II. LES PREMIERS ÉLÉMENTS DE DOCTRINE DE LA COMMISSION DES FINANCES
A. LE CHAMP DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CONCERNÉES
1. Les organismes publics ou parapublics couverts par l'article 40
a) Les administrations publiques
L'article 40 de la Constitution ne précise pas à proprement parler l'étendue de la sphère publique à laquelle s'appliquent les règles de la recevabilité financière. Mais, à tout le moins, la disposition vise les ressources publiques et les charges publiques. Elle s'applique donc au champ des administrations publiques, soit au-delà du seul Etat . Le champ des administrations publiques est, tout particulièrement en France, riche et protéiforme, et il convient donc de le définir avec précision.
Dans les travaux préparatoires de la Constitution du 4 octobre 1958, la commission constitutionnelle du Conseil d'Etat, interrogeant son rapporteur, lui a ainsi fait préciser que les charges publiques regroupaient « non seulement des dépenses de l'Etat et des dépenses budgétaires et de trésorerie mais également des charges pouvant incomber aux collectivités locales, aux organismes de Sécurité sociale, aux établissements publics, aux entreprises nationales ».
De la lettre de la Constitution et de l'esprit dans lequel le Constituant a rédigé l'article 40, qui ne vise donc pas les seules charges de l'Etat, il est possible de déduire que les charges publiques visées s'appliquent à l'ensemble des administrations publiques, définies de manière précise en comptabilité nationale . De façon cohérente, ces règles s'appliquent aux administrations qui entrent dans le calcul des déficits et de la dette publique , à savoir :
- l'Etat, qu'il s'agisse du budget général, d'un budget annexe, d'un compte spécial ou d'un fonds de concours ;
- les organismes divers d'administration centrale (ODAC) ;
- les collectivités territoriales (communes, départements, régions) au sens large, incluant ainsi les établissements publics de coopération intercommunale ;
- les administrations de sécurité sociale.
La catégorie des organismes divers d'administration centrale (ODAC) 8 ( * ) est assez diverse. Elle regroupe des organismes de statut juridique varié, souvent des établissements publics à caractère administratif , en général dotés de la personnalité juridique, auxquels l'Etat a confié une compétence fonctionnelle, spécialisée, au niveau national. Il existe plus de 700 organismes de ce type ; certains existent dans chaque académie (universités) ou chaque région.
La prise en considération de cette liste m'a ainsi conduit à déclarer l'irrecevabilité d'un amendement prévoyant l'allongement de la durée légale du congé maternité pour les salariées ayant eu deux enfants au moins, au regard de la charge qu'elle induisait pour les organismes sociaux . De même, par exemple, au titre des amendements visant les collectivités territoriales , j'ai pu déclarer irrecevable un amendement confiant aux régions une mission expérimentale visant à établir une carte régionale des formations professionnelles post-bac jusqu'au niveau licence. Enfin, j'ai dû aussi, par exemple, déclarer irrecevable un amendement créant une charge résultant de l'obligation de traduction des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), établissement public administratif .
b) L'interdiction de toute compensation entre catégories d'administrations publiques
Contrairement aux principes de la comptabilité nationale, qui retient une approche consolidée des finances publiques, le juge de la recevabilité financière ne peut autoriser de compensations entre les différentes administrations publiques entrant dans le champ de l'article 40 de la Constitution qui sont prises en compte catégorie par catégorie .
En effet, par rapport à l'article 14 de la Constitution de la IV ème République, et la loi dite « des maximas », qui autorisait le Parlement à compenser une augmentation de charge publique par une diminution des dépenses à due concurrence, la Constitution du 4 octobre 1958 a souhaité ôter aux parlementaires l'initiative de la dépense, en leur retirant toute possibilité de compensation en matière de dépense (cf. infra ).
c) Le champ géographique des administrations publiques
Les administrations publiques visées par l'article 40 sont celles se trouvant sur le territoire national, mais aussi celles pouvant se trouver à l'étranger. C'est en application de cette considération que j'ai pu prononcer l'irrecevabilité étendant la compétence territoriale du contrôleur général des lieux de privation de liberté au territoire de la République et dans des lieux de détention situés à l'étranger et placés sous le contrôle des autorités civiles et militaires 9 ( * ) .
* 8 Une liste indicative de ces organismes divers d'administration centrale figure sur le site internet de l'INSEE à l'adresse suivante :
http://www.insee.fr/fr/indicateur/cnat_annu/base_2000/secteurs_inst/ex/ODAC_simple.pdf.
* 9 Pour autant, en deuxième lecture, sur un amendement sensiblement différent, la jurisprudence de votre commission des finances a été affinée : les lieux placés sous le contrôle d'administrations françaises à l'étranger figurent bien dans le champ de l'article 40 de la Constitution, mais l'extension en cause ne prévoyant pas expressément de déplacements dans ces lieux, j'ai pu déclarer ce nouvel amendement recevable.