D. RÉFORMER LE SYSTÈME DES MINIMA SOCIAUX POUR LE RENDRE PLUS EFFICACE, PLUS LISIBLE, PLUS ÉQUITABLE ET UNIVERSEL

1. Créer les conditions du succès du RSA généralisé

On l'a vu précédemment, le principe du RSA suscite l'intérêt et l'adhésion du plus grand nombre , car il répond aux préoccupations de réduire la pauvreté, de simplifier notre système de solidarité nationale et de le rendre plus lisible pour les concitoyens mais aussi de le rendre plus incitatif à la reprise d'activité. Aussi, la mission est-elle favorable à terme à sa généralisation.

Toutefois, les nombreuses réserves exprimées au sujet de la généralisation du RSA par les interlocuteurs de la mission la conduisent, au regard des enjeux sociaux et financiers d'une telle réforme, à recommander la poursuite des expérimentations engagées par les départements , afin d'en retirer tous les enseignements et de mieux appréhender les différentes options retenues par les conseils généraux, notamment concernant le barème du RSA et les mesures d'accompagnement mises en oeuvre.

Il convient donc de créer les conditions du succès du RSA en se laissant le temps de l'expérimentation et de l'évaluation.

Notre système de solidarité nationale a trop longtemps souffert de la mise en place précipitée de dispositifs successifs , politiquement visibles, mais sans souci de cohérence et d'efficacité sur le long terme .

Ce temps supplémentaire permettrait notamment :

- d'approfondir notre connaissance des aides et droits accordés localement par les collectivités territoriales et qui doivent faire l'objet d'un inventaire précis et d'une étude d'impact sur le niveau de vie de nos concitoyens . Il apparaît en effet indispensable de simplifier notre système, d'en améliorer la lisibilité et l'équité en harmonisant, sur l'ensemble du territoire, les politiques d'aides sociales aux personnes les plus démunies. Cette harmonisation doit se faire dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales et sans brider les initiatives, qui sont à l'origine de nombreux progrès sociaux ;

- préparer dès maintenant l'extension du RSA aux travailleurs pauvres, en évaluant mieux l'impact que son versement pourrait avoir sur la qualité des emplois des personnes bénéficiaires. L'avis rendu par le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) invite à la plus grande prudence sur les risques de précarisation des emplois qui pourraient en résulter, notamment par la légitimation des activités à temps partiel subi 116 ( * ) . Il s'agit en effet d'étudier de façon plus approfondie les propositions faites par le COE 117 ( * ) pour encourager l'augmentation du temps de travail hebdomadaire et favoriser l'emploi à temps plein ;

- de reconsidérer le coût global du dispositif et la répartition des moyens disponibles : on peut en effet craindre que le niveau relativement élevé du RSA crée des « trappes à inactivité » ou, en cas de reprise d'activité, des « trappes à précarité ». Ce phénomène pourrait d'ailleurs être amplifié par le recentrage de la PPE au détriment des personnes disposant de faibles revenus. La mission émet les plus vives réserves quant au redéploiement de la manne financière que représente la PPE, et qui devrait pénaliser de nombreux ménages modestes, au premier rang desquels les jeunes de moins de 25 ans ou les femmes exerçant une activité et vivant en couple sans enfants ;

- de clarifier les responsabilités de l'Etat et des départements ainsi que les charges financières afférentes, par l'établissement d'un pacte de confiance ;

- d'envisager un redéploiement des moyens consacrés au financement du RSA vers l'accompagnement et l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi, peu prises en compte dans le dispositif actuel.

La mission tient à rappeler l'objectif que s'est fixé le Gouvernement de faire reculer la pauvreté en cinq ans. Si elle approuve cet objectif, elle considère qu 'il serait socialement dangereux de réduire les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion à des objectifs exclusivement quantitatifs et de court terme .

En effet, le succès des politiques mises en oeuvre dans ce domaine ne peut être évalué que sur le long terme, lorsque l'insertion des individus s'inscrit dans la durée, grâce à la création de conditions de vie qui en garantissent la pérennité.

A cet égard, la fixation d'un objectif quantitatif de court terme tend à privilégier l'orientation de l'argent public et des moyens d'accompagnement sur les personnes les plus facilement employables, le risque étant de reléguer au second rang les « grands exclus », qui devraient pourtant faire l'objet d'une attention particulière.

* 116 Audition du COE du 27 mai 2008.

* 117 Avis du 21 mai 2008 sur les conditions de la réussite du revenu de solidarité active (RSA) : progressivité du taux de cumul du RSA et du salaire corrélativement à l'augmentation du temps de travail ; création d'un « RSA à deux étages », avec une part de la prestation qui serait versée sans limitation de durée et une part temporaire liée à la reprise d'emploi ; conditionner les allégements de charges des entreprises à la à la conclusion d'accords d'entreprise ou de branche relatifs au temps partiel.

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