Rapport d'information n° 271 (2007-2008) de M. Jean FAURE , Mme Michelle DEMESSINE , MM. Hubert HAENEL , Philippe MADRELLE , Charles PASQUA , Yves POZZO di BORGO et André ROUVIÈRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 10 avril 2008

Synthèse du rapport (113 Koctets)

Disponible au format Acrobat (605 Koctets)

N° 271

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 avril 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1), par le groupe de travail chargé d'une réflexion sur l' avenir de l' organisation et des missions de la gendarmerie ,

M. Jean FAURE,

Président du groupe de travail

et Mme Michelle DEMESSINE, MM. Hubert HAENEL,

Philippe MADRELLE, Charles PASQUA,

Yves POZZO di BORGO et André ROUVIÈRE,

Membres du groupe de travail,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, André Trillard, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. Christian Cambon, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

INTRODUCTION

« La gendarmerie, c'est une organisation à part. C'est la manière la plus efficace de maintenir la tranquillité d'un pays, c'est une surveillance moitié civile, moitié militaire, répandue sur toute la surface, qui donne les rapports les plus précis ».

Napoléon Bonaparte, Lettre au Roi de Naples, 16 mai 1806

Mesdames, Messieurs,

Héritière de huit siècles d'histoire, la gendarmerie nationale est l'une des plus anciennes institutions françaises.

Force de police à statut militaire, elle assure la sécurité et le maintien de l'ordre public sur 95 % du territoire et au profit de 50 % de la population.

La gendarmerie a connu, ces dernières années, des évolutions importantes, en particulier dans le cadre du nouveau dispositif de sécurité intérieure, mis en place à partir de 2002, pour renforcer la lutte contre la délinquance.

Ainsi, depuis 2002, la gendarmerie nationale, tout en restant organiquement rattachée au ministère de la Défense, a été placée pour emploi auprès du ministre de l'Intérieur pour ses missions de sécurité intérieure.

La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (dite « LOPSI ») du 29 août 2002 a également renforcé ses moyens humains et matériels, et encouragé la coopération entre la police et la gendarmerie, illustrée notamment par la création des Groupes d'intervention régionaux (GIR).

Pour autant, le positionnement actuel de la gendarmerie, entre le ministère de la Défense et le ministère de l'Intérieur, ainsi que ses rapports avec la police, restent à clarifier.

De plus, les importants efforts demandés par les autorités en matière de lutte contre la délinquance ont suscité une forte attente chez les personnels de la gendarmerie en matière de reconnaissance et d'équité de traitement avec les policiers.

Dans ce contexte, les mesures annoncées par le Président de la République à l'automne dernier marquent un véritable « tournant » pour la gendarmerie.

En effet, dans une intervention prononcée le 29 novembre 2007, lors d'une rencontre avec des gendarmes et des policiers, le Chef de l'État a annoncé trois importantes réformes concernant la gendarmerie.

Tout d'abord, le Président de la République a annoncé le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, qui devrait intervenir à partir du 1 er janvier 2009, tout en écartant toute fusion entre la police et la gendarmerie, cette dernière devant conserver son statut militaire.

Ensuite, il a demandé au gouvernement de préparer un projet de loi relatif à la gendarmerie, qui devrait être présenté au Parlement dans le courant de l'année 2008.

Enfin, le Président de la République a décidé la mise en place d'un groupe de travail conjoint au ministère de la Défense et au ministère de l'Intérieur, chargé de dresser un état des lieux et de faire des propositions afin de garantir une parité globale de traitement et de carrière entre policiers et gendarmes, ces derniers se voyant dotés d'une grille indiciaire spécifique.

Si on ajoute à cela les travaux préparatoires au nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui visent notamment à renforcer le lien entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure, la préparation de la future Loi de programmation militaire (LPM) et de la Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2), ainsi que les travaux de la mission « sécurité » conduite dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), il apparaît que la gendarmerie est à la veille d'importantes réformes qui devraient marquer durablement l'avenir de cette institution.

Avant même l'annonce de ces réformes, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat a décidé, sur proposition de plusieurs de ses membres et à l'unanimité, de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie.

Présidé par M. Jean Faure, rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie, ce groupe de travail était composé de Mme Michèle Demessine et de MM. Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière.

De décembre 2007 à mars 2008, le groupe de travail a procédé à de nombreuses auditions de différentes personnalités 1 ( * ) .

Les membres du groupe de travail se sont ainsi entretenus avec de nombreux gendarmes et officiers de gendarmerie, dont le directeur général de la gendarmerie nationale, le directeur général de la police nationale, le directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, mais aussi avec des représentants d'associations de retraités ou de famille de gendarmes, ainsi qu'avec des observateurs extérieurs.

Afin d'avoir une vue comparative, le groupe de travail a aussi entendu des représentants de l'Arme des carabiniers italiens et de la garde civile espagnole.

Le groupe de travail a également effectué plusieurs déplacements sur le terrain, dont l'un au siège du groupement blindé de gendarmerie mobile à Versailles Satory, l'autre en Isère, auprès du groupement de gendarmerie départementale et de plusieurs brigades territoriales autonomes ou regroupées au sein de « communautés de brigades ».

Enfin, au terme des réflexions du groupe de travail, la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat a auditionné les deux ministres intéressés, le ministre de la Défense, M. Hervé Morin, et le ministre de l'Intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie. 2 ( * )

- Quelles peuvent-être les conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur ? Ce rattachement ne risque-t-il pas de remettre en cause à terme le statut militaire de la gendarmerie et donc d'aboutir à une fusion entre la gendarmerie et la police ?

- Comment développer la coopération entre la police et la gendarmerie, sans pour autant remettre en cause les spécificités de chacune des deux forces ?

- Faut-il, par exemple, modifier les missions de la gendarmerie et aller jusqu'à une spécialisation fonctionnelle entre la gendarmerie et la police ? N'est-il pas nécessaire, au contraire, de conserver l'ensemble des missions de la gendarmerie ?

- Faut-il revoir l'organisation territoriale de la gendarmerie et redéfinir les zones de compétence entre la gendarmerie et la police ?

- Quelles perspectives se dessinent actuellement concernant l'évolution des effectifs et des moyens consacrés à la gendarmerie dans les prochaines années ?

- Faut-il conserver le logement en caserne ?

- Qu'en est-il de la question sensible des rémunérations et des comparaisons avec les policiers et les autres militaires ?

Telles sont les principales interrogations soulevées par le groupe de travail sur l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie, que ses membres se sont efforcés d'étudier sans a priori et en tenant compte de toutes les préoccupations exprimées.

Avant de présenter les conclusions auxquelles sont parvenus les membres du groupe de travail, il convient, au préalable, de rappeler les principales caractéristiques actuelles de la gendarmerie, ainsi que les principes qui devraient guider les réformes futures.

LA GENDARMERIE EN QUELQUES CHIFFRES

La zone de compétence de la gendarmerie recouvre 95 % du territoire et 50 % de la population.

Les missions civiles (police administrative, police judicaire et maintien de l'ordre) représentent 95 % de l'activité de la gendarmerie, contre 5 % pour les activités militaires.

La gendarmerie compte au total environ 101.000 personnels, dont plus de 99.000 militaires et environ 2.000 civils. A titre de comparaison, l'effectif est de 148.500 pour la police et 330.000 pour les armées (dont 145.000 pour l'armée de terre).

Les effectifs de la gendarmerie se répartissent de la façon suivante :

- 6.450 officiers et 74.050 sous-officiers de gendarmerie ;

- 250 officiers et 4.050 sous-officiers du corps technique et de soutien ;

- 14.400 gendarmes adjoints volontaires ;

- 2.000 personnels civils.

La gendarmerie dispose, en outre, de 25 000 réservistes.

Les 63 000 militaires de la gendarmerie départementale sont répartis dans les 3 600 brigades territoriales (dont 1055 regroupées en communautés de brigades et 697 brigades autonomes) ou dans les unités spécialisées.

La gendarmerie mobile compte 16 500 personnels répartis en 123 escadrons.

En 2006, les gendarmes ont constaté 1 026 132 crimes et délits, soit plus du quart des crimes et délits constatés en France. Par cette action , 329 659 personnes auront été mises en cause, dont 106 654 placées en garde à vue et 17 006 écrouées.

En 2006, la gendarmerie a consacré plus de 1,8 million d'heures aux extractions et transfèrements judiciaires, correspondant à plus de 108 800 escortes. Plus de 1000 gendarmes sont mobilisés quotidiennement à ces tâches.

La gendarmerie contrôle plus de 800 000 km de routes et autoroutes. En 2006, les unités de gendarmerie ont constaté 24 213 accidents corporels, ayant causé la mort de 3651 personnes et occasionné des blessures à 33 200 autres.

La gendarmerie a procédé en 2006 à 4074 opérations de sauvetage en montagne, 649 en mer, 235 sur les fleuves et 7 en milieu souterrain.

Environ 1200 gendarmes français sont actuellement déployés à l'étranger, dont 400 en opérations extérieures.

Le budget de la gendarmerie en 2008 est de 7,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 7,4 milliards d'euros, en crédits de paiement.

La gendarmerie dispose de 24 000 véhicules de brigades 147 véhicules blindés (VXB 170), 7 patrouilleurs et 24 vedettes, ainsi que 44 hélicoptères.

L'immobilier de la gendarmerie comportait, au 1er juillet 2007, 79 949 logements, dont 33 167 appartiennent à l'État ( 730 casernes domaniales) et 46 782 sont loués ( 29 259 logements répartis dans 3 397 casernes locatives et 17 523 logements hors caserne).

I. ÉTAT DES LIEUX DE LA GENDARMERIE

A. UNE INSTITUTION SPÉCIFIQUE

1. Une origine ancienne

La gendarmerie nationale est l'une des plus anciennes institutions françaises.

Elle est l'héritière des « maréchaussées de France », force militaire qui fut pendant des siècles le seul corps exerçant dans notre pays des fonctions de police. Les maréchaussées étaient des gens armés accompagnant les maréchaux en campagne pour s'opposer aux méfaits commis par les pillards et les déserteurs sur les arrières des armées.

Par l'ordonnance de Paris du 25 janvier 1536, François Ier étendit la compétence judiciaire de la Maréchaussée, jusque là limitée aux seuls méfaits commis par les gens de guerre, à l'ensemble des crimes de grands chemins, que leurs auteurs fussent militaires ou civils, vagabonds ou domiciliés.

En 1720 la maréchaussée a connu une transformation profonde de son organisation, avec la mise en place d'un quadrillage territorial, sous la forme de « brigades » de cinq hommes établies en résidences séparées, de telle sorte qu'elles aient « quatre ou cinq lieues à garder d'un côté et de l'autre sur une grande route » .

En 1791, la maréchaussée prit l'appellation de « gendarmerie nationale ».

La loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798), véritable charte de la gendarmerie, codifia les principes d'action et les missions de cette institution, en précisant notamment ses attributions en matière de police administrative et de police judiciaire.

Le décret du 20 mai 1903, plusieurs fois modifié, reste encore aujourd'hui le texte qui détermine l'organisation et les missions de la gendarmerie.

REPÈRES CHRONOLOGIQUES

1536 : Ordonnance de Paris de François Ier : la compétence judiciaire de la maréchaussée est étendue aux auteurs de crimes de grand chemin civils ou militaires, vagabonds ou domiciliés.

1720 : Mise en place du « maillage territorial », avec la création de brigades territoriales.

1791 : La maréchaussée prend l'appellation de « gendarmerie nationale ».

1798 : Loi du 28 germinal an VI, codifiant les principes d'action et les missions de la gendarmerie et précisant, notamment, ses attributions en matière de police administrative et de police judiciaire.

1903 : Décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l'organisation et le service de la gendarmerie nationale

1921 : Création des pelotons de gendarmerie mobile

1981 : Le 10 novembre 1981, la direction de la gendarmerie et de la justice militaire prend le nom de direction générale de la gendarmerie nationale

2002 : Décret du 15 mai 2002 précisant que, pour l'exercice de ses missions de sécurité intérieure, la gendarmerie est placée pour emploi sous l'autorité du ministre de l'Intérieur.

2. La particularité de la gendarmerie : une force de police à statut militaire

a) Un statut militaire

Partie intégrante des forces armées, qui, dans les cérémonies militaires, prend rang à la droite des autres troupes, la gendarmerie est essentiellement une force militaire, par son organisation, ses missions et ses valeurs. Elle est parfois dénommée la « quatrième armée » 3 ( * ) .

Cette dimension militaire est particulièrement perceptible au niveau de son mode de fonctionnement et de ses attributs (vie en caserne et port de l'uniforme notamment) de son cérémonial et de sa symbolique (comme la prestation de serment par exemple), mais aussi et surtout par l'état d'esprit de ses personnels et de leur statut.

Les gendarmes sont des militaires de carrière, soumis au statut général des militaires, défini par la loi du 24 mars 2005. A ce titre, il est fait interdiction au gendarme, comme à tout autre militaire, d'adhérer à des groupements ou associations à caractère politique. De même, il se trouve soumis au devoir de réserve, à l'obligation de ne pas porter atteinte à la neutralité des armées, et à l'interdiction du droit de grève et de la liberté syndicale.

Au nombre des « valeurs gendarmiques » , M. François Dieu, spécialiste reconnu de la gendarmerie, mentionne la discipline, le légalisme, le civisme, la disponibilité, l'austérité, le courage et la solidarité 4 ( * ) .

La gendarmerie n'est pas pour autant une armée. Contrairement à l'armée de terre, à la marine nationale ou à l'armée de l'air, dont la fonction principale réside dans la préparation et la conduite d'un combat contre une agression extérieure, la gendarmerie a pour finalité le maintien de la sécurité et de l'ordre public sur le territoire.

b) Une force policière

« Soldat de la loi » , pour reprendre le titre d'un ouvrage 5 ( * ) , le gendarme est un militaire chargé d'une mission de police, au même titre que le policier.

Comme le précise l'article 1 er du décret du 20 mai 1903 :

« La gendarmerie est une force instituée pour veiller à la sûreté publique et pour assurer le maintien de l'ordre et l'exécution des lois.

Une surveillance continue et répressive constitue l'essence de son service.

Son action s'exerce dans toute l'étendue du territoire, quel qu'il soit, ainsi qu'aux armées.

Elle est particulièrement destinée à la sûreté des campagnes et des voies de communication ».

3. Des missions variées

La gendarmerie exerce cinq types de missions.

a) La police administrative

Son objet essentiel est la sécurité publique. Dans le cadre de cette mission, la gendarmerie doit notamment veiller à l'exécution des lois, assurer la protection des personnes et des biens, prévenir les troubles à l'ordre public et à la tranquillité publique, ainsi que prévenir les actes de délinquance. Cette mission comprend également la police des étrangers, la police rurale, la police municipale, le renseignement, la police de la circulation routière, la protection civile et les secours, la surveillance des campagnes et des voies de communication, etc.

La gendarmerie partage cette mission avec la police nationale, selon une répartition territoriale. La gendarmerie assure seule cette responsabilité sur 95 % du territoire au profit de 50 % de la population.

La mission de police administrative occupe plus de la moitié de l'activité de la gendarmerie.

La gendarmerie exerce ainsi un rôle central en matière de sécurité routière.

Dès le XVIII e siècle, la maréchaussée s'était vu confier la tâche de faire respecter l'ordre sur les routes du royaume, rendues dangereuses par l'état de la chaussée et la trop grande vitesse des attelages de chevaux.

La présence de gendarmes sur les routes présente depuis l'un des aspects les plus perceptibles de la gendarmerie par la population.

Si l'activité similaire de la police se limite principalement au périmètre d'agglomération des communes étatisées, la gendarmerie demeure, quant à elle, chargée de la police de la route sur l'ensemble du réseau national.

Du fait de l'importance prise par la circulation automobile, la gendarmerie a été conduite à mettre en place des unités spécialisées dans la police de la route.

b) La police judiciaire

En précisant que la police judiciaire est « une mission essentielle » de la gendarmerie, le décret du 22 août 1958 (article 113 du décret de 1903) souligne l'attachement profond de l'institution à cette mission.

Si la police judiciaire ne représente statistiquement que 40 % de l'activité de la gendarmerie, elle n'en est pas moins perçue par les gendarmes comme l'une de leur principale mission.

La mission de police judiciaire a pour objet de « constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte. Lorsqu'une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d'instruction et défère à leurs réquisitions » (article 14 du code de procédure pénale).

La police judiciaire est exercée par la gendarmerie, par la police, ainsi que par certains fonctionnaires (comme les agents de l'administration fiscale), sous la direction du Procureur de la République.

Les officiers, les gradés et certains gendarmes ayant passé un examen technique spécifique ont la qualité d'officiers de police judiciaire (OPJ). Les gendarmes qui n'ont pas la qualité d'OPJ sont agents de police judiciaire (APJ).

La gendarmerie joue un rôle très important dans le domaine de la police judiciaire en raison de sa dispersion sur le territoire, de sa connaissance des lieux et des populations et de l'importance de ses moyens.

Chaque année, la gendarmerie traite environ le quart des crimes et délits constatés en France.

c) Le maintien de l'ordre

Même s'il ne représente qu'une faible part de l'activité de la gendarmerie, le maintien de l'ordre demeure une composante essentielle de la gendarmerie. Comme la police, avec les compagnies républicaines de sécurité (CRS), la gendarmerie dispose d'une force spécialisée dans le maintien de l'ordre : la gendarmerie mobile.

A la différence des CRS, qui interviennent sur ordre verbal du ministre de l'Intérieur, la gendarmerie, en sa qualité de force militaire, ne peut intervenir en matière de maintien de l'ordre que sur réquisition écrite. La particularité de cette procédure est liée au caractère exceptionnel que représente dans un État démocratique la participation d'une force militaire au maintien de l'ordre.

LA RÉQUISITION

La réquisition est l'acte par lequel l'autorité civile demande à l'autorité militaire de « prêter le secours des troupes nécessaires afin de rétablir l'ordre ».

Le décret du 2 mai 1995 et l'instruction interministérielle du 9 mai 1995 distinguent trois types de réquisitions :

- la réquisition générale, qui permet d'obtenir de l'autorité militaire un ensemble de moyens en vue de leur utilisation pour le maintien de l'ordre ;

- la réquisition particulière, qui confie à une troupe déterminée une mission précise et délimitée pouvant prescrire l'usage de la force ;

- la réquisition complémentaire spéciale, qui accompagne ou fait suite à une réquisition particulière et prescrit l'usage des armes.

Sous peine de nullité, la réquisition doit être écrite et respecter certaines conditions de forme.

Conclusion : Rénover le principe des réquisitions en matière de maintien de l'ordre en allégeant le formalisme.

Au-delà de cet impératif de subordination de la force militaire à l'autorité civile et de formalisation, l'intervention de la gendarmerie se caractérise par le possible recours à des moyens militaires (comme par exemple les véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile). En outre, à la différence des CRS, les officiers et les sous-officiers de la gendarmerie mobile ont la qualité d'officier de police judiciaire ou d'agents de police judiciaire.

Si les CRS et les gendarmes mobiles sont souvent utilisés de manière indifférenciée pour le maintien de l'ordre, notamment dans le cadre de manifestations, on peut observer qu'il existe un principe de graduation d'emploi entre les deux forces. Ainsi, en cas de crise grave, d'insurrection ou d'action subversive, la gendarmerie est alors seule en mesure de contribuer efficacement, par le caractère militaire de son organisation et de ses moyens, au rétablissement de l'ordre. La gendarmerie mobile est d'ailleurs la seule force de maintien de l'ordre à être utilisée outre-mer et dans le cadre des opérations extérieures (OPEX).

d) Les missions militaires

La gendarmerie nationale est aussi investie de missions militaires. Si ces missions militaires ne représentent actuellement qu'environ 5 % de l'activité totale de la gendarmerie, elles lui sont néanmoins consubstantielles et elles sont essentielles à la sécurité du pays. Deux catégories de missions militaires peuvent être distinguées.

La gendarmerie exerce, tout d'abord, des missions de police militaire. Dans ce cadre, la gendarmerie assure des missions de surveillance des militaires et de répression des infractions spécifiquement militaires, telles que la désertion ou l'insoumission. En cas de conflit ou dans le cadre d'opérations extérieures, la gendarmerie accompagne les forces armées et est spécifiquement chargée des missions de police militaire qui prennent alors le nom de prévôtés.

Même si elle n'a pas vocation à participer directement au combat, la gendarmerie remplit aussi, en temps de paix, comme en temps de guerre, certaines missions de défense. Par l'accomplissement de ces missions, elle a pour fonction première de permettre aux armées de disposer des moyens humains et matériels nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires. Ainsi, la gendarmerie assure l'administration des réserves et la préparation de la mobilisation, la protection des « points sensibles » (comme les installations nucléaires par exemple) et la recherche du renseignement.

Enfin, en cas d'agression ou de menace contre la sécurité et l'intégrité du territoire, la gendarmerie est appelée à jouer un rôle central dans le dispositif de la défense opérationnelle du territoire (DOT).

e) L'action internationale et européenne de la gendarmerie

L'action de la gendarmerie ne se limite pas au territoire national. La gendarmerie est, en effet, de plus en plus impliquée dans la coopération internationale et européenne, à travers sa participation aux opérations extérieures et à la coopération policière.

La gendarmerie apporte une contribution importante aux opérations extérieures (OPEX). En tant que force de police à statut militaire capable d'agir dans tout le spectre de la crise, de la guerre à la paix, la gendarmerie est en effet particulièrement adaptée à ce type d'opérations.

Actuellement, plus de 400 gendarmes français sont déployés sous engagement international ou commandement national. Leurs compétences spécifiques leur permettent d'intervenir en accompagnement des forces ou dans le cadre de la gestion civile des crises.

Effectifs de la gendarmerie en OPEX à la mi-mars 2008

Opérations sous mandat de l'ONU

OPERATION

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

FINUL (Liban)

1

4

5

MINUK (Kosovo)

8

41

49

MINUSTAH (Haïti)

3

21

24

MONUC (République démocratique du Congo)

1

8

9

ONUCI (République de Côte d'Ivoire)

3

8

11

MINURCAT (Tchad et République centrafricaine)

1

9

10

Opérations sous engagement international hors ONU

OPERATION

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

U.E. EUFOR (Tchad et République centrafricaine)

1

2

3

OTAN KFOR (Kosovo)

13

143

156

OTAN FIAS (Afghanistan)

1

4

5

U.E. EUPOL (République démocratique du Congo)

1

0

1

U.E. PT (Kosovo)

2

0

2

U.E. EUBAM (Territoires Palestiniens)

2

1

3

U.E. EUPOL (Afghanistan)

2

0

2

U.E. ALTHEA (Bosnie Herzégovine)

2

5

7

FGE (Bosnie Herzégovine)

3

6

11

U.E. MPUE (Bosnie Herzégovine)

7

5

12

Opérations sous commandement national

OPERATION

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

Epervier (Tchad)

1

4

5

Licorne (République de Côte d'Ivoire)

8

92

100

Boali (République centrafricaine)

1

2

3

Ambassades (accompagnement de sécurité et renfort des gardes permanents)

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

1

43

44

La gendarmerie française est également impliquée dans de nombreuses actions de coopération policière internationale, en particulier dans le cadre européen.

Avec la police nationale, la gendarmerie nationale participe au réseau des attachés de sécurité intérieure au sein des missions diplomatiques françaises à l'étranger. Actuellement, une trentaine de gendarmes français assurent les missions d'attachés de sécurité intérieure ou d'attachés de sécurité intérieure adjoints auprès des postes diplomatiques.

La gendarmerie conduit également de nombreuses actions de coopération, notamment en Afrique ou en Europe, à travers des programmes de formation ou d'expertise.

Ainsi, depuis 2005, la gendarmerie a noué une coopération avec le Qatar, dans le but de soutenir la mise en place de la nouvelle force de sécurité intérieure de cet État. Elle a participé en 2006 à un jumelage avec le Maroc et la gendarmerie française a été retenue en 2006 pour conduire le jumelage avec la gendarmerie roumaine dans le cadre du programme Phare de l'Union européenne.

La gendarmerie nationale joue également un rôle important dans la coopération policière européenne.

Elle est ainsi directement impliquée dans la coopération policière Schengen, qui s'exerce par le biais d'instances centrales et locales.

La gendarmerie participe également à la coopération policière transfrontalière. Des gendarmes sont présents, avec des policiers et des douaniers, dans les centres de coopération policière et douanière (CCPD) situés dans les zones frontalières et qui coopèrent avec les services des pays voisins en matière de lutte contre la criminalité ou l'immigration illégale.

La gendarmerie nationale est aussi fortement impliquée, tant au sein de l'Office européen de police, situé à La Haye, qu'au sein de l'unité nationale Europol, qui constitue l'interface entre l'office et les services nationaux.

Conclusion : poursuivre l'action internationale et européenne de la gendarmerie

Enfin, à l'initiative de la France, une force de gendarmerie européenne a été créée en 2004, qui regroupe actuellement cinq pays disposant d'une force de police à statut militaire.

LA FORCE DE GENDARMERIE EUROPEENNE

M. Jean Faure s'est rendu du 21 au 23 mai 2007, à Vicenza, en Italie, au quartier général de la Force de gendarmerie européenne, afin de faire le point sur l'état actuel de préparation de cette force et ses perspectives d'avenir.

I. LA NATURE DE LA FORCE DE GENDARMERIE EUROPEENNE

A. L'ORIGINE ET LA VOCATION DE LA FORCE

La Force de gendarmerie européenne (FGE ou EUROGENDFOR) a été créée à l'automne 2004, à l'initiative de Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense. Les cinq pays participants sont l'Espagne, la France, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal.

Cette force n'est pas un organisme de l'Union européenne, mais une coopération intergouvernementale menée entre des pays membres de l'Union européenne et destinée en priorité à doter celle-ci d'une capacité à conduire toutes les missions d'une force de police lors d'opérations de gestion de crise.

La principale « valeur ajoutée » de la Force de gendarmerie européenne tient au fait qu'il s'agit d'une force « robuste », capable d'agir dans un environnement non stabilisé et de faire face aux différentes situations de maintien de l'ordre et de sécurité publique. Le caractère « militaire » de cette force lui permet d'être utilisée dans un très large spectre de missions et dans l'ensemble de l'arc de la crise, depuis la phase militaire, jusqu'à la phase de stabilisation, avec une aptitude particulière pour les situations intermédiaires entre la guerre et la paix.

Les cinq forces de police à statut militaire parties prenantes à cette force sont la garde civile espagnole, la gendarmerie française, l'arme des carabiniers italiens, la maréchaussée royale hollandaise et la garde nationale républicaine portugaise.

B. L'ORGANISATION ET LE FINANCEMENT

La chaîne de commandement est organisée en trois niveaux :

- le comité interministériel de haut niveau (CIMIN), composé des représentants des différents ministères des cinq États participants, agit comme un véritable conseil d'administration, chargé de la direction politico-stratégique de la Force. Toutes les décisions se prennent à l'unanimité ;

- l'état-major permanent, multinational, modulable et projetable, installé à Vicenza, en Italie, se compose d'une trentaine d'officiers et de sous-officiers supérieurs, issus des cinq pays participant à la force. La répartition des différents postes fait l'objet d'une rotation égalitaire entre les cinq pays tous les deux ans. Ainsi, le premier commandant, le général de brigade français Gérard Deanaz, nommé en 2005, vient d'être remplacé par un officier italien des carabiniers.

- la Force de gendarmerie européenne dispose d'une capacité initiale de réaction rapide de 800 gendarmes pouvant être déployés sur un théâtre extérieur dans un délai inférieur à 30 jours. L'effectif maximal mis à la disposition de la FGE peut atteindre 2 300 hommes et femmes. Les forces mises à la disposition de la force par les pays participants sont regroupées en IPU (« Integrated Police Units »), comprenant chacune environ cent vingt gendarmes. La gendarmerie française est le plus gros contributeur en personnels de la force.

