II. ANTICIPER LES MENACES
La contention des pressions anthropiques qui pèsent actuellement sur la biodiversité n'est qu'un aspect de la protection de celle-ci.
La préservation de la diversité biologique du vivant dépendra également de notre capacité à anticiper les menaces à venir et, en particulier, les effets à long terme du changement climatique et l'aggravation de la pression anthropique sur les espèces.
A. PRÉVENIR LES EFFETS À LONG TERME DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
La vitesse du changement climatique a des effets déjà perceptibles sur la biodiversité, mais l'extrapolation de cette tendance à l'horizon d'un demi-siècle est forte de menaces beaucoup plus inquiétantes. Il faut donc mettre en place des politiques capables de les prévenir.
1. La vitesse acquise
Le réchauffement moyen enregistré depuis trente ans dans l'hémisphère nord (de l'ordre de 0,7C°) a eu des effets non négligeables tant sur la physiologie des espèces animales et végétales que sur leur aire de répartition ; il crée également les conditions d'une modification de l'équilibre des écosystèmes.
a) Les changements phénologiques
Le tableau qui suit donne un assez bon aperçu des évolutions déjà enregistrées sur la floraison, la fructification et la période de reproduction d'espèces animales et végétales de l'hémisphère Nord.
b) Les changements d'aires de distribution
Ces changements sont bien documentés :
* Pour les espèces terrestres
* Pour les espèces océaniques
On constate depuis un demi-siècle une remontée de plus de 1 000 km vers le Nord des espèces tropicales . Les données qui suivent, fournies par l'IFREMER montrent que deux espèces de poissons tropicaux que l'on ne trouvait dans les années soixante qu'en dessous de 40° de latitude Nord (environ celle de Lisbonne) ont été recensées dans les années quatre-vingt-dix entre 50° et 55° de latitude Nord (entre le Sud et le Nord de l'Irlande).
Ce qui est valable pour les poissons l'est également pour les espèces planctoniques : en 40 ans les espèces recensées sur les côtes Sud de la façade Atlantique de l'Europe sont remontées de 10° de latitude vers le Nord.
c) L'évolution de l'équilibre des écosystèmes
Le changement climatique aura des effets très importants sur l'équilibre des écosystèmes.
Un très intéressant colloque tenu par l'ONF et l'INRA en octobre a analysé les conséquences de ce changement sur les interactions entre espèces 38 ( * ) dans les écosystèmes forestiers.
On reproduira ci-après des extraits de ces conclusions qui ont le mérite de donner un aperçu de la complexité des effets du changement climatique sur les écosystèmes forestiers.
« Le changement climatique peut avoir un effet direct sur les pathogènes ou les insectes phytophages en affectant leur biologie ou leur répartition, ou indirect, en affectant la biologie ou la répartition de leurs plantes-hôtes, de leurs ennemis ou compétiteurs.
Ainsi, une augmentation même minime de la température tend à accélérer les processus physiologiques, en permettant un développement plus rapide des insectes, l'augmentation du nombre de générations par saison, l'augmentation des déplacements, et en réduisant la mortalité due aux facteurs abiotiques : par exemple, avec une augmentation des températures hivernales et printanières de 2° C, on prévoit d'observer 4 à 5 générations supplémentaires par an pour certains pucerons (Harrington et al., 2001).
Mais les effets du réchauffement ne peuvent être considérés à partir de simples moyennes globales et vont se différencier selon la saison et le cycle biologique des insectes.
- Impacts potentiels du réchauffement estival
Les insectes eux-mêmes peuvent être affectés directement : positivement (par exemple en leur permettant un développement plus rapide, permettant une meilleure survie), ou négativement (par dépassement de seuils létaux de chaleur) ;
les plantes-hôtes elles-mêmes peuvent être affectées : par exemple leur affaiblissement par la sécheresse peut diminuer leur résistance aux insectes ou pathogènes. Ainsi l'émergence de Sphaeropsis sapinea (champignon pathogène des pins) en Europe en cours des 20 dernières années a pu être facilitée par des stress répétés : sécheresse ou problèmes de nutrition liés à des excès d'azote d'origine anthropique.
