C. LA NON RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT DANS LES PERTES LATENTES DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
L'État a-t-il une responsabilité dans les pertes latentes aujourd'hui subies par la Caisse des dépôts et consignations du fait du rachat d'une partie des titres EADS cédés par le groupe Lagardère ?
D'une part, l'État ne peut être tenu responsable d'avoir laissé la CDC effectuer un placement risqué puisqu'il ne disposait pas davantage qu'elle d'informations relatives à la situation industrielle d'EADS, aucune preuve n'ayant pu être apportée que l'importance de ces difficultés et leurs conséquences sur le cours de l'action EADS étaient connues des services de l'État. Il convient par ailleurs de noter que, si l'État avait eu connaissance d'informations spécifiques sur EADS non diffusées au public, leur divulgation à la CDC aurait, en l'occurrence, pu relever du délit de communication d'information privilégiée ou du délit d'initié. Par conséquent, dans l'hypothèse où l'État aurait eu connaissance à la fois de la situation industrielle d'Airbus et des intentions de la Caisse des dépôts et consignations, il n'aurait pu lui être demandé d'agir différemment de ce qu'il a fait.
D'autre part, aucun élément ne permet de corroborer l'hypothèse que la Caisse des dépôts et consignations ait agi, en l'espèce, « sur instruction » du pouvoir exécutif . Le fait pour la CDC d'augmenter sa participation dans le capital d'une entreprise stratégique, telle qu'EADS, peut se justifier, comme l'a indiqué M. Dominique Marcel lors de son audition devant votre commission des finances, le 10 octobre 2007, par la politique d'investissement de la CDC dans les grandes entreprises stratégiques du CAC 40.
Comme l'a rappelé M. Augustin de Romanet, lors de son audition devant votre commission des finances, le 10 octobre 2007, « le cours objectif de la plupart des analystes conduit à penser que cette opération était un investissement utile, cohérent avec la politique d'investisseur à long terme de la CDC ». La Caisse des dépôts et consignations pouvait donc tout à fait estimer justifié d'augmenter sa participation dans le capital du groupe EADS sans y avoir été « invitée » par le pouvoir exécutif.
Enfin, M. Dominique Marcel a affirmé n'avoir « reçu aucune instruction de l'exécutif ». Cependant, et comme l'a confirmé M. Dominique Marcel, ce n'est pas lui, mais M. Francis Mayer, en tant que directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, qui a décidé cette opération d'investissement.
Il convient, par ailleurs, de relever qu'il n'est pas illégitime que la CDC agisse dans certains cas à la demande du gouvernement . En effet, l'article L. 518-1 du code monétaire et financier dispose que « la Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays ». Ainsi, par exemple dans le cas du sauvetage d'Alstom en 2004, la Caisse des dépôts et consignations a agi en partenariat avec l'État dans un but d'intérêt général.
M. Dominique Marcel, lors de son audition devant votre commission des finances, le 10 octobre 2007, a estimé « clair que le sauvetage d'Alstom s'est fait en étroite concertation et avec probablement des orientations de l'État ». Il s'est par ailleurs déclaré « totalement d'accord » avec notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, sur le fait que cette concertation n'avait « rien de coupable » et qu'au contraire, on ne pouvait « que s'en réjouir ». Agir en concertation avec l'État, voire à sa demande, dans un but d'intérêt général, est un des rôles de la CDC , qui peut d'ailleurs être appelé à se renforcer dans les prochaines années.
Dès lors, et à supposer que la Caisse des dépôts et consignations ait pu, dans le cas d'EADS, agir à la demande de l'exécutif, il conviendrait de déterminer si l'objectif de cette opération était conforme ou non à l'intérêt général. Aucun élément fiable ne permet toutefois d'affirmer que la CDC ait agi, dans le cas d'EADS, pour d'autres raisons que celles évoquées par M. Dominique Marcel.
En tout état de cause, il est exclu que l'État ait sciemment entraîné la Caisse des dépôts et consignations dans une opération dont il aurait connu l'issue négative.