La Force de gendarmerie européenne est financée par des contributions des États participants, selon une clé de répartition fondée sur le nombre d'officiers de la nationalité de l'État concerné. La France, qui compte sept officiers à l'état-major de la force, contribue à hauteur des 7/30 e .

Bien que la FGE ne compte aucun pays anglophone, l'anglais est l'unique langue de travail au sein de la force. La devise de la Force est « Lex paciferat » (« Que la loi pacifie »).

II. LES PERSPECTIVES D'AVENIR DE LA FORCE DE GENDARMERIE EUROPEENNE

A. LES DIFFICULTES D'ORDRE CULTUREL, ADMINISTRATIF ET JURIDIQUE

La force de gendarmerie européenne a permis de créer un certain sentiment d'identité commune. Ainsi, les membres de cette force portent un insigne spécifique tout en gardant leurs uniformes nationaux. Il n'en demeure pas moins que, malgré les points communs qui existent entre les cinq forces de police à statut militaire, il subsiste de grandes différences entre les composantes. Ainsi, la gendarmerie nationale française est la seule à ne pas être contrainte par une limite horaire de travail.

Une autre difficulté tient au manque d'interopérabilité du fait de la diversité des matériels, notamment dans les transmissions.

La force de gendarmerie européenne repose actuellement sur une simple « déclaration d'intention », signée par les cinq gouvernements. Celle-ci devrait être remplacée par un traité international, signé le 18 octobre 2007, qui devrait être soumis prochainement à une procédure de ratification par les parlements nationaux des pays participants. Ce traité devrait permettre de clarifier un certain nombre de questions d'ordre juridique, comme les droits et obligations du personnel de la Force ou encore le droit applicable dans le cadre d'opérations extérieures.

B. L'EXTENSION ÉVENTUELLE À D'AUTRES PAYS

La Force de gendarmerie européenne n'est pas un « club fermé », mais elle a vocation à s'élargir à d'autres pays désireux de s'y associer.

Trois conditions doivent être réunies pour faire partie de la FGE :

- être un pays membre de l'Union européenne ;

- disposer d'une force de police à statut militaire de type « gendarmerie » ;

- cette force doit exercer au quotidien toutes les missions confiées habituellement à une force de police.

L'admission de nouveaux pays, comme membre de plein droit, comme partenaire ou observateur, est soumise à l'acceptation unanime des États participants.

Plusieurs États membres ou pays candidats (Roumanie, Pologne, Turquie) ont déjà déposé formellement leur candidature en 2006. La Pologne s'est vue reconnaître en 2007 le statut de pays partenaire de la Force. La Lituanie a posé sa candidature en 2007. En revanche, deux « grands » pays, le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui ne disposent pas de force de police à statut militaire de type « gendarmerie », restent à l'écart de cette initiative.

C. L'EMPLOI DE LA FORCE DANS LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

La Force de gendarmerie européenne a été déclarée opérationnelle en juillet 2006. Deux exercices, avec des troupes déployées sur le terrain, ont été menés en 2005 et en 2006.

Elle a été engagée pour la première fois, à partir de la fin 2007, dans le cadre de la mission de police de l'Union européenne « Althéa » en Bosnie Herzégovine, avec une unité de police intégrée de 215 officiers et gendarmes, dont actuellement 9 gendarmes Français.

L'emploi éventuel de la force de gendarmerie européenne pour la mission de police de l'Union européenne au Kosovo a également été évoqué, mais cette idée se heurte à certaines difficultés d'ordre politique en raison des divergences entre les pays membres à propos de la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo.

4. Une organisation verticale

a) La direction générale de la gendarmerie nationale

A la différence des trois armées, la gendarmerie n'est pas dirigée par un chef d'état-major, mais par un directeur général, nommé par décret en Conseil des ministres.

Ce poste a pendant longtemps été occupé par des officiers des armées, puis par des magistrats ou des préfets, avant d'être, pour la première fois, confié en 2004 à un général issu des rangs de la gendarmerie.

Relevant directement du ministre de la Défense, le directeur général a pour fonction principale de l'assister dans l'exercice de ses attributions relatives au service et à l'organisation de la gendarmerie.

Instituée par le décret du 10 novembre 1981, la direction générale de la gendarmerie nationale est actuellement rattachée au ministère de la Défense. Elle est organisée en un cabinet, une inspection de la gendarmerie (IGN) et trois services : le service des ressources humaines, le service des plans et moyens et le service des opérations et de l'emploi. Elle emploie environ 2.000 personnes.

Elle est implantée sur une dizaine de sites différents à Paris et en région parisienne. Il est prévu de regrouper les différents services de la direction générale de la gendarmerie un nouveau site à Issy-les-Moulineaux.

Conclusion : maintenir une direction générale de la gendarmerie nationale, avec à sa tête un officier général issu de ses rangs, au sein du ministère de l'Intérieur

b) La gendarmerie départementale

Forte de soixante mille personnels, la gendarmerie départementale est une force de police générale chargée de la totalité des missions confiées à la gendarmerie.

Alors que la police nationale intervient généralement dans les zones urbaines, la gendarmerie départementale intervient principalement dans les zones rurales et périurbaines, grâce, d'une part, à ses brigades territoriales, et, d'autre part, à ses unités spécialisées.

La brigade, créée en 1720, est l'organisation de base de la gendarmerie départementale. Elle est généralement située au niveau des cantons.

Bien que la gendarmerie assure encore aujourd'hui un « maillage » serré du territoire, il faut relever que le nombre de brigades territoriales n'a cessé de diminuer depuis les années 1930. De 4.500 en 1934, elles sont au nombre d'environ 3.500 en 2008.

Depuis la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002, on distingue les brigades autonomes et les brigades regroupées au sein d'une « communauté de brigades ».

LES COMMUNAUTÉS DE BRIGADES

Formalisé par la Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (LOPSI) visant à rationaliser l'emploi des forces de sécurité intérieure, le concept de « communauté de brigades » vise à mutualiser les moyens de deux ou trois brigades territoriales limitrophes placées sous une direction unique.

Ce dispositif permet de concilier la proximité de la gendarmerie avec les élus et la population et l'optimisation des ressources en personnels.

Le nouveau dispositif de la gendarmerie départementale compte aujourd'hui plus de 1.000 communautés de brigades. Environ 700 brigades territoriales sont restées autonomes.

Un audit interne sur les communautés de brigades d'octobre 2007, dont le groupe de travail a eu connaissance, dresse un constat globalement satisfaisant de l'organisation en communautés de brigades, tout en relevant certains dysfonctionnements qui semblent toutefois résulter davantage d'un défaut d'application locale de ce mode d'organisation que du modèle lui-même.

Toutes les brigades d'un arrondissement forment une compagnie. Les compagnies d'un département forment un groupement qui forme lui-même, depuis la réforme de l'organisation territoriale de la gendarmerie du 1 er juillet 2005, une région de gendarmerie, calquée sur les 22 régions administratives.

Le général commandant la région de gendarmerie située au chef-lieu de défense exerce son autorité sur l'ensemble des groupements de gendarmerie départementale situés dans sa région. Il exerce également son autorité sur l'ensemble des groupements de gendarmerie mobile implantés dans les limites de la zone de défense.

Lors d'un déplacement en Isère, auprès du groupement de gendarmerie départementale et de plusieurs brigades territoriales autonomes ou regroupées en « communautés de brigades », situées à proximité de Grenoble et sur le plateau du Vercors, les membres du groupe de travail ont pu constater sur le terrain le fonctionnement concret de ce système.

La gendarmerie départementale comprend également des unités spécialisées :

- les unités de recherches (brigades de recherches, brigades départementales de renseignements et d'investigations judiciaires, sections de recherches), qui se consacrent exclusivement à la police judiciaire. Elles assistent les brigades territoriales et prennent à leur charge les enquêtes nécessitant une technicité particulière ou une grande disponibilité.

- les pelotons de surveillance et d'intervention (PSIG) : implantés dans les zones les plus sensibles au plan de la délinquance, ils sont rattachés à une compagnie et sont chargés :

- de renforcer, rapidement et à tout moment sur leur demande, les brigades appelées sur les lieux d'un crime ou d'un délit, d'un incident ou d'un accident, ou de tout autre événement troublant l'ordre public ;

- d'assurer, hors le temps de ces interventions, des missions de surveillance générale, de jour et de nuit, en complément des services effectués par les brigades territoriales.

- les brigades de prévention de la délinquance juvénile , dont les premières ont été créées en 1997. Leur vocation principale est dissuasive et préventive. Elles interviennent en priorité dans les zones périurbaines sensibles où la gendarmerie a la charge exclusive de l'exécution des missions de sécurité publique et privilégient le contact régulier avec les mineurs en difficulté ;

- les unités de police de la route (escadrons départementaux de sécurité routière, brigades motorisées et pelotons d'autoroutes) ;

- les sections aériennes (dotées d'hélicoptères) ;

- les unités de montagne (pelotons de gendarmerie de haute montagne et pelotons de gendarmerie de montagne).

Au cours de son déplacement en Isère, le groupe de travail a visité le peloton de gendarmerie de haute montagne du département, qui joue un rôle important en matière de secours en montagne.

c) La gendarmerie mobile

Si le maintien de l'ordre a été dès l'origine une mission confiée à la gendarmerie, la création d'une force de gendarmerie spécialisée dans le maintien de l'ordre ne date que de 1921. Jusqu'alors, le maintien de l'ordre « lourd » était assuré par des unités non spécialisées de l'armée de terre.

Depuis cette date, la gendarmerie mobile a connu une montée en puissance progressive de ses effectifs, pour atteindre actuellement environ 16.500 officiers et gendarmes.

Les gendarmes mobiles se distinguent par la couleur jaune de leurs galons, contrairement à la couleur blanche des galons des gendarmes départementaux.

La création de la gendarmerie mobile n'a cependant pas fait apparaître une scission de la gendarmerie en deux organisations distinctes. En effet, cette spécialisation apparaît relative, en raison à la fois des passerelles qui existent au niveau de la carrière d'un gendarme entre la gendarmerie mobile et la gendarmerie départementale et du croisement des missions. Ainsi, la gendarmerie mobile apporte son concours à la gendarmerie départementale, qui, pour sa part, peut participer au maintien de l'ordre.

Ces dernières années, la gendarmerie mobile a amorcé une profonde réorganisation. Cette réforme s'est traduite par la suppression des légions de la gendarmerie mobile au profit de vingt-deux régions, regroupant vingt-six groupements et cent vingt-trois escadrons. L'escadron, unité de base de la gendarmerie mobile, comprend 120 officiers et sous-officiers.

Conformément à la nouvelle doctrine d'emploi, définie par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002, l'emploi des forces mobiles est largement déconcentré. En vertu de cette nouvelle doctrine d'emploi, les escadrons de gendarmerie mobile qui ne concourent pas aux missions nationales (renfort permanent de la zone de défense de Paris, en Corse, en outre-mer et en opérations extérieures) constituent le « reliquat zonalisé ». Leur emploi est planifié et géré au niveau de la région de gendarmerie chef-lieu de zone de défense dans laquelle ils sont implantés. Le commandant de région dispose de ce « reliquat zonalisé » pour assurer la sécurité générale en zone de gendarmerie de son ressort. Agissant en unités constituées jusqu'au niveau du peloton, les escadrons de gendarmerie mobile sont placés sous réquisition générale des préfets de zone et travaillent sous l'autorité du commandant de groupement de gendarmerie départementale.

Si le maintien de l'ordre demeure la vocation première de la gendarmerie mobile, celle-ci est de plus en plus sollicitée au profit des départements les plus sensibles en vue de lutter contre l'insécurité quotidienne. Actuellement, seulement 15 % des activités de la gendarmerie mobile sont consacrées au maintien de l'ordre.

Dans le cadre de ses déplacements, le groupe de travail a effectué une visite au groupement blindé de la gendarmerie mobile (GBGM), situé à Versailles Satory. Il s'est entretenu avec plusieurs officiers et gendarmes et a pu examiner les différents équipements dont il dispose.

Créé en 1933, le groupement blindé de la gendarmerie mobile, composé de 1140 officiers et gendarmes, présente la particularité d'être la seule force chargée du maintien de l'ordre à disposer de véhicules blindés (au nombre de 50). En effet, les compagnies républicaines de sécurité ne disposent pas d'un matériel équivalent.

Situé à proximité de la capitale, il est particulièrement chargé de garantir la liberté d'action et la sécurité des organes gouvernementaux. Les pelotons blindés sont régulièrement employés outre-mer et en opérations extérieures. Ainsi, 4 engins sont actuellement déployés au Kosovo. En métropole, ils sont mis en oeuvre lors d'évènements de portée nationale ou de crises nationales (conflit des transporteurs routiers par exemple). Ils constituent une ressource de dissuasion et d'intervention pour les troubles majeurs à l'ordre public dans des situations difficiles (désordre généralisé, usage des armes). En ce sens, le groupement blindé de gendarmerie mobile constitue le stade ultime du maintien ou du rétablissement de l'ordre, avant l'intervention de l'armée. Il offre également une capacité d'intervention face au risque nucléaire, radiologique, biologique ou chimique (NRBC).

d) Les gendarmeries spécialisées

Afin de faire face à certains besoins spécifiques, la gendarmerie a été conduite à créer des formations spécialisées :

- la garde républicaine

Elle a pour mission première d'assurer des missions de sécurité et des services d'honneur des plus hautes autorités de l'État.

Composée de deux régiments d'infanterie, d'un régiment de cavalerie et de formations spécialisées (orchestres, escadron motocycliste), soit au total environ 3350 personnels, elle assure la sécurité des palais nationaux (Élysée, hôtel Matignon, Assemblée nationale, Sénat, Ministère de la Défense et Palais de justice de Paris). Le groupe de travail s'est ainsi entretenu avec le général Marcel Kapfer, commandant militaire du Palais du Luxembourg.

- le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN)

Réorganisé le 1 er septembre 2007, le « nouveau GIGN », qui a succédé au groupement de sécurité et d'intervention de la gendarmerie nationale (GSIGN), est une unité d'élite, fortement engagée dans la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité (avec prises d'otages notamment), ainsi que dans la protection de personnalités, en France, comme à l'étranger.

Comprenant un effectif de 378 militaires, le GIGN dispose d'un état-major et est articulé en quatre forces : intervention, sécurité-protection, observation-recherche et appui.

- la gendarmerie de l'air

Comprenant environ 1.000 gendarmes, la gendarmerie de l'air, créée en 1943, est une formation spécialisée de la gendarmerie nationale qui est placée pour emploi auprès de l'armée de l'air.

Elle assure des missions de protection (notamment des aérodromes), de conseil auprès des autorités de l'armée de l'air et de police militaire, administrative et judiciaire.

- la gendarmerie maritime

Environ 11.000 gendarmes servent au sein de la gendarmerie maritime, formation spécialisée de la gendarmerie placée pour emploi auprès du chef d'État major de la marine nationale.

Elle assure, au profit de la marine nationale, l'ordre et la sécurité dans les ports militaires, les arsenaux, les établissements et les bases. Elle concourt, sous l'autorité des préfets maritimes, à l'action de l'État en mer avec ses 7 patrouilleurs, 24 vedettes et 9 brigades de surveillance du littoral.

- la gendarmerie de l'armement

Cette gendarmerie spécialisée, comprenant environ 340 militaires, est chargée de la police judiciaire dans les lieux et établissements relevant de la délégation générale pour l'armement (DGA) et participe à leur protection.

- la gendarmerie des transports aériens

Elle relève de la direction générale de la gendarmerie pour le commandement organique, mais ses missions sont fixées par l'autorité d'emploi, la direction de l'aviation civile en accord avec la direction générale de la gendarmerie nationale.

Elle assure notamment la protection des aérodromes et des installations aéronautiques civiles, elle concourt à la sûreté et à la sécurité de l'aviation civile et elle procède aux enquêtes judiciaires, notamment en matière d'accidents d'aéronefs.

e) Les écoles de la gendarmerie

Installé à Rochefort-sur-Mer, le commandement des écoles de la gendarmerie (CEGN) dirige et coordonne l'ensemble des activités des écoles et centres de formation de l'institution.

Environ 30.000 militaires de tous grades sont formés ou perfectionnés chaque année dans les dix écoles de formation initiale (Melun, Montluçon, Chaumont, Le Mans, Châtellerault, Rochefort, Libourne, Montargis, Tulle et Châteaudun) et les dix centres techniques hautement spécialisés (enseignement supérieur, international, langues, police judiciaire, motocycliste, montagne, cynophile, plongée, maintien de l'ordre et commandement).

5. Les moyens de la gendarmerie

a) Le budget

Dans le cadre de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le budget de la gendarmerie, qui relève du ministère de la Défense, a été regroupé avec celui de la police nationale, qui relève du ministère de l'Intérieur, au sein de la mission interministérielle « sécurité ».

Après avoir connu une forte augmentation de ses crédits ces dernières années, grâce notamment à la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002, la gendarmerie a vu son budget diminuer en 2008.

Ainsi, les crédits de la gendarmerie pour 2008 sont de 7,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement, contre 7,9 milliards d'euros en 2007 (soit une baisse de 2,52 %) et ses crédits de paiement sont de 7,4 milliards d'euros, contre 7,5 en 2007 (soit une baisse de 0,58 %).

Une description détaillée du budget de la gendarmerie pour 2008 figure dans l'avis sur le projet de loi de finances pour 2008 présenté par M. Jean Faure 6 ( * ) .

b) Les effectifs

La gendarmerie compte aujourd'hui au total environ 101.000 personnels, dont plus de 99.000 militaires et environ 2.000 personnels civils. A titre de comparaison, l'effectif global est de 148.500 pour la police nationale et 330.000 pour les armées (dont 145.000 pour l'armée de terre).

Alors que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002 avait fixé à 7.000 emplois les renforts nécessaires à la gendarmerie pour la période 2003-2007, la gendarmerie s'est vue dotée de 6.050 emplois supplémentaires ces cinq dernières années.

Aujourd'hui, l'effectif de 101.000 civils et militaires de la gendarmerie est réparti de la façon suivante :

- 6.450 officiers et 74.050 sous-officiers de gendarmerie, essentiellement employés dans des fonctions opérationnelles ;

- 250 officiers et 4.050 sous-officiers du corps technique et de soutien de la gendarmerie. Ces emplois imposent des dispositions particulières découlant du statut militaire (disponibilité et mobilité) ou une spécialisation poussée dans le domaine administratif ou technique ;

- 14.400 gendarmes adjoints volontaires ;

- environ 2.000 personnels civils. Il s'agit d'emplois d'encadrement, d'experts ou de spécialistes dans les domaines administratifs, logistiques et techniques. Ils ne sont pas soumis au statut militaire.

La gendarmerie a pendant longtemps été composée, pour l'essentiel, de sous-officiers de gendarmerie. Les deux dernières lois de programmation militaire (LPM) et le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) ont modifié sa structure afin de mieux faire face à ses impératifs d'encadrement et de professionnalisation des soutiens.

LE PLAN D'ADAPTATION DES GRADES AUX RESPONSABILITÉS EXERCÉES (PAGRE)

Ce plan, qui a été adopté par le ministre de la défense en 2004, comporte deux volets :

- un repyramidage, qui doit se traduire par la transformation d'emplois de sous-officiers en emplois d'officiers et d'emplois de gendarmes en emplois de sous-officiers supérieurs. Il s'agit ainsi de relever le niveau hiérarchique de commandement des unités élémentaires (communautés de brigades et brigades autonomes) en augmentant le taux d'encadrement supérieur à un niveau comparable à celui de la police nationale et d'améliorer les perspectives d'avancement pour les officiers et les sous-officiers en fin de carrière. A terme, l'objectif fixé est une augmentation globale de 5 000 officiers pour atteindre le chiffre total de 9 000 officiers de gendarmerie en 2012 et un repyramidage de 6051 sous-officiers ;

- une modification des grilles indiciaires de certains grades.

Le PAGRE constitue en quelque sorte le pendant du plan de réforme des corps et carrières dans la police nationale.

A la fin de l'année 2008, le bilan d'exécution du PAGRE sera le suivant :

Bilan de l'exécution du PAGRE

2005

2006

2007

2008

Total

Objectif 2012

Nombre de postes d'officier créés
Taux de réalisation/objectif

1 000

35 %

750

35 %

750

50 %

500

60 %

3000

60 %

5 000

Nombre de postes de sous-officiers repyramidés
Taux de réalisation/objectif

1 208

20 %

906

35 %

634

45 %

593

55 %

3341

55 %

6 051

Bien que restant à dominante masculine, la gendarmerie nationale s'est également engagée dans un processus de féminisation de ses effectifs.

LA FÉMINISATION DE LA GENDARMERIE

Incarnée à la télévision par la série « Une femme d'honneur », la féminisation de la gendarmerie est un phénomène récent mais en progression constante. Depuis la suppression des quotas, intervenue en 1998, le recrutement féminin est ouvert sans limitation, permettant une augmentation constante du nombre de femmes en service dans la gendarmerie, même si celles-ci restent encore largement minoritaires.

Le taux de féminisation global de la gendarmerie s'établit aujourd'hui à environ 13 % des effectifs, contre 5 % en 2002. En ce qui concerne les officiers de gendarmerie, le taux de féminisation n'est que de 3 %, mais le taux de recrutement est de 41%. Pour les sous-officiers, le taux de féminisation s'établit aujourd'hui à près de 9 % avec un taux de recrutement de 22 %. Le taux de féminisation le plus important se constate parmi les sous-officiers du corps de soutien, puisqu'il s'élève actuellement à près de 70 %.

Concernant leur emploi, les femmes militaires ont des perspectives de carrière et d'avancement identiques à celles de leurs camarades masculins. La seule restriction concerne la gendarmerie mobile. Alors que les officiers féminins peuvent servir au sein des unités de gendarmerie mobile, les sous-officiers et les gendarmes adjoints volontaires féminins ne peuvent pas occuper d'emploi au sein des escadrons de gendarmerie mobile. Avec les emplois à bord des sous-marins dans la marine nationale, il s'agit là de l'une des dernières restrictions à l'emploi des personnels féminins dans les armées.

Si les raisons avancées dans ce domaine apparaissent non dénuées de fondement (problème du cantonnement lors des déplacements, rusticité des missions opérationnelles notamment en outremer, force physique différente), certains s'interrogent cependant sur le maintien à l'avenir de cette restriction. On peut d'ailleurs observer que les femmes sous-officiers ont accès aux unités opérationnelles, telles que le Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), et que les missions spécifiques de maintien de l'ordre effectuées par la gendarmerie mobile ne représentent que 15 % environ de son activité.

La gendarmerie dispose, en outre, d'une réserve opérationnelle de 25 000 officiers et sous-officiers, qui sont employés en moyenne 22 jours par an. Cette force d'appoint, qui permet de renforcer le dispositif de la façon la plus adaptée aux pics d'activité, est devenue un élément essentiel de l'efficacité opérationnelle des unités.

LA RÉSERVE DE LA GENDARMERIE

Depuis la professionnalisation des armées, le rôle de la réserve militaire a beaucoup évolué 7 ( * ) . Passée d'une réserve de masse, issue des anciens appelés du contingent, à une réserve de volontaires sélectionnés, la gendarmerie dispose désormais d'une réserve opérationnelle qui répond à un besoin de renforcement de ses capacités.

La réserve de la gendarmerie se compose de la réserve opérationnelle et de la réserve citoyenne :

- la réserve opérationnelle : On distingue la réserve opérationnelle de premier niveau, qui comprend tous les volontaires sous engagement à servir dans la réserve (ESR), et celle de deuxième niveau, qui comprend tous les anciens militaires d'active ou sous contrat soumis à l'obligation de disponibilité de 5 ans ;

En gendarmerie départementale, en gendarmerie mobile et à la garde républicaine, les personnels de la réserve opérationnelle effectuent les mêmes missions que leurs homologues de l'active (surveillance, renseignement, lutte contre la délinquance, défense de points sensibles...), soit en renfort d'unités existantes, soit en unités constituées de réservistes. Si l'usage des armes n'est reconnu que dans le cadre de la légitime défense, ils disposent, dans le domaine de la police judiciaire, de la compétence d'agent de la police judiciaire (APJ) pour les anciens militaires d'active et de celle d'agent de police judiciaire adjoint (APJA) pour les autres réservistes après une formation spécifique et une prestation de serment.

Cette réserve opérationnelle est composée d'anciens militaires, de citoyens désireux d'acquérir une expérience valorisante et rémunérée, mais également de spécialistes qui exercent des fonctions liées à leurs compétences. Une formation continue permet aux militaires de réserve d'accéder aux grades supérieurs. Les volontaires qui n'ont pas reçu de formation militaire préalablement à leur demande d'engagement à servir dans la réserve, ne sont intégrés qu'après avoir suivi une préparation militaire.

La réserve opérationnelle de la gendarmerie compte, à la fin de l'année 2007, 25.000 réservistes. L'activité moyenne annuelle est de 22 jours par réserviste.

A terme, l'objectif fixé est de parvenir à une réserve opérationnelle de premier niveau comportant 40.000 réservistes en 2012, soit la réserve opérationnelle la plus importante des forces armées en matière d'effectifs.

- la réserve citoyenne : Elle est la deuxième composante de la réserve militaire. Elle est composée de volontaires agréés par l'autorité militaire. Les réservistes citoyens sont des bénévoles qui mènent des actions visant à renforcer le lien armée/nation.

L'année 2007 a marqué pour la première fois une rupture dans la montée en puissance de la réserve opérationnelle de la gendarmerie en raison d'insuffisances budgétaires. L'année 2008 confirme cette tendance, avec une baisse de 10 % du budget consacré aux activités de la réserve opérationnelle.

La poursuite de cette évolution risque de compromettre l'objectif de parvenir à une réserve opérationnelle de 40.000 personnels pour la gendarmerie à l'horizon 2012.

Cette évolution est regrettable car la réserve opérationnelle constitue aujourd'hui un élément indispensable à l'activité de la gendarmerie. De nombreux réservistes apportent un renfort appréciable aux unités territoriales, en particulier en période estivale, ou aux gendarmes mobiles, notamment à l'occasion de manifestations comme le Tour de France. Des réservistes prennent également en charge des gardes statiques, permettant ainsi de libérer les militaires d'active pour d'autres missions.

Armée, en uniforme, présente sur la voie publique au contact de la population, tant pour l'exécution de missions régaliennes, que pour rendre un service de proximité, la réserve développe le lien armée/nation dans toutes les couches de la population et dans la profondeur du territoire dont la gendarmerie a la charge.

Conclusion : conforter la montée en puissance de la réserve de la gendarmerie

c) Les équipements

La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002 s'est traduite par une augmentation substantielle des crédits consacrés aux équipements de la gendarmerie.

Entre 2003 et la fin de l'année 2008, la gendarmerie aura ainsi bénéficié de 816 millions d'euros en crédits de paiement au titre de la LOPSI sur une cible de 1 020 millions d'euros, soit un taux de réalisation de 80 % pour les autorisations d'engagements et 76 % pour les crédits de paiement en dotations et respectivement 76 % et 71 % en consommation de crédits.

Dotations LOPSI - crédits d'équipements de la gendarmerie (en millions d'euros courants)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

TOTAL

CIBLE

AE

182

94

120

265

220

0

881

1020

CP

94

94

120

200

220

88

816

1020

Consommation des crédits LOPSI d'équipements de la gendarmerie (en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

TOTAL

CIBLE

AE

171

108

128

205

220*

832*

1020

CP

71

105

103

191

220*

690*

1020

* prévisions

Au titre de la loi de programmation militaire, la gendarmerie aura également bénéficié de 320 millions d'euros en autorisations d'engagement et 386,5 millions d'euros en crédits de paiement en 2008.