Enfin, les relations mêmes entre insectes et plante-hôte peuvent être modifiées . Ainsi, le synchronisme du développement des insectes avec celui de leur plante-hôte peut se trouver altéré : un tel effet de décalage a été observé aux Pays-Bas, entre 1975 et 2000, pour l'éclosion printanière des oeufs de la géométride Operophtera brumata et le débourrement des chênes aux Pays-Bas (Visser et Holleman, 2001). Cependant, ce décalage peut n'être que transitoire et être rattrapé par l'adaptation ou la migration des populations de l'insecte. (...)
- Impacts potentiels du réchauffement hivernal
Ils sont a priori plus importants et plus univoques : le déplacement des isothermes correspondant aux seuils léthaux minimaux vers le Nord et en altitude peut induire une expansion des insectes. Ainsi, une avancée vers le Nord a été observée au XX ème siècle pour 65 % des espèces de papillons européens de jour, de 35 à 240 km selon les cas, concomitante à un déplacement de 120 km des isothermes vers le pôle.
L'établissement d'espèces exotiques peut être rendu possible (cas observé pour le Palmier en provenance d'Amérique du Sud et pour le Lycène du géranium en provenance d'Afrique du sud). De même un certain nombre de pathogènes forestiers émergents sont des espèces thermophiles, en particulier des espèces introduites comme le chancre du châtaignier (Phythophtora cinnamomi), ou l'oïdium (Erisiphe alphitoïdes). »
Ces perturbations climatiques ont aussi pour résultat des désynchronisations dont la plus spectaculaire affecte le gobe-mouche qui revient d'Afrique pour pondre en Europe.
L'avancée de la date d'apparition des chenilles dont cet oiseau nourrit ses nichées a abouti à une chute de 90 % de la population de gobe-mouche. Cet effondrement de population s'est produit malgré l'avancée de 10 jours de la date de ponte de cette espèce. Ce qui montre à la fois l'extrême sensibilité des équilibres écosystèmiques et l'existence de capacité d'adaptation des espèces (constatée par ailleurs sur les mésanges et charbonnières aux Pays Bas).
Ces exemples montrent l'intérêt qu'il y aura à ménager des temps et des zones de transition permettant aux espèces menacées d'activer les capacités de résilience face aux évolutions de leur environnement.
2. Des menaces très préoccupantes
Compte-tenu de l'acquis déjà mesurable des modifications apportées à la biodiversité par le changement climatique acquis lors des dernières décennies, la perspective d'une poursuite, et plus probablement d'une accélération de ce phénomène est extrêmement préoccupante .
Pour cadrer l'échelle du problème, on rappellera ces deux évaluations du rapport Stern 39 ( * ) :
- 15 à 40 % des espèces sont menacées par le changement climatique,
- une hausse de 3°C de la température moyenne pourrait affecter le maintien de la forêt amazonienne.
Certes, comme on l'a souligné en première partie de ce rapport, beaucoup d'interrogations subsistent sur l'ampleur et sur la localisation de ces évolutions climatiques futures.
Mais les modélisations effectuées dont certaines bénéficiant déjà des confirmations des retours d'expériences montrent que la biodiversité des écosystèmes terrestres et marins pourrait être fortement perturbée par la poursuite du réchauffement climatique.
a) Les écosystèmes terrestres
Si on ne prend que le cas de la France - et sous réserve de la fiabilité des modèles prédictifs - le changement risque d'être très brutal d'ici la fin du siècle, qu'il s'agisse :
- des variations de précipitations :
- de la teneur en eau dans le sol :
- ou de la fréquence des épisodes caniculaires :
Quelles pourraient être les conséquences des phénomènes qui approcheront par leur ampleur la sortie de l'ère glaciaire il y a 10 000 ans ?
