III. DES « ANOMALIES » À CORRIGER DANS LE DOMAINE PRIVÉ

Les efforts de modernisation de sa gestion immobilière déjà engagés, ou restant à l'être 20 ( * ) , par la Banque de France, devraient trouver à s'exercer avec le plus grand profit en ce qui concerne son domaine privé, qui comprend le parc locatif qu'elle exploite en tant que bailleur et les immeubles faisant l'objet d'une affectation à visée sociale. Dans ces deux secteurs, en effet, « l'état des lieux » qu'a pu dresser votre rapporteur spécial révèle divers excès ou insuffisances, des opacités ou des « étrangetés », hérités d'un passé plus ou moins lointain mais qu'il revient aujourd'hui à la Banque de France de s'employer à corriger .

A. L'EXPLOITATION DES IMMEUBLES LOCATIFS

Le parc locatif dont la Banque de France est propriétaire se compose pour l'essentiel d'immeubles d'habitation : logements et chambres de service représentent plus des trois quarts des contrats consentis en ce domaine, toute catégories confondues. Pour le reste, ce parc comprend principalement des garages ou parkings, ainsi que des locaux à usage commercial ou professionnel. Au mois d'avril 2008, il faisait l'objet d'un total de 1.364 contrats (baux d'habitation, commerciaux, professionnels ; prêts à usage, etc.).

Les contrats immobiliers consentis par la Banque de France (avril 2008)

Locaux

Contrats

Nombre

Part du total

Locaux d'habitation et assimilés

1.045

76,6 %

Logements

961

70,5 %

Chambres de service

33

2,4 %

Loges de gardiennage

32

2,3 %

Annexes aux loges

(principalement des chambres)

19

1,4 %

Autres locaux

319

23,4 %

Garages et parkings

189

13,9 %

Locaux commerciaux et professionnels

114

8,3 %

Locaux sociaux, associatifs et syndicaux

9

0,7 %

Locaux d'exploitation

(inclus dans des immeubles locatifs)

7

0,5 %

Total

1.364

100 %

Source : Banque de France

Le produit annuel de l'exploitation de ce patrimoine s'avère substantiel : en 2007, il a excédé, au total, 14,16 millions d'euros, dont les deux tiers (9,4 millions d'euros) sont des loyers perçus sur les immeubles d'habitation . Rapporté à des charges atteignant 3,08 millions d'euros 21 ( * ) , ce résultat représente un bénéfice net de 11,08 millions d'euros .

Le produit du parc locatif de la Banque de France (en 2007)

(en euros)

Postes

Produits

Loyers mis en recouvrement

- dont immeubles d'habitation

- dont autres (baux commerciaux, garages et parkings...)

12.241.000

9.403.000

2.838.000

Charges refacturées

1.900.000

Autres produits d'exploitation

3.000

Reprises sur provisions

19.000

Total

14.163.000

Source : Banque de France

Les logements ainsi offerts par la Banque de France appellent plus particulièrement l'attention, tant sur le plan de l'identité des locataires que sur celui du niveau des loyers.

1. Un parc d'habitation occupé à 12 % par des personnes extérieures au personnel

Les locaux d'habitation actuellement détenus par la Banque de France représentent près de 1.000 logements , en incluant les loges de gardiennage mais compte non tenu des simples chambres de service. Sur la base de 993 contrats en cours (baux ou commodats), leur occupation peut être décomposée comme suit :

- 88 % (874 logements) sont occupés par des locataires employés par la Banque de France , actifs ou retraités ( les retraités représentent environ le quart de ces locataires , soit environ le cinquième de l'ensemble des locataires de la Banque de France 22 ( * ) ). En 2007, les baux correspondants ont engendré un produit de 6,633 millions d'euros, soit 70 % du total des recettes issues de la location des immeubles d'habitation. Il convient de noter que les 32 loges de gardiennage sont occupées gratuitement, leur usage constituant un avantage en nature stipulé dans le contrat de travail des agents concernés, tandis que 24 autres logements font l'objet d'un prêt gratuit, pour l'essentiel au bénéfice d'agents que leurs fonctions soumettent à des astreintes particulières (sécurité, maintenance technique... 23 ( * ) ) ;

- le reste, donc 12 % (119 logements), se trouve loué à des personnes extérieures au personnel . En 2007, les baux correspondants ont rapporté à la Banque de France 2,77 millions d'euros, soit 30 % du total des recettes assurées par la location des immeubles d'habitation.

Il peut évidemment se justifier que, dans le cadre de sa politique des ressources humaines, la Banque de France loue des logements aux membres de son personnel (et, dans certains cas exceptionnels, les prête gratuitement), voire que ces locations se prolongent après la mise à la retraite des agents bénéficiaires. En revanche, votre rapporteur spécial s'interroge sur la légitimité des baux consentis à des tiers .

En première approximation, on peut évaluer les charges annuelles supportées par la Banque de France, au titre de ces logements loués à des personnes extérieures à son personnel, à 0,37 million d'euros (12 % du total des charges liées à l'ensemble du parc locatif). Le produit de ces baux s'élevant à près de 2,8 millions d'euros, le bénéfice net est de l'ordre de 2,4 millions d'euros. Mais, au-delà de ce résultat commercial certes significatif, quel intérêt la Banque de France trouve-t-elle à pratiquer une telle activité de bailleur de logements ? Cette activité est-elle bien compatible avec le rôle d'une banque centrale ? Et, surtout, paraît-elle véritablement opportune, alors que le niveau des loyers pratiqués (cf. ci-dessous) fait courir à la Banque de France le risque d'une accusation d'entretenir des locataires « privilégiés », nuisible à la respectabilité de l'institution ?

