3. Le rôle de « conseil » de la commission des finances
Au total, la commission des finances n'a pas pour vocation de censurer les initiatives des sénateurs, mais d'assurer une sécurité juridique aux amendements venant en discussion en séance publique, avant leur examen éventuel par le Conseil constitutionnel.
Ainsi, l'information et les conseils qu'elle s'efforce de proposer aux auteurs d'amendements doivent permettre une meilleure compréhension des dispositions de l'article 40 de la Constitution , dont les clés d'application concrètes sont moins simples qu'il n'apparaît de prime abord. Cette vocation de conseil se traduit :
- d'une part, par la publication du présent rapport, premier recueil de jurisprudence portant sur les 4.000 premiers amendements parlementaires ayant fait l'objet de la nouvelle procédure ;
- d'autre part, par un « soutien technique » aux auteurs d'amendements, si nécessaire, pour leur permettre d'éviter avant et au moment de leur dépôt, l'écueil de l'irrecevabilité et leur permettre ainsi de faire discuter en séance publique leurs propositions, et de les faire voter.
Dans cet esprit, j'ai ainsi, sur une disposition relative au recours à des tests ADN pour les demandeurs de visa à des fins de regroupement familial, pu suggérer que la partie du dispositif visant à la prise en charge de ces tests par l'Etat, et non plus par les familles, ne soit pas intégrée au dispositif de l'amendement, car ceci l'aurait rendu irrecevable au regard de l'article 40, mais portée par le gouvernement par le biais d'un sous-amendement. La disposition a donc pu être votée telle que sous-amendée par le gouvernement.
Dans un même effort constructif, la commission des finances propose de manière systématique aux auteurs d'amendement prévoyant de créer ou d'étendre un crédit d'impôt, dispositif qui prévoit a priori une restitution au-delà de l'annulation de l'impôt dû, et qui est donc une dépense, d'ajouter une formule désormais standard 7 ( * ) :
« ...- Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »
Cette formule transforme le crédit d'impôt en réduction d'impôt : elle permet dès lors d'analyser le dispositif comme une perte de recettes, susceptible d'être gagée, et donc recevable au regard de l'article 40 de la Constitution, et non plus comme une source supplémentaire de dépense, irrecevable sur le plan financier. En cas d'accord politique avec le gouvernement, et si l'amendement est amené à être voté, il est loisible au gouvernement de sous-amender, en supprimant la formule additionnelle, et de rendre au dispositif sa vocation originelle de crédit d'impôt.
Le partage des rôles voulu par l'article 40 de la Constitution entre un Parlement doté du droit d'amendement, dont l'initiative mérite d'être la plus étendue possible, et un gouvernement auquel il revient seul en matière de dépenses de porter la responsabilité éventuelle d'une aggravation des finances publiques apparaît respectée par ces formules de compromis . La commission des finances s'efforce de les proposer à chaque fois que cela est possible, dans le respect des intentions des auteurs d'amendements.
* 7 Au surplus, il convient également d'ajouter un gage qui peut être classiquement : « la perte de recettes pour l'Etat résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».