B. LES DÉPENSES PUBLIQUES ADJUVANT MAJEUR DE LA CROISSANCE ?
Les modèles explicatifs de la croissance économique ne sont pas parvenus à rendre compte avec une suffisante précision des ressorts de la croissance, faisant ressortir l'existence d'une variable essentielle mais inexpliquée, nommée « productivité globale des facteurs ».
Les essais d'identification de cette productivité ont débouché sur plusieurs travaux, à la base de la théorie dite de « la croissance endogène » ( par opposition à la théorie traditionnelle qui l'attribuait à des facteurs exogènes , essentiellement non maîtrisables), faisant ressortir le rôle des dépenses publiques sur la croissance .
Même si les preuves empiriques de cette nouvelle approche sont discutées, certains faits stylisés suggèrent qu'il convient aujourd'hui, plutôt que d'en écarter systématiquement l'utilité, de progresser sur la connaissance du lien entre dépenses publiques et croissance économique.
1. L'échec des modèles classiques de croissance a débouché sur la consécration du rôle des dépenses publiques dans le rythme de la croissance
La croissance économique potentielle est expliquée dans les modèles classiques 64 ( * ) par la combinaison quantitative des facteurs travail et capital. Le taux de croissance est le produit du taux de croissance du travail et du capital à quoi s'ajoutent les gains de productivité globale des facteurs .
Celle-ci représente un résidu mesuré à partir des variations quantitatives des facteurs de production que sont le travail et le capital, mais qui n'est pas observé. N'étant pas observé, ce résidu est resté longtemps inexpliqué et, par conséquent, attribué à des événements aléatoires sur lesquels la maîtrise manque. Cette approche consacre la dimension en partie exogène de la croissance économique , résultat d'une causalité indéterminable et par conséquent sans utilité pour la politique économique. Ce résultat est apparu d'autant plus décevant que la productivité globale des facteurs a pu être rendue responsable d'une proportion considérable de la croissance économique, l'augmentation des quantités de travail et de capital étant loin de pouvoir rendre compte de la croissance réellement observée.
Face à la résignation manifestée par les résultats de cette approche exogène de la croissance économique , des tentatives d' endogénéisation 65 ( * ) de la productivité globale des facteurs sont apparues avec un certain retard puisqu'elles datent de la moitié des années 80 66 ( * ) .
Dans ces travaux, la productivité globale des facteurs ressort comme étroitement déterminée par les politiques publiques et, notamment, par les dépenses publiques . Les dépenses publiques productives peuvent augmenter non seulement le niveau de la production mais encore le rythme de croissance de l'économie.
Les mécanismes en cause relèvent fondamentalement de l'idée que les dépenses publiques permettent de produire des biens que le marché n'engendrerait pas ou pas suffisamment parce qu'il est impossible à un agent privé d'en rentabiliser la production.
Tel est le cas pour les biens publics ou les externalités que des domaines comme l'éducation ou la recherche caractérisent tout particulièrement.
On remarque que ces activités sont a priori à la base de progrès d'efficacité en produisant, en particulier, des innovations de produits ou de procédés qui permettent de démultiplier les effets de l'augmentation quantitative des facteurs de production sur la croissance économique 67 ( * ) .
* 64 En particulier, dans le modèle de Solow.
* 65 L'endogénéisation consiste à sortir de l'idée que la productivité ne peut s'expliquer pour la relier à des variables économiques identifiables.
* 66 Romer (1986, 1990), Lucas (1988), Barro (1990), Rebelo (1991).
* 67 Une grande partie de la « Stratégie de Lisbonne » européenne repose sur ces analyses.