En vue de réduire ce risque, la Banque de France gagnerait à organiser l'externalisation de la gestion de son parc locatif , en la confiant à une société de gérance spécialisée. Cette dernière, en effet, ferait « écran » entre l'institution et ses locataires, et la préserverait donc des suspicions. A long terme, seule la suppression de cette activité de bailleur mettra fin aux ambiguïtés en la matière.

2. La normalisation très progressive des loyers aux niveaux du marché

Le niveau moyen des loyers pratiqués par la Banque de France s'établit actuellement, pour l'ensemble du parc d'habitation, à 11 euros du mètre carré par mois . Pour les locataires membres du personnel (actifs ou retraités), ce niveau moyen est de 10,1 euros du mètre carré par mois, tandis qu'il s'élève à 14 euros du mètre carré par mois pour les locataires extérieurs.

Conformément aux recommandations formulées par la Cour des comptes 24 ( * ) , la Banque de France, depuis quelques années, a entrepris une réévaluation de ses loyers, au fur et à mesure que les baux sont renouvelés . De la sorte, les loyers nouvellement fixés tendent à se rapprocher des niveaux observés sur le marché immobilier. Les barèmes de loyer ont notamment été augmentés pour les logements de haut « standing », dans la limite de l'encadrement réglementaire de l'évolution des loyers en ce qui concerne l'Ile-de-France.

Les deux tableaux suivants témoignent de cet effort. La comparaison entre les baux conclus avant 2006 et les baux conclus depuis révèle que :

- d'une part, les loyers acquittés par les agents (et anciens agents) de la Banque de France ont progressé, en moyenne, de près de 13 % , passant d'une moyenne de 9,86 euros du mètre carré par mois à une moyenne de 11,13 euros du mètre carré par mois. C'est en province que la hausse a été la plus importante (+ 20,3 %) ;

- d'autre part, les loyers payés par les personnes extérieures au personnel de la Banque de France ont été augmenté, en moyenne, de près de 69 % , passant d'une moyenne de 12,45 euros du mètre carré par mois à une moyenne de plus de 21 euros du mètre carré par mois. C'est là en banlieue parisienne que la progression a été la plus spectaculaire : les loyers y sont désormais une fois et demie plus élevés.

Le niveau des loyers acquittés par les membres (actifs et retraités) du personnel

de la Banque de France (en 2008)

(en euros/m²/mois)

Implantation

Baux antérieurs au 1 er /1/2006

Baux postérieurs au 1 er /1/2006

Progression

Paris (I er , III e , IV e , VI e , VII e et X e arrondissements)

11,66

13,14

+ 12,7 %

Paris (XIII e , XV e , XVII e et XVIII e arrondissements)

9,64

11,43

+ 18,5 %

Banlieue parisienne

8,25

9,39

+ 13,8 %

Province

5,91

7,11

+ 20,3 %

Ensemble

9,86

11,13

+ 12,9 %

Source : Banque de France

Le niveau des loyers acquittés par les personnes extérieures au personnel

de la Banque de France (en 2008)

(en euros/m²/mois)

Implantation

Baux antérieurs au 1 er /1/2006

Baux postérieurs au 1 er /1/2006

Progression

Paris (I er , III e , IV e , VI e , VII e et X e arrondissements)

14,39

25,18

+ 75 %

Paris (XIII e , XV e , XVII e et XVIII e arrondissements)

8,83

16,08

+ 82,1 %

Banlieue parisienne

5,91

14,79

+ 150,2 %

Province

8,19

8,44

+ 3 %

Ensemble

12,45

21,01

+ 68,7 %

Source : Banque de France

Votre rapporteur spécial ne peut que recommander à la Banque de France de poursuivre dans la voie de cette régularisation .

Toutefois, dans la mesure où elle dépend du rythme de renouvellement des locataires, cette politique est nécessairement lente à produire ses effets . Ainsi, les baux conclus postérieurement au 1 er janvier 2006 ne représentent, à ce jour, que le cinquième de l'ensemble (21 % des baux consentis au personnel et 18 % des baux consentis à des tiers).

Le manque à gagner imputable à l'ancienneté des baux (et, en Ile-de-France, à l'encadrement des loyers) est évalué par la Banque de France, de manière approximative 25 ( * ) , à 2,4 millions d'euros soit l'équivalent de plus d'un quart du produit annuel de son parc d'habitation.

* 20 Cf. supra , II.

* 21 Cf. supra , II.

* 22 Les qualités d'actif et de retraité ne constituent pas un critère de gestion du parc de logements de la Banque de France. Aussi, la DISG ne mesure pas la répartition des locataires en ces termes, et n'en retrace pas l'évolution. L'évaluation susmentionnée a été réalisée en 2005, à l'occasion du rapport particulier, précité, de la Cour des comptes.

* 23 Depuis le 1 er janvier 2007, la Banque de France a mis fin à la gratuité des logements de fonction pour ses cadres dirigeants. Seuls trois d'entre eux bénéficient encore de cette gratuité, à titre transitoire. En outre, le caractère imposable des indemnités de logement a été généralisé.

* 24 Rapport particulier consacré à la Banque de France, mars 2005.

* 25 Le calcul a été effectué en multipliant les surfaces louées au titre de baux antérieurs au 1 er janvier 2006 par l'écart de prix au mètre carré constaté entre les surfaces louées antérieurement et postérieurement au 1 er janvier 2006.

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