B. LA GESTION DES CONNAISSANCES
Compléter l'inventaire du vivant suppose à la fois de gérer les flux nouveaux de connaissances mais aussi de dynamiser la gestion des connaissances acquises au fil des prélèvements naturalistes des siècles précédents.
Le flux de connaissances nouvelles est important :
- chaque année, on dénombre de 16 000 à 17 000 espèces nouvelles (en majeure partie des insectes),
- en France, chaque année, des millions d'observations sont effectuées.
Par ailleurs, le stock de spécimens répertoriés dans les collections publiques est impressionnant :
- 125 millions de spécimens pour le Muséum d'histoire naturelle américain,
- 70 millions de spécimens pour le Muséum d'histoire naturelle de Londres,
- 43 millions de spécimens pour le Muséum d'histoire naturelle à Paris,
- 7,5 millions de planches d'herbier à Kews gardens, au Royaume-Uni,
- 11 millions de planches d'herbier au Muséum d'histoire naturelle à Paris.
Or, dans les deux cas (apports nouveaux, collections existantes), ces connaissances sont dispersées, insuffisamment mémorisées et très peu accessibles . Hors les échanges d'herbier qui se raréfient 22 ( * ) , le principal mode de consultation de ces données reste la visite sur place.
Cette situation, qui pouvait être admissible dans un monde où les menaces à la biodiversité étaient moins présentes et surtout moins perçues, ne l'est plus dans un monde où la connaissance des écosystèmes et de leur évolution devient un enjeu de société fort.
La généralisation de l'outil Internet ouvre parallèlement de nouvelles possibilités pour coordonner et harmoniser la gestion de ces flux et de ces stocks de connaissances sur la biodiversité, mais également pour les rendre plus accessibles aux acteurs de terrain, qu'il s'agisse des botanistes ou zoologues bénévoles ou des intervenants des pays en voie de développement.
Plusieurs consortiums se sont constitués pour mettre en oeuvre la standardisation et l'interopérabilité informatique des inventaires sur la biodiversité :
- le GIBIF (Global Biodiversity Facility) est chargé auprès de l'OCDE de l'établissement de standards à destination des producteurs de bases de données sur la biodiversité du vivant. En dépit d'un budget assez faible (3 millions de $ par an de moyens opérationnels), le GIBIF a amorcé une démarche intéressante puisque ses normes débordent du cadre de l'OCDE et sont utilisées par des pays en voie de développement à haut niveau de biodiversité (comme le Costa Rica) ;
- l'« European Distributed Institute of Taxonomy » (EDIT), réseau d'excellence européen regroupant 27 institutions et dont l'objectif est d'intégrer la recherche et les infrastructures de recherche en taxonomie à l'échelon européen (rappelons que les pays de l'Union européenne possèdent la moitié des collections mondiales). Ce réseau, qui est copiloté par le Muséum national d'histoire naturelle, a été doté de 12 millions d'euros au cours du 6 e PCRD ;
- le « Barcode of Life » précité ;
- le « Consortium of Marine Life », qui vise à structurer, d'ici 2012, l'inventaire des connaissances acquises par les biologistes marins sur la flore et la faune des océans ;
- l'« Encyclopedia of Life », consortium américano-britannique lancé au printemps 2007, dont l'objectif est de mettre en accès libre sur Internet l'intégralité de la description des 1,8 million d'espèces animales et végétales identifiées. Ceci en prévoyant plusieurs niveaux d'accès aux données, le public pouvant consulter plusieurs types de données décrivant l'espèce, sa morphologie, son habitat, son séquençage ADN.
Malheureusement, si la France est associée à la plupart de ces consortiums et de ces réseaux au travers de ses organismes et de ses chercheurs, elle consacre extrêmement peu de moyens opérationnels à ses actions. Cet état de fait est regrettable, à plus d'un titre :
- du fait de la position de pointe de notre pays sur les problèmes de développement durable,
- du fait de la richesse de son appareil de recherche et des collections dont elle dispose,
- et du fait de la responsabilité particulière que lui confèrent la gestion de son domaine ultramarin et la présence, en métropole même, de la façade méditerranéenne qui est un des « points chauds » de la biodiversité planétaire.
*
* *
* 22 Cuba et le Brésil, par exemple, s'y refusent.