Grâce à cet important effort budgétaire, la gendarmerie a pu bénéficier de programmes prioritaires, tels que le remplacement des véhicules, l'acquisition de nouvelles tenues et de gilets pare-balles, de nouveaux pistolets automatiques ou encore le remplacement des hélicoptères.

Le remplacement des véhicules blindés à roue de la gendarmerie (VBRG), acquis au début des années 1970 et dont le taux de disponibilité est préoccupant puisqu'il est inférieur à 50 %, par de nouveaux modèles (VBG), prévu dans le cadre de la LOPSI et de la LPM, a connu certains retards en raison de l'annulation en mai 2007 par le juge des référés de la procédure de passation du marché. Une nouvelle procédure a été lancée en juin 2007. Les premières livraisons devraient intervenir en 2009. La cible initiale de 122 véhicules blindés a été réduite à 92 engins.

Après plusieurs années de retard, une rénovation du parc immobilier de la gendarmerie a également été engagée.

Le parc immobilier de la gendarmerie se distingue de celui des autres administrations de l'État en raison de son importance et de sa dispersion sur le territoire. En effet, les officiers et les sous-officiers de la gendarmerie bénéficient d'une « concession de logement par nécessité absolue de service » 8 ( * ) .

L'immobilier de la gendarmerie comportait ainsi, au 1 er juillet 2007, 79 949 logements, dont 33167 appartiennent à l'État (730 casernes domaniales) et 46 782 sont loués (29 259 logements répartis dans 3 397 casernes locatives et 17 523 logements hors caserne).

Si un important effort a été réalisé ces dernières années par les collectivités locales en matière de rénovation du parc locatif de la gendarmerie, le parc appartenant à l'État (parc domanial) , dont plus de 70 % a plus de 25 ans, a atteint un niveau de vétusté préoccupant.

Age des logements en caserne

Domaniaux

Non domaniaux

Global

moins de 10 ans

5,96 %

15,00 %

10,31 %

de 10 à 25 ans

16,89 %

25,21 %

20,89 %

de 25 à 50 ans

49,21 %

50,56 %

49,86 %

de 50 à 100 ans

24,53 %

4,15 %

14,73 %

plus de 100 ans

3,41 %

5,08 %

4,21 %

Total

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Source : Ministère de la Défense

Conclusion : poursuivre les programmes d'équipement et de rénovation immobilière.

B. L'ÉVOLUTION DE LA PLACE DE LA GENDARMERIE DANS LE DISPOSITIF DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE DEPUIS 2002

1. Le positionnement institutionnel

a) Au niveau central, le rattachement pour emploi au ministre de l'Intérieur

A la suite de l'élection présidentielle de mai 2002, la gendarmerie a été placée pour emploi pour l'exercice des missions de sécurité intérieure auprès du ministre de l'Intérieur, par un décret du 15 mai 2002.

L'article 3 de ce décret précise que « pour l'exercice de ses missions de sécurité intérieure, le Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité et des Libertés locales est responsable de l'emploi des services de la gendarmerie nationale et qu'à cette fin, en concertation avec le ministre chargé de la Défense, il définit les missions de ces services autres que celles qui sont relatives à l'exercice de la police judiciaire, et détermine les conditions d'accomplissement de ces missions et les modalités d'organisation qui en résultent » .

Plus récemment, le décret du 31 mai 2007 a établi une responsabilité conjointe du ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur s'agissant de la définition des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie nationale et de son suivi.

La gendarmerie reste cependant encore aujourd'hui placée sous la direction du ministère de la Défense pour ses missions militaires, son budget et les questions de personnels, le statut des gendarmes restant commun à celui des autres militaires.

Le placement de la gendarmerie pour emploi auprès du ministre de l'Intérieur pour l'exercice de ses missions de sécurité intérieure a été perçu comme une réforme profonde. Il n'est cependant qu'une nouvelle interprétation de la triple tutelle traditionnelle sous laquelle est placée la gendarmerie.

En effet, si la gendarmerie est rattachée depuis l'origine au ministère de la Défense, elle entretient toutefois depuis longtemps des liens étroits avec le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice.

L'article 4 du décret du 20 mai 1903 précise ainsi que la gendarmerie « en raison de la nature de son service, tout en étant sous les ordres du ministre des armées, est placée dans les attributions des ministres de l'Intérieur et de la Justice » .

L'article 59 du même décret, relatif aux attributions du ministre de l'Intérieur, précise qu'il « appartient au ministre de l'Intérieur de donner des ordres pour la police générale, pour la sûreté de l'État, et en donnant avis au ministre des armées, pour le rassemblement des brigades en cas de service extraordinaire » .

Ainsi, on peut parler en réalité d'une triple tutelle (Intérieur, Défense, Justice) sous laquelle est placée la gendarmerie.

b) Au niveau départemental, le renforcement du rôle du préfet

Le rattachement opérationnel de la gendarmerie auprès du ministre de l'Intérieur a été transposé au niveau local et s'est traduit par le renforcement du rôle du préfet.

La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 a, en effet, renforcé notablement le rôle du préfet, qui « assure la coordination de l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure sans préjudice des compétences de l'autorité judiciaire » .

Le décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements dispose ainsi que « le préfet de département a la charge de l'ordre public, de la sécurité et de la protection des populations ».

2. Le partage des compétences et la coopération entre la police et la gendarmerie

a) La nouvelle répartition des zones de compétences entre la police et la gendarmerie

« Particulièrement destinée à la sûreté des campagnes et des voies de communication » , selon l'article premier du décret du 20 mai 1903, la gendarmerie est une force de police à caractère essentiellement rural.

La répartition des compétences territoriales entre la police et la gendarmerie nationale a été, pendant plus de soixante ans, régie par la loi du 23 avril 1941. La police nationale était, selon ce texte, chargée de la sécurité publique dans les villes de plus de 10.000 habitants et la gendarmerie dans toutes les autres communes.

Mais ce principe connaissait en pratique d'importants aménagements.

Des communes de moins de 10.000 habitants restaient placées sous la responsabilité de la police nationale. La gendarmerie conservait, pour sa part, un important dispositif dans les grandes villes, notamment dans la petite couronne parisienne.

Par ailleurs, le développement des zones périurbaines avait imbriqué les territoires, rendant ainsi les responsabilités plus confuses.

La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 a modifié ces critères en posant le principe selon lequel « la police nationale a compétence dans les communes chefs-lieux de département et dans les entités urbaines remplissant les conditions de densité et de continuité de l'urbanisation, et que la gendarmerie nationale a compétence dans les autres communes » .

La police nationale a donc vocation à assurer la sécurité dans les communes dont la population est supérieure à vingt mille habitants et dans lesquelles les caractéristiques de la délinquance sont celles des zones urbaines, ces deux critères étant cumulatifs. A contrario, la gendarmerie nationale a vocation à assurer les missions de sécurité publique dans les autres communes.

La question des redéploiements et la réforme des zones de compétence entre la police et la gendarmerie ont été au centre du rapport de nos collègues MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest, d'avril 1998 ( 9 ( * ) ).

Toutefois, ce rapport a aussi démontré, par les réactions qu'il a suscitées, la difficulté d'opérer une redistribution des territoires entre la police et la gendarmerie.

Le constat de l'inadéquation entre, d'un côté, la répartition territoriale des effectifs de la police et de la gendarmerie, et, de l'autre, les évolutions de la société et de l'état de la délinquance, a conduit ses auteurs à définir les grandes lignes d'un redéploiement obtenu au moyen de la conjonction de deux évolutions d'ensemble : d'une part, une modification de la carte des implantations respectives de la police et de la gendarmerie, et, d'autre part, un mouvement de réorganisation territoriale interne à chacune des deux institutions, de manière à dégager des effectifs supplémentaires afin de renforcer leur présence dans les quartiers sensibles et les zones périurbaines.

Concernant la situation respective de la gendarmerie et de la police, le rapport indique combien, au regard de leurs différences d'organisation et de fonctionnement, il est difficile de procéder à des comparaisons.

Si, à première vue, et abstraction faite de l'étendue des espaces à surveiller, la situation paraît déséquilibrée au préjudice de la police (avec 60 % des effectifs des forces de sécurité, elle a en charge 50 % de la population, 75 % des faits de délinquance et 80 % des zones urbaines sensibles), l'augmentation de la population dans les zones périurbaines (selon les estimations de l'INSEE, 6 à 7 millions d'habitants supplémentaires entre 1990 et 2015) devrait réduire, dans les années à venir, l'écart entre les deux forces.

Les auteurs du rapport recommandaient le transfert en zone de gendarmerie de 89 circonscriptions et le transfert en zone de police de 38 communes.

Toutefois, malgré la volonté du gouvernement de suivre ces recommandations, la forte mobilisation des élus locaux et des syndicats de policiers contre les projets de fermeture de commissariats et de brigades de gendarmerie a conduit le gouvernement à reporter la mise en oeuvre des mesures de redéploiement.

La nécessité d'un redéploiement des zones de police et de gendarmerie a, à nouveau, été réaffirmée par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002.

Soutenue par une volonté politique forte du ministre de l'Intérieur et menée dans la concertation avec les élus et avec un soutien efficace en termes de moyens humains, des opérations de redéploiements ont été menées avec succès sur la période 2003-2007, dans 343 communes :

- 222 communes ont été transférées à la police nationale ;

- 121 communes ont été transférées à la gendarmerie nationale, correspondant, pour l'essentiel, à des communes de 10.000 à 18.000 habitants.

Ces opérations ont été un véritable succès. En effet, tant dans les zones transférées à la police nationale, que dans celles transférées à la gendarmerie nationale, le taux d'élucidation a augmenté (de 0,7 point entre 2003 et 2006 pour les zones transférées à la gendarmerie nationale).

OPERATIONS DE REDEPLOIEMENTS DE LA GENDARMERIE

METROPOLE

2003

2004

2005

2006

Période

2003-2007

Nombre de reprises de circonscriptions de sécurité publique (CSP)

19

15

6

1

41

Effectifs supplémentaires mis en place sur la ressource nouvelle LOPSI

311

284

306

41

942

Effectifs redéployés en zone de gendarmerie (ZGN)

878

1.030

519

59

2 486

Effectifs dégagés de zones de zone de police nationale (hors petite couronne parisienne)

567

746

213

18

1 544

Nombre d'unités dissoutes

79

80

21

1

181

Nombre d'unités créées

36

48

16

2

102

Nombre d'unités réorganisées

315

326

83

9

733

Conclusion : conforter le « maillage » territorial de la gendarmerie en poursuivant les redéploiements entre la police et la gendarmerie

b) Le renforcement de la coopération entre la police et la gendarmerie

Face aux évolutions de la délinquance, la police et la gendarmerie se sont engagées, depuis plusieurs années, vers une coopération accrue.

La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 a marqué une nouvelle étape dans le renforcement de la coopération entre les deux forces, illustrée notamment par la création des Groupes d'intervention régionaux (GIR).

LES GROUPES D'INTERVENTION RÉGIONAUX (GIR)

Institués par une circulaire interministérielle du 22 mai 2002 et consacrés par la Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (LOPSI), les groupes d'intervention régionaux (GIR) « sont destinés à lutter contre la délinquance violente, les trafics illicites et l'économie souterraine, en particulier dans les zones sensibles » et administrativement rattachés aux services régionaux de police judiciaire ou aux sections de recherche de la gendarmerie nationale.

Leur structure est originale puisque chaque groupe intègre à la fois des policiers (police judiciaire, sécurité publique et renseignements généraux), des gendarmes (section de recherche et gendarmerie départementale), des douaniers et des fonctionnaires des services fiscaux et sociaux. Il s'agit ainsi de mutualiser les compétences et les moyens d'agents provenant de différentes administrations.

Il existe actuellement 30 GIR (29 en métropole et un en Guyane), dont 19 sous commandement de la police et 11 sous commandement de la gendarmerie. Environ 400 fonctionnaires et militaires de la gendarmerie y travaillent à temps plein, auxquels s'ajoutent environ 1440 personnes-ressources.

Le bilan global des GIR s'avère très positif, même si l'on constate des résultats variables selon des GIR. A titre d'exemple, en 2006, les 11 GIR dirigés par la gendarmerie ont interpellé 1460 personnes dont 1145 ont été placées en garde à vue. 116 kg de résine de cannabis, 2,6 kg de cocaïne, 13,9 kg d'héroïne et 2042 sachets d'ecstasy ont été saisis. Sur le plan financier, les saisies se sont élevées à plus de 1,1 million d'euros.

Le 21 janvier 2008, le ministre de l'Intérieur, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, au cours d'une réunion avec l'ensemble des responsables des GIR, a annoncé la création de deux nouveaux GIR en Guadeloupe et en Martinique et elle a souligné sa volonté de recentrer l'action des GIR vers la lutte contre le trafic de drogue et l'économie souterraine.

La gendarmerie et la police coopèrent également au sein des offices centraux créés pour lutter contre certaines formes particulières de délinquance. Des officiers et des sous-officiers de gendarmerie sont ainsi employés au sein des offices rattachés à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) du ministère de l'Intérieur.

Trois offices sont rattachés à la direction générale de la gendarmerie nationale. Il s'agit de l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) et l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI).

Conclusion : développer la coopération entre la gendarmerie et la police sans remettre en cause les spécificités des deux forces

3. Les bons résultats obtenus par la gendarmerie en matière de lutte contre la délinquance et l'insécurité routière

a) Une baisse globale de la délinquance avec des évolutions contrastées

La délinquance générale a fortement diminué. Elle a baissé de 12,75 % entre 2002 et 2007. Cette réduction de la délinquance est particulièrement marquée s'agissant des faits constatés par la gendarmerie nationale, qui ont diminué de 15,1 % entre 2002 et 2007. Les faits constatés par la police nationale ont pour leur part diminué de 11,8 % entre 2002 et 2007.

Cette diminution globale de la délinquance recouvre cependant des évolutions différenciées selon les types de délinquance.

La délinquance de voie publique (cambriolages, vols d'automobiles, vols à la roulotte notamment) a baissé de 29,6 % depuis 2002.

Les violences aux personnes ont cependant augmenté de 27,4 % entre 2002 et 2007, et leur part dans le total des faits constatés est passé de 9,3 % à 10,8 %.

Corrélativement, la hausse des deux autres indicateurs, le taux d'élucidation et la part des faits révélés par l'action des services de police et de gendarmerie, relève que cette réduction de la délinquance résulte d'une véritable mobilisation des services de gendarmerie et de police.

- Le taux d'élucidation (c'est-à-dire le nombre de faits élucidés par rapport à celui des faits constatés) est de 36,1 % en 2007, soit une hausse de près de 10 points en cinq ans ;

- La part des faits révélés par l'action des services de police et de gendarmerie a progressé de 39,1 % entre 2002 et 2007, passant de 6,2 % à 9,8 %.

Le taux d'élucidation de la gendarmerie, qui est de 41,1 % en 2007, est traditionnellement plus élevé que celui de la police (34,2 % en 2007).

b) Des résultats significatifs en matière de lutte contre l'insécurité routière

Les bons résultats obtenus par la gendarmerie en matière de lutte contre l'insécurité routière sont très significatifs.

En une vingtaine d'années, le nombre de tués sur les routes a été divisé par trois (3537 en 2007 contre 10 960 en 1986). Avec une baisse de 3,1 % du nombre de tués et de 4,7 % du nombre de blessés en zone de gendarmerie en 2007 par rapport à 2006, les résultats obtenus par la gendarmerie témoignent de l'engagement des unités sur le terrain.

C. UN MALAISE SOCIAL ?

1. Les précédentes crises de la gendarmerie

Ces dernières années, la gendarmerie, corps traditionnellement silencieux et obéissant, a connu à plusieurs reprises des crises, dont certaines ont eu un grand écho dans l'opinion.

Une des premières crises de la gendarmerie à avoir eu un large retentissement a été la crise de l'été 1989.

LA CRISE DE L'ÉTÉ 1989

Survenue peu après l'assassinat de quatre gendarmes lors des évènements de Nouvelle-Calédonie en 1988, cette crise s'est manifestée par l'envoi de nombreuses lettres anonymes adressées aux plus hautes autorités de l'État et communiquées à la presse mettant en cause les conditions de travail des militaires de la gendarmerie.

Ces lettres dénonçaient tout à la fois la pénibilité du travail, notamment les horaires de travail et les astreintes, les conditions de logement et le manque de considération dont leurs auteurs estimaient être les victimes.

Cette première crise fut résolue par des « états généraux de la gendarmerie », et le lancement d'une « rénovation du service public de la gendarmerie », qui se traduisit par une réforme profonde de l'organisation, des conditions de travail et des mécanismes de concertation au sein de la gendarmerie.

La gendarmerie a connu une rechute en 2000, mais elle a été largement contenue grâce à un certain nombre de mesures visant à alléger le service, comme la préservation des périodes de récupération physique.

Toutefois, ce répit n'a été que de courte durée, puisque la gendarmerie a connu un véritable traumatisme avec la crise de décembre 2001.

LA NOUVELLE CRISE DE DÉCEMBRE 2001

Annoncée  par diverses manifestations d'indiscipline, cette crise a connu son paroxysme du 4 au 7 décembre 2001, avec des manifestations ayant amené plusieurs milliers de gendarmes en tenue, avec leurs véhicules de service, à converger vers leurs états-majors nationaux, puis à se prêter à des manifestations sur la voie publique, notamment à Paris, le 7 décembre, où un demi millier de gendarmes rassemblés Porte Maillot ont été empêchés par un cordon de CRS de descendre l'avenue des Champs-Élysées.

Dans un contexte marqué par la mise en place des 35 heures, ce mouvement de contestation avait pour origine des conditions de travail jugées exorbitantes, l'insuffisance des effectifs et le manque de moyens, la vétusté des locaux et des matériels, ainsi que le sentiment de décrochage social et indiciaire des personnels de la gendarmerie.

Même si la crise de décembre 2001 a pu être résolue, elle semble avoir laissé un grand traumatisme au sein de la gendarmerie et un certain ressentiment de la part des armées.

2. Le dialogue social et les instances de concertation

En l'absence de syndicats, incompatibles avec le statut militaire, des mécanismes de concertation ont été mis en place au sein de la gendarmerie, comme d'ailleurs au sein des armées en général.

Depuis les crises de 1989 et de 2001, le dialogue social a beaucoup évolué au sein de la gendarmerie. Des mesures législatives et réglementaires ont amélioré la représentation des personnels et renforcé les instances de concertation.

A l'échelle des compagnies ou des escadrons, des présidents de catégorie, élus par leurs pairs, participent régulièrement à des réunions qui concernent les conditions de travail ou de vie des personnels. Ils donnent des avis au commandant d'unité sur tous les problèmes d'ordre professionnel, social ou moral qui intéressent les militaires qu'ils représentent.

Au niveau des groupements et des régions, des commissions de participation, composées des présidents de catégorie, se réunissent régulièrement pour évoquer les questions relatives aux conditions de vie et de travail des personnels de la gendarmerie.

Sur le plan national, le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG), composé de 79 membres titulaires tirés au sort, après volontariat, est chargé d'étudier toute question concernant les conditions de vie, d'exercice du métier militaire ou d'organisation du travail. Il donne également un avis sur tous les textes législatifs ou réglementaires relatifs à la gendarmerie. Le groupe de travail a auditionné le colonel Michel Robiquet, Secrétaire général du CFMG.

Il existe sept conseils de la fonction militaire (gendarmerie nationale, armée de terre, armée de l'air, marine nationale, service de santé des armées, délégation générale de l'armement et service des essences des armées), qui fonctionnent selon les mêmes principes.

Enfin, la gendarmerie est représentée au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), qui est l'instance nationale supérieure de concertation du personnel militaire au sein des armées. Depuis la loi du 24 mars 2005, les membres du CSFM sont élus (et non plus tirés au sort) par et parmi les membres des CFM. Le CSFM traite davantage de questions statutaires générales.

Si le fonctionnement des instances de concertation au niveau local ne semble pas soulever de difficultés particulières, le mode de désignation des représentants siégeant au sein du CFMG semble, en revanche, perfectible.

Une réforme du mode de désignation de ces représentants, afin qu'ils soient élus et non plus tirés au sort, serait, en effet, de nature à renforcer leur légitimité.

Le principal obstacle à cette réforme tient cependant à l'attitude très réservée des autres armées, dont les instances de concertation fonctionnent sur les mêmes principes, et qui considèrent que cette réforme entraînerait une tendance vers une sorte de « syndicalisation » de ces instances.

Conclusion : revoir les mécanismes de représentation et de concertation au sein de la gendarmerie.

Compte tenu des lacunes existantes dans le fonctionnement des instances de concertation au niveau national, les associations de retraités et d'anciens élèves, ainsi que les associations de familles de gendarmes, jouent souvent un rôle important pour l'expression des revendications des personnels d'active.

Des associations telles que la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG), l'Union nationale des personnels en retraite de la gendarmerie (UNPRG), la société d'entraide des élèves et anciens élèves de l'école des officiers de la gendarmerie nationale (« le Trèfle »), ou encore la société nationale des anciens et des amis de la gendarmerie (SNAAG), exercent, plus ou moins, notamment à travers leurs publications ( « l'Essor de la gendarmerie nationale » pour l'UNPRG ou « « Avenir et gendarmerie » pour la FNRG), une telle fonction.

Le groupe de travail a auditionné les représentants de ces associations. Ceux-ci ont exprimé leurs principales préoccupations et leurs attentes concernant les perspectives de la gendarmerie.

Les membres du groupe de travail se sont également entretenus avec Mme Murielle Noëlle, Présidente de l'association d'aide aux membres et familles de gendarmes. Celle-ci a souligné la difficulté de concilier la mobilité professionnelle des gendarmes et l'activité professionnelle des conjoints, notamment en zone rurale, ainsi que l'état dégradé de certaines casernes, qui pèse lourdement sur les conditions de vie des gendarmes et de leur famille.

3. Un climat temporairement apaisé mais caractérisé par de fortes attentes

Peut-on parler d'un « malaise » actuel au sein de la gendarmerie ?

La rumeur d'un « malaise » au sein de la gendarmerie a été véhiculée sur certains sites Internet.

Le général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, le 15 octobre 2007, avait affirmé qu' « il fallait faire preuve de prudence à l'égard de certaines rumeurs sur le malaise supposé au sein de la gendarmerie, notamment celles véhiculées sur Internet, qui s'apparentent à de véritables tentatives de déstabilisation, à l'image du site « gendarmes en colère », dont il est apparu que les principaux animateurs étaient en réalité des syndicalistes policiers agissant à titre personnel, des militants politiques ou des anciens gendarmes ayant fait l'objet de mesures disciplinaires. »

Il ajoutait plus loin : « L'immense majorité des gendarmes expriment leurs attentes dans le cadre des instances de participation et par la voie hiérarchique ».

Néanmoins, le groupe de travail considère que, si l'on ne peut pas véritablement parler de « malaise » au sein de l'institution, en tout cas qui soit comparable au climat des années 1989 ou 2001, il n'en demeure pas moins que la situation au sein de la gendarmerie demeure préoccupante.

Elle peut être résumée par la formule employée par les représentants des associations de retraités et d'anciens élèves de la gendarmerie lors de leur audition par le groupe de travail : un climat temporairement apaisé mais caractérisé par de fortes attentes.

En effet, à la différence des précédentes crises, qui tenaient surtout à un sentiment de manque de considération mais où la question des rémunérations n'était pas au centre des revendications, les attentes des gendarmes semblent aujourd'hui principalement porter sur la question salariale.

Ce sentiment a d'ailleurs été renforcé par la publication du premier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire, de février 2007, qui a relevé que la position des militaires en matière de classement indiciaire avait évolué moins favorablement que celui des corps appartenant à la police.

Ainsi, selon ce rapport, le salaire net mensuel moyen des sous-officiers n'a progressé que de 7,5 % entre 1990 et 2004 (passant de 1928 à 2072 euros), contre 10,9 % pour celui des professions intermédiaires de la police (qui est passé de 2305 à 2557 euros de 1990 à 2004).

A maintes reprises, les gendarmes ont dit attendre une revalorisation de leur rémunération et de leur grille indiciaire. Un réajustement à la hausse des salaires est largement demandé.

Conclusion : garantir une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers.

II. QUELLES RÉFORMES POUR LA GENDARMERIE DU XXIe SIÈCLE ?

A. LES CHANTIERS ACTUELS

La gendarmerie se trouve aujourd'hui à la veille d'importantes réformes qui devraient marquer durablement l'avenir de cette institution.

1. Le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur

Lors d'une intervention prononcée devant 1800 policiers et gendarmes, réunis à la Grande Arche de la Défense, le 29 novembre 2007, le Président de la République a annoncé le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, tout en conservant son statut militaire .

Il s'agit par cette mesure d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la délinquance en renforçant la coopération entre la police et la gendarmerie, en développant les mutualisations et en favorisant les adaptations de zones de compétence de police et de gendarmerie.

Le ministre de l'Intérieur devrait à l'avenir définir l'emploi, l'organisation, les objectifs, les moyens d'investissement et de fonctionnement de la gendarmerie et de la police. Cela permettra d'assurer l'unicité du commandement organique et opérationnel des deux forces.

Dans le même temps, le Chef de l'État a clairement exclu toute fusion entre la police et la gendarmerie.

Comme il l'a souligné, lors de son intervention, « Police et gendarmerie sont deux institutions qui ont leur culture, leur histoire, leur identité, leur succès et leurs drames. Tout ce qui forge et soude une communauté » .

« Le principe de l'existence de deux forces de sécurité dans notre pays , l'une à statut militaire, l'autre à statut civil, est et sera maintenu » a-t-il déclaré. En effet, « la France ne peut pas faire l'économie d'une force de sécurité à statut militaire, car on en a besoin pour de multiples missions de défense, en métropole, en outre-mer et sur les théâtres d'opérations extérieures. (...) » a-t-il ajouté.

A cet égard, le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur soulève la question du maintien du statut militaire et des attributions du ministre de la Défense, concernant notamment les questions de personnels et l'exercice des missions militaires, et de celles du ministre de la Justice concernant la mission de police judiciaire.

Comme l'a déclaré le Président de la République : « Il faut trouver ce juste point d'équilibre entre le statut militaire et ses éléments qui préservent le rattachement à la communauté militaire et d'autre part la mission de sécurité qui est principale et qui doit s'exercer en totale cohérence et sans redondance avec la police nationale » .

Le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, qui devrait intervenir à partir du 1 er janvier 2009, devrait être inscrit dans une future loi sur la gendarmerie.

Conclusion : rattacher la gendarmerie au ministre de l'Intérieur tout en maintenant des liens étroits avec les ministres de la Défense et de la Justice

2. La future loi sur la gendarmerie

En même temps qu'il annonçait le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, le Président de la République a demandé au gouvernement de préparer un projet de loi sur la gendarmerie.

L'organisation et les missions de la gendarmerie sont régies aujourd'hui par un décret datant de 1903. Ce décret serait remplacé par une loi qui consacrerait le statut militaire de la gendarmerie.

Comme l'a indiqué le général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, le 15 octobre 2007 :

« A ce stade, il s'agirait d'élaborer une loi de principe, comprenant quelques articles seulement, par exemple en consacrant le caractère de force de police à statut militaire de la gendarmerie ».

En même temps qu'elle assurerait le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, cette loi réaffirmerait le rôle central des préfets.