Les principales études dans ce domaine ont été effectuées sur les arbres et les plantes. Mais les modifications très importantes que l'on prévoit sur ces espèces affecteront l'ensemble des écosystèmes qui y sont associés.
En 2004, une équipe de l'INRA de Nancy 40 ( * ) a effectué une projection de l'implantation en 2050 et 2100 de près de 67 espèces éparses réparties en 13 grands groupes d'espèces en se référant au scénario moyen du GIEC.
Les résultats de ces projections montrent, en particulier pour le chêne-liège et le hêtre, des modifications de répartitions spectaculaires :
Cas du chêne vert
Répartition actuelle
Modélisée
|
Aire potentielle future
En 2050
|
En 2100
|
Cas du hêtre
Répartition actuelle
Modélisée
Le modèle retenu pour le hêtre fait intervenir les déficits pluviométriques des mois de juin et juillet et la température maximale du mois d'octobre |
Aire potentielle future
En 2050
|
En 2100
|
Les résultats de cette projection doivent être à la fois confirmés et tempérés par des constats faits sur les placettes d'observation de l'ONF :
- ces observations montrent que les essences seraient très sensibles aux épisodes de grande chaleur (les traces de stress hydriques consécutifs à la canicule de l'été 1976 sont encore observables 41 ( * ) ),
- il faut cependant relativiser le « mécanisme » de ces projections. En effet :
L'ONF a constaté que la qualité des sols constituait un facteur très important de résistance des espèces à la canicule.
Par ailleurs, la variété génétique intraspécifique des essences est comparable (elle peut atteindre 30 % pour deux fûts situés à quelques dizaines de mètres l'un de l'autre) et laisse présager des possibilités d'adaptation que les projections ne peuvent pas mesurer. Pour en donner une illustration, il faut rappeler qu'il existe dans l'Orne un isolat de conifères qui a résisté aux changements climatiques consécutifs à la fin de la dernière glaciation .
Mais les essences menacées par le changement climatique auront-elles le temps de s'adapter ?
Une étude conduite par l'Union européenne permet d'en douter :
Cette étude met en évidence que le pourcentage d'espèces de plantes qui subsisteraient, en 2050, en cas de poursuite du changement climatique serait quelquefois inférieure à 60 %, la Péninsule Ibérique, le Sud de la France et l'Est de l'Europe étant les zones les plus menacées par cette déperdition.
Des modélisations effectuées sur cette base ont, en outre, montré que dans 19 % des cas, les espèces (et donc les biotopes associés) devraient se déplacer d'un kilomètre par an vers le Nord pour subsister .
Rappelons que cette vitesse a été celle de la recolonisation du chêne à la fin de l'ère glaciaire.
Mais notons que les infrastructures anthropiques (urbanisation routes, autoroutes, voies ferrées n'existaient pas à cette époque).
b) Les écosystèmes océaniques
Les milieux océaniques pourraient être gravement perturbés par la poursuite du changement climatique.
En premier lieu, la chaine alimentaire qui est déjà menacée par la surpêche 42 ( * ) pourrait être vulnérable aux variations de croissance de phytoplancton qui est la base de cette chaîne.
Les efflorescences de phytoplancton ne sont pas aussi régulières depuis 20 ans.
(1) Bloom : poussée de croissance du phytoplancton
Ce phénomène peut avoir des conséquences de grande ampleur jusqu'au sommet de la chaîne alimentaire . On a ainsi constaté, en Mer du Nord, des changements de période d'efflorescence faisant varier les disponibilités des zooplanctons et donc introduisant des décalages avec les fenêtres de nourrissage des alevins de morue.
Par ailleurs, un autre phénomène dont on ne mesure pas encore les conséquences directes sur la biodiversité est envisagé par certains scénarios.
L'augmentation de la teneur en Co2 de l'océan aurait pour conséquences de ralentir les échanges entre les couches d'eaux des océans, et d'augmenter les stratifications entre celles-ci.
