DEUXIÈME PARTIE - L'ESSOR DES BIOCARBURANTS BRÉSILIENS

L'utilisation à grande échelle des biocarburants au Brésil remonte aux années 1970, sous l'impulsion du plan Proalcool mis en place par le gouvernement de la dictature militaire à la suite du premier choc pétrolier dans le but de réduire la dépendance aux hydrocarbures de l'économie nationale. En effet, le pétrole constituant alors le premier poste d'importation et contribuant fortement au déséquilibre de la balance des paiements extérieurs, il était apparu judicieux aux autorités de l'époque de promouvoir la consommation d'éthanol pour diminuer celle des carburants issus de produits pétroliers. Toutefois, l'essor réel des biocarburants au Brésil est plus récent, car très fortement lié à la diffusion des véhicules flex-fuel au sein du parc automobile brésilien, ceux-ci représentant désormais entre 80 et 90 % des ventes de véhicules neufs , contre seulement 3 % en 2003, date de lancement des premiers modèles flex-fuel.

Le Brésil est aujourd'hui le deuxième producteur mondial d'éthanol , avec 17 milliards de litres en 2007 39 ( * ) , derrière les Etats-Unis. En 2006, 20 % de la production nationale 40 ( * ) a été exportée vers les Etats-Unis -environ la moitié du total- et vers l'Union européenne, notamment en Suède et aux Pays-Bas 41 ( * ) . Résolues à mener une politique tendant à renforcer cette position sur le marché mondial, les autorités brésiliennes se sont en conséquence fixées un objectif de production de 25 milliards de litres à l'horizon 2010 et de 38 milliards en 2015, ce qui ferait de facto du Brésil le leader mondial de ce secteur. De manière plus récente, le gouvernement brésilien a défini et lancé un plan de promotion du biodiesel , dont les finalités répondent à des impératifs non seulement énergétiques et environnementaux, mais aussi sociaux.

Présent à Bruxelles le 5 juillet 2007 à l'occasion de la tenue d'une conférence internationale sur les biocarburants, le président Lula da Silva affirmait que le Brésil avait, avec le développement des biocarburants, évité l'émission de 120 millions de tonnes de gaz carbonique depuis 2003 42 ( * ) . Selon les responsables du ministère de l'agriculture rencontrés par votre délégation, cette économie de rejet de dioxyde de carbone (CO 2 ) se serait élevée à 615 millions de tonnes depuis les années 1970.

La participation du président brésilien à cette conférence, organisée par la Commission européenne, constitue au demeurant l'une des facettes de la « diplomatie de l'éthanol » mise en oeuvre par les autorités du Brésil, dont la précédente manifestation remontait au mois de mars 2007, lors d'une rencontre entre les présidents brésilien et américain au cours de laquelle ils avaient conclu un accord bilatéral sur la recherche et le développement des biocarburants.

I. LES ASPECTS AGRICOLES ET ENVIRONNEMENTAUX DES BIOCARBURANTS

A. DES CONDITIONS AGRICOLES FAVORABLES

La production brésilienne d'éthanol repose sur la culture de la canne à sucre . Au cours de la campagne 2006-2007, la moitié des 470 millions de tonnes de canne à sucre produites au Brésil 43 ( * ) a été utilisée pour produire de l'éthanol. Les conditions agraires et climatiques sont particulièrement propices à cette culture : les surfaces sont grandes et faciles à exploiter, l'eau est abondante et la canne ne doit être replantée que tous les six ans. 75.000 planteurs de canne à sucre aujourd'hui en activité offrent ainsi un emploi à plus d'un million de personnes, auxquelles il convient d'ajouter 2,5 millions de travailleurs saisonniers, notamment pour les travaux liés à la coupe de la canne 44 ( * ) .