En effet, comme l'a souligné le Président de la République, « la loi confirmera que les commandants des formations territoriales, nommés par le ministre de l'Intérieur, sont placés, formellement, sous l'autorité des préfets »

Le projet de loi relatif à la gendarmerie devrait être adopté en conseil des ministres pendant la deuxième quinzaine du mois d'avril et présenté ensuite au Parlement en vue d'une adoption au cours du premier semestre de cette année.

Un des enjeux majeurs de cette loi d'organisation sera de définir précisément les attributions respectives du ministre de l'Intérieur, du ministre de la Défense et du Garde des Sceaux à l'égard de la gendarmerie.

Une autre question essentielle porte sur le rôle des préfets, notamment en matière de maintien de l'ordre.

Conclusion : garantir dans la future loi sur la gendarmerie le maintien de son statut militaire

3. Le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et la future loi de programmation militaire (LPM)

La gendarmerie est également concernée par les travaux de la commission chargée de préparer le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et par la future loi de programmation militaire.

En tant que partie intégrante des forces armées, la gendarmerie participe, en effet, aux missions de défense. Elle est donc concernée par les réflexions actuelles autour de la rénovation de notre doctrine de défense.

Mais cet intérêt prend cette année un relief nouveau, compte tenu de l'accent mis sur le lien entre sécurité extérieure et sécurité intérieure, qui se manifeste par l'intitulé même du Livre blanc.

Comme l'a indiqué M. Jean-Claude Mallet, Président de la commission chargée de préparer ce Livre blanc, lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat, le 28 novembre 2007 :

« Le nouveau Livre blanc couvrirait un champ beaucoup plus large que ceux de 1972 et de 1994. Il définira un concept de sécurité nationale englobant à la fois une politique de défense et une politique de sécurité générale, cette dernière couvrant tous les aspects de la sécurité intérieure intéressant la vie collective de la nation. L'objectif global de sécurité nationale impliquera une claire répartition des tâches entre les forces armées et les forces de sécurité. Les activités des administrations devront être décloisonnées pour donner au Président de la République et au gouvernement une vision globale des enjeux de sécurité nationale, et mettre à leur disposition une organisation de l'appareil de l'État cohérente, capable de traiter les différents risques identifiés, susceptibles de mettre en péril la vie de la nation. La commission du Livre blanc souhaite ainsi concrétiser, à travers une doctrine et une réorganisation de l'État, la connexion entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure ».

Le nouveau Livre blanc devrait donc consacrer une part importante aux questions de sécurité, notamment pour tenir compte des nouvelles menaces, comme le terrorisme.

Or, comme l'a souligné le général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, le 15 octobre 2007 :

« La gendarmerie dispose de nombreux atouts, puisqu'elle a précisément vocation à agir sur tout le spectre d'une crise, de la paix à la guerre, tant sur le territoire national que sur un théâtre extérieur, et pour faire face à différentes menaces » .

« La gendarmerie a donc des atouts à faire valoir dans la nouvelle architecture de sécurité et de défense qui résultera du Livre blanc » précisait-il.

Les conclusions de la commission chargée de préparer le Livre blanc devraient être rendues publiques prochainement.

Ce Livre blanc devrait avoir une incidence directe sur la future loi de programmation militaire (LPM), qui, comme les précédentes, devrait également avoir des conséquences sur la gendarmerie.

4. La nouvelle Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2)

Le bilan de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002 a été très positif.

Cette loi s'est, en effet, traduite par une augmentation significative des moyens humains et matériels de la police et de la gendarmerie et une baisse sensible de la délinquance.

Annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale, la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) devrait couvrir la période 2008-2012.

Intervenant dans un contexte budgétaire contraint, cette loi devrait porter davantage sur les aspects qualitatifs que quantitatifs.

Les trois axes stratégiques de la LOPPSI 2 devraient être la modernisation des moyens techniques et scientifiques mis à la disposition des forces de sécurité intérieure, le renforcement des mutualisations entre la police et la gendarmerie nationale et une gestion rénovée des ressources humaines, destinée à valoriser les compétences et à développer la motivation des personnels de la police et de la gendarmerie.

Cette loi, qui devrait être présentée au Parlement cette année, devrait fixer les objectifs concernant les moyens humains et matériels qui seront consacrés à la gendarmerie dans les prochaines années.

Conclusion : développer les mutualisations de moyens entre la police et la gendarmerie

5. La révision générale des politiques publiques (RGPP)

Comme toutes les autres administrations de l'État, la gendarmerie fait actuellement l'objet d'une mission d'audit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), mise en place par le Président de la République à l'été 2007.

Inspirée de la réforme entreprise par le Canada au milieu des années 1990, la révision générale des politiques publiques vise à passer en revue chacune des politiques publiques et des interventions mises en oeuvre par les administrations publiques, afin d'en évaluer les résultats et de décider des réformes nécessaires pour améliorer la qualité du service rendu aux Français, le rendre plus efficace et moins coûteux, et réallouer les moyens publics des politiques inutiles ou inefficaces au profit des politiques qui sont nécessaires.

C'est dans le cadre de cette révision générale que devrait être mis en oeuvre l'engagement présidentiel d'embaucher un fonctionnaire pour deux partant à la retraite et la réalisation des objectifs de finances publiques sur cinq ans (réduction de la dette publique à moins de 60 % du PIB, équilibre budgétaire, baisse aussi rapide que possible des prélèvements obligatoires).

Le guide méthodologique de la révision générale des politiques publiques arrêté par le comité de suivi du 3 juillet 2007 précise que :

« L'objectif sera de documenter les différents scénarios assurant, grâce à des réorganisations et à des changements de fonctionnement, un accroissement de la productivité et permettant, par là-même, le non remplacement partiel des départs à la retraite. Ces scénarios doivent décrire, dans le détail, l'organisation et le fonctionnement des services. Un scénario au moins devra permettre de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux (ou plus pour les ministères allant d'ores et déjà au-delà de ce taux). Partout, une réduction des dépenses de fonctionnement ainsi que des dépenses d'investissement (lorsque l'usage de ces investissements est, à titre principal, de nature administrative : informatique, immobilier et infrastructures à usage administratif...) sera également proposée ».

Mises en place dès juillet 2007, les différentes équipes d'audit devaient rendre leurs conclusions avant la fin du mois de mars 2008. Les principales décisions de réorganisation devraient être adoptées en mai 2008.

L'équipe d'audit sur la sécurité, qui regroupe la gendarmerie, la police et la protection civile, est dirigée par M. François Mongin, Inspecteur général des Finances.

Entendu par le groupe de travail, M. François Mongin a présenté les principales orientations de la mission d'audit sur la sécurité, sans préjuger à ce stade des décisions qui seront prises :

- mieux organiser la complémentarité des forces de sécurité, en particulier de la police et de la gendarmerie ;

- améliorer l'organisation et l'efficacité des fonctions support dans les forces de police et de gendarmerie, notamment par la mutualisation et l'utilisation d'outils de financement innovants ;

- adapter les modalités d'intervention et la répartition des forces de sécurité sur le territoire pour mieux répondre aux attentes et aux besoins réels des citoyens ;

- poursuivre et améliorer l'effort important engagé en matière de sécurité routière en adaptant les contrôles aux nouvelles formes de délinquance.

La principale interrogation concerne l'application ou non à la gendarmerie, comme d'ailleurs à la police, de la règle de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

D'après les indications fournies au groupe de travail, l'application de la règle de non remplacement d'un départ à la retraite sur deux se traduirait par la suppression de 3 500 emplois sur trois ans (2009-2011) au sein de la gendarmerie.

Conclusion : maintenir les effectifs de la gendarmerie à leur niveau actuel

6. L'objectif d'une parité globale de traitement et de carrière des gendarmes et des policiers et la mise en place d'une grille indiciaire spécifique par rapport aux militaires des trois armées

La parité de traitement entre policiers et gendarmes constitue une forte attente de la part des personnels de la gendarmerie, qui ont le sentiment d'avoir subi un net décrochage par rapport aux policiers ces dernières années.

Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire a d'ailleurs relevé, dans son premier rapport, de février 2007, un décrochage de la condition des militaires par rapport à la fonction policière.

Dans ce contexte l'engagement pris par le Président de la République, lors de son intervention du 29 novembre 2007, d'assurer une parité globale de traitement et de perspectives de carrière des personnels de la police et de la gendarmerie , notamment au moyen d'une grille indiciaire spécifique aux officiers et sous officiers de la gendarmerie par rapport aux militaires des trois armées, a été très bien accueillie par les personnels de la gendarmerie.

Un groupe de travail conjoint au ministère de la défense et au ministère de l'intérieur a été chargé de procéder à un état des lieux exhaustif afin d'identifier les différences existantes entre les personnels des deux forces et de faire des propositions afin de réduire les écarts, dans le respect de la dualité des statuts.

Le champ de cette étude est très large puisqu'il porte notamment sur les statuts, les parcours de carrière offerts, ainsi que les régimes indiciaires, indemnitaires et annexes.

Ce groupe de travail doit remettre ses conclusions avant la fin du premier semestre de l'année 2008. Les mesures pour assurer cette parité globale de traitement devraient être intégrées dans le projet de loi de finances pour 2009.

On peut s'interroger sur l'impact budgétaire de cette mesure et sur ses incidences possibles sur le traitement des autres militaires des trois armées, compte tenu du nombre des personnels concernés (101 000 pour la gendarmerie et 345 000 pour les autres militaires des trois armées).

Conclusion : garantir une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers.

B. TENIR COMPTE DES EXPÉRIENCES ETRANGÈRES

Dans le cadre de ses réflexions sur l'avenir de la gendarmerie française, il a semblé intéressant aux membres du groupe de travail de mener une étude comparative sur le statut, l'organisation et les missions des forces de police à statut militaire en Espagne et en Italie. Le groupe de travail a ainsi entendu des officiers de l'Arme des carabiniers italiens et de la Garde civile espagnole, qui ont présenté chacune des deux forces.

En effet, parmi les dix pays européens qui disposent d'une force de police à statut militaire de type « gendarmerie » (Autriche, Bulgarie, Espagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Suisse, Turquie), l'Espagne et l'Italie sont sans doute les deux pays avec lesquels les comparaisons sont les plus faciles en raison des similitudes des organisations, de la dimension des territoires et de la taille des populations, ainsi que des problèmes rencontrés.

Notre ancien collègue M. Philippe François avait d'ailleurs, à la demande de la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, effectué en mars 2004 des déplacements en Italie et en Espagne, afin de recueillir des éléments de comparaison et il avait présenté un rapport d'information très éclairant à ce sujet 10 ( * ) .

1. La garde civile espagnole

La garde civile espagnole a été créée par le décret royal du 28 mars 1844, sous l'impulsion du duc de Ahumada.

Force de sécurité de l'État à compétence générale, la garde civile est d'essence militaire. Elle dispose de ce fait d'un statut spécifique, qui est fixé par une loi organique.

a) La place de la garde civile dans l'organisation des forces de sécurité

Il résulte de l'article 104 de la Constitution espagnole que le régime statutaire de la garde civile doit être réglé par une loi organique, comme d'ailleurs celui des autres corps et forces de sécurité de l'État. L'article 15 de la loi organique du 13 mars 1986 définit la garde civile comme « une institution armée, de nature militaire » . Celle-ci a toutefois pour mission principale des fonctions proprement policières, de nature judiciaire ou administrative.

Il existe en Espagne plusieurs forces de sécurité en raison du caractère largement décentralisé de ce pays. En effet, les Communautés autonomes ont la possibilité de créer leur propre force de police et certaines, comme la Catalogne ou le Pays basque, ont recouru à cette faculté. Les communes comptant plus de 5 000 habitants peuvent également constituer une police municipale.

Deux forces, la garde civile, à statut militaire, et la police nationale, à statut civil, disposent d'une compétence nationale. Elles exercent leur mission sur la base d'une répartition territoriale définie par la loi :

- la police a la responsabilité de la sécurité dans les capitales de province et dans certaines communes (d'une population supérieure à 30 000 habitants),

- la garde civile a la responsabilité de la sécurité sur le reste du territoire, c'est-à-dire principalement sur les zones rurales, ainsi que sur les eaux territoriales (90 % du territoire et 40 % de la population).

Les missions judiciaires sont exercées concurremment par les deux forces.

La garde civile exerce également des missions qui lui sont spécifiquement attribuées, comme le contrôle des armes et le désamorçage des explosifs, la politique fiscale et la lutte contre la contrebande, le contrôle de la circulation routière et du transport des marchandises sur les axes nationaux, la surveillance des voies de communication terrestre, des côtes, des frontières, des ports et des aéroports, ou encore le transfèrement des prisonniers.

Elle joue un rôle important dans la lutte contre le terrorisme, en particulier contre l'ETA.

L'organisation territoriale de la garde civile s'articule entre 17 zonas (Communautés autonomes), 54 commandancias (groupements), 223 companias (arrondissements judiciaires) et 2 068 puestos (brigades).

b) Le rattachement ministériel de la garde civile

La garde civile espagnole est placée théoriquement sous la double autorité du ministre de l'Intérieur et de celui de la Défense. Cependant, en réalité, elle est essentiellement placée sous l'autorité du ministère de l'Intérieur.

Le ministère de l'Intérieur est, en effet, seul responsable de l'administration générale et du commandement de l'ensemble des forces de sécurité. Il gère également l'affectation, la rémunération, l'équipement et le casernement du personnel. L'intégralité du budget de la garde civile est d'ailleurs inscrite au budget du ministère de l'Intérieur.

Le ministère de la Défense est, quant à lui, chargé des missions militaires, ainsi que des questions d'avancement et de discipline.

Ces deux ministères s'occupent conjointement du recrutement, de la formation et du perfectionnement, de l'armement et du déploiement des forces sur le territoire. Ils proposent conjointement au gouvernement le candidat au poste de directeur général de la garde civile. Celui-ci est un civil, fréquemment un parlementaire qui abandonne ses fonctions durant la période où il dirige la garde civile.

La coordination de la garde civile et de la police nationale est assurée par un Secrétaire d'État à la sécurité intérieure, qui dépend du ministre de l'Intérieur.

Toutefois, en cas de guerre ou d'état de siège, les gardes civils dépendent alors exclusivement du ministre de la Défense.

Dans chaque province, le délégué du gouvernement, équivalent du préfet, exerce le commandement direct des forces et corps de sécurité de l'État sans préjudice de l'autorité des juges sur les unités de police judiciaire.

Afin de garantir la coordination entre les politiques de sécurité de l'État et celles des Communautés autonomes, un Conseil de la politique de sécurité, présidé par le Ministre de l'Intérieur et composé des ministres de l'Intérieur des provinces autonomes et d'un nombre égal de représentants de l'État, a été créé.

Toutefois, comme le relevait notre ancien collègue M. Philippe François dans son rapport, il semble que l'efficacité de cette coordination soit limitée, les forces et corps de sécurité de l'État gardant une très grande autonomie d'action et les Communautés autonomes ayant la volonté d'affirmer leurs prérogatives.

Par ailleurs, notre ancien collègue notait que « l'intégration de la garde civile au sein du ministère de l'Intérieur complique, administrativement et politiquement, l'envoi de militaires en opérations à l'étranger, le ministre de l'Intérieur ne souhaitant pas se départir de moyens significatifs et en supporter le surcoût ».

c) Le statut militaire de la garde civile

La garde civile est forte d'environ 85 000 effectifs, le corps national de police n'en comptant que 65 000. Elle représente donc, comme en Italie, la principale force de sécurité de l'État.

Les gardes civils sont des militaires de carrière. Ils sont soumis à un statut spécifique, défini par la loi du 25 novembre 1999. Conformément aux traditions militaires, les membres de la garde civile ne peuvent s'inscrire à un syndicat ou à un parti politique et ne disposent pas du droit de grève ou de pétition collective. Cependant, une récente loi adoptée en novembre 2007 a reconnu un droit d'association aux gardes civils.

A la différence de la France, le statut militaire de la garde civile n'est pas incompatible avec la fixation d'un horaire légal de travail hebdomadaire de 37,5 heures (depuis 1999) en moyenne et comptabilisé mensuellement. Les heures supplémentaires sont donc rémunérées, dans la limite des crédits disponibles. Le repos hebdomadaire est d'au moins 36 heures consécutives. Les gardes civils disposent de 40 jours de permission (huit semaines).

Par ailleurs, environ 45 % des gardes civils disposent d'un logement attribué pour nécessité de service. Ils sont attribués à l'ancienneté. Le reste doit se loger à ses frais à une demi-heure maximum du lieu de travail.

2. L'Arme des carabiniers italiens

L'Arme des carabiniers a été créée, le 13 juillet 1814, lors de la restauration du royaume de Piémont-Sardaigne, le roi Victor-Emmanuel Ier désirant ainsi rétablir et assurer la sécurité publique et privée.

Par la suite les carabiniers vont participer activement à la défense et à l'extension des prérogatives de la maison de Savoie. L'achèvement de l'unité italienne en 1870, les rendra compétents sur l'ensemble du territoire de l'Italie au détriment des forces de police des autres États italiens.

L'Arme a, au cours du XXe siècle, renforcé son rôle de force de police à compétence générale sur le territoire national.

a) La place des carabiniers dans l'organisation des forces de sécurité

L'Arme des carabiniers a été définie par la loi comme la « quatrième armée ». En effet, la loi du 30 mars 2000 reconnaît à l'Arme des carabiniers un « positionnement propre » avec rang de Force armée au sein du ministère de la défense, à égalité avec l'armée de terre, la marine et l'armée de l'air. Le décret-loi du 12 mai 1995, qui détermine son statut, précise qu'elle est « une force militaire de police à compétence générale et en service permanent de sécurité publique » .

Conclusion : Reconnaître à la gendarmerie nationale la qualité de « quatrième armée » en s'inspirant de l'exemple de l'Italie.

Comme l'Espagne, l'Italie est un pays fortement décentralisé où les régions disposent de vastes compétences. Ce pays est également confronté à une problématique de sécurité particulière liée à la lutte contre les mafias.

On dénombre en Italie cinq forces de sécurité de l'État : l'Arme des carabiniers, la police d'État, la garde des finances, le corps forestier de l'État (forêt, eau, environnement) et la police pénitentiaire (transfèrements des détenus et établissements pénitentiaires).

Seuls les carabiniers et la police d'État sont des forces à compétence générale, les trois autres forces recevant des missions spécifiques. Les carabiniers ne sont pas la seule force à statut militaire, c'est aussi le cas de la garde des finances.

L'Arme des carabiniers et la police d'État ont des effectifs équivalents, avec un effectif de l'ordre de 108 000 personnels chacune.

L'Arme des carabiniers exerce des missions militaires (notamment de police militaire et de défense du territoire), ainsi que des missions de police administrative, de maintien de l'ordre et de police judiciaire.

Entre la police d'État et l'Arme des carabiniers il n'existe aucune répartition territoriale des compétences, les unités des deux forces étant compétentes sur l'ensemble du territoire. Toutefois, la police d'État est davantage concentrée dans les chefs-lieux des départements. Les carabiniers continuent d'être fortement présents en ville, tout en assurant seuls les missions de police dans les campagnes.

L'Arme des carabiniers assure un « maillage » territorial, grâce à ses 4667 brigades, regroupées en 539 compagnies, 102 groupements provinciaux et 19 commandements de régions. Elle dispose aussi de 11 bataillons mobiles et d'unités spécialisées, comme un groupement opérationnel spécial, spécialisé dans la lutte contre le terrorisme.

b) Le rattachement ministériel des carabiniers

L'Arme des carabiniers relève de deux ministères principaux : le ministère de la Défense pour les missions militaires, le ministère de l'Intérieur pour les missions de maintien de l'ordre et de sécurité publique. De plus, pour la police judiciaire, elle dépend de l'autorité judiciaire, à laquelle il appartient de diriger les enquêtes.

Pour les aspects administratifs, l'Arme des carabiniers dépend du ministère de la Défense en ce qui concerne les questions de personnels, l'administration et la logistique, mais du ministère de l'Intérieur pour le casernement, la prise en charge d'une partie des missions d'ordre et de sécurité publics, et de plusieurs autres ministères pour certaines missions spécifiques. Le budget ressort essentiellement du ministère de la Défense.

Au niveau national, la coordination des forces de sécurité pour la police administrative est assurée au sein du ministère de l'Intérieur. Cette mission est une des prérogatives du ministre de l'Intérieur qu'il délègue au directeur de la sécurité publique, placé au sein de la direction de la police d'État.

Cette coordination est d'autant plus indispensable qu'à la différence de la France, les deux forces n'ont pas de compétences territoriales véritablement distinctes, entraînant une concurrence permanente et de fréquents doublons.

Le ministère de l'Intérieur est donc responsable de la planification annuelle de l'activité des cinq forces de sécurité, de la coordination des opérations et de la continuité du contrôle du territoire et du service de police. Il donne des directives, fixe les objectifs communs et assure la direction stratégique. Le concept d'une « police partagée » entre les différentes forces s'est progressivement développé, les responsabilités de chacune pouvant évoluer sur le terrain.

Au niveau local, comme en France, le préfet, représentant de l'État, est responsable de l'ordre et de la sécurité publics et assure la coordination des activités préventives des forces de police. Pour assurer cette mission spécifique, il dispose, depuis 1981, d'un adjoint spécialisé, le Questeur. Celui-ci est à la fois le directeur de la police d'État dans la province et le coordinateur de l'ensemble des forces pour les activités de maintien de l'ordre public.

Dans ce domaine, le Questeur est normalement l'autorité effectivement responsable de la sécurité publique. Toutes les forces sont placées sous son autorité directe quelle que soit leur provenance. Les carabiniers, bien que militaires, ne sont pas « réquisitionnés », l'Arme étant légalement « en service permanent de sécurité publique ». En ce qui concerne les autres activités, le commandant de groupement est, vis-à-vis du Questeur, dans une position de coopération.

Toutefois, comme le relevait notre ancien collègue M. Philippe François, dans son rapport, « l'influence de l'Arme des carabiniers en Italie lui permet, dans la plupart des cas, de faire prévaloir son point de vue. Il est également à noter qu'en cas de difficultés, les questeurs sont fréquemment mutés tandis que les commandants des carabiniers et les préfets restent en place » .

c) Le statut militaire des carabiniers

La nature militaire de l'Arme n'implique pas comme en France une disponibilité « en tout temps et en tout lieu » . La durée du travail hebdomadaire est fixée à 36 heures par semaine. De ce fait, les heures supplémentaires effectuées doivent être rémunérées ou récupérées.

Pour les mêmes raisons, les carabiniers ne disposent pas toujours d'un logement par nécessité absolue de service comme les gendarmes français. En fonction de leur ancienneté et des postes occupés, ils ont soit l'obligation de résider en caserne, soit de résider dans la localité de leur lieu de travail, soit à une distance maximale de celui-ci. Ainsi, les célibataires ayant moins de quatre années de service sont obligatoirement logés dans un appartement collectif du service. Les militaires les plus anciens et les plus gradés ont soit des obligations moins contraignantes, soit le bénéfice de logements de fonction. Au total, seuls 12 % environ de l'effectif bénéficie d'un logement de fonction considéré comme un avantage en nature.

En revanche, le statut militaire implique l'interdiction pour les carabiniers de se syndiquer. Ils sont cependant, comme tous les autres militaires depuis 1978, représentés auprès de leur hiérarchie par des organes élus par leur base. Les carabiniers n'ont pas davantage le droit de grève, ni celui de participer à des manifestations politiques.

La réorganisation des forces de sécurité sous la direction du ministère de l'Intérieur a permis de résoudre un certain nombre de difficultés qui persistent en France. Une correspondance des responsabilités et des fonctions a été établie entre la police et les carabiniers. Toute évolution salariale ou sociale dans l'une des deux forces est discutée au sein du même organe de concertation, tous les deux ans, indépendamment des évolutions des forces armées et de la spécificité des carabiniers, dont le statut, l'évolution de carrière et le paiement des soldes dépendent du ministère de la Défense.

Dans son rapport, notre ancien collègue M. Philippe François mentionnait huit principaux enseignements des exemples espagnol et italien, qui gardent encore aujourd'hui toute leur pertinence :

LES HUIT ENSEIGNEMENTS TIRES PAR M. PHILIPPE FRANÇOIS DES EXEMPLES ESPAGNOL ET ITALIEN DANS SON RAPPORT D'INFORMATION SUR LA GESTION DES FORCES DE POLICE A STATUT MILITAIRE

1- Le point le plus important est que les Espagnols et les Italiens ont choisi de définir clairement, dans un texte de loi, l'organisation de leurs forces de sécurité nationales et locales . Les principes généraux, leurs missions et leurs statuts sont ainsi nettement établis.

2- Dans les deux cas, la Garde civile et l'Arme des Carabiniers disposent d'un statut militaire spécifique établi par la loi, différent des autres forces armées . Cette différence est justifiée par la nature des missions par rapport à celles des autres forces armées. Cela se traduit par des règles spécifiques d'organisation, de discipline, d'avancement et de rémunération.

3- La Garde civile et les Carabiniers sont placés sous la triple tutelle classique : intérieur, défense et justice . Le ministère de la Défense garde toujours la direction des missions militaires et de la gendarmerie en cas de crise et d'action conjointe avec les forces armées sur le territoire national. Il garde aussi, même formellement, la responsabilité directe du statut et de la gestion des personnels, même si celle-ci est autonome et spécifique.

4- Le rapprochement des deux forces a eu aussi comme résultat de conduire à une parité stricte des rémunérations pour chacun des niveaux de responsabilité . Le statut militaire, par ailleurs, n'emporte pas exactement les mêmes obligations en Espagne et en Italie qu'en France. Le temps de travail hebdomadaire des Carabiniers est fixé à 36 heures et celui des Gardes civils à 37,5. Les dépassements donnent lieu à récupération et, dans certaines limites, au paiement des heures supplémentaires.

5- Dans les deux pays également, une structure administrative de coordination a été créée , même si des différences importantes existent entre la structure espagnole, placée sous l'autorité d'un secrétaire d'État et l'italienne, où la police a un rôle important sous la direction du ministre de l'Intérieur. Cette structure a pour mission de coordonner les missions de police administrative mais aussi d'être le point d'entrée pour les relations avec les interlocuteurs étrangers ou communs aux forces de sécurité.

6- En Espagne et en Italie, une partie du budget au moins de la force de police à statut militaire est placée sous la responsabilité du ministère de l'intérieur ou , en son sein, mis en commun entre les deux forces . Cette part du budget concerne, selon les cas, une partie des équipements et des moyens nécessaires aux missions de sécurité.

7- Dans les deux pays, une spécialisation des forces a été partiellement réalisée , selon un critère matériel. C'est le cas en Espagne entre le Corps national de Police et la Garde civile et en Italie entre les différentes forces de sécurité de l'État. Par exemple, les transfèrements de détenus dépendent d'unités spécifiques de la Garde civile et en Italie d'une force de police spécialisée qui assure également la surveillance des prisons.

8- Enfin, la Garde civile et l'Arme des Carabiniers n'ont pas la même appétence pour les opérations extérieures. La Garde civile ne dispose pas d'effectifs très importants et doit faire face à la menace de l'ETA et maintenant du terrorisme islamique. La gestion de la totalité de son budget par le ministère de l'intérieur semble aussi limiter les possibilités de multiplier les missions militaires à l'étranger . Les Carabiniers en revanche sont très actifs dans ce domaine, disposant des effectifs, des moyens financiers et de la volonté politique de le faire. Près de 3 500 Carabiniers sont ainsi actuellement déployés en opérations extérieures.

C. REVENIR AUX « FONDAMENTAUX » DE LA GENDARMERIE

Toute réforme de la gendarmerie doit nécessairement prendre en compte les principes essentiels qui fondent la spécificité de cette institution, ce que l'on peut appeler les « fondamentaux » de la gendarmerie.

