B. LES CONDITIONS D'UNE ACCÉLÉRATION DE L'INVESTISSEMENT
L'investissement est la variable économique la plus fluctuante des grandes données macro-économiques et celle qui est la plus sensible aux fluctuations de l'activité.
Le comportement d'investissement des entreprises fait l'objet d'un grand nombre de travaux théoriques et empiriques. Leur but est d' identifier les déterminants de l'investissement des entreprises et de mesurer la façon dont la politique économique, par exemple à travers la fiscalité des entreprises et des ménages et le niveau des taux d'intérêt, peut influencer leur comportement.
Les conclusions des différentes approches conduisent à souligner l'interdépendance des facteurs d'offre et de demande.
Dans le contexte actuel d'une relative abondance des liquidités et de taux d'intérêts n'atteignant pas un niveau dissuasif, votre Délégation observera que le volume de la demande anticipée par les entreprises paraît constituer, dans la généralité des cas, une variable décisive.
1. Retour sur les déterminants de l'investissement
D'un point de vue théorique, trois conditions majeures sont généralement considérées comme essentielles pour l'investissement.
• En premier lieu, l'
existence de
débouchés
: la FBCF doit permettre de satisfaire un
supplément de demande des produits ou services proposés par
l'entreprise. Toutefois, lorsque l'entreprise n'utilise pas pleinement sa
capacité de production, elle peut accroître sa production sans
investir. La FBCF intervient donc quand le taux d'utilisation des
équipements est proche de son niveau maximum. De fait, le taux
d'utilisation moyen des capacités de production (TUC) dépasse
rarement 90 %.
Ainsi, l'évolution de l'investissement est fortement corrélée au niveau de la demande anticipée et au taux d'utilisation des capacités de production . Par voie de conséquence, elle se trouve également corrélée à la progression du PIB (dont l'évolution de la consommation et de l'investissement se trouvent être les déterminants majeurs). En vertu du principe de l'« accélérateur» 29 ( * ) , toute variation de la demande entraînerait mécaniquement une variation de la FBCF qui lui est supérieure, à condition qu'il n'existe pas de capacité de production inemployée. Cette représentation permet d'expliquer la « nervosité » de l'investissement en réaction aux variations de l'activité.
• En second lieu, une
capacité
financière suffisante
pour autoriser l'effort d'investissement
est requise. Les contraintes de financement sont déterminées par
le coût de l'équipement prévu et par la structure
financière de l'entreprise.
L e coût du capital fixe dépend du taux d'intérêt réel , que l'entreprise s'endette en émettant des obligations ou en recourant au crédit bancaire.
Si une accélération de l'inflation allège les charges financières, la désinflation pénalise au contraire les entreprises endettées. Plus le taux d'endettement 30 ( * ) est élevé, plus l'inflation est faible avec des taux nominaux d'intérêt élevés, et plus les entreprises sont encouragées à améliorer leur structure financière 31 ( * ) avant d'investir .
La rentabilité économique du capital , enfin, sert de « curseur » à l'entreprise. La rentabilité économique du capital fixe est égale au rapport de l'excédent brut d'exploitation (EBE) au stock de capital fixe (K). Elle est une fonction croissante du taux de marge (EBE / VA) qui, dépendant du taux de salaire réel et de la productivité du travail, rend compte du partage de la valeur ajoutée allant aux profits de l'entreprise. Lorsque la part des salaires dans la valeur ajoutée se réduit, le taux de marge, toutes choses étant égales par ailleurs, s'améliore. Tant que la rentabilité économique du capital est supérieure au taux d'intérêt réel, l'entreprise peut élever son taux d'endettement. Elle améliore ainsi sa rentabilité financière , qui dépend du différentiel entre la rentabilité économique et le coût de financement de l'entreprise. Lorsque le taux d'intérêt réel devient supérieur à la rentabilité économique, la rentabilité financière diminue d'autant plus vite que le taux d'endettement est élevé et la priorité revient alors au désendettement.
• En troisième lieu,
l'investissement
doit être profitable.
La profitabilité
est
la différence entre le taux de
rentabilité du capital et le taux d'intérêt réel
à long terme des marchés financiers.
Une
profitabilité trop faible, en raison de taux d'intérêts
réels élevés, est susceptible d'entraîner une
éviction de l'investissement physique
par des placements
financiers.
* 29 Albert Aftalion (1874-1956) a montré que si la technique de production est fixe (pour produire N fois plus, il faut N fois plus d'équipements), toute variation de la demande entraîne mécaniquement une variation de la FBCF plus fortes que les variations initiales de la demande de produits.
* 30 Le taux d'endettement est le rapport de l'endettement obligataire et bancaire aux fonds propres, ces derniers étant le capital apporté par les actionnaires et les profits mis en réserve
* 31 La structure financière de l'entreprise est le résultat des comportements d'endettement antérieurs.