Ce phénomène pourrait avoir un effet sur les remontées planctoniques et en aura certainement sur le PH des océans en 2050 (diminution de 8,15 à 7,91 (Co2 X 2) ou à 7,76 (Co2 X 3) ce qui rendrait difficiles les processus biologiques des calcifications de certains organismes marins (mollusques, diatomées, ....)
3. L'organisation des capacités de réponse au changement climatique
D'ores et déjà, l'inertie des systèmes climatiques planétaires fait que la vitesse acquise par le phénomène amplifiera d'ici 2050 les conséquences que l'on observe dès maintenant sur l'équilibre des écosystèmes.
Cela revient à rappeler que la façon la plus sûre de lutter contre les effets du changement climatique sur la diversité du vivant est de réduire fortement nos émissions de gaz à effet de serre, au lieu, comme nous le faisons, de les augmenter.
Mais même si ce mouvement de lutte contre l'effet de serre se mondialise et prend de l'amplitude, cela ne dispense pas de mettre en place des politiques ménageant l'avenir de la biodiversité du vivant .
a) La nécessité de multiplier et de coordonner les actions de surveillance
Les différences de réactions aux pressions de l'environnement de tous les éléments de chaque écosystème supposent que l'on puisse mesurer de façon assez détaillée les réactions d'un maximum de ces écosystèmes au changement climatique.
A l'échelon de la planète, ce constat renvoie à la nécessité de mettre en place une structure capable de centraliser les observations et les recherches dans ce domaine.
L'établissement d'un tel réseau qui serait l'équivalent du groupe d'experts intergouvernementaux sur le climat (GIEC) pour l'observation de l'évolution climatique, a été proposé sous le nom d'IMOSEB par la diplomatie française.
Le principe de sa mise en oeuvre pourrait être acquis, en 2008, à la conférence de Bonn sur la biodiversité.
Mais cette surveillance à l'échelle planétaire requiert aussi l'intervention d'une organisation spécifique de l'ONU dédiée à l'environnement, dont l'établissement a été également plusieurs fois souhaité dans ce rapport.
Car si les réseaux de surveillance des pays développés et de quelques pays émergents sont constitués ou en voie de constitution, cette surveillance est sporadique ou partielle dans beaucoup de pays en voie de développement.
Former des scientifiques dans ces pays et les doter des moyens pour contrôler l'évolution de la biodiversité est la condition de la création d'un système d'observation planétaire complet.
Cette observation doit notamment être organisée au niveau des grands ensembles régionaux. Dans l'union Européenne le réseau « Lifewatch » qui a été évoqué par ailleurs doit être mis en place.
En France même, la politique volontariste de placettes d'observation menées par l'ONF doit trouver un répondant dans la surveillance systématique de l'évolution de la biodiversité des prairies et des zones adjacentes aux cultures.
Demeure le problème des milieux côtiers et océaniques . La France, qui possède le deuxième espace maritime mondial du fait de son implantation outre-mer, a également la chance de posséder un organisme de recherche de niveau mondial, l'IFREMER.
Cet institut mène des actions d'étude et de surveillance de la biodiversité, à la fois sur le domaine côtier et dans les océans.
Or, il se trouve que les crédits de l'IFREMER connaissent depuis plusieurs années une stabilisation qui menace la poursuite de cette politique, alors même qu'elle devrait être systématisée tant par les eaux côtières que par les milieux océaniques.
b) Anticiper les évolutions
Si, comme cela est probable, le réchauffement climatique se poursuit d'ici 2050, il va être nécessaire d'anticiper ses conséquences et, en particulier, sur les aires d'extension des essences et des biotopes forestiers.
Les espèces - c'est-à-dire les essences - et les biotopes associés pourront-ils assurer cette migration ?
Et si oui, comment ?
Deux types d'actions publiques pourraient y contribuer : la lutte contre le fractionnement des territoires et la mise au point de scénarios de réponse.