Ces principes sont au nombre de trois 11 ( * ) .

1. La dualité

L'existence dans notre pays de deux forces de police, l'une à statut civil, l'autre à statut militaire, n'est pas seulement un héritage historique mais une garantie pour l'État républicain et les citoyens.

Parfois réduite à une concurrence ou à une rivalité stérile entre les deux forces, à ce qu'il est courant d'appeler la « guerre des polices », la dualité est aussi source d'émulation, notamment en matière d'enquêtes criminelles.

Ce phénomène de concurrence n'est d'ailleurs pas propre aux rapports entre la gendarmerie et la police, puisqu'on le retrouve ailleurs, par exemple en matière de secours en montagne avec les pompiers, ou au sein même de la police entre différents services, comme entre la préfecture de police de Paris et les autres services ou entre la direction centrale de la police judiciaire et la direction centrale de la sécurité publique.

Il existe certes aujourd'hui de nombreuses similitudes entre la police et la gendarmerie.

Ainsi, on peut observer de fortes ressemblances concernant les unités spécialisées, par exemple entre les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) et les brigades anti-criminalité de la police (BAC) ou en ce qui concerne des unités d'élite spécialisées notamment dans la lutte contre le terrorisme, le RAID de la police et le GIGN de la gendarmerie. En matière de maintien de l'ordre, des traits communs existent également entre les gendarmes mobiles et les compagnies républicaines de sécurité. Enfin, dans le domaine de la police judiciaire, des gendarmes ou des policiers peuvent être amenés à traiter des enquêtes de manière indifférenciée.

Toutefois, la police et la gendarmerie demeurent deux forces distinctes par leur statut, leur organisation et leur mode de fonctionnement.

Tout d'abord, sur le plan géographique, à la logique de concentration de la population et des unités de la police nationale dans les grandes agglomérations, s'oppose une logique de maîtrise des espaces et des flux pour la gendarmerie nationale.

Ensuite, l'organisation de chacune des deux institutions est différente. Alors que la police nationale est organisée selon un schéma horizontal marqué par une forte spécialisation, avec de grandes directions thématiques (comme la direction centrale de la sécurité publique, la direction centrale de la police judiciaire ou la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité), la gendarmerie fonctionne selon une logique verticale et se caractérise par la polyvalence de ses unités.

Dans le mode de fonctionnement, il existe de réelles différences entre le statut civil de la police nationale et le statut militaire de la gendarmerie nationale. Le fait syndical, qui, comme on le sait, joue un rôle important au sein de la police nationale, est ainsi totalement étranger à la gendarmerie nationale, en raison de son incompatibilité avec le statut militaire qui impose une stricte application du principe hiérarchique.

Le dualisme policier apparaît ainsi comme un moyen pour le gouvernement de se prémunir contre tout mouvement de contestation de l'une ou l'autre force de police, voire contre toute dérive séditieuse de la part de la police ou de la gendarmerie.

Enfin, la dualité des forces de sécurité constitue une garantie fondamentale d'indépendance pour l'autorité judiciaire. Le principe du libre choix du service enquêteur par les magistrats permet, en effet, à ces derniers de ne pas dépendre d'une seule force de police pour la réalisation des enquêtes.

Conclusion : Garantir le dualisme de la police judiciaire

La dualité des forces de police résulte du statut militaire de la gendarmerie. En effet, la suppression du statut militaire de la gendarmerie entraînerait inévitablement sa fusion avec la police.

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en Belgique, où la suppression du statut militaire de la gendarmerie a entraîné, à la suite de l'affaire Dutroux, sa fusion avec la police, par la loi dite « Octopus » du 7 décembre 1998.

2. La continuité

Un autre trait caractéristique de la gendarmerie tient à sa capacité à agir dans tout le spectre de l'arc de la crise, de la paix à la guerre, avec une appétence particulière pour les situations intermédiaires, aussi bien sur le territoire national que dans le cadre des opérations extérieures.

Par son caractère de force de police à statut militaire, la gendarmerie assure ainsi l'interface entre les situations nécessitant le recours aux forces de police et celles imposant l'intervention des armées, entre la défense du territoire et le maintien de l'ordre, entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure.

La gendarmerie, par sa nature et ses moyens militaires (comme le groupement blindé de gendarmerie mobile par exemple), par la discipline, la cohésion et les conditions d'emploi de ses forces, est de nature à participer à des opérations de maintien ou de rétablissement de l'ordre dans des situations de crise grave, à caractère insurrectionnel, marquée notamment par une prise de contrôle d'une partie du territoire et l'usage des armes par les émeutiers.

Cette « troisième force » assure ainsi une continuité entre les actions policière et militaire.

Ce principe de continuité permet alors d'éviter ou de différer, en la rendant exceptionnelle et ultime, l'intervention des armées dans les opérations de maintien ou de rétablissement de l'ordre.

Dans les pays ne disposant pas de force de police à statut militaire, la police se trouve souvent démunie face à ce type de situation.

Ainsi, lors des émeutes de Los Angeles, au début des années 1990, c'est l'armée américaine qui a dû prendre le relais de la police. De même, en Irlande du Nord, la gestion de l'ordre public a pendant longtemps été gérée essentiellement par l'armée britannique.

Or, les armées ne sont pas adaptées pour faire face à ce type de situations, qui ne constituent pas leur vocation première, comme l'illustrent les difficultés rencontrées par l'armée israélienne dans les opérations de maintien de l'ordre dans les territoires palestiniens ou celles de l'armée américaine en Irak.

Inversement, la gendarmerie est particulièrement adaptée à ce type d'opérations. L'action de la gendarmerie française en matière de maintien de l'ordre dans les Balkans est ainsi unanimement appréciée.

Ce concept de continuité constitue un élément essentiel car il offre une capacité indispensable permettant à l'État de faire face sans discontinuité aux situations les plus diverses.

Il est intrinsèquement lié au statut militaire de la gendarmerie.

Comme le déclarait Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, devant les commandants d'unités de la gendarmerie, le 5 juillet 2002 : « La gendarmerie nationale fait partie intégrante des forces armées. Elle relève à ce titre du statut militaire. Composante à part entière de l'institution militaire, la gendarmerie permet au gouvernement d'exercer, sans discontinuité, la gestion des crises, du temps de paix au temps de guerre. L'État a besoin de disposer d'une force capable en permanence d'affronter de manière certaine, instantanée et efficace les situations pouvant revêtir un caractère extrême. C'est une exigence qui justifie que la gendarmerie demeure soumise au statut militaire. Ces principes fondamentaux ne sauraient donc être remis en cause » .

Conclusion : garantir dans la future loi sur la gendarmerie la maintien de son statut militaire.

3. La proximité

« La vraie police de proximité, c'est la gendarmerie » .

Cette affirmation, entendue lors du déplacement du groupe de travail en Isère, résume l'un des traits caractéristiques de la gendarmerie.

Grâce au « maillage territorial » assuré par la densité de son réseau de brigades territoriales, la gendarmerie est la seule force capable d'assurer le contrôle de l'ensemble du territoire national.

Elle est ainsi en mesure de répondre rapidement aux attentes des autorités et des citoyens en toutes circonstances et en tous lieux.

Le principe de proximité se manifeste également dans l'exécution quotidienne du service par la connaissance des lieux et des populations, notamment au moyen des « tournées de communes ».

La gendarmerie joue ainsi un rôle important en matière de surveillance du territoire et de renseignement, grâce notamment à ses 3500 brigades territoriales, qui constituent autant de capteurs.

Or, l'aptitude à recueillir le renseignement et assurer la surveillance du territoire est essentielle pour la défense et la sécurité nationale, qu'il s'agisse du temps normal ou du temps de crise, en ce qui concerne la sécurité quotidienne ou les menaces affectant gravement la sécurité du pays.

La proximité suppose une disponibilité permanente de la gendarmerie qui ne peut résulter que du statut militaire, grâce notamment au fait que les gendarmes sont logés avec leur famille en caserne sur leur lieu de travail et au régime particulier des astreintes. Aujourd'hui seul le statut militaire apporte cette garantie globale et permanente.

Conclusion : conserver la concession de logement par nécessité absolue de service

C'est aussi son statut militaire qui garantit la cohésion de la gendarmerie, organisation fortement déconcentrée, constituée d'un grand nombre d'unités dispersées sur le territoire dont la plupart sont de petite taille.

Le statut militaire est donc un élément constitutif de la gendarmerie. C'est la raison pour laquelle il est indispensable de le préserver.

III. LES RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

Les dix-sept recommandations du groupe de travail peuvent être regroupées en quatre thèmes prioritaires.

A. CLARIFIER LE POSITIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA GENDARMERIE TOUT EN PRÉSERVANT SON STATUT MILITAIRE

1. Reconnaître à la gendarmerie la qualité de « quatrième armée », en s'inspirant de l'exemple de l'Italie

Le statut de la gendarmerie nationale est actuellement ambigu puisqu'elle n'est pas véritablement considérée comme une armée, à l'image de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la marine, et qu'elle ne peut être assimilée strictement à une force de police en raison de son statut militaire.

Certes, à la différence des trois armées, la gendarmerie a pour vocation première d'exercer une mission de sécurité sur le territoire. Pour autant, depuis l'origine, la gendarmerie fait partie intégrante des forces armées, comme l'illustre sa place à la droite des autres troupes.

La gendarmerie est, en effet, investie de missions militaires et elle participe à la politique de défense, sur le territoire national, comme dans le cadre des opérations extérieures.

Les officiers et les sous-officiers de gendarmerie sont des militaires de carrière soumis au statut général des militaires.

Elle entretient d'ailleurs des liens privilégiés avec les armées, en particulier avec l'armée de terre, notamment en matière de recrutement, de soutien logistique ou dans le cadre des opérations extérieures.

Dès lors, pourquoi ne pas reconnaître à la gendarmerie la qualité de « quatrième armée », à l'image de ce qui existe en Italie pour l'Arme des carabiniers italiens ?

L'expression de « quatrième armée » marquerait nettement son appartenance pleine et entière à la communauté militaire et le statut militaire des personnels, tout en soulignant sa spécificité par rapport aux autres armées.

La reconnaissance de ce statut de « quatrième armée » constituerait un signal fort pour le maintien du caractère militaire de la gendarmerie dans le contexte de son futur rattachement au ministre de l'Intérieur.

Elle ne ferait pas obstacle à ce rattachement ni à la reconnaissance d'un statut spécifique de la gendarmerie au sein des armées justifié par la nature particulière de ses missions.

2. Dans l'éventualité du rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, maintenir des liens étroits avec le ministre de la Défense et le ministre de la Justice

Le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur a été annoncé par le Président de la République.

Cette réforme était inéluctable, compte tenu de la nécessité de renforcer la coordination des forces de sécurité en matière de lutte contre la délinquance, mais aussi de clarifier la position dans laquelle la gendarmerie est placée actuellement, à cheval entre le ministère de la Défense et le ministère de l'Intérieur.

95 % de l'activité de la gendarmerie est, en effet, consacrée à la sécurité intérieure, les missions militaires ne représentant que 5 % de son activité.

Cette réforme permettra ainsi de renforcer la coordination entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la délinquance et de clarifier le positionnement actuel de la gendarmerie.

Elle permettra également de développer des synergies entre les deux forces et de mutualiser leurs moyens.

Enfin, elle représente une opportunité pour les personnels de la gendarmerie en termes d'égalité de traitement et de carrière avec les fonctionnaires de police.

Comme le groupe de travail a pu le constater lors de ses entretiens ou de ses déplacements, le rattachement au ministère de l'Intérieur est d'ailleurs perçu avec des sentiments partagés.

Pour autant, le caractère plus complexe et délicat qu'il n'y paraît de cette réforme doit être souligné.

Source de clarification et de potentialités pour la gendarmerie selon certains, elle est perçue par d'autres comme porteuse de dérives et comme une première étape vers la disparition du statut militaire de la gendarmerie et sa fusion avec la police nationale.

En réalité, cette réforme représente à la fois une opportunité et un risque pour la gendarmerie.

Le risque de ce rattachement tient, en effet, à une remise en cause à terme du statut militaire et des spécificités de la gendarmerie.

Il ne tient pas tant à une volonté des pouvoirs publics de remettre en cause le statut militaire, mais plutôt aux conséquences d'un rapprochement trop important entre le statut des gendarmes et celui des policiers, sous l'effet d'une pression des gendarmes eux-mêmes, qui aboutirait à effacer progressivement les spécificités de chacune des deux forces.

Dès lors que les gendarmes et les policiers seront placés sous une tutelle unique, comment éviter que s'expriment des aspirations à une convergence accrue ?

Le rapprochement de la gendarmerie et de la police ne risque-t-il pas d'aboutir à des revendications croissantes des gendarmes pour aligner leur statut sur celui des policiers, notamment en ce qui concerne le temps de travail et la rémunération des heures supplémentaires, le droit de grève ou la liberté syndicale ?

Inversement, les syndicats de police ne seront-ils pas tentés de réclamer de nouveaux avantages, comme le droit de pouvoir bénéficier de la concession de logement pour nécessité absolue de service ?

L'attitude de la communauté militaire à l'égard de la gendarmerie lorsqu'elle aura été rattachée au ministère de l'Intérieur est également source d'interrogation.

Ne risque-t-on pas d'aller vers un rejet grandissant de la part des armées qui aurait de graves conséquences pour la gendarmerie, en particulier sur le recrutement, la formation et les soutiens ?

Enfin, le rattachement des deux forces de sécurité sous une même autorité soulève la question de la dualité de la police judiciaire et des relations avec l'autorité judiciaire.

Comment préserver, en effet, la dualité de la police judiciaire, qui constitue une garantie d'indépendance pour l'autorité judiciaire, dès lors que les deux forces seront soumises à la même autorité hiérarchique ?

En définitive, si le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur est inévitable, il paraît indispensable de poser des « garde-fous ». En particulier, il paraît nécessaire de garantir le maintien de son statut militaire et de conserver des liens étroits avec le ministère de la Défense, qui devrait continuer à jouer un rôle important notamment pour les questions liées au statut des gendarmes et pour l'exercice des missions militaires, ainsi qu'avec les autorités judiciaires et le ministère de la Justice, pour l'exercice de la police judiciaire.

3. Garantir dans la future loi sur la gendarmerie son statut militaire

L'annonce d'une loi sur la gendarmerie a été très bien accueillie par l'ensemble des personnels de la gendarmerie. En effet, en tant que « soldat de la loi », le gendarme est particulièrement attaché au légalisme et au respect de la loi. Or, le fait que la gendarmerie soit actuellement régie par un simple décret peut laisser penser que l'existence de cette institution peut être aisément remise en cause par une simple volonté en ce sens de tel ou tel gouvernement, sans aucun droit de regard du Parlement.

Par ailleurs, il ne fait pas de doutes que le décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l'organisation et le service de la gendarmerie, bien qu'il ait été modifié à plusieurs reprises, doit être actualisé.

Pour toutes ces raisons, on peut se féliciter de la présentation prochaine d'un projet de loi sur la gendarmerie.

Cette loi ne devrait pas se résumer à un texte d'affichage, mais elle devrait consacrer les missions et le statut de la gendarmerie. En particulier elle devrait rappeler le statut militaire de la gendarmerie.

4. Maintenir une direction générale de la gendarmerie nationale au sein du ministère de l'Intérieur

Si la gendarmerie a progressivement acquis une certaine autonomie au sein des armées, c'est notamment grâce à la création d'une direction générale spécifique au sein du ministère de la Défense.

L'une des craintes fréquemment évoquées à l'égard du rattachement au ministère de l'Intérieur tient à l'éclatement des différents services de la direction générale de la gendarmerie parmi ceux du ministère de l'Intérieur, qui conduirait à une marginalisation des gendarmes au profit des policiers. Ce risque est particulièrement sensible en ce qui concerne la police judiciaire et les forces mobiles.

Certaines personnalités auditionnées ont évoqué l'idée d'un secrétaire d'État à l'image de ce qui existe en Espagne. Mais d'autres ont mis en avant les inconvénients d'un tel système, notamment au regard des expériences passées.

Le maintien d'une direction générale de la gendarmerie nationale autonome au sein du ministère de l'Intérieur constitue une garantie importante pour la préservation de la spécificité de la gendarmerie.

La nomination à la tête de la direction générale de la gendarmerie nationale d'un officier général issu de ses rangs en 2004 a été une nouveauté particulièrement appréciée par l'ensemble des personnalités entendues par le groupe de travail. En effet, elle est apparue comme la marque d'un attachement des autorités à la pérennité de cette institution.

Compte tenu du futur rapprochement avec le ministère de l'Intérieur, il semble d'autant plus souhaitable de conserver cette règle à l'avenir.

En effet, tant que la gendarmerie était rattachée au ministère de la Défense, la désignation à sa tête d'un magistrat ou d'un préfet n'avait pas d'incidence sur le statut militaire de la gendarmerie. Dès lors qu'elle sera rattachée au ministère de l'Intérieur, le fait qu'elle soit dirigée par un officier général issu de ses rangs sera une garantie supplémentaire pour le maintien de son statut militaire.

B. RENFORCER LA COOPERATION ENTRE LA POLICE ET LA GENDARMERIE SANS FUSIONNER LES DEUX FORCES

1. Développer la coopération entre la gendarmerie et la police sans remettre en cause les spécificités des deux forces

La coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la délinquance nécessite d'être renforcée.

Face à la menace terroriste, à la criminalité transnationale et au trafic de drogue ou à l'immigration illégale, il est en effet indispensable de renforcer la coordination entre les deux forces de sécurité.

Ainsi, l'action des groupements régionaux d'intervention (GIR), qui présentent l'originalité de regrouper au sein d'une même structure des gendarmes, des policiers, des douaniers et des agents d'autres administrations, mérite d'être amplifiée.

L'échange d'informations entre les différents services nécessite également d'être systématisé.

Cette coopération accrue pourrait s'appuyer sur les spécificités de chacune des deux forces. Tout en conservant leur caractère polyvalent, on pourrait, en effet, reconnaître à chaque force des pôles d'excellence.

La police dispose ainsi d'une expertise reconnue en matière de lutte contre les violences urbaines. A l'inverse, la lutte contre la délinquance itinérante, la protection de l'environnement, la surveillance des réseaux numériques et le rétablissement de l'ordre pourraient figurer parmi les pôles d'excellence de la gendarmerie.

La coopération entre la police et la gendarmerie passe aussi par la mise en commun de leurs moyens et par des formations communes dans certains domaines spécialisés.

Les moyens aériens (hélicoptères et mini drones) et nautiques de la gendarmerie pourraient ainsi être engagés au profit des deux forces.

La formation des cavaliers, des maîtres-chien et des plongeurs des deux forces de sécurité devrait être assurée dans les centres spécialisés de la gendarmerie, tandis que la police nationale aurait vocation à assurer des formations spécialisées dans le domaine du renseignement et de la prévention.

Les compagnies républicaines de sécurité pourraient également s'entraîner au centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier, qui assure la formation des gendarmes mobiles au maintien de l'ordre et aux techniques d'intervention.

En revanche, s'agissant de la formation initiale, il ne paraît pas souhaitable d'aller vers une convergence accrue, compte-tenu des différences de statut entre les personnels et des spécificités de chacune des deux forces. En particulier, le maintien du recrutement d'officiers à la sortie des grandes écoles des trois armées mérite d'être préservé car il participe à l'appartenance de la gendarmerie à la communauté militaire.

2. Garantir le dualisme de la police judiciaire

Dans le contexte du rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, il est important de préserver le dualisme de la police judiciaire, qui constitue une garantie essentielle d'indépendance pour l'autorité judiciaire.

En particulier, il paraît indispensable de conserver le principe du libre choix du service enquêteur par les magistrats.

Il convient donc de mentionner dans la future loi sur la gendarmerie que, pour l'exercice de sa mission de police judiciaire, la gendarmerie est placée sous la responsabilité de l'autorité judiciaire.

La préservation du dualisme judicaire emporte aussi des conséquences dans le domaine de la police scientifique et technique. Ainsi, une fusion entre l'Institut national de police scientifique (INPS) et l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), qui dispose d'une expertise reconnue en là matière, aboutirait à priver les magistrats de la possibilité de faire procéder à une contre-expertise par un autre service au cours d'une enquête.

3. Rénover le système de réquisitions en matière de maintien de l'ordre notamment en allégeant le formalisme

Le système des réquisitions en matière de maintien de l'ordre, inspiré par les principes de 1789, est la traduction du principe de subordination des forces armées à l'autorité civile.

De plus, en vertu de cette procédure, l'autorité civile n'interfère pas dans le commandement de la force armée. En effet, si l'autorité civile est seule responsable de la mise en oeuvre des forces armées, l'autorité militaire demeure, quant à elle, responsable de l'exécution de la mission assignée et cette règle doit être absolument maintenue.

Enfin, cette procédure constitue une garantie pour les citoyens, notamment en cas de circonstances exceptionnelles, où seraient prescris l'usage des armes ou de véhicules blindés pour le rétablissement de l'ordre.

Le système des réquisitions constitue donc un élément important de notre système de sécurité et d'ordre public et il convient donc de le préserver dans son principe.

Le système actuel de réquisitions se caractérise toutefois par une certaine lourdeur formelle de la procédure.

Dans sa forme moderne, telle qu'elle résulte du décret du 2 mai 1995 et de l'instruction ministérielle du 9 mai 1995, on distingue, en effet, plusieurs types de réquisitions :

- la réquisition générale, par laquelle le préfet requiert le commandant de la région de gendarmerie concernée de prêter le concours des forces nécessaires pour maintenir l'ordre ;

Il peut s'agir, par exemple, de la demande adressée par un préfet à un commandant de région de gendarmerie de prêter le secours des forces et moyens militaires nécessaires pour maintenir l'ordre dans une ville donnée à telle date.

- la réquisition particulière, par laquelle le préfet donne une mission limitée dans l'espace et dans le temps ;

Dans une réquisition particulière, le préfet peut demander au commandant des forces de gendarmerie présentes sur place de prêter le secours des forces et des moyens militaires nécessaires pour prévenir la formation d'attroupement à tel endroit et à une heure donnée.

- la réquisition avec emploi de la force et la réquisition complémentaire spéciale, qui accompagnent éventuellement la réquisition particulière et qui prescrivent respectivement l'autorisation d'employer la force et l'usage des armes.

La réquisition avec emploi de la force est ainsi l'acte par lequel le préfet autorise le chef d'escadron à disperser par la force les attroupements.

En outre, il convient de mentionner que ce système ne s'applique qu'à certaines unités de gendarmerie dont la mission est spécialement dédiée au maintien de l'ordre, comme la gendarmerie mobile et la garde républicaine. La gendarmerie départementale n'est en principe pas soumise à cette procédure pour les missions de sécurité publique générale.

Les inconvénients de la procédure actuelle sont nombreux.

On peut mentionner notamment une rédaction imposée dans un style désuet, la nécessité de multiplier les réquisitions, des modalités complexes de procédure (avec par exemple la distinction entre l'autorité qui décide de l'emploi de la force et celle qui fait les sommations), une lourdeur opérationnelle et certaines incohérences dans l'application pratique.

De plus, certains considèrent qu'il faut prendre en compte le futur positionnement institutionnel de la gendarmerie, qui sera placée organiquement sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, le commandement territorial de la gendarmerie étant placé sous l'autorité des préfets.

Il paraît donc nécessaire de rénover le système de réquisitions en allégeant notamment le formalisme.

Plusieurs pistes pourraient ainsi être envisagées :

- remplacer la réquisition générale par un message (qui pourrait être transmis par la voie électronique) ;

- confier le soin au commandement territorial de donner sa mission au commandement de la force mobile ;

- distinguer les missions ordinaires de sécurité des escadrons de gendarmerie mobile, dont le mode d'emploi pourrait être plus souple, des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre dans des circonstances exceptionnelles, qui nécessiteraient l'usage de la force « ouverte », l'utilisation des armes ou de moyens spécifiques, comme les véhicules blindés, et qui doivent rester soumises à la procédure de réquisitions. Ainsi, la réquisition avec emploi de la force et la réquisition complémentaire spéciale devraient être maintenues.

Ce système rénové de réquisitions permettrait à la fois de confirmer le statut militaire de la gendarmerie, qui se traduit par la subordination des forces armées à l'autorité civile, et de rappeler le rôle spécifique de la gendarmerie, capable d'assurer des missions de maintien ou de rétablissement de l'ordre public dans des circonstances exceptionnelles, grâce à son statut militaire et à ses moyens spécifiques, tout en simplifiant les procédures au quotidien.

La future loi sur la gendarmerie devrait réaffirmer le principe des réquisitions en matière de maintien de l'ordre, en renvoyant à un décret en Conseil d'État la définition des modalités de la procédure.

4. Conforter le « maillage » territorial de la gendarmerie en poursuivant les redéploiements entre la police et la gendarmerie

Le « maillage » territorial de la gendarmerie, assuré grâce à l'implantation des brigades territoriales, doit être absolument préservé car il est la condition de la proximité de la gendarmerie avec la population et de l'efficacité de son action.

A cet égard, la mise en oeuvre des « communautés de brigades » a été un succès et ce dispositif mérite d'être maintenu et étendu.

Le redéploiement des zones de compétence entre la police et la gendarmerie, longtemps différé, a été engagé avec succès à partir de 2003.

L'évolution des bassins de vie et de la délinquance rend de nouveaux déploiements indispensables, afin de mettre l'organisation territoriale des forces de sécurité en adéquation avec les réalités du terrain.

La police nationale devrait s'inscrire dans une logique de police d'agglomération, tandis que la gendarmerie nationale devrait s'inscrire dans une logique de contrôle du territoire et des flux.

Ces prochains redéploiements devraient étendre les zones de compétence de la police à l'ensemble des zones les plus urbanisées, notamment à proximité immédiate des grandes agglomérations (par exemple Rillieux-la-Pape, à proximité de Lyon, est actuellement en zone de gendarmerie).

A l'inverse, de nombreuses circonscriptions de sécurité publique, qui n'ont pas la taille critique en termes de population et de délinquance, auraient vocation à passer en zone de gendarmerie.

Ce nouveau transfert de zones de compétence doit s'accompagner d'un transfert de moyens, afin qu'il se traduise par un niveau au moins équivalent en termes de sécurité pour les citoyens, et se faire dans la concertation avec les élus locaux.

5. Développer les mutualisations de moyens entre la police et la gendarmerie

La gendarmerie nationale dépend pour une grande partie de ses équipements et de ses soutiens des armées, et en particulier de l'armée de terre. Pour un certain nombre d'équipements (notamment les munitions, l'armement ou encore les véhicules blindés), la gendarmerie s'approvisionne ainsi auprès des armées, par le biais de protocoles.

Cette dépendance de la gendarmerie à l'égard du ministère de la Défense est particulièrement marquée en ce qui concerne le parc immobilier de la gendarmerie nationale.

Il est important que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur ne se traduise pas par une moindre implication du ministère de la Défense sur ces aspects.

Engagée depuis le décret du 19 septembre 1996, qui a créé le conseil de l'équipement et de la logistique, la mutualisation avec la police est plus récente.

Elle se traduit en particulier par l'acquisition de matériels communs, grâce à la passation d'un même marché public ou par le biais de cessions entre services. Cela concerne notamment les pistolets automatiques, les moyens de force intermédiaire (« flash ball ») ou encore les gilets pare-balles.

En matière de soutien automobile, il existe aussi depuis 2000 un protocole d'accord entre la police et la gendarmerie, qui permet à cette dernière de recourir aux ateliers de la police.

