(a) La finalité des taxes spécifiques
Outre leur intérêt pour accroître les recettes de l'assurance maladie, ces taxes répondent à trois grandes finalités, pour reprendre la grille d'analyse proposée par la direction de la sécurité sociale (DSS) 59 ( * ) :
- certaines de ces taxes découlent d'une stratégie d'orientation des comportements dans un sens vertueux pour les comptes publics . C'est notamment le cas de la taxe sur les dépenses de promotion engagées par les laboratoires, qui exercent un effet sur la prescription et, in fine , la consommation, sans qu'il y ait toujours une réelle justification de santé publique ;
La contribution sur les dépenses de publicité ? En application des articles L. 245-1 à L. 245-5-1-A du code de la sécurité sociale, cette contribution, dont le produit est affecté à la CNAMTS et à la HAS, est due par les laboratoires dont le chiffre d'affaires dépasse 15 millions d'euros. La contribution est assise sur les frais de prospection et d'information des praticiens (rémunération des visiteurs médicaux auprès des médecins de ville et des établissements de santé ; remboursement des frais de transport, de repas ou d'hébergement de ces visiteurs ; frais de publication et d'achat d'espaces publicitaires, à l'exception de la presse médicale spécialisée). L'assiette de la contribution fait l'objet d'un abattement. Le taux de la contribution due par chaque entreprise est calculé selon un barème progressif, comprenant quatre tranches. ? Cette contribution est fortement contestée par l'industrie. Le LEEM a ainsi indiqué à votre rapporteur spécial que « son intérêt n'apparaît plus aujourd'hui manifeste dans la mesure où les dépenses promotionnelles sont encadrées par une charte de la visite médicale en ville (...) élaborée par la HAS et appliquée par le Comité économique des produits de santé ». En outre, il note que cette contribution « est de fait devenue une taxe sur l'emploi de visiteur médical injustifiée depuis la conclusion de la charte de la visite médicale, sa mise en oeuvre et les sanctions de son inobservation. Cette pénalité sur l'emploi est lourde : plus de 1 % du chiffre d'affaires, près de 10 % des dépenses de promotion. Sa non déductibilité n'est pas comprise. Son apport à la régulation n'est plus déterminant au regard des autres taxes, redevances ou remises, ou au regard de l'impact des politiques de prix ou de définition des génériques. Son illisibilité de taxe complexe et non déductible sur l'emploi de visiteur médical pose aujourd'hui, dans une perspective d'attractivité de la France y compris par une simplification de sa fiscalité, le problème de sa pure et simple suppression ». ? Un récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales 60 ( * ) va à l'encontre de cette vision . Il note ainsi que « l'industrie pharmaceutique, à travers l'importance des moyens qu'elle déploie pour la promotion [des médicaments], est un acteur prééminent dans le dispositif d'information des médecins. Elle y consacre au moins 3 milliards d'euros, aux trois-quarts sous la forme de la visite médicale, et encore cette estimation est-elle certainement sous-évaluée. L'information ainsi délivrée dans une perspective commerciale est affectée de biais structurels (sur-valorisation des produits promus, dévalorisation des produits anciens notamment dès lors qu'ils sont génériqués...). La mise en place récente d'une charte de la qualité de la visite médicale ne devrait pas corriger en profondeur ces déficiences . Les médecins, conscients de ces biais, accordent peu de crédibilité à la visite médicale mais restent majoritairement attachés à ce mode d'information pratique, adapté à leurs besoins et gratuit. Malgré le recul critique des médecins, la visite médicale a eu une influence certaine sur les prescriptions . (...) Si cette influence peut être bénéfique lorsque les objectifs commerciaux (expansion de la prescription) sont congruents avec les exigences du bon usage, cette congruence est loin d'être systématique. Enfin, la visite médicale, financée en fait par la collectivité à travers les prix administrés du médicament, s'avère un moyen très coûteux d'apporter de l'information aux généralistes : plus de 25.000 euros par médecin généraliste et par an ». L'IGAS estime ainsi qu'« une action plus vigoureuse des pouvoirs publics en matière de production et de diffusion de l'information sur le médicament doit s'accompagner d'une régulation du volume de l'effort promotionnel des laboratoires . Il serait aberrant pour les finances publiques que les institutions publiques soient conduites à déployer des moyens importants, simplement pour faire contrepoids aux initiatives de l'industrie pharmaceutique. Un désarmement commercial organisé est aussi dans l'intérêt des laboratoires. Il s'avère que l'on dispose des outils pour organiser ce désarmement à travers soit la taxe sur la promotion soit les objectifs quantitatifs par classe. Il appartient aux pouvoirs publics d'utiliser ces outils dans le cadre d'une politique clairement affichée : réduction progressive de moitié des dépenses de promotion ». |
- d'autres permettent d'assurer une forme de sanction plus rapide que la mise en oeuvre de baisses de prix ou de marges en cas de non respect de certains engagements : c'est notamment le but de la contribution sur le chiffre d'affaires ;
La contribution sur le chiffre d'affaires En application des articles L. 245-6 et L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale, cette contribution, dont le produit est affecté à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, est due par les entreprises assurant l'exploitation en France d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou des spécialités inscrites sur une liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités. Elle est assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer au cours d'une année civile au titre des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché. Le chiffre d'affaires concerné s'entend déduction faite des remises accordées par les entreprises. Cette contribution avait été instaurée, à titre exceptionnel, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, avec un taux fixé à 0,525 %. La loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a pérennisé ce dispositif et fixé le taux de la contribution à 0,6 %. A titre exceptionnel, ce taux a été fixé à 1,76 % pour la contribution due au titre du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année 2006. Il a été fixé, toujours à titre exceptionnel, à 1 % pour 2007 et 2008. Il convient de rappeler que l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 61 ( * ) prévoyait, initialement, de pérenniser ce taux de 1 %. A la suite de l'adoption, par l'Assemblée nationale, d'un amendement de notre collègue député Yves Bur, rapporteur pour l'équilibre général au nom de la commission des affaires sociales, le caractère « exceptionnel » du maintien à 1 % du taux de la contribution sur le chiffre d'affaires pour 2008 a été conservé. Source : commission des finances |
- enfin, certains dispositifs visent à inciter les industriels à s'engager dans une politique conventionnelle et à négocier des remises : c'est le cas de la clause de sauvegarde sur le chiffre d'affaires, dite « taux K » 62 ( * ) .
* 59 Réponse écrite au questionnaire de votre rapporteur spécial.
* 60 Pierre-Louis Bras, Pierre Ricordeau, Bernadette Roussille, Valérie Saintoyant, « L'information des médecins généralistes sur le médicament », rapport n° RM 2007-136P (septembre 2007).
* 61 L'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 visait à inscrire à l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale - qui fixe les règles applicables à la contribution - le taux de 1 %, ce qui serait revenu à pérenniser ce taux majoré.
* 62 La contribution dite « clause de sauvegarde » est due par les entreprises exploitant des médicaments remboursables, sauf lorsqu'elles sont engagées dans une démarche conventionnelle avec le comité économique du médicament. Elle est due lorsque la croissance du chiffre d'affaires des laboratoires qui n'ont pas signé de convention excède « le taux K », c'est-à-dire le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale. Le montant de la contribution est plafonné, pour chaque entreprise assujettie, à 10 % du chiffre d'affaires hors taxes.