* Les corridors climatiques
La constitution de corridors qui a déjà été évoquée précédemment devient d'autant plus nécessaire qu'il faut donner aux espèces atteintes par le changement climatique la possibilité de migrer. Or, sur le territoire de la métropole, très anthropisé, cette migration devra s'effectuer aux travers d'espèces consacrées à la culture, aux sols appauvris. Les fonds du deuxième pilier dans la politique agricole commune devrait être utilisé de façon plus systématique dans ce but et les plans d'aménagement de l'espace rural, support de la trame verte proposée par le groupe de travail « biodiversité » au « Grenelle de l'environnement » devront prendre en considération l'établissement de couloirs climatiques.
* Les scénarios de réponses
La mise au point de scénarios de réponses est un objectif majeur dont la validation suppose que l'on puisse déterminer si et comment le changement climatique risque d'éradiquer certains écosystèmes forestiers.
Le succès de cette capacité de réponse dépendra aussi, comme le colloque précité tenu par l'ONF et l'INRA le propose, de la mise au point de modèles de fertilité par essence en fonction de l'évolution des variables climatiques.
Ces modèles devraient également être complétés par des modèles de fertilité des sols qui sont un élément fort de résistance au stress hydrique.
Ces scenarios de réponse permettront d'asseoir des politiques de choix des essences et des modes de renouvellement.
« Les choix des essences :
A court et moyen terme, pour augmenter la résilience des peuplements, il faut privilégier les mélanges d'essences, notamment dans les zones où l'espèce principale en place devrait régresser sous l'effet du changement climatique.
A plus long terme, l'ampleur des changements environnementaux annoncés imposera probablement de recourir à des déplacements volontaires d'espèces . Il faut d'ores et déjà s'y préparer en maintenant et valorisant les essais de provenance et arboreta mis en place il y a quelques décennies dans un objectif de création de variétés nouvelles : ces essais peuvent en effet nous apporter de précieuses informations sur les essences de reboisement utilisables en cas de dépérissements massifs.
Les modes de renouvellement :
La régénération naturelle, lorsque l'essence principale en place n'est pas menacée à court terme, offre l'avantage de permettre l'adaptation in situ des peuplements aux évolutions de leur environnement.
Lorsque la régénération artificielle est nécessaire, un certain brassage des populations à moyenne distance pourrait être favorable à une adaptation plus rapide des peuplements, en élargissant la variabilité adaptive des individus. » 43 ( * )
In fine , on ajoutera qu'une attention particulière devrait être accordée à la façade méditerranéenne qui est à la fois le plus grand réservoir de biodiversité de la métropole et la zone où le changement climatique aura eu le plus d'effets sur les biotopes si on se réfère aux modélisations qui y prévoient une forte réduction des précipitations.
c) La conservation des semences
Face aux menaces climatiques de disparition ou d'altération de la biodiversité des espèces, plusieurs problèmes de conservation des semences in-situ et ex-situ se posent .
En premier lieu, pour les espèces cultivées en France dont la biodiversité s'est beaucoup érodée.
Dans ce domaine, comme dans d'autres secteurs du développement durable, il y a un écart entre le discours officiel et la pratique politique administrative :
- le Bureau des ressources génétiques chargé de cette conservation a subi des diminutions de ressources,
- la France n'a toujours pas décidé quel organisme devrait piloter la mise en oeuvre de la convention sur la diversité biologique (CDB) et le traité de la FAO sur les ressources phytogénétiques qu'elle a ratifié,
- notre pays, qui est un des contributeurs importants de la FAO, ne participe pas non plus au Fonds fiduciaire pour la diversité des cultures qui finance des actions de conservation - in et ex situ - de la biodiversité des semences culturales dans le monde.
Par ailleurs, il pourrait être souhaitable que la France puisse s'associer à une initiative du jardin botanique britannique de Kew Gardens qui a pour objet de stocker, dans des conditions de reproductibilité, plusieurs milliers de graines d'espèces des pays arides ou semi-arides qui pourraient être affectées par un accroissement de la fréquence et de la durée de période de sécheresse.