Une mutualisation des fichiers a également été engagée. Ainsi, alors que jusqu'à présent la gendarmerie nationale et la police disposent de fichiers distincts dédiés aux rapprochements judiciaires et à l'analyse criminelle (STIC pour la police et JUDEX pour la gendarmerie), un système commun, baptisé ARIANE (« application de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs »), devrait être progressivement mis en place à partir de cette année.

De même, l'interopérabilité des réseaux de communication de la police (ACROPOLE) et de la gendarmerie (RUBIS) devrait être assurée notamment grâce au déploiement de « valises de rebouclage ».

A l'avenir, la mutualisation des moyens devrait être développée, notamment pour l'achat des équipements coûteux (comme les éthylomètres embarqués), le soutien logistique (comme les impressions par exemple) ou encore les systèmes d'information et de communication.

De manière générale, il convient d'encourager une mutualisation accrue des moyens entre la police et la gendarmerie, notamment en matière d'achat des équipements, de soutien logistique ou de systèmes d'information.

6. Poursuivre l'internationalisation et l'européanisation de la gendarmerie

Face au développement des formes graves de criminalité transnationale, comme le terrorisme, la traite des êtres humains ou le trafic de drogue, une action concertée au niveau européen constitue une nécessité.

Le statut militaire de la gendarmerie a favorisé son implication en opérations extérieures, en accompagnement des troupes françaises déployées à l'étranger ou dans le cadre d'opérations de gestion civile des crises.

Toutefois, la subordination de la gendarmerie au ministère de la Défense a sans doute constitué un frein dans son investissement dans la coopération policière européenne.

En effet, étant donné que le ministère de l'Intérieur joue traditionnellement le rôle de chef de file en la matière, le champ de la coopération policière européenne a pendant longtemps été occupé par la police nationale, qui a considéré cet aspect comme son domaine réservé.

La gendarmerie a ainsi été longtemps absente, tant des structures de négociation, que des dispositifs mis en place dans le cadre de cette coopération.

Toutefois, la suppression des contrôles aux frontières au sein de l'espace Schengen, ainsi que le développement des formes de criminalité transnationale, a entraîné un développement de la coopération policière européenne, à laquelle la gendarmerie se devait de s'intéresser.

C'est particulièrement vrai de la surveillance des zones frontalières, qui incombe très largement à la gendarmerie.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur devrait favoriser une plus grande place de la gendarmerie dans la coopération policière européenne.

La gendarmerie devrait pouvoir participer sur un pied d'égalité avec la police aux structures de coopération policière européenne, tant sur le plan national, qu'au niveau européen.

Il convient également de veiller à ce que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur ne se traduise pas par un moindre investissement de la gendarmerie concernant les opérations extérieures.

En effet, l'exemple de l'Espagne montre que le rattachement marqué de la garde civile au ministère de l'Intérieur constitue un frein à sa participation à des missions hors du territoire, le ministère de l'Intérieur étant réticent à laisser partir à l'étranger des forces consacrées à la sécurité du territoire et à en supporter le coût budgétaire.

C. DONNER À LA GENDARMERIE LES MOYENS NÉCESSAIRES POUR REMPLIR SES MISSIONS

1. Maintenir les effectifs de la gendarmerie à leur niveau actuel

Le Président de la République s'est engagé, lors de son intervention du 29 novembre 2007, à préserver la capacité opérationnelle de la police et de la gendarmerie.

Dans le même temps, se pose la question de l'application éventuelle à la gendarmerie du principe de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui est étudiée dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques.

Certes, la suppression de 3500 postes sur trois ans sur un effectif total de 101 000 personnels de la gendarmerie peut sembler à première vue négligeable.

Elle équivaudrait cependant à la suppression d'un poste de gendarme par brigade territoriale , alors que de nombreuses unités sont d'ores et déjà confrontées à un problème de sous-effectif.

Il faut savoir, en effet, que les marges de manoeuvres de la gendarmerie sont très limitées en raison du faible dimensionnement de ses états-majors et de ses structures de formation et de soutien (moins de 10 %). La gendarmerie s'est d'ailleurs déjà engagée dans un processus de rationalisation de ses soutiens et d'externalisation de certaines de ses missions. Dans ce contexte, à missions constantes, une réduction des effectifs se ferait au détriment de la capacité opérationnelle de la gendarmerie.

Or, la gendarmerie devra faire face à des charges accrues dans les prochaines années, compte tenu notamment de l'augmentation de la population en zone de gendarmerie, estimée par l'INSEE à 1,2 million d'habitants sur la période 2007-2012, à l'extension du réseau autoroutier et à de nouvelles menaces (immigration illégale, terrorisme, protection de l'environnement et de la santé publique).

En outre, alors que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 avait estimé à 7000 le nombre d'effectifs supplémentaires nécessaires pour remplir ses missions sur la période 2003-2007, la gendarmerie ne s'est vue dotée que de 6050 emplois sur cette période. Ne serait-il pas paradoxal, au moment où le Président de la République a fixé aux forces de sécurité des objectifs ambitieux en matière de lutte contre la délinquance, de revenir sur la précédente loi pour supprimer plus de la moitié des emplois nouvellement créés ?

Afin de préserver sa capacité opérationnelle, il paraît dès lors indispensable, sinon d'augmenter les effectifs pour atteindre les objectifs fixés par la dernière LOPSI, du moins de maintenir les effectifs de la gendarmerie à leur niveau actuel.

En tout état de cause, toute réduction éventuelle des effectifs de la gendarmerie ne pourrait se concevoir que par un redéploiement des personnels actuellement consacrés à des tâches administratives ou à des missions annexes, comme les transfèrements et les extractions judiciaires, car il est indispensable de préserver la capacité opérationnelle de la gendarmerie.

2. Poursuivre les programmes d'équipement et de rénovation immobilière

Face à une criminalité en pleine mutation et à l'apparition de nouvelles menaces, il semble indispensable de doter les personnels des deux forces de sécurité des outils nécessaires pour remplir leur mission.

On pense notamment au développement des nouveaux moyens technologiques, comme par exemple la vidéo surveillance ou la biométrie, aux outils informatiques, comme les terminaux informatiques embarqués, aux nouveaux types d'armement, en particulier à létalité réduite (« flash ball »), et aux moyens aériens de type drones.

Il paraît souhaitable que la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) poursuive les efforts de modernisation des équipements de la gendarmerie et de la police, engagés par la précédente loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI).

Au-delà de la nécessité de disposer de nouveaux moyens technologiques, la rénovation du parc immobilier de la gendarmerie s'impose également comme une priorité.

En effet, si d'importants efforts ont été engagés ces dernières années par les collectivités locales en ce qui concerne le parc locatif de la gendarmerie, l'état général du parc domanial, c'est-à-dire des casernes appartenant à l'État, demeure, quant à lui, préoccupant, les crédits consacrés à l'immobilier ayant servi trop souvent de variable d'ajustement par le passé.

Le parc domanial, dont plus de 70 % a plus de 25 ans, a atteint aujourd'hui un niveau de vétusté qui marque un décalage sensible avec le parc des collectivités locales ou le parc locatif hors caserne. Dans certaines casernes les conditions de vétusté, d'insalubrité et d'humidité sont telles qu'elles pèsent lourdement sur les conditions de travail et la qualité de vie des militaires de la gendarmerie et de leur famille. On estime qu'il sera nécessaire de remettre en état près de la moitié des casernes domaniales, celles qui ont plus de 40 ans, soit 429 casernes sur 730, au cours des cinq prochaines années. Le coût de cette remise en état serait de l'ordre de 1 milliard d'euros sur cinq ans.

Un important effort budgétaire nécessite donc d'être entrepris dans les prochaines années concernant la rénovation des casernes domaniales mises à la disposition des gendarmes et de leur famille.

3. Accroître le potentiel opérationnel de la gendarmerie en réduisant les « tâches indues »

L'efficacité des forces de sécurité, de la gendarmerie, comme de la police, suppose qu'elles se consacrent à leur coeur de métier et qu'elles ne soient pas employées à des tâches qui ne correspondent pas à leur vocation première.

Une réduction des tâches « indues » ou « abusives » serait de nature à accroître le potentiel opérationnel de la gendarmerie.

Ainsi, la charge des gardes statiques est lourde pour la gendarmerie nationale, qui consacre plus de 2000 emplois à cette mission.

Si la protection des bâtiments publics, d'implantations diplomatiques sensibles ou la sécurité des résidences de personnalités font partie des missions de la gendarmerie, le poids que représentent cette charge nécessite qu'un examen très précis en soit fait.

Elle pourrait ainsi être diminuée en faisant davantage appel aux réservistes, par un recours accru à des dispositifs de vidéosurveillance et à la surveillance par des patrouilles des résidences des personnalités, ou du moins être facturée aux ministères concernés.

LISTE DES TÂCHES « ABUSIVES » OU « INDUES » DE LA GENDARMERIE

Certaines tâches annexes font partie des missions de la gendarmerie mais les autorités concernées ne font pas toujours preuve du discernement ni de la pondération nécessaires pour limiter la charge pesant sur les unités de gendarmerie. On parle alors de « tâches abusives ».

D'autres tâches n'entrent pas dans le champ des missions de la gendarmerie mais lui sont confiées par défaut parce qu'aucun autre service de l'État n'accepte de les prendre à son compte. On peut parler alors de « tâches indues ».

Parmi ces tâches « indues » ou « abusives », on peut citer en particulier :

- les gardes statiques ;

- la surveillance des centres de rétention administrative ;

- l'acheminement des plis, documents et pièces diverses ;

- les transfèrements et translations judiciaires injustifiées ou trop coûteuses ;

- les notifications diverses ;

- les procurations électorales ;

- l'information des familles des personnes décédées lors d'un accident de la route ;

- l'attestation d'accueil des étrangers ;

- le suivi des mesures judiciaires d'individualisation de la peine ;

- la transmission de documents relatifs à des accidents de la route à des organismes d'étude et de recherche ;

- les enquêtes administratives sans rapport direct avec l'ordre public et la sécurité (enquêtes d'agrément des auto-écoles, recherche de débiteurs du Trésor, validation des cartes d'agents immobiliers, etc.) ;

- l'enlèvement des épaves automobiles ;

- l'identification des véhicules à la demande des huissiers de justice.

Le cas des transfèrements et extractions de prévenus ou de condamnés mérite une attention particulière.

LE CAS DES TRANSFEREMENTS ET EXTRACTIONS

Les transfèrements sont des conduites sous escorte de personnes détenues entre deux établissements pénitentiaires, tandis que les extractions sont des déplacements de même nature entre un établissement pénitentiaire et une autre destination, comme, par exemple, une juridiction ou une unité de soins médicaux.

La charge de ces transfèrements ou extractions incombe aujourd'hui à la force de sécurité responsable de la zone d'implantation de la maison d'arrêt, c'est-à-dire à la police pour les établissements pénitentiaires situés en centre ville, et à la gendarmerie, pour les établissements pénitentiaires situés en périphérie.

Les opérations de transfèrements et d'extractions sont très coûteuses en personnel et en temps pour la gendarmerie. En effet, toute escorte mobilise au moins trois gendarmes. La gendarmerie a ainsi consacré plus de 1,8 million d'heures à ces tâches en 2006, correspondant à plus de 108 800 transfèrements et extractions judiciaires, auxquels s'ajoutent plus de 10 000 transfèrements et extractions dites administratives et environ 200 transfèrements militaires. Plus de 1000 gendarmes sont mobilisés quotidiennement sur ces tâches.

Comme les membres du groupe de travail ont pu le constater lors de leur déplacement en Isère, la charge des transfèrements et des extractions judiciaires pèse lourdement sur les personnels de la gendarmerie.

En effet, étant donné que la gendarmerie ne dispose pas d'unités spécialisées pour ce type de mission, celle-ci est assurée par les gendarmes des brigades territoriales, au détriment de leur mission de surveillance.

Ainsi, en Isère, les deux maisons d'arrêt, situées à Saint-Quentin-Fallavier et Varces, relèvent de la compétence de la gendarmerie et pèsent particulièrement sur deux compagnies, celle de Bourgoin-Jallieu et celle de Grenoble, sur les unités de Bourgoin, de Vienne et de La Tour du Pin. Celles-ci effectuent annuellement respectivement 500, 320 et 200 escortes. Cela correspond en moyenne à 15 gendarmes par jour, soit 15 % des effectifs.

Les destinations ne se limitent pas aux prisons ou aux juridictions les plus proches. Il arrive fréquemment que les gendarmes isérois assurent des escortes jusqu'à Toulouse, Lyon ou Bordeaux, voire Lille ou la région parisienne.

Un transfert de cette charge à l'administration pénitentiaire ou la création d'une police spécifique, à l'image de ce qui existe en Italie, mériteraient d'être étudiés.

En tout état de cause, il semblerait logique que la charge financière des transfèrements et des extractions judiciaires incombe au ministère de la Justice.

Cela correspondrait, en effet, à l'esprit de la loi organique relative aux finances publiques (LOLF), selon lequel « celui qui commande paie » .

Le système actuel est peu responsabilisant pour les magistrats, dans la mesure où les dépenses sont entièrement supportées par la gendarmerie nationale. L'absence de toute planification ne permet aucune optimisation et se traduit souvent par des demandes de convocation formulées la veille pour le lendemain et par un long temps d'attente devant les salles d'audience.

Le transfert de la charge financière de cette mission au ministère de la Justice serait de nature à responsabiliser davantage les magistrats et à encourager le recours à des moyens alternatifs, comme le recours accru à la visioconférence.

4. Conserver la concession de logement par nécessité absolue de service

Loin de représenter un simple avantage, la concession de logement par nécessité absolue de service constitue un élément essentiel du fonctionnement de la gendarmerie.

Ce dispositif, qui remonte à l'origine même de la gendarmerie, puisqu'il est apparu en 1720 avec la sédentarisation de la maréchaussée, répond à un impératif opérationnel.

Il se traduit par l'obligation statutaire faite aux gendarmes de vivre en caserne avec leur famille sur leur lieu de travail.

Avec le régime spécifique de disponibilité qui découle du statut militaire (en particulier le régime d'astreintes), il permet à la gendarmerie d'assurer, avec des unités à faible effectif disséminées sur l'ensemble du territoire, un service de proximité, continu et réactif, en mesure de monter très rapidement en puissance lorsque les circonstances l'imposent.

Il participe aussi de la connaissance des lieux et des personnes et du lien de la gendarmerie avec la population et les élus locaux.

Enfin, la vie en caserne favorise un « esprit de corps » et paraît donc consubstantielle au statut militaire des officiers et des sous-officiers de gendarmerie.

La concession de logement par nécessité absolue de service doit donc être préservée car elle est fait partie intégrante du mode de fonctionnement de la gendarmerie.

D. AMÉLIORER LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

1. Garantir une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers

Garantir une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers n'est pas seulement une question d'équité. C'est aussi une condition de l'efficacité de l'action des gendarmes sur le terrain et du maintien du statut militaire de la gendarmerie.

La parité globale de traitement et de carrière souhaitée par le Président de la République est d'autant plus légitime que les objectifs fixés par le gouvernement en matière de lutte contre la délinquance sont ambitieux et nécessitent une mobilisation accrue des gendarmes et des policiers.

Elle est aussi indispensable pour éviter que les personnels de la gendarmerie ne soient tentés, du fait d'une proximité accrue avec les policiers, par un alignement de leur statut sur la condition de fonctionnaire de police, qui entraînerait la disparition du statut militaire de la gendarmerie et sa fusion avec la police.

Seul le sentiment d'un traitement équitable permettra à celle-ci, dans la durée et dans l'environnement qui sera prochainement le sien, de conserver son identité.

A cet égard, l'élaboration d'une grille indiciaire spécifique, souhaitée par le Président de la République, correspond à une forte attente des personnels de la gendarmerie.

Toutefois, comme l'a souligné le général Guy Parayre, lors de son audition devant la commission « l'évolution de la condition des militaires de la gendarmerie n'est pas seulement une affaire de grille indiciaire. En effet, le pyramidage des corps et le rythme des carrières jouent également un rôle important » 12 ( * ) .

Dans ce contexte, la poursuite et l'amplification du Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) dans le cadre de la future Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) revêt une grande importance.

Ce plan doit, en effet, permettre à la gendarmerie de disposer à l'horizon 2012 d'un taux d'encadrement équivalent à celui de la police nationale, tel qu'il est prévu par le plan « corps et carrières »

L'élaboration d'une grille indiciaire spécifique et la poursuite du Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées devraient ainsi garantir sur le long terme une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers.

2. Revoir les mécanismes de représentation et de concertation au sein de la gendarmerie

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur aura pour conséquence de juxtaposer deux systèmes de participation très différents : le système syndical de la police nationale et les instances de concertation de la gendarmerie nationale.

Si le fait syndical est par nature incompatible avec le statut militaire, il semble indispensable de rénover les mécanismes actuels de représentation des personnels et de concertation au sein de la gendarmerie, afin d'aboutir à un système plus représentatif et à un dispositif de concertation plus cohérent.

La représentativité des membres du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG), qui sont actuellement tirés au sort, pourrait être grandement renforcée par l'élection de ces représentants, soit parmi les présidents de catégorie, soit directement.

Afin de limiter le risque de « professionnalisation » de ces représentants, on pourrait limiter la durée de leur mandat à deux mandats consécutifs.

La qualité et la durée de la formation des membres de cette instance (5 jours actuellement) pourraient être améliorées.

On pourrait également envisager de créer une sorte de bureau au sein du CFMG, composé du secrétaire général du CFMG et de plusieurs de ses membres, qui serait chargé d'assurer la continuité des travaux entre deux sessions.

Une campagne de sensibilisation des personnels de la gendarmerie aux enjeux de la concertation pourrait également être lancée.

Enfin, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur nécessite de définir de nouvelles modalités de participation de ce ministère aux instances de concertation de la gendarmerie.

Le ministre de l'Intérieur devrait, en effet, participer ou être représenté au sein du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, avec le ministre de la Défense (par un système de coprésidence par exemple), voire au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) pour les sujets relatifs à la gendarmerie ou à une nouvelle instance propre à la gendarmerie.

En tout état de cause, la rénovation des mécanismes de participation et des instances de concertation au sein de la gendarmerie doit se faire dans le respect du statut militaire.

3. Conforter la montée en puissance de la réserve de la gendarmerie

Élément essentiel du lien Armée-Nation, la réserve constitue un relais indispensable entre les forces armées et les citoyens. Elle promeut le sens civique et favorise l'ancrage des militaires dans la société.

Avec 25 000 réservistes, servant en moyenne 22 jours par an, la réserve de la gendarmerie constitue aujourd'hui une force d'appoint indispensable à l'efficacité opérationnelle des unités, notamment en période estivale.

A l'avenir, elle est appelée à jouer un rôle de plus en plus important, notamment pour faire face aux nouvelles missions de la gendarmerie et à l'augmentation de la population dans les zones péri-urbaines.

Dans ce contexte, il paraît souhaitable de conforter la montée en puissance de la réserve de la gendarmerie , afin de parvenir à un effectif global de 40 000 réservistes en 2012.

Certains membres du groupe de travail émettent des réserves sur le rapprochement Gendarmerie-Police et sur le rattachement de la Gendarmerie au ministère de l'Intérieur. Ils craignent que cela n'engendre de nouvelles difficultés qui ne paraissent pas avoir été prises en compte et notamment sur le maintien du statut militaire des gendarmes .

LES DIX-SEPT RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

A/ Clarifier le positionnement institutionnel de la gendarmerie tout en préservant son statut militaire

1. Reconnaître à la gendarmerie la qualité de « quatrième armée », en s'inspirant de l'exemple de l'Italie

2. Dans l'éventualité du rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, maintenir des liens étroits avec le ministre de la Défense et le ministre de la Justice

3. Garantir dans la future loi sur la gendarmerie son statut militaire

4. Maintenir une direction générale de la gendarmerie nationale, avec à sa tête un officier général issu de ses rangs, au sein du ministère de l'Intérieur

B/ Renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie sans fusionner les deux forces

5. Développer la coopération entre la gendarmerie et la police sans remettre en cause les spécificités des deux forces

6. Garantir le dualisme de la police judiciaire

7. Rénover le principe des réquisitions en matière de maintien de l'ordre notamment en allégeant le formalisme

8. Conforter le « maillage » territorial de la gendarmerie en poursuivant les redéploiements entre la police et la gendarmerie

9. Développer les mutualisations de moyens entre la police et la gendarmerie

10. Poursuivre l'internationalisation et l'européanisation de la gendarmerie

C/ Donner à la gendarmerie les moyens nécessaires pour remplir ses missions

11. Maintenir les effectifs de la gendarmerie à leur niveau actuel

12. Poursuivre les programmes d'équipement et de rénovation immobilière

13. Accroître le potentiel opérationnel de la gendarmerie en réduisant les « tâches indues »

14. Conserver la concession de logement par nécessité absolue de service

D/Améliorer la gestion des ressources humaines

15. Garantir une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers

16. Revoir les mécanismes de représentation et de concertation au sein de la gendarmerie

17. Conforter la montée en puissance de la réserve de la gendarmerie

CONCLUSION

« L'autre partie de la force armée sera destinée au maintien de la police. Cette seconde classe de la force armée n'aura pas les dangers d'un grand établissement militaire ; elle sera disséminée sur toute l'étendue du territoire ; car elle ne pourrait être réunie sur un point, sans laisser sur tous les autres les criminels impunis. Cette troupe saura elle-même quelle est sa destination. Accoutumée à poursuivre plutôt qu'à combattre, à surveiller plutôt qu'à conquérir, n'ayant jamais goûté l'ivresse de la victoire, le nom de ses chefs ne l'entraînera point au-delà de ses devoirs, et toutes les autorités de l'État seront sacrées pour elle ».

Benjamin Constant, « Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs » , 1815.

Loin de l'image d'Épinal du pandore ou du gendarme de Courteline, la gendarmerie a su au cours des siècles s'adapter en permanence, se moderniser, sans pour autant renoncer à ses caractéristiques fondamentales.

Force de police à statut militaire, elle n'est assimilable ni à la police, ni à l'armée de terre, mais elle constitue une force spécifique, une « quatrième armée », permettant de garantir la continuité de l'État républicain en toutes circonstances et la protection des citoyens sur l'ensemble du territoire.

En ce sens, elle est l'illustration de la « force publique » énoncée par la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789.

L'ambivalence de la gendarmerie est sa force mais elle peut également être sa faiblesse si elle la conduit à trop s'identifier à une autre structure.

Tout en adaptant sans cesse son organisation et ses modalités d'action à l'évolution de la société et de la délinquance, en élevant son niveau d'efficacité pour répondre aux préoccupations des citoyens, la gendarmerie doit savoir préserver ce qui fonde sa spécificité.

C'est de cette manière qu'elle conservera la place qui est aujourd'hui la sienne parmi les institutions qui concourent à la défense et à la sécurité intérieure.

Annoncé par le Président de la République, le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, à compter du 1 er janvier 2009, s'inscrit dans le prolongement des évolutions précédentes.

Depuis 2002, la gendarmerie est placée pour emploi auprès du ministre de l'Intérieur, pour ses missions de sécurité intérieure.

95 % de l'activité de la gendarmerie est, en effet, consacrée à la sécurité, contre 5 % pour les missions militaires.

Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur devrait être source de clarification et permettra de développer des mutualisations de moyens entre la police et la gendarmerie.

Il permettra surtout de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la délinquance et d'améliorer ainsi la sécurité, qui reste une des premières préoccupations des Français.

Cette réforme soulève toutefois la question du maintien du statut militaire de la gendarmerie, dès lors que celle-ci ne sera plus placée sous l'autorité du ministre de la Défense.

Pour votre commission, il est indispensable de préserver ce statut militaire car il en va de l'essence même de la gendarmerie.

En effet, c'est ce statut qui fait la spécificité de la gendarmerie - fondée sur les trois principes de continuité, de proximité et de dualité - et il constitue un élément fondamental de son fonctionnement.

Toute remise en cause du statut militaire de la gendarmerie ne serait pas acceptable pour votre commission.

Il est donc nécessaire de le préserver en consacrant notamment ce statut dans la future loi sur la gendarmerie et en élevant la gendarmerie au rang de « quatrième armée », à l'image de ce qui existe en Italie.

Enfin, il convient d'assurer une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers.

La principale force de la gendarmerie ce sont, en effet, les femmes et les hommes qui la composent et qui témoignent quotidiennement, par leur dévouement et leur courage, de leur engagement au service de la population.

En sa qualité de commission chargée des forces armées, votre commission se doit cependant de mentionner la situation préoccupante de la condition des autres militaires des trois armées.

Il ne faudrait pas, en effet, qu'au net « décrochage » constaté entre les gendarmes et les policiers se substitue un nouveau « décrochage » entre les personnels des armées et ceux des forces de sécurité.

Pour votre commission, le maintien de la gendarmerie au sein de la communauté militaire passe aussi par l'amélioration des conditions des militaires des autres armées.

ANNEXE I - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 4 décembre 2007 : audition du Général Guy PARAYRE , Directeur général de la gendarmerie nationale.

Mardi 11 décembre 2007 : audition du Colonel Bruno JOCKERS , Commandant du groupement de gendarmerie du Bas-Rhin.

Mardi 18 décembre 2007 : audition du Général Marcel KAPFER , Commandant militaire du Palais du Luxembourg.

Mardi 8 janvier 2008 : audition du Colonel Michel ROBIQUET , Secrétaire général du Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG).

Mercredi 9 janvier 2008 : audition de M. François DIEU , Professeur des universités.

Mardi 15 janvier 2008 : audition du général Jean-Marc DENIZOT , président du comité d'entente des associations de gendarmerie (CEAG) et de la société d'entraide des élèves et anciens élèves de l'école des officiers de la gendarmerie nationale (le Trèfle), du général Jean-Pierre BEDOU , Président de la société nationale des anciens et des amis de la gendarmerie (SNAAG), de M. Maurice COME , Président de l'Union nationale des personnels en retraite de la gendarmerie (UNPRG) et de M. André DOSSET , Président national adjoint de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG).

Mercredi 16 janvier 2008 : audition de Mme Murielle NOËLLE , Présidente de l'association d'aide aux membres et familles de gendarmes (AAMG).

Mardi 22 janvier 2008 : auditions du lieutenant-colonel Massimo AMADIO , officier de liaison, du lieutenant-colonel Giuseppe DE RIGGI, du bureau du bureau des opérations du Quartier général de l'Arme des carabiniers italiens et du lieutenant-colonel Francisco ESPINOSA , de la garde civile espagnole.

Mercredi 23 janvier 2008 :

audition de M. Jean-Jacques HYEST , Sénateur de la Seine-et-Marne, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale du Sénat.

audition de M. François MONGIN , Inspecteur général des finances, chargé de la mission « sécurité » dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

Mardi 29 janvier 2008 : déplacement du groupe de travail au siège du groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) à Versailles-Satory. Présentation de la gendarmerie mobile et du GBGM par le colonel Ivan NOAILLES , commandant du GBGM. Présentation des équipements et des véhicules.

Mardi 5 février 2008 : déplacement du groupe de travail au siège de la direction de la gendarmerie nationale à Paris. Entretiens avec le général Guy PARAYRE , Directeur général de la gendarmerie nationale, le général Rolland GILLES , major général, le général Bernard MOTTIER , Directeur des ressources humaines, le général Jacques MIGNAUD , Directeur des opérations et de l'emploi et le contrôleur général des armées Jean-Robert REBMEISTER , Directeur des soutiens et finances.

Mercredi 6 février 2008 : audition de M. Frédéric PÉCHENARD , Directeur général de la police nationale.

Jeudi 14 et vendredi 15 février 2008 : déplacement dans l'Isère auprès du groupement de gendarmerie départementale, commandé par le colonel Jean-Philippe LECOUFFE. Visite de brigades territoriales autonomes ou regroupées en « communauté de brigades ».

