financière et leurs conditions de vie. Ce dispositif complète les anciennes enquêtes permanentes sur les conditions de vie (1996-2004), qui n'étaient pas panélisées.
Les résultats obtenus dans le cadre des enquêtes SILC n'étant pas comparables à ceux de l'ancien panel européen, on ne dispose pas pour le moment d'un recul suffisant pour calculer la persistance de la pauvreté. Cette lacune sera comblée en 2008, lorsque les données de quatre années (2004-2007) auront été collectées dans le cadre du nouveau dispositif.