De même, il devrait s'impliquer dans la conservation par le froid, au Spitzberg, de la biodiversité végétale, à l'initiative de la Norvège.
Une association des pays méditerranéens qui sont parmi les plus menacés par le changement climatique pourrait être pertinente dans le domaine.
Enfin, il paraît difficile de ne pas poser la question de la conservation et de la disponibilité des espèces cultivées anciennes et qui n'apparaissent plus depuis 1961 au catalogue officiel.
Certes, il existe un catalogue simplifié (dont les critères de distinction, et d'homogénéité et de stabilité sont moins stricts que le catalogue officiel), mais qui n'est ouvert qu'au « jardinier du dimanche » à l'exclusion des professionnels 44 ( * ) .
Actuellement, un conflit juridique oppose l'association Kokopelli qui propose à la vente des espèces anciennes et les semenciers qui se revendiquent de la protection des consommateurs garantie par le caractère stricte du catalogue officiel et de la biodiversité, non phénotypique, mais génotypique de l'offre de leur catalogue.
Il n'est pas de l'objet de ce rapport d'entrer dans ce type de controverse, mais l'intérêt de pouvoir cultiver en plein champ ces espèces anciennes pour obtenir leur coévolution sous la triple approche du changement climatique, de la résistance aux ravageurs et de la biodiversité du vivant ne se discute pas.
Il devrait donc être possible de faire gérer par l'État un répertoire de ces espèces anciennes, librement accessibles à tous et utilisable par les professionnels.
d) Le débat sur la sélection génétique
Les problèmes d'interférence entre les cultures génétiquement modifiées et la biodiversité des écosystèmes qui y cohabitent, où les environnent, sont connus.
Mais sans vouloir trancher ce débat, la question se pose de savoir si le recours à des transgénèses permettant, par exemple, de développer la résistance des espèces à la sécheresse ne devrait pas être encouragé, assorti de toutes les précautions nécessaires.
Des expériences faites il y a quelques temps par une équipe russo-canadienne, dans un domaine parallèle, celui de la résistance des céréales au froid, montrent qu'il y a une voie de recherche intéressante à explorer dans ce domaine.
Parallèlement, le recours à une sélection génétique traditionnelle plus poussée - en particulier par sélection d'expression génomique - devrait être activé dans la perspective du changement climatique.
Cet axe de recherche permettrait d'utiliser le réservoir que constitue la variation génétique intra spécifique (qui peut atteindre 30 % à 40 % chez les plantes) et qui a, dans le passé, joué le rôle d'une « ceinture de sécurité biologique » face aux pressions de sélection des changements d'environnement .
* 38 Les dossiers forestiers N°16. Synthèse de l'atelier ONF/INRA (Myriam Legay-Frederic Mortier).
* 39 Une étude récente de la Royal Society anglaise fait un parallèle, qui peut être contesté, entre la hausse de température qui nous est promise en fin de siècle (6° C en hypothèse haute) et celle constatée lors de la crise du permien au cours de laquelle 95 % des espèces ont disparu.
* 40 Jean-Luc Dupouy et V. Badeau
* 41 S'agissant de la forêt méditerranéenne la canicule de 2003 s'est avérée catastrophique, puisqu'elle est intervenue après plusieurs années de sécheresse. Et le défaut pluviométrique qui a suivi a atteint plusieurs espèces dont le pin sylvestre et surtout le pin maritime.
* 42 Par la prise excessive d'alevins et par la concentration des prises sur les espèces de grandes tailles (celle-ci créant un phénomène cumulatif puisque les espèces de grandes tailles attaquent moins les juvéniles des espèces plus petites, celles-ci, à l'âge adulte, pouvant attaquer les alevins des espèces de grandes tailles).
* 43 Cf. colloque ONF/INRA « la forêt face aux changements climatiques » Opcit
* 44 Ceux-ci sont contraints de se procurer ces semences dans d'autres pays de l'Union européenne.