Avec un rendement à l'hectare s'élevant à 7.000 litres d'alcool, le rendement énergétique de la canne à sucre est considérablement supérieur à celui de son principal concurrent, le maïs américain, qui ne permet la production que de 3.000 litres d'alcool par hectare. La surface agricole utilisée pour la culture de la canne à sucre est actuellement estimée à 6,2 millions d'hectares, soit 10 % des surfaces cultivées au Brésil . Cette surface est soixante-cinq fois moins importante que celle consacrée aux pâturages et sept fois inférieure à celle utilisée pour la culture du soja.

Compte tenu des objectifs ambitieux du gouvernement, qui table sur un doublement de la production d'ici 2015, le pays est d'ores et déjà confronté à la nécessité d'accroître les surfaces dédiées à la culture de la canne . Un simple raisonnement arithmétique pourrait laisser penser que l'utilisation d'une partie des 90 millions d'hectares disponibles permettrait d'augmenter la production de canne à sucre pour remplir ces objectifs. Toutefois, il semblerait que cette estimation des surfaces disponibles soit sujette à caution dans la mesure où une grande partie d'entre elles sont situées dans la savane brésilienne (« cerrado »), dont les conditions climatiques et hydrologiques ne conviennent guère à la culture de la canne.

Le « cerrado »

Le « cerrado » recouvre environ 206 millions d'hectares, soit le quart du territoire brésilien (il s'agit, en surface, du deuxième biome après l'Amazonie). Cette région, qui correspond en grande partie au plateau central brésilien, est essentiellement constituée d'écosystèmes de type savane tropicale, associés à des formations végétales variées. Le climat y est souvent sec.

Il n'en reste pas moins que ces chiffres laissent supposer l'absence de concurrence majeure au Brésil dans les usages de la terre, y compris dans l'hypothèse où seule une partie de ces terres pourrait être utilisée pour le développement de cette culture. Dès lors, le pays pourrait augmenter sans difficultés les surfaces consacrées à l'exploitation de la canne sans exercer de pressions sur les cultures vivrières ou favoriser la déforestation de l'Amazonie.

Votre délégation souhaite enfin souligner qu'elle a été alertée au cours de sa mission sur l'impact écologique des techniques actuelles de récolte de la canne à sucre . Bien souvent, les plantations font l'objet d'un brûlage au moment des récoltes, ce qui permet d'éliminer les feuilles et d'en faciliter le ramassage. Or, cette technique, très répandue au Brésil, est particulièrement nocive pour l'environnement, car elle émet dans l'atmosphère environ 4.500 kilos de CO 2 par hectare, et pour la santé humaine, les populations environnantes souffrant fréquemment de maladies respiratoires. Même si votre délégation n'a pas été en mesure d'apprécier par elle-même la réalité de ce phénomène, il lui a été précisé que cette pratique était en voie de réduction grâce à des efforts de mécanisation des exploitations agricoles. En outre, la disparition progressive du brûlage est de nature à réduire les conflits dans l'usage de la terre entre cultures vivrières et culture de la canne. En effet, il est plus aisé de replanter provisoirement des cultures vivrières sur les feuilles séchées de la canne 45 ( * ) -si celles-ci n'ont pas été brûlées-, qui jouent alors un rôle d'engrais naturel.

* 39 Les trois quarts de l'éthanol brésilien ont été produits dans l'Etat de São Paulo.

* 40 3,4 milliards de litres.

* 41 Avec 8,8 millions de litres, la France n'est que le 19 ème acheteur d'éthanol brésilien.

* 42 Libération du jeudi 5 juillet 2007.

* 43 Dont 60 % dans l'Etat de São Paulo.

* 44 Sans que la délégation ait pu s'en rendre compte par elle-même, certains témoignages affirment que les conditions de travail dans les cannaies sont particulièrement difficiles, les salariés se voyant contraints d'effectuer des horaires de travail très lourds pour obtenir une rémunération suffisante.

* 45 Par exemple au cours d'une année de culture intercalaire.

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