III. CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE, RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (CRC)
Le compte-rendu des auditions effectuées par la commission des finances sur l'affaire EADS appelle plusieurs remarques.
Tout d'abord, des remarques quant à la forme de ce compte-rendu.
Les commissaires CRC de la commission des finances, qui avaient souhaité que la situation de la société EADS soit examinée de manière prioritaire par le Sénat, ont, évidemment, été satisfaits qu'une initiative soit prise en ce sens.
On ne peut cependant que regretter que cet examen se soit limité à des auditions, même publiques et même parfois diffusées sur la Chaîne parlementaire, sans que l'affaire EADS ne fasse, comme l'avaient demandé les sénateurs CRC, l'objet d'une commission d'enquête parlementaire, ni même d'une mission d'information.
Les sénateurs CRC entendent également souligner qu'il est regrettable que les auditions organisées par la commission des finances, et plus spécifiquement son président et le rapporteur général, n'aient pas pris en compte sa demande relative à l'audition des organisations syndicales des salariés, tant du groupe EADS que de la Caisse des dépôts et consignations (un des acteurs majeurs de l'affaire), qui auraient pu apporter leur éclairage sur la situation.
En se rendant sur place, dans l'usine de Blagnac notamment, les sénateurs du groupe CRC ont pu se rendre compte des inquiétudes légitimes des salariés, comme d'ailleurs des propositions dont ils sont porteurs pour le développement de cet incomparable outil industriel que constitue EADS.
Quelques remarques désormais quant au fond de l'affaire EADS.
La lecture du compte-rendu des auditions comme le texte du rapport pourraient laisser penser que ce qui est en question est la manière dont l'État joue (ou ne joue pas) un rôle moteur en matière industrielle.
Il est en effet à peu près avéré que ni la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (où siège pourtant le rapporteur général du Sénat), ni l'Agence des participations de l'État n'ont été en mesure, à quel moment que ce soit, de prévenir ce qui est devenu un sinistre boursier avant de prendre la forme d'une crise industrielle et sociale majeure.
Au demeurant, l'actualité récente, de notre point de vue, devrait conduire à reconsidérer le plan Power 8, prévoyant plusieurs milliers de suppressions d'emplois en France, notamment avec la signature d'un important contrat entre EADS et l'armée nord-américaine.
Une bonne partie des critiques semble devoir être dirigée sur l'Agence des participations de l'État qui, au lieu d'être l'outil de politique industrielle à disposition du ministère de l'économie et des finances qu'elle pourrait être, s'avère finalement ne constituer, à l'expérience, qu'une structure de gestion des participations de l'État avec l'apparence de l'administration de biens.
Les recommandations formulées par l'APE, avant la crise boursière touchant le titre EADS, de cession partielle des parts de l'État illustrent cette conception de courte vue qui pose question sur la stratégie et la politique patrimoniale de l'État en matière de participations industrielles.
Les sénateurs du groupe CRC soulignent d'ailleurs que la création de l'Agence des participations de l'État, aujourd'hui critiquée dans l'affaire EADS, avait été appelée de leurs voeux par l'actuel président de la commission des finances et par le rapporteur général.
L'autre institution questionnée est bien entendu la Caisse des dépôts et consignations, qui a du provisionner plusieurs centaines de millions d'euros pour faire face à l'éventuelle déperdition de valeur de ses titres EADS.
La situation d'EADS semble l'opportunité pour certains (et le rapport sur les auditions en fait état) de poser à nouveau la question de la « gouvernance » de cet établissement public essentiel dans la vie économique de la nation, véritable bras séculier de l'État en bien des domaines.
Si les parlementaires du groupe CRC estiment qu'effectivement la composition de la commission de surveillance doit être légèrement modifiée, ils demeurent persuadés que c'est au travers de l'affirmation et de l'exécution de missions d'intérêt général, dans le cadre du service public, que la Caisse des dépôts et consignations se doit de jouer son rôle, de manifester sa présence et de prouver l'efficacité économique et sociale de son intervention.
Au moment où la Commission européenne mène l'assaut sur la spécificité du financement du logement social, assurée par la centralisation par la Caisse de l'encours du Livret A, ce positionnement doit être réaffirmé.
Enfin, et c'est sans doute là ce qui peut faire divergence avec le sentiment exprimé par le président de la commission des finances comme par le rapporteur général, l'affaire EADS, avant d'être le constat de dysfonctionnements au sein d'organismes publics ou para publics, est d'abord et avant tout une affaire de délit boursier.
Sans préjuger des conclusions de l'enquête de l'Autorité des marchés financiers, autre structure dont la création a été longtemps demandée par le président de la commission des finances comme par le rapporteur général, ce qui ressort, pour l'opinion publique comme des auditions effectuées, est que les anciens dirigeants du groupe EADS ont manifesté tiré parti du cloisonnement des autorités publiques, de la multiplicité de leurs interlocuteurs comme de l'absence de position cohérente entre services, agences, établissements financiers et même ministère, pour réaliser, avant la déclaration du sinistre industriel (le retard de livraison du nouvel Airbus) de juteuses plus values de cession d'actifs.
C'est cela qui ressort en dernière instance de cette série d'auditions dont le mérite aura au moins été d'avoir eu lieu.