COORDINATION DES POLITIQUES BUDGÉTAIRES : LA THÉORIE
2.1. POURQUOI COORDONNER LES POLITIQUES BUDGÉTAIRES ?
La coordination des politiques économiques, et particulièrement des politiques budgétaires, n'apparaît pas comme une évidence dans la théorie économique, et de nombreux économistes pensent que la coordination est inutile, voire nuisible. Nous détaillons ci-dessous les arguments en faveur et en défaveur de la coordination, en nous concentrant sur la coordination des politiques budgétaires dans une union monétaire.
LES ARGUMENTS CONTRE LA COORDINATION
Le passage à la monnaie unique a entraîné, pour chaque Etat-membre, la perte d'un instrument de politique économique indépendant : la politique monétaire.
Cette perte serait sans conséquence si les cycles d'activité des différents Etats-membres de la zone euro étaient parallèles : tous auraient les mêmes besoins en même temps en matière de politique monétaire, et la gestion par la BCE satisferait chacun. Ceci n'est évidemment pas le cas dans la réalité. Lorsqu'un Etat-membre est touché par un choc macroéconomique spécifique, seule la politique budgétaire peut être utilisée pour tenter d'amortir le choc. Il est donc important que chaque Etat-membre conserve la pleine liberté d'utiliser la politique budgétaire pour ses besoins propres, dans les limites de soutenabilité fixées par le Pacte de stabilité et de croissance.
Ce premier argument en défaveur de la coordination des politiques budgétaires est renforcé par le principe de subsidiarité, qui fait porter la charge de la preuve aux partisans de la coordination et non à ses contradicteurs.
Le second argument contre la coordination des politiques budgétaires vient des coûts de coordination. Alors que l'unification monétaire peut s'interpréter comme une coordination institutionnalisée des politiques monétaires, la coordination des politiques budgétaires repose sur des procédures inter-gouvernementales au sein de l'Eurogroupe et du conseil Ecofin. Cette coordination fait donc intervenir autant d'acteurs que d'Etats membres de la zone euro. Elle se surajoute à une coordination budgétaire interne entre le gouvernement central et les assemblées parlementaires, mais aussi, dans les Etats fédéraux notamment, avec les gouvernements locaux. L'engagement des Etats membres au niveau européen ne peut donc être que conditionnel aux procédures budgétaires internes. En outre, il est limité dans le temps en raison du cycle électoral. Au total, la coordination des politiques budgétaires est très coûteuse en énergie pour un résultat nécessairement fragile.
Le troisième argument en défaveur de la coordination est la nécessité de mettre les gouvernements devant leurs responsabilités. L'idée est de laisser jouer une concurrence par comparaison entre les gouvernements des différents Etats afin que les électeurs sanctionnent les gouvernements inefficaces, ou bien ceux qui ne poursuivent pas la maximisation du bien-être social (Etats dits « léviathans »).
- LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE LA COORDINATION
Il existe principalement deux arguments en faveur de la coordination des politiques économiques :
• permettre la production de biens publics qu'une action décentralisée serait souvent incapable de fournir ;
• internaliser les externalités des politiques économiques et notamment celles des politiques budgétaires nationales.
1. La fourniture de biens publics
Les Etats-membres se doivent de préserver collectivement les biens publics tels que le bon fonctionnement du marché unique, et notamment du marché financier unique. Ainsi, la stabilité financière fait partie des biens publics à préserver, ce qui justifie, sinon la coordination des politiques budgétaires, du moins leur surveillance et la lutte contre l'indiscipline budgétaire. En effet, l'hypothèse d'un défaut souverain de la part d'un Etat-membre de la zone euro fait planer un risque systémique sur l'ensemble du système bancaire de la zone, étant donnée la place occupée par les titres de dette publique dans les bilans bancaires.
L'argument de la préservation des biens publics peut cependant aller plus loin. Ainsi, selon Jacquet et Pisani-Ferry (2000), « La mise en oeuvre de l'euro peut s'interpréter à la fois comme résultant d'une coordination forte entre les pays membres pour conforter le Marché unique en éliminant le risque politique lié aux pressions protectionnistes inspirées par l'instabilité des taux de change, et comme un processus donnant naissance à de nouveaux biens publics à l'échelle de la zone monétaire : l'euro renforce la dynamique d'intégration financière et de modernisation des marchés financiers et accroît la mobilité des capitaux entre pays européens. Il rend de ce fait encore plus coûteuses des distorsions dans l'allocation des ressources qui peuvent résulter de la concurrence fiscale entre Etats. La stabilité de la monnaie unique, son caractère attractif pour les investisseurs internationaux, prennent le caractère d'un bien public. D'une manière plus générale, il en va de même de tout ce qui a trait à la qualité des politiques économiques, qu'il s'agisse de supervision prudentielle ou de bon fonctionnement du policy mix » , Jacquet et Pisani-Ferry (2000), p. 17.
Pour Jacquet et Pisani-Ferry, la fourniture du bien public « policy mix » justifie donc non seulement la surveillance budgétaire, mais aussi la coordination. Cependant, le principal argument en faveur de la coordination repose sur l'existence d'externalités budgétaires.