2. L'acte II de la décentralisation
a) La décentralisation du RMI par la loi de 2003
La question de la décentralisation du revenu minimum d'insertion s'est posée dès l'instauration du dispositif puis de manière récurrente, la hausse continue du nombre d'allocataires démontrant l'échec relatif des actions d'insertion professionnelle et la nécessité de réformer le dispositif existant. Cette réforme n'a cependant eu lieu qu'à l'occasion de «l'acte II » de la décentralisation.
La loi de 2003 portant décentralisation du RMI 206 ( * ) préserve ainsi le caractère national de la prestation et de son montant, mais décentralise sa gestion :
- le financement du dispositif est transféré aux départements;
- le co-pilotage de l'insertion entre l'État et le département, par le biais du CDI et des CLI, est supprimé au profit du président du conseil général . Le CDI, parfois critiqué pour n'avoir pas su mettre en place une véritable stratégie d'insertion au niveau départemental, est ainsi désormais présidé par le seul président du conseil général et n'a plus qu'un rôle consultatif, le PDI étant désormais adopté directement par le conseil général;
- l'autorité du conseil général sur les commissions locales d'insertion (CLI) est renforcée , le législateur ayant considéré que les CLI avaient parfois privilégié leurs compétences en matière de contrat d'insertion au détriment de l'élaboration de l'offre d'insertion. La loi de 2003 recentre ainsi l'activité des CLI sur la connaissance des besoins locaux en matière d'insertion et sur la construction de l'offre d'insertion ;
- les décisions individuelles concernant le droit à l'allocation sont désormais de la compétence du président du conseil général et la CLI ne donne plus son avis que sur les suspensions du versement de l'allocation ;
- si les CLI élaborent toujours le programme local d'insertion (PLI) qui définit les orientations d'insertion locales, recense les moyens correspondants et prévoit les actions d'insertion, il s'agit uniquement de propositions qui doivent être approuvées par le président du conseil général ;
- la loi donne aux départements la possibilité d'organiser librement le dispositif d'instruction des demandes d'allocation . Le département peut ainsi ouvrir aux CAF et aux caisses de MSA volontaires, à travers des procédures d'agrément, la possibilité d'instruire les demandes de RMI, et/ou leur déléguer certaines décisions individuelles relatives à l'allocation. Le département est désormais obligé de désigner un référent pour chaque allocataire, qui sera chargé de son suivi tout au cours du processus d'insertion ;
- enfin, après des débats très vifs, le Sénat a réussi à imposer la suppression de la clause de 17 % des dépenses d'allocations attribuées à l'insertion. Selon le président Michel Mercier, lors de l'examen de la loi, « il faut faire confiance aux collectivités territoriales et leur laisser une certaine liberté quitte, ensuite, évaluer et, éventuellement, à corriger leur action ».
b) La loi du 13 août 2004 : le département « chef de file » de l'action sociale
Le transfert du RMI représente le noyau de la décentralisation de l'action sociale mais ne constitue encore qu'une mesure particulière et limitée. L'article 49 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales va plus loin en affirmant le rôle de chef de file au sens de l'article 72 de la Constitution du département en matière sociale :
« Le département définit et met en oeuvre la politique d'action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l'Etat, aux autres collectivités territoriales ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale. Il coordonne les actions menées sur son territoire qui y concourent ».
Cette nouvelle disposition fait du conseil général le chef de file de l'ensemble des politiques sociales . En effet, d'une part le terme d'action sociale doit être compris dans son acception la plus large, et non par opposition avec celui d'aide sociale, c'est-à-dire qu'il comprend à la fois les prestations obligatoires et les actions facultatives. D'autre part le Sénat a élargi le rôle de coordination du département à l'ensemble des actions entreprises en matière sociale , et non, comme le prévoyait la rédaction initiale, aux seules actions menées en matière de prévention et de lutte contre les exclusions.
Dans le même esprit, la loi de 2004 transfère en outre aux départements :
- le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) 207 ( * ) chargé d'accorder des aides financières aux personnes dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations financières locatives, tout en le maintenant au sein du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) co-élaboré par l'État et par le département;
- le Fonds d'aide aux jeunes (FAJ) 208 ( * ) , auparavant cogéré et cofinancé par l'Etat et le département, et qui peut attribuer des aides aux jeunes en difficulté ;
- la compétence de planification en matière sociale. Le conseil général adopte en effet, après consultation du préfet, le schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale qui dresse le bilan de l'offre sociale, définit les orientations nouvelles et recherche la cohérence des équipements.
c) La décentralisation de la formation professionnelle au profit des régions
L'Etat a également transféré aux régions certaines compétences nécessaires aux politiques de lutte conte l'exclusion.
La loi du 7 janvier 1983 a confié à la région une compétence générale en matière de formation professionnelle et d'apprentissage, renforcée par des lois successives 209 ( * ) . Cependant, le rôle de l'Etat est resté prédominant du fait de ses compétences en matière d'orientations prioritaires, de contenu des formations, de filières, de diplômes, d'actions de formation relevant de la solidarité nationale (détenus, handicapés), ainsi que du fait de sa tutelle sur l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).
La loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a cependant accru de manière importante les compétences des régions en matière de formation professionnelle, leur donnant ainsi davantage d'instruments pour participer aux politiques d'insertion professionnelle .
En effet, les régions deviennent pleinement responsables de l'organisation des actions de formation professionnelle des demandeurs d'emploi ainsi que pour les jeunes de moins de 26 ans rencontrant de grandes difficultés d'insertion professionnelle .
Par ailleurs, la loi prévoit le transfert, au plus tard au 31 décembre 2008 (à la demande des régions, ce transfert n'interviendra finalement pas avant le 31 décembre 2009), de la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement de l'AFPA.
Les régions doivent en outre désormais organiser et coordonner, en concertation avec l'Etat et les partenaires sociaux, l'ensemble de l'offre de formation grâce au Plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes et des adultes (PRDFP) ainsi que le réseau des centres d'information et de conseil sur la validation des acquis de l'expérience (VAE). La loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005 instaure enfin un contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat, les régions et les organismes de formation, afin de développer l'apprentissage.
Par ailleurs, les actions des régions en matière d'insertion peuvent aussi s'appuyer sur leurs compétences d'aménagement du territoire, de planification économique et d'aides aux entreprises, renforcées par la loi du 13 août 2004, ainsi que sur leurs compétences en matière de politiques des transports régionaux.
* 206 Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité
* 207 Créé par la loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.
* 208 Créé par la loi 89-905 du 19 décembre 1989.
* 209 Loi du 23 juillet 1987 portant réforme de l'apprentissage, loi du 20 décembre 1993 relative à l'emploi et à la formation professionnelle, loi du 6 mai 1996 portant réforme de l'apprentissage, loi du 17 janvier 2002 relative à la modernisation sociale.