Mardi 25 mars 2008 :

audition de M. Jean-Marie HUET , Directeur des Affaires criminelles et des Grâces au ministère de la Justice

audition de M. Hervé MORIN , Ministre de la Défense.

Mercredi 2 avril 2008 : audition de Mme Michèle ALLIOT-MARIE , Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales.

ANNEXE II - PROGRAMME DU DÉPLACEMENT EN ISÈRE LES 14 ET 15 FÉVRIER 2008

Jeudi 14 février 2008

6h38 : départ de Paris en TGV

9h33 : arrivée en gare de Grenoble - accueil par le colonel Jean-Philippe Lecouffe, commandant le groupement de gendarmerie départementale de l'Isère

10h00 : transfert à la caserne Offner de Grenoble

10h30 : présentation de l'organisation et du fonctionnement du groupement par le colonel Jean-Philippe Lecouffe, suivie d'une discussion

12h00 : déjeuner au cercle mixte avec un panel de personnels

14h30 : visite de la communauté de brigades de Domène - Présentation de l'organisation et de l'activité par le lieutenant Antegnard - rencontre avec les personnels

15h45 : visite de la brigade territoriale de proximité de Villard Bonnot

16h30 : visite du peloton de gendarmerie de haute montagne de l'Isère (PGHM) - présentation du PGHM par le capitaine Betaille

20h00 : dîner à la Préfecture offert par M. Michel Morin, Préfet de l'Isère, en présence de M. Jean-Philippe Lecouffe, commandant du Groupement de gendarmerie départementale de l'Isère et du directeur départemental de la sécurité publique.

Vendredi 15 février 2008

9h00 : départ de Grenoble vers Villard de Lans sur le plateau du Vercors

9h45 : visite de la brigade territoriale autonome de Villard de Lans

11h00 : départ pour Autrans

11h20 : visite du poste provisoire d'Autrans - discussion avec le maire d'une commune rurale

12h30 : déjeuner à Autrans

16h00 : Cérémonie d'hommage aux gendarmes décédés victimes du devoir à la caserne Offner de Grenoble

16h30 : point presse du groupe de travail

17h00 : collation avec les personnels du groupement ayant participé à la visite

18h05 : départ vers Paris en TGV

21h07 : arrivée à Paris - gare de Lyon

ANNEXE III - COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE

Lors de sa réunion du mardi 25 mars 2008, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur la gendarmerie.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que la gendarmerie faisait actuellement l'objet de plusieurs réformes, avec, en particulier, l'annonce par le Président de la République du prochain rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, l'élaboration d'un projet de loi relatif à la gendarmerie, mais aussi les travaux préparatoires au nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la préparation de la future loi d'orientation et de programme pour la performance de la sécurité intérieure, ainsi que la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Il a rappelé que la commission des affaires étrangères et de la défense avait constitué, en novembre dernier, un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie, présidé par M. Jean Faure, qui devrait remettre prochainement ses conclusions sous la forme d'un rapport d'information.

M. Josselin de Rohan, président, a souhaité savoir quelles seront les incidences du rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur sur les attributions du ministre de la défense et sur le statut militaire de la gendarmerie, ses effets sur les missions militaires de la gendarmerie, notamment en matière d'opérations extérieures et ses conséquences éventuelles sur les personnels de la gendarmerie et des armées.

M. Josselin de Rohan, président, a également interrogé M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur les effectifs supplémentaires de l'armée française qui devraient être envoyés en renfort en Afghanistan et sur le coût prévisionnel de cette opération pour le budget des opérations extérieures, qui atteint déjà près d'1 milliard d'euros.

M. Hervé Morin, ministre de la défense, a rappelé que le Président de la République avait annoncé, le 29 novembre 2007, le transfert de l'autorité organique et budgétaire de la gendarmerie du ministre de la défense au ministre de l'intérieur, à compter du 1er janvier 2009, ce rattachement ne remettant pas en cause le statut militaire, auquel le Président de la République avait rappelé son attachement.

La coexistence de deux forces de sécurité intérieure, l'une à statut civil, la police nationale, l'autre à statut militaire, la gendarmerie nationale, n'est donc pas remise en cause, a précisé M. Hervé Morin. L'existence d'une force de sécurité à statut militaire contribue, en effet, à garantir la continuité de l'État, en tout temps, en toutes circonstances, en métropole, en outre-mer et à l'étranger sur les théâtres d'opérations extérieures.

Afin de définir les modalités concrètes de ce rattachement, plusieurs groupes de travail réunissant les services du ministère de la défense, de la direction générale de la gendarmerie nationale, de l'état-major des armées, en collaboration étroite avec le ministère de l'intérieur, ont été mis en place. Les conclusions de ces groupes de travail, qui devront faire l'objet d'un accord entre les deux ministères, seront soumises à l'approbation du Président de la République avant la fin du premier semestre 2008.

Dans le cadre de cette réforme, le socle culturel et opérationnel militaire des gendarmes sera préservé, la gendarmerie continuant à faire partie de la communauté militaire, a indiqué M. Hervé Morin.

En ce qui concerne les attributions du ministre de la défense, certaines d'entre elles seront transférées au ministre de l'intérieur, d'autres seront partagées, d'autres enfin demeureront de son ressort exclusif.

Parmi les compétences qui devraient être transférées au ministère de l'intérieur figurent certaines attributions en matière de personnels, comme les décisions relatives au recrutement et au déroulement de carrière des militaires d'active, la notation de tous les militaires et le déroulement de carrière des militaires sous contrat.

Les compétences conjointes devraient porter sur le processus d'avancement de grade, l'attribution des congés de reconversion et les décisions en matière de gestion des réserves.

Enfin, devraient rester du ressort exclusif du ministre de la défense, l'exercice du pouvoir disciplinaire, qui s'exercera toutefois sur proposition du ministre de l'intérieur, et surtout l'emploi des gendarmes pour l'exécution des missions militaires, notamment pour l'envoi en opérations extérieures.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur soulève aussi la question de la préservation du lien avec les autres armées et les services du ministère de la défense, a indiqué M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Celle-ci sera assurée par la poursuite d'une formation militaire des personnels de la gendarmerie et le maintien du recrutement d'officiers à la sortie des grandes écoles des trois armées. En effet, la formation initiale, continue ou supérieure, constitue et entretient le socle culturel et opérationnel du caractère militaire de la gendarmerie, a-t-il rappelé.

Elle sera également assurée par une collaboration active en matière de soutien logistique avec les services du ministère de la défense, ainsi que par un engagement opérationnel avec ou aux côtés des autres armées sur les théâtres d'opérations extérieures. La proximité culturelle et opérationnelle de la gendarmerie et des armées se concrétise, en effet, de façon quotidienne dans de nombreux engagements communs, tant sur le territoire national et en Outre-mer, comme en Guyane par exemple, que sur les théâtres d'opérations extérieures, comme au Kosovo. Enfin, les gendarmes continueront, en qualité de militaires, à bénéficier de l'ensemble des actions sociales du ministère.

Le transfert de l'autorité organique et budgétaire au ministre de l'intérieur a aussi des implications dans les fonctions du soutien logistique et des ressources humaines, a indiqué M. Hervé Morin, ministre de la défense. Ainsi, le ministère de la défense continuera à assurer une grande partie de la fonction de soutien au bénéfice de la gendarmerie, à travers des protocoles dont la rédaction est en voie d'achèvement. La direction générale de l'armement restera l'interlocuteur privilégié de la gendarmerie pour les grands programmes (aéronefs, blindés). La gendarmerie continuera également à acquérir des matériels auprès des armées pour ses besoins militaires propres ou par voie de délégation de gestion pour continuer à bénéficier du savoir-faire déjà acquis dans certains domaines, comme celui de la gestion de l'immobilier par exemple.

Dans le domaine des ressources humaines, M. Hervé Morin, ministre de la défense, a indiqué qu'il veillera à ce que le transfert de la gendarmerie s'accompagne du maintien pour l'ensemble des personnels, militaires et civils, des avantages statutaires, matériels et moraux qui sont liés à leur condition militaire. Les modalités du transfert des personnels contractuels ou des ouvriers d'État font actuellement l'objet d'études entre la direction des ressources humaines du ministère de la défense et les services du ministère de l'intérieur. Il est envisagé de laisser aux personnels civils le choix de leur maintien au ministère de la défense ou de leur rattachement statutaire au sein des personnels civils du ministère de l'intérieur.

Enfin, le Président de la République avait souhaité que les gendarmes et les policiers bénéficient d'une parité globale de traitement et que les écarts éventuels puissent être identifiés et gommés après un état des lieux exhaustif dans les domaines statutaires, indemnitaires et annexes, a rappelé M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Les groupes de travail chargés d'établir cette comparaison exhaustive des régimes dont bénéficient les policiers et les gendarmes viennent de rendre leur conclusions et l'analyse permet d'ores et déjà de constater l'existence d'un équilibre général dans le traitement des fonctionnaires et des militaires des deux forces qu'il conviendra de préserver, a indiqué M. Hervé Morin. Cette étude sera rapidement soumise à une commission présidée par une haute personnalité qualifiée extérieure. Après arbitrage des recommandations de cette commission, le chiffrage des mesures s'inscrira dans le cadre de la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, a-t-il indiqué. Un rapport d'étape sur l'ensemble de ces travaux sera réalisé à la fin du mois de mars avant une saisine du Conseil d'État.

En conclusion, M. Hervé Morin, ministre de la défense, a indiqué que, militaire dans ses statuts, son organisation et son sens du devoir, la gendarmerie sera rattachée sur le plan organique et budgétaire, au ministre de l'intérieur, ce qui sera source de clarification, mais qu'il sera de sa responsabilité, en tant que ministre de la défense, de veiller à ce qu'elle conserve et entretienne son identité militaire et qu'elle bénéficie, dans l'exercice de ses missions militaires, des soutiens du ministère de la défense.

A l'issue de l'exposé du ministre, un débat s'est ouvert au sein de la commission.

M. Jean Faure, président du groupe de travail sur la gendarmerie, s'est interrogé sur les modalités de préservation du statut militaire de la gendarmerie après son intégration au sein du ministère de l'intérieur. Il a exprimé la crainte que ce rattachement n'isole fortement les gendarmes des autres armées, et a souligné que cette crainte avait été exprimée à de nombreuses reprises lors des auditions effectuées par le groupe de travail sur la gendarmerie. Il s'est également inquiété de l'éventuelle application à la gendarmerie de la recommandation élaborée dans le cadre de la RGPP visant au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ce qui priverait ce corps d'environ 3 500 postes pour la période allant de 2009 à 2011. Il a souhaité obtenir des précisions sur une éventuelle réforme des mécanismes de représentation et de concertation au sein de la gendarmerie, réforme qui substituerait à l'actuel tirage au sort des représentants une élection par leurs pairs. Il a enfin évoqué la charge considérable que représentaient les tâches d'extraction et de transfert des détenus vers les tribunaux, soulignant que c'est près d'1,9 million d'heures de travail, soit l'équivalent de 1 500 postes, qui sont consacrées à des tâches qui pourraient être accomplies par des personnels de moindre qualification que les gendarmes. Il a souhaité une implication financière du ministère de la justice dans la réalisation de ces tâches, conformément à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- les rapports entre la gendarmerie et les armées ont été caractérisés par une complexité croissante exprimée par la revendication d'une grille indiciaire spécifique à la gendarmerie. Au sein des armées, cette évolution a été perçue par la disparition du sentiment d'un destin commun. Le ministre a par ailleurs rappelé que les crédits de fonctionnement de la gendarmerie ont crû de 30 millions d'euros dans le budget 2008, alors que ceux des armées diminuaient de 160 millions d'euros la même année ;

- la gendarmerie a été préservée en matière d'effectif en 2008 ; son rattachement au ministère de l'intérieur à compter du 1er janvier 2009 transférera à ce dernier la responsabilité d'établir un équilibre entre les personnels relevant de la police et de la gendarmerie ;

- une instance de concertation spécifique, propre à la gendarmerie et coprésidée par les ministres de l'intérieur et de la défense, sera prochainement créée ; des réflexions sont, par ailleurs, en cours sur les évolutions à apporter aux instances de concertation propres aux armées ;

- les charges représentées par les extractions de détenus sont régulièrement dénoncées depuis plus de vingt ans ; ce point nécessitera une concertation entre les ministères de l'intérieur et de la justice.

M. André Rouvière, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, a regretté que les propos du ministre aient changé ses appréhensions initiales en certitude : en effet, les transferts de compétences du ministère de la défense vers le ministère de l'intérieur constitueront une source de complications inextricables, de nature à altérer les capacités de gestion de la gendarmerie par le ministère de l'intérieur. Il s'est également interrogé sur les montants des fonds que le ministère de l'intérieur sera en mesure de consacrer à la rénovation des casernements, au financement de la grille indiciaire spécifique, ainsi qu'aux OPEX. Il s'est également inquiété de l'autorité qui aura compétence pour nommer le directeur général de la gendarmerie, souhaitant que ce directeur reste, à l'avenir, un militaire.

En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- le directeur général de la gendarmerie nationale est nommé par le Président de la République en Conseil des ministres ; son choix est discrétionnaire ;

- l'ensemble des crédits immobiliers affectés au casernement relèvera de la compétence du ministère de l'intérieur, auquel les moyens correspondants seront affectés dans le PLF pour 2009 ; il s'agit de tirer l'ensemble des conséquences de la décision prise en 2003, et rattachant la gendarmerie pour emploi au ministère de l'intérieur. Le financement des missions extérieures relèvera également du budget de ce ministère ;

M. Hubert Haenel, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, a rappelé que notre pays disposait, de longue date, de ces deux forces de police et a estimé que ce dualisme était favorable aux libertés publiques. Il a donc jugé que l'entier rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ne saurait être légitimé par les seules conséquences néfastes entraînées par les manifestations de 2001, dont la nature et l'ampleur n'ont jamais été précisées par les pouvoirs publics. Il a regretté que l'exposé du ministre donne le sentiment que la réforme de la gendarmerie semblait déjà achevée, avant même que le Parlement n'en soit saisi. Sur ce point, il a souhaité avoir des indications précises sur le calendrier du futur projet de loi sur la gendarmerie, et s'est enquis du rôle que remplirait le ministre de la défense au côté de ses collègues de l'intérieur et de la justice, lors du débat parlementaire. Il a dit craindre que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ne se traduise, à terme, par une fusion pure et simple avec la police nationale. Puis, évoquant le principe, d'ordre constitutionnel, disposant que la force armée ne peut être utilisée par le pouvoir civil que sur réquisition écrite, à la différence de la police qui obéit à des ordres oraux donnés par les préfets, il s'est inquiété que l'avant-projet de loi sur la gendarmerie renvoie, sur ce point, ces dispositions à un décret en Conseil d'État, alors qu'elles relèvent manifestement du niveau législatif. M. Hubert Haenel a également souhaité savoir si ce projet de loi avait été précédé d'une étude d'impact, et a estimé qu'il devrait prévoir une clause de rendez-vous, à trois au quatre ans pour en établir le bilan.

En réponse, le ministre a précisé que :

- l'impact négatif, au sein de la communauté militaire, des manifestations de 2001 est un constat qu'on ne peut contester ;

- la gendarmerie a été rattachée pour emploi, dès 2003, au ministère de l'intérieur, et le futur projet de loi, que le Gouvernement soutiendra devant le Parlement, est destiné à conforter le statut militaire de la gendarmerie, très clairement affirmé dans l'article 1er du projet ;

- les réquisitions nécessaires relèveront désormais de la compétence du ministre de l'intérieur ;

- l'impact de la future réforme a fait l'objet de nombreux travaux, dont le contenu sera communiqué aux parlementaires qui le souhaiteront.

Mme Michelle Demessine, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, a souligné que les auditions réalisées par ce groupe de travail avaient mis en évidence une grande inquiétude, toujours exprimée en termes très mesurés. Elle a déploré que la réforme de 2003 ait probablement conduit à déstabiliser cette institution fondatrice de la République, dont l'expression est étouffée par la faiblesse de ses instances de concertation. Elle a regretté que la réforme, telle qu'elle venait d'être exposée par le ministre, ne conduise à une confusion des statuts respectifs de la police et de la gendarmerie, ce qui ne pourra manquer d'aboutir, dans les faits, à une fusion de ces deux corps. En effet, a-t-elle estimé, le statut militaire de la gendarmerie ne pourra résister, en dépit du futur projet de loi destiné à le conforter, aux réalités auxquelles les gendarmes seront confrontés au sein du ministère de l'intérieur. Elle a souligné la grande disponibilité des gendarmes, qui découle de leur statut militaire, et qui risque d'être altérée par l'évolution prévisible de cette force. Elle a estimé qu'au total, ce sera la sécurité des Français qui sortira amoindrie de cette réforme.

En réponse, le ministre a précisé que la réforme a pour objet de tirer toutes les conséquences de la décision de 2003 et vise donc à établir une cohérence d'ensemble des forces de sécurité. Le ministère de l'intérieur disposera ainsi d'une capacité d'évaluation et d'intervention globales, qui seront facteurs de clarté et, donc, de meilleure efficacité en matière de sécurité publique.

M. Yves Pozzo di Borgo, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, a confirmé la forte inquiétude existant au sein de la gendarmerie sur le sort et la position qui lui seront réservés au terme de son rattachement au ministère de l'intérieur. Il a souhaité, par ailleurs, connaître le calendrier prévisionnel de discussion du futur projet de loi.

En réponse, le ministre a précisé que le projet de loi serait présenté au Parlement durant la présente session, et a reconnu la réalité de l'inquiétude prévalant au sein de la gendarmerie.

M. Xavier Pintat a souligné le rôle irremplaçable joué par la gendarmerie dans la sécurité du pays, et particulièrement dans le monde rural. Il a rappelé que la réforme créant les communautés de brigade avait porté des résultats positifs en dépit des craintes initiales des élus locaux. Constatant que la région Aquitaine connaissait 55 000 crimes et délits par an, dont un nombre important est commis durant la période estivale, marquée par l'afflux de touristes, il a relevé le rôle majeur joué, pour la sécurisation de ces populations, par les personnels de gendarmerie augmentés de renforts saisonniers. Il a exprimé la crainte que ceux-ci ne soient moins nombreux qu'à l'habitude durant l'été 2008, notamment du fait de la difficulté à prendre en charge les coûts de leurs déplacements.

En réponse, le ministre a constaté que ces dispositions relevaient désormais du ministère de l'intérieur ; il a souligné, à cette occasion, le rôle décisif des réserves lors de telles périodes de tension. Le ministre a indiqué que la gestion des réserves demeurera de la compétence du ministère de la défense.

M. Jean Faure, président du groupe de travail sur la gendarmerie, s'est dit favorable à ce que soient maintenues, au sein du ministère de l'intérieur, deux directions distinctes consacrées respectivement à la police et à la gendarmerie et que cette dernière reçoive la garantie que son directeur resterait un militaire.

En réponse, le ministre a souligné qu'il était prévu de maintenir deux directions, mais que la nomination des directeurs d'administration centrale relevait de la décision discrétionnaire du Président de la République.

(...)

ANNEXE IV - COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE MME MICHÈLE ALLIOT-MARIE, MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Lors de sa réunion du mercredi 2 avril 2008, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, sur la gendarmerie.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que cette audition, qui faisait suite à celle de M. Hervé Morin, ministre de la défense, la semaine précédente, s'inscrivait dans le cadre des travaux menés actuellement par le groupe de travail de la commission sur l'avenir de la gendarmerie présidé par M. Jean Faure, qui en présentera les conclusions la semaine prochaine.

M. Josselin de Rohan, président, a donc souhaité connaître le sentiment du Ministre sur les incidences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, en particulier sur son statut militaire, à la lumière notamment de son expérience de ministre de la défense dans les précédents gouvernements.

Après avoir rappelé que la gendarmerie représentait 105 000 hommes et femmes déployés sur tout le territoire national, en métropole comme en outre-mer, qu'il s'agissait également d'un maillage d'unités dans les zones rurales et périurbaines, d'une garantie d'une présence rassurante pour nos concitoyens, et que la gendarmerie était, enfin, une force militaire capable d'intervenir en temps de paix, de crise et de guerre, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a indiqué que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur s'inscrivait dans un processus lancé en 2002.

Depuis 2002, le ministre de l'intérieur est, en effet, responsable de l'emploi de la gendarmerie pour ses missions non militaires. Depuis cette date, le redéploiement des forces de police et de gendarmerie sur le territoire a permis de donner plus de cohérence à leur action et s'est traduit par des économies non négligeables pour les finances publiques. La création des communautés de brigades, qu'elle avait menée en tant que ministre de la défense, a également marqué une nouvelle étape dans la rationalisation de l'organisation de la gendarmerie et dans le renforcement de sa présence sur le terrain.

Les résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance ont démontré le bien-fondé de cette démarche, puisque la délinquance, qui avait augmenté de 15 % entre 1997 et 2002, a reculé de 14 % entre 2002 et 2007, a fait observer Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Les violences contre les personnes ont certes continué de progresser pendant cette période, mais on note des résultats très positifs au cours de ces derniers mois, a-t-elle précisé.

Depuis mai 2007, les ministères de l'intérieur et de la défense définissent conjointement les moyens budgétaires de la gendarmerie et en assurent le suivi, et ils procèdent également aux nominations ou les proposent de manière concertée.

C'est donc dans ce contexte que s'inscrit la décision de rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.

Cette décision a pu susciter des interrogations chez les gendarmes, mais aussi chez les élus, attachés comme tous les Français à la gendarmerie nationale. Mais le transfert de la tutelle organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l'intérieur répond à une exigence d'efficacité et il ne remet pas en cause l'identité militaire de la gendarmerie nationale, à laquelle la ministre a proclamé son attachement.

Tout d'abord, le rapprochement de la police et de la gendarmerie renforcera notre action au service de la protection des Français, a indiqué Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. La gendarmerie gardera, en effet, son autonomie au sein du ministère de l'intérieur, même si la police et la gendarmerie seront placées sous l'autorité du même ministre.

Il ne s'agit donc aucunement d'une fusion, a précisé le ministre, en indiquant que la direction générale de la gendarmerie nationale sera une structure autonome au sein du ministère de l'intérieur et qu'il existera toujours un programme budgétaire « Gendarmerie nationale » au sein de la mission « Sécurité », qui deviendra ministérielle.

Il n'est pas question non plus de remettre en cause les missions que la loi confie à la gendarmerie dans le domaine de la sécurité publique, de la police judiciaire et du renseignement. L'objectif est de placer l'efficacité au coeur de l'organisation des forces de sécrité intérieure, a-t-elle souligné. Les avantages de ce rapprochement sont nombreux, car il facilitera les mutualisations entre les forces de gendarmerie et de police, notamment pour certaines formations spécialisées comme celles de plongeur, des équipes cynophiles ou de perfectionnement au maintien de l'ordre, pour certaines fonctions de soutien, telles que la réparation automobile, ou encore pour la mise à la disposition de la police des hélicoptères de la gendarmerie, ce qui évitera de créer une deuxième flotte très coûteuse.

Ce rapprochement améliorera donc l'efficacité de l'action au service de la protection des Français, tout en diminuant ses coûts, a-t-elle fait observer.

La future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure s'articulera autour de trois directions, toutes orientées vers cette recherche d'efficacité : la mutualisation, la modernisation, c'est-à-dire l'usage accru des moyens technologiques, et un management amélioré des personnels.

Les modalités du transfert sont déjà bien avancées, des groupes de travail conjoints pour mettre en oeuvre cette réforme ayant été lancés conjointement avec M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Ce même ministère devra continuer d'assurer certaines prestations de soutien au profit de la gendarmerie dans des domaines aussi divers que la formation militaire, le paiement de la solde, l'immobilier ou l'action sociale. Ces prestations donneront lieu à une trentaine de protocoles entre les deux ministères.

Il est également prévu qu'à l'occasion de ce transfert, la parité globale de traitement et de carrière entre policiers et gendarmes, pour reprendre l'expression du Président de la République, soit vérifiée, a indiqué Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Un groupe de travail conjoint intérieur et défense a été chargé de déterminer les conditions de cette parité globale qui doit concerner la rémunération et le déroulement des carrières, les conditions d'activité et les mesures d'accompagnement propres à l'exercice de ses missions par chacune des deux forces, dans le respect de leur statut.

Dans cette affaire, il faut prendre en compte les spécificités de chacune des forces, par exemple le logement des gendarmes, en contrepartie de leur disponibilité. Il faut aussi intégrer les engagements en cours, comme le protocole « Corps et carrière » de la police, ou le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées de la gendarmerie, a-t-elle précisé.

Les deux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie viennent de rendre le rapport présentant les résultats de leurs travaux et leurs propositions. Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a indiqué qu'elle entendait privilégier la transparence et l'objectivité, et que c'est pour cette raison qu'elle avait décidé de confier à des personnalités extérieures le soin d'examiner, et de valider ou d'amender ce rapport, et les propositions qui en découlent.

Le rapprochement de la police et de la gendarmerie apportera un nouvel élan à l'action dans le domaine de la sécurité, mais ne se fera pas au détriment de l'identité de la gendarmerie nationale. En effet, la future loi sur la gendarmerie garantira la pérennité du caractère militaire de la gendarmerie, a indiqué Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. La nature militaire de la gendarmerie nationale sera maintenue et donc son ancrage au sein des forces armées, avec les valeurs propres à cette institution, a-t-elle souligné.

Le maintien d'une force de sécurité à statut militaire est, en effet, une nécessité pour notre pays, a rappelé le ministre.

Le statut militaire implique un engagement volontaire et personnel et il comporte des sujétions et des obligations qui ont pour but de garantir la disponibilité des gendarmes au service de la sécurité des Français.

La future loi sur la gendarmerie répartira les compétences entre le ministère de la défense et le ministère de l'intérieur qui sera responsable de l'emploi, de l'organisation, des objectifs fixés et des moyens attribués à la gendarmerie nationale.

Le ministre de la défense conservera les prérogatives liées au statut militaire de la gendarmerie et sera, à ce titre, responsable de son emploi dans les missions de défense militaire et de la discipline.

Les sujétions et obligations des gendarmes seront inscrites dans la loi, en particulier l'obligation d'occuper le logement concédé par nécessité absolue de service, condition de la disponibilité des gendarmes.

Enfin, le maintien de l'ancrage militaire de la gendarmerie se traduira par un ensemble de dispositions très concrètes, a indiqué Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Le recrutement et la formation initiale permettront de poursuivre la diffusion du modèle militaire et de ses valeurs dans la gendarmerie et, à ce titre, le maintien du recrutement d'officiers à la sortie des grandes écoles militaires constitue un élément essentiel.

Les gendarmes resteront, comme l'a annoncé le Président de la République, au sein du Conseil Supérieur de la Fonction Militaire (CSFM), car il est absolument nécessaire qu'ils continuent à participer aux instances de concertation spécifiques aux forces militaires puisque c'est une conséquence directe du maintien de leur statut.

Des dispositions seront également mises en oeuvre pour permettre au ministre de l'intérieur, responsable de l'emploi et de l'organisation de la gendarmerie, de participer aux travaux de cette instance.

En conclusion, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a indiqué que le transfert de tutelle de la gendarmerie au ministère de l'intérieur n'entraînera pas la remise en cause du caractère militaire de la gendarmerie, mais sera au contraire l'occasion de le réaffirmer avec force.

Tout sera fait pour que le rapprochement entre la police et la gendarmerie réponde à la seule logique de l'efficacité pour garantir la sécurité de nos concitoyens, pour que l'identité des deux forces de sécurité, l'une civile et l'autre militaire, soit pleinement respectée, et pour que l'équilibre de leurs missions soit assuré, a-t-elle indiqué.

Aucune de ces deux forces ne saurait être subordonnée à l'autre, a déclaré Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, en précisant qu'elle y veillerait personnellement.

Un débat s'est alors ouvert au sein de la commission.

M. Jean Faure, président du groupe de travail sur la gendarmerie, s'est félicité des propos précis de Mme Alliot-Marie, qui répondent à nombre des interrogations du groupe de travail : ainsi la gendarmerie bénéficiera-t-elle d'une direction spécifique au sein du ministère de l'intérieur. Il a fait part du souhait du groupe de travail que cette fonction soit assurée par un militaire issu des rangs de la gendarmerie. Ses missions comme sa formation spécifique seront maintenues, les casernes relevant du secteur domanial bénéficieront d'une mise aux normes progressive, et les mutualisations avec la police nationale s'opérant sur suggestion des deux directeurs intéressés. M. Jean Faure a cependant identifié trois sujets de préoccupation qui persistent : le premier touche au lien qui devrait continuer à unir la gendarmerie, qu'on peut considérer comme une « quatrième armée », aux autres militaires, après son intégration au ministère de l'intérieur. Il s'est également inquiété de l'application, à la gendarmerie, de la recommandation formulée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) de non-remplacement d'un agent sur deux partant à la retraite. Si tel était le cas, cela aboutirait, a-t-il estimé, à la suppression d'un poste de gendarme dans chaque brigade territoriale, et altérerait donc les capacités opérationnelles de ces brigades. Il a déploré que 15 % des missions effectuées par la gendarmerie relevaient des extractions et escortes de détenus, pour 1,9 million d'heures par an, soit au moins 1 000 emplois à temps plein. Il s'est donc enquis de la prise en charge financière par le ministère de la justice de ces tâches. Enfin, il a souhaité le maintien du caractère écrit des réquisitions adressées par l'autorité civile à la gendarmerie pour son utilisation dans les tâches de maintien de l'ordre, soulignant que ce formalisme avait pour but d'identifier les responsabilités en cas de « dérapage ». Il importe désormais de « rénover » par voie réglementaire la forme très désuète des réquisitions et de les simplifier.

M. André Rouvière, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, s'est enquis des montants financiers précis dont disposera le ministère de l'intérieur pour faire face aux vives attentes exprimées par la gendarmerie en matière de revalorisation des soldes. Il a exprimé la crainte que le rapprochement entre police et gendarmerie au sein du ministère de l'intérieur n'engendre plus de difficultés qu'il n'en résolve, et a souligné que les nécessaires mutualisations entre les deux corps auraient parfaitement pu s'effectuer sans un tel rattachement. Il s'est alarmé des incessantes comparaisons qu'il ne manquera pas d'induire entre policiers et gendarmes et a souhaité que la gendarmerie puisse bénéficier d'une amélioration de ses conditions d'expression et de représentation, très en retrait au regard de la faculté ouverte aux policiers de se constituer en syndicats professionnels. Il s'est réjoui, en revanche, de ce que Mme Alliot-Marie souhaite qu'un militaire soit maintenu à la tête de la direction de la gendarmerie, ce qui lui a semblé encore plus qu'opportun, alors même que ce corps allait être intégré au sein d'un ministère civil. Il s'est, enfin, enquis des conséquences d'éventuelles restrictions budgétaires sur la densité du maillage territorial actuellement assuré par la gendarmerie.

Mme Michelle Demessine, membre du groupe de travail sur la gendarmerie, a rappelé la perception très favorable de nos concitoyens de l'action de la gendarmerie, corps qui constitue un des socles de notre République. Elle s'est alarmée du caractère inéluctable, selon elle, de la disparition progressive du statut militaire des gendarmes, du fait de leur intégration au sein du ministère de l'intérieur, dont elle estime qu'elle va au-delà de la nécessaire cohérence. Elle a souligné que cette inquiétude était largement partagée par les gendarmes eux-mêmes. Puis elle a évoqué l'état dégradé de nombreuses casernes de gendarmerie, particulièrement celles relevant du secteur domanial, qui pèse sur le moral des personnels : elle a estimé à 370 millions d'euros annuels, durant les cinq prochaines années, les sommes requises pour leur complète rénovation, et a rappelé que le ministre de la défense avait précisé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lors de son audition du 25 mars dernier, que ces crédits relèveraient du ministère de l'intérieur. Elle a donc souhaité des précisions sur la future répartition budgétaire entre les deux ministères impliqués. Elle s'est enfin déclarée favorable à une réforme des instances de représentation des gendarmes, qui remplacerait notamment le tirage au sort des délégués au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) par une élection par leurs pairs.

M. Philippe Madrelle a souhaité obtenir des éclaircissements sur le rôle qui sera dévolu au préfet en matière de maintien de l'ordre après 2009.

M. Hubert Haenel a rappelé la clarification à opérer dans les transferts opérés dans les compétences en matière de gestion de la gendarmerie entre ministères de la défense et de l'intérieur, qui serait seule à même de prévenir une éventuelle confusion des rôles qui ne manquerait pas d'aboutir à une fusion des corps. Il a insisté sur l'intérêt que présentait pour le pouvoir exécutif de disposer de deux forces de police, l'une à caractère civil, l'autre à caractère militaire, et a rappelé que ce dualisme devait également perdurer en matière judiciaire pour assurer la liberté de choix des magistrats. Il a enfin estimé que le principe républicain, de nature constitutionnelle, exigeant de l'autorité civile un ordre écrit pour requérir la force militaire, devait être préservé dans le double intérêt du requérant et de la force requise.

En réponse, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, a apporté les précisions suivantes :

- c'est elle qui, lorsqu'elle était ministre de la défense, avait pour la première fois nommé à la tête de la gendarmerie un général issu de ses rangs, alors que cette fonction était antérieurement dévolue à un magistrat ou à un préfet. Ce choix prévaudra dans la mesure où il respectera l'indispensable qualité des hommes ;

- avant l'objectif d'économie, le but de la RGPP est de rendre l'État plus efficace. S'agissant de la gendarmerie, cela signifie de garantir sa capacité opérationnelle, comme l'a d'ailleurs souligné le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007. Celle-ci a été considérablement renforcée depuis 2002, grâce notamment à l'augmentation de ses effectifs et à l'affectation de personnels militaires de soutien et de civils pour assurer les tâches purement administratives auparavant effectuées par des gendarmes ; le maintien de la capacité opérationnelle n'empêche pas une recherche de rationalisation ;

- il faut recentrer la gendarmerie sur ses missions spécifiques. Une réflexion est en cours avec le ministère de la justice sur les transferts judiciaires, dont le coût financier pourrait lui être imputé. De même, les gendarmes mobiles n'ont pas vocation à assurer la garde des centres de rétention administrative ;

- selon le principe en vigueur, aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale. Cette disposition sera maintenue pour les armées. Le transfert de la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur la rend inadaptée à l'emploi de la gendarmerie pour lequel cette disposition n'a plus lieu d'être. La formation donnée aux militaires de la gendarmerie doit cependant veiller à ce que le commandement sur le terrain s'exerce dans le strict respect de la loi ;

- toute modification de structure, à l'image de celle intégrant la gendarmerie au sein du ministère de l'intérieur, entraîne légitimement des craintes comme des espoirs ; le projet de loi sur la gendarmerie et la future loi d'orientation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) permettront d'y répondre ;

- le pouvoir d'achat des gendarmes est affecté par la présence de la majorité des personnels en zone rurale, ce qui réduit considérablement les capacités du conjoint à trouver du travail ; pour améliorer la possibilité d'un deuxième salaire, le ministre a demandé que l'on étudie la mise en oeuvre de contrats adaptés permettant au conjoint d'effectuer, au sein des brigades, des tâches de nature administrative qui ne relèvent pas du « coeur de métier » de la gendarmerie ; une autre voie consisterait, en liaison avec les collectivités territoriales, à mettre en place un système de bourses permettant aux conjoints d'avoir une activité rémunérée ;

- le caractère partiel du transfert de compétences en matière de gestion de la gendarmerie découle du maintien du statut militaire de ce corps ; un transfert total, auquel elle s'est opposée, conduirait à terme à la perte du statut militaire ;

- la parité de pouvoir d'achat entre gendarmerie et police fait l'objet d'une étude effectuée par des personnalités indépendantes, dont les conclusions auront, de ce fait, une grande fiabilité ;

- le statut général des militaires a été récemment modifié avec l'appui du Parlement il y a moins de trois ans; il n'est donc pas envisagé de le modifier à nouveau. Ce statut exclut une représentation syndicale. La seule évolution majeure tiendra à la présence du ministère de l'intérieur aux réunions du CSFM. De surcroît, il convient de préserver la neutralité politique de la gendarmerie, inhérente au statut militaire, pour pérenniser la confiance de nos concitoyens envers ce corps. A l'heure actuelle, sa capacité d'expression est quasiment analogue à celle des fonctionnaires soumis au devoir de réserve ;

- les brigades territoriales ne sont en rien menacées par l'intégration de la gendarmerie au sein du ministère de l'intérieur ; seules, des évolutions de la population pourraient conduire à l'adaptation de ces unités ;

- l'état de nombreuses casernes de gendarmerie était effectivement déplorable en 2002, c'est pourquoi, en tant que ministre de la défense, elle a affecté 260 millions d'euros par an, de 2002 à 2007, à leur rénovation ; l'élaboration de baux spécifiques pour faciliter des locations dans des immeubles civils, ainsi que l'externalisation de la gestion de l'ensemble de ces logements ont également conduit à une nette amélioration ;

- la responsabilité des crédits immobiliers affectés à la rénovation des casernes sera précisée dans la convention, en cours d'écriture, entre les ministères de la défense et de l'intérieur, ainsi que dans le projet de loi sur la sécurité intérieure, qui devrait être examiné par le Parlement d'ici à l'été.

M. Didier Boulaud a estimé que Mme Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, considérait avec un excessif optimisme les nombreux problèmes suscités par le rapprochement entre police et gendarmerie ; ce rapprochement, a-t-il souligné, ne manquera pas d'avoir des répercutions sur les revendications des personnels des armées. Il s'est inquiété des inévitables conséquences que la RGPP ne manquerait pas d'avoir sur les effectifs et la répartition des brigades rurales, rappelant que les élus locaux s'inquiétaient toujours des conséquences de la réforme créant les communautés de brigades. Il a rappelé que, dans le département de la Nièvre, pas moins de 80 km séparaient les points extrêmes d'une même communauté, ce qui suscitait d'indéniables difficultés et retards dans les interventions. Il a regretté que les élus soient moins souvent en contact avec les personnels de gendarmerie et a fait état de difficultés constatées, sur le terrain, dans les actions communes menées par la police et la gendarmerie.

M. Jean-Pierre Fourcade a rappelé que les trois fonctions principales assumées par la gendarmerie consistaient dans le maintien de l'ordre, le maillage territorial et la recherche judiciaire ; il a salué l'efficacité de ce corps dans la réalisation de chacune de ces missions et a estimé que les deux dernières devraient être renforcées, au détriment du maintien de l'ordre, qui pourrait être assuré par les seules compagnies républicaines de sécurité (CRS).

Mme Joëlle Garriaud-Maylam s'est inquiétée de l'impact du rapprochement entre police et gendarmerie à l'international, notamment en matière de sécurité des ambassades. Elle a souhaité que les retraités de ces deux corps, qui disposent d'une disponibilité couplée à un savoir-faire avéré, soient mieux utilisés au bénéfice de la nation, alors que le temps d'activité prend fin dès l'âge de 50 à 55 ans.

En réponse, Mme Michèle Alliot-Marie a apporté les éléments suivants :

- son optimisme est fondé sur la confiance qu'elle porte aux personnels de police et de gendarmerie ;

- elle a elle-même veillé à ce qu'une parité globale de traitement soit établie entre la police et l'ensemble des militaires ; le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire, récemment créé, sera chargé d'un rapport annuel de suivi sur ce point ;

- les gendarmes doivent, comme les policiers, renforcer leurs contacts avec les élus et avec la société civile : ces contacts sont en effet les meilleurs atouts dans l'obtention du renseignement au quotidien, comme dans le maintien du lien avec la nation ;

- il peut subsister des difficultés dans les actions impliquant des policiers et des gendarmes, mais ces personnels sont fortement impliqués dans leur lutte commune contre la délinquance ;

- la gendarmerie mobile ne consacre que 15 % de son activité au maintien de l'ordre public. Sa participation aux missions de sécurisation sera confirmée. La LOPPSI de 2002 a permis le renforcement des effectifs de la gendarmerie et l'accroissement de la fonction de recherche judiciaire. La future LOPPSI permettra d'accroître l'efficacité des unités de recherche, spécialisées en police judiciaire ;

- il ne s'agit pas de réduire, mais, au contraire, de renforcer la présence à l'international de la gendarmerie et de la police, dont les personnels sont les meilleurs vecteurs d'influence de notre pays par leur savoir-faire reconnu ; c'est dans cette perspective que va être créée au ministère de l'intérieur une délégation aux affaires internationales, et que la maîtrise des langues étrangères a été renforcée au sein des formations. Les écoles de formation initiale de la gendarmerie comme de la police devront prochainement comprendre 25 % de stagiaires étrangers ;

- il convient en effet d'utiliser les savoir-faire des jeunes retraités ; la gendarmerie les mobilise activement au sein des réserves ; la police, dont les personnels partent plus tard en retraite, vise à renforcer ses propres réserves, qui seront notamment utilisées dans la réalisation des plans de cohésion des cités sensibles.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport d'information lors de sa réunion du 9 avril 2008.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé au sein de la commission.

Après avoir remercié le président et les membres du groupe de travail pour la qualité de leurs travaux, M. Josselin de Rohan, président, s'est félicité de la pertinence des propositions formulées dans leur rapport qui permettra d'éclairer les discussions sur les textes législatifs dont le Parlement va être saisi prochainement.

M. André Rouvière, membre du groupe de travail, s'est déclaré globalement satisfait du déroulement des auditions et des visites du groupe de travail. Il a toutefois regretté que la ministre de la justice n'ait pas été auditionnée par la commission, compte tenu du rôle joué par la gendarmerie en matière de police judiciaire, de même que les animateurs des sites internet consacrés à la gendarmerie. Il a souligné l'accueil très positif réservé par les gendarmes aux membres du groupe de travail. Ils se sont montrés très sensibles à l'intérêt de la Haute Assemblée pour leur institution et ont fait part de leurs fortes attentes à l'égard du rapport de la commission.

Sur ce point, M. André Rouvière, membre du groupe de travail, a fait valoir que la principale attente des gendarmes tenait à une revalorisation de leur rémunération, indépendamment de la comparaison avec le salaire des policiers. Il a souhaité que le rapport de la commission se fasse l'écho de cette préoccupation, en estimant que l'objectif d'une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers ne reflétait pas exactement cette attente.

S'il s'est déclaré en accord avec la plupart des propositions formulées, comme le maintien du statut militaire, la transslation de la charge budgétaire des transfèrements et des extractions judiciaires au ministère de la justice ou encore la nécessité de rénover certaines casernes, il a toutefois rappelé son opposition de principe et dès l'origine à l'idée de rattacher la gendarmerie au ministère de l'intérieur énoncée par le Président de la République.

Estimant que le Parlement aurait à se prononcer le moment venu sur ce rattachement, il a demandé que les conclusions du groupe de travail ne préjugent pas à ce stade de ce rattachement.

Mme Michèle Demessine, membre du groupe de travail, s'est déclarée en accord avec les observations formulées par M. André Rouvière, rappelant que la création du groupe de travail avait été décidée lors de l'examen par la commission du budget de la gendarmerie pour 2008, dans le contexte du malaise de la gendarmerie et des difficultés budgétaires, notamment en matière de logement.

Elle a également mentionné la forte attente des gendarmes à l'égard des conclusions du groupe de travail, et leur satisfaction que la représentation nationale se préoccupe de leur institution dans ce contexte de réforme. En effet, la gendarmerie a déjà connu d'importantes transformations ces dernières années, notamment la mise en place des communautés de brigades, si bien que l'on peut s'interroger sur le rythme de ces réformes et la capacité d'adaptation des personnels de la gendarmerie à ces évolutions.

Comme M. André Rouvière, Mme Michèle Demessine, membre du groupe de travail, a estimé que la principale attente des gendarmes portait sur la revalorisation de leur rémunération, compte tenu des efforts importants qu'ils ont accomplis ces dernières années en matière de volume de travail.

Elle a également estimé que les instances de concertation et de dialogue social au sein de la gendarmerie ne fonctionnaient pas de manière satisfaisante, et elle s'est déclarée favorable à une réforme de ces instances afin d'assurer une meilleure représentativité sur la base d'élection des représentants des personnels.

Enfin, dans le cas où la gendarmerie serait rattachée au ministre de l'intérieur, elle a estimé qu'il sera très difficile de maintenir sur le long terme son statut militaire et les sujétions qu'il impose notamment en matière de disponibilité et d'absence de représentation syndicale, et qu'une fusion avec la police sera inévitable.

M. Robert del Picchia a fait part de son interrogation concernant la proposition d'élire les représentants au Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, en se demandant si cela ne tendait pas à une sorte de syndicalisation.

M. Hubert Haenel, membre du groupe de travail, s'est félicité de la création de ce groupe de travail par la commission, en estimant que le Parlement était dans son rôle en intervenant en amont pour évaluer les données des réformes avant leur mise en oeuvre. Il a également regretté que le garde des Sceaux n'ait pas été auditionné par la commission ou entendu par le groupe de travail,

Tout en rappelant que la gendarmerie était déjà placée depuis 2002 sous l'autorité du ministre de l'intérieur pour ses missions de sécurité intérieure, M. Hubert Haenel a fait part de ses interrogations concernant la préservation du dualisme de la police judiciaire et le principe de réquisition en matière de maintien de l'ordre.

M. Josselin de Rohan, président, a fait observer que si les représentants siégeant au sein des conseils de la fonction militaire, tant de la gendarmerie que des autres armées, étaient actuellement tirés au sort après volontariat, le statut militaire des gendarmes n'était pas incompatible avec le principe de l'élection.

M. Yves Pozzo di Borgo, membre du groupe de travail, a cité à cet égard le cas des présidents de catégorie qui sont élus par leurs pairs ou celui des membres du Conseil supérieur de la fonction militaire, élus à partir des membres des différents conseils.

Il a estimé que l'un des risques fréquemment évoqués du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur tenait à l'éclatement des différents services de la direction générale de la gendarmerie au sein du ministère de l'intérieur, où la culture policière est très forte. C'est la raison pour laquelle l'une des recommandations du groupe de travail vise au maintien d'une direction générale de la gendarmerie, avec à sa tête un officier issu de ses rangs, au sein du ministère de l'intérieur.

En effet, tant que la gendarmerie était placée sous la tutelle du ministère de la défense, la désignation à sa tête d'un magistrat ou d'un préfet répondait à une certaine logique, a-t-il fait valoir, mais dès lors qu'elle sera rattachée au ministère de l'intérieur, le fait qu'elle soit dirigée par un général issu de ses rangs serait une garantie supplémentaire de la préservation de son statut militaire.

M. Roger Romani a déclaré partager les réserves émises par M. Robert Del Picchia au sujet de l'élection des représentants siégeant au sein du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, en estimant qu'elle pourrait avoir des incidences sur les trois armées et qu'elle ouvrirait la voie vers une sorte de syndicalisme, que certains appellent de leurs voeux, contrairement à lui.

M. Roger Romani a également fait part de la préoccupation de nombreux élus, notamment dans les zones rurales, à l'égard du fonctionnement des communautés de brigades, dont la mise en place a parfois entraîné une moindre proximité avec la population et l'allongement du délai d'intervention, notamment en zone de montagne. Il a souhaité que ce point soit évoqué dans le rapport.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a fait part de sa perplexité à l'égard de la reconnaissance à la gendarmerie de la qualité de « quatrième armée », en rappelant que la gendarmerie n'était pas considérée aujourd'hui comme une armée, mais comme une force armée et qu'elle pourrait soulever des difficultés vis-à-vis des autres pays. Elle a souhaité avoir des éclaircissements sur ce point, notamment savoir si cela correspondait à une demande formulée par les gendarmes et les conséquences de la reconnaissance de cette qualité à l'Arme des carabiniers en Italie.

M. André Trillard a souhaité savoir si les membres du groupe de travail avaient eu le sentiment d'un décalage entre les sous-officiers et les officiers de gendarmerie, notamment lorsque ces derniers étaient issus des écoles militaires, car la possibilité pour les sous-officiers d'accéder aux grades d'officiers constituait à ses yeux un aspect important de promotion sociale et une garantie pour la cohésion du corps de la gendarmerie.

M. André Boyer a insisté sur le fait que la commission devait s'en tenir à formuler des propositions.

M. Jean-Pierre Fourcade a suggéré le terme de « recommandations ».

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que le mandat du groupe de travail ne portait pas sur le « malaise » des gendarmes, qui est un sujet controversé, mais sur l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie. Il a également précisé que, si la commission avait confié aux membres du groupe de travail le soin d'étudier ces questions, le rapport d'information et ses conclusions étaient rendues au nom de la commission dans son ensemble. Il a, enfin, marqué son accord sur le terme de « recommandations ».

En réponse, M. Jean Faure, président du groupe de travail, a apporté les précisions suivantes :

- comme l'a souligné le président de la commission, M. Josselin de Rohan, le mandat du groupe de travail ne portait pas sur l'éventuel « malaise » au sein de la gendarmerie, mais il revêtait un caractère beaucoup plus large, puisqu'il s'agissait de définir un modèle pour la gendarmerie du XXIè siècle. Le rapport ne passait pas sous silence cette question, puisqu'une partie y était spécialement consacrée, mais il traitait de bien d'autres questions, comme par exemple le système des réquisitions en matière de maintien de l'ordre ou le dualisme de la police judiciaire, qui sont effectivement des sujets délicats ;

- si le ministre de la justice a été sollicité pour être entendu au sujet de la gendarmerie, il a souhaité se faire représenter par le directeur des affaires criminelles et des grâces qui a été auditionné par le groupe de travail, notamment sur la question du dualisme de la police judiciaire et sur les extractions et transfèrements judiciaires ;

- s'agissant de l'absence, parmi les personnalités entendues par le groupe de travail, des animateurs de sites internet consacrés à la gendarmerie, il s'agit d'une décision mûrement réfléchie, qui tient aux interrogations relatives à la réelle représentativité de ces sites et aux sanctions disciplinaires dont leurs animateurs ont fait l'objet par la hiérarchie militaire. Il convient toutefois de rappeler que le groupe de travail a auditionné l'ensemble des représentants des associations de retraités, d'anciens élèves ou de familles de gendarmes, qui jouent un rôle très important pour l'expression des revendications du personnel d'active ;

- s'il est vrai que la revalorisation de leur traitement constitue une forte attente des personnels de la gendarmerie, compte tenu du net « décrochage » constaté ces dernières années avec le salaire des policiers, comme l'a mis en évidence le rapport du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire de février 2007, la question de l'avenir de la gendarmerie ne peut se résumer uniquement à ce sujet ;

- il ne semble pas y avoir de décalage entre la base et les officiers de gendarmerie, ces derniers se faisant très souvent l'écho des préoccupations des sous-officiers. Le maintien du recrutement d'officiers de gendarmerie à partir des écoles militaires doit être préservé, car il participe de l'appartenance de la gendarmerie à la communauté militaire. Dans le même temps, l'accession de sous-officiers au rang d'officiers est également un facteur important de promotion sociale et le « Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées », dont le groupe de travail souhaite la poursuite, vise précisément à la développer ;

- il y a certes diverses interprétations de la « parité globale de traitement et de carrière » entre les gendarmes et les policiers, pour reprendre l'expression employée par le président de la République, mais celle-ci paraît la plus pertinente pour prendre en compte à la fois les différences de statut qui existent entre les deux catégories de personnels, mais aussi les parcours de carrière, le nombre d'officiers, ainsi que les régimes indiciaires, indemnitaires ou autres ;

- concernant les communautés de brigades, les membres du groupe de travail ont pu, à la lecture de l'audit interne rendu en octobre 2006 et dont le groupe de travail a eu connaissance, mais aussi lors de leur déplacement en Isère, tirer un bilan globalement positif de ce dispositif, tout en relevant certains dysfonctionnements, qui semblent toutefois plus résulter d'un défaut d'application locale de ce mode d'organisation que du modèle lui-même, et cela est précisé dans le rapport. Il a rappelé que le dispositif des communautés de brigades, qui se caractérisait par une certaine rigidité au départ, avait évolué depuis sa mise en place et qu'il laissait la possibilité de conserver des brigades territoriales autonomes, lorsque les circonstances locales l'exigent, notamment en zone de montagne ;

- l'Arme des carabiniers italiens s'est vue reconnaître la qualité de « quatrième armée » par une loi de 2000. Auparavant, elle était partie intégrante de l'armée de terre. Cette réforme s'est donc traduite par une prise d'autonomie vis-à-vis des armées. Dans le cas de la gendarmerie française, la situation est certes différente, puisque la gendarmerie est indépendante des armées depuis 1920 et qu'elle est considérée comme une force armée. La reconnaissance de la qualité de « quatrième armée » à la gendarmerie ne ferait pas obstacle à la reconnaissance d'un statut particulier de la gendarmerie, justifié par la nature particulière de ses missions, mais elle constituerait un signal fort pour la préservation de son statut militaire et marquerait son appartenance pleine et entière à la communauté militaire ;

- Enfin, tout en rappelant que le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'Intérieur, à partir du 1er janvier 2009, avait été décidé par le Président de la République, il a accepté de retenir la formulation proposée par M. André Rouvière et Mme Michelle Demessine, afin de préserver le caractère consensuel des propositions émises par le groupe de travail ;

A l'issue de ce débat, la commission a adopté à l'unanimité les recommandations proposées par le groupe de travail et a autorisé la publication du rapport d'information.

* 1 La liste des personnalités entendues par le groupe de travail figure en annexe.

* 2 Le compte rendu de ces deux auditions figure en annexe du présent rapport.

* 3 Hubert Haenel, Richard Lizurey et René Pichon, « la Gendarmerie », Que sais-je ?, PUF, 1999.

* 4 François Dieu, « La Gendarmerie, secrets d'un corps », Editions complexe, 2002

* 5 Richard Lizurey, « Gendarmerie nationale - Les soldats de la loi », PUF, août 2006

* 6 Avis n° 94, présenté par M. Jean Faure, au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armée du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2008, Tome VIII « Sécurité-gendarmerie » (2007-2008).

* 7 A la suite notamment des propositions de M. Hubert Haenel, sénateur parlementaire en mission, auteur d'un rapport au Premier ministre, en collaboration avec M. Daniel Hervouet, contrôleur des armées, sur « Le plan de valorisation des réserves : un deuxième souffle pour les armées », 1994.

* 8 La « concession de logement par nécessité absolue de service » signifie que « l'agent ne peut accomplir normalement son service sans être logé dans les bâtiments où il doit exercer ses fonctions » d'après l'article R 94 du code du domaine de l'Etat

* 9 Rapport au Premier ministre de M. Roland Carraz, député, et de M. Jean-Jacques Hyest, sénateur, sur une meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie, pour une meilleure sécurité publique, avril 1998.

* 10 Rapport d'information n° 266 (2003-2004), présenté par M. Philippe François au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat, «Garde civile et Arme des carabiniers - Quels enseignements pour la gendarmerie nationale ? ».

* 11 Voir notamment les actes du colloque organisé au Sénat le 12 octobre 1999 « La gendarmerie nationale : une institution républicaine au service du citoyen », éditions Odile Jacob, février 2000.

* 12 Audition du général Guy Parayre devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat le 15 octobre 2007.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page