B. LE CHIFFRE D'AFFAIRES, POMME DE DISCORDE
Votre rapporteur spécial a pu, au cours de ses auditions, constater que les critiques adressées à la taxe résultaient principalement de son assiette , mais aussi de l' utilisation des ressources qu'elle procure.
1. Une taxe inéquitable ?
Les principaux griefs adressés à ce régime de taxation sont en premier lieu la pénalisation que l'imposition du chiffre d'affaires induit pour les secteurs à faibles marges , les « inégalités » induites par le changement du périmètre des assujettis, et les distorsions créées par un mécanisme d'écrêtement fondé sur une valeur historique de plus en plus ancienne.
a) Les secteurs à faibles marges pénalisés
Votre rapporteur spécial a pu observer que les critiques de loin les plus nourries à l'encontre de la taxe dénonçaient son caractère inéquitable , au détriment des secteurs procédant à la transformation et à la commercialisation de leurs produits.
Il est exact que le chiffre d'affaires ne reflète pas exactement la santé financière d'une exploitation et qu'une telle assiette pénalise les agriculteurs engagés dans une démarche de valorisation de leurs produits 8 ( * ) et qui, à l'inverse des exploitants procédant par exemple à la vente de matière brute, réalisent de faibles marges.
Ce problème semble particulièrement prégnant dans le secteur viticole (13 % des exploitations assujetties), où la « matière sèche » (bouchons, étiquettes...) constitue un élément important du chiffre d'affaires, et dans les exploitations en « circuit court », procédant à la vente directe de leurs produits (notamment horticulture, arboriculture, maraîchage, soit 4 % des exploitations assujetties).
b) L'exonération des exploitants au forfait
Le passage de la combinaison de 8 taxes « produits » et d'une taxe forfaitaire à une seule taxe sur le chiffre d'affaires s'est en second lieu accompagnée de l'exonération de fait des exploitants placés sous le régime du remboursement forfaitaire agricole , soit 28 % des exploitations, alors que ceux-ci s'acquittaient des taxes « produits » sous l'empire du régime précédent.
Cette question avait été soulevée dès l'instauration de la taxe. L'exonération avait alors été motivée par des considérations à la fois techniques et d'opportunité.
Sur le plan technique, il aurait été nécessaire, pour faire contribuer les exploitants au RFA, de reconstituer leur chiffre d'affaires et de créer un circuit de recouvrement supplémentaire . Par ailleurs, dans l'hypothèse d'une participation forfaitaire des exploitants au RFA, le coût de recouvrement aurait été très élevé en comparaison du rendement attendu.
L'objection d'opportunité consistait à dire qu'un prélèvement forfaitaire aurait été perçu comme un élément supplémentaire de frais généraux , alors que les taxes produits étaient perçues dans le mouvement même de l'activité commerciale, de manière relativement « indolore » pour les exploitants.
La plupart des professionnels entendus par votre rapporteur spécial contestent aujourd'hui cette exonération, et font valoir que l'ensemble des agriculteurs bénéficiant du développement agricole et rural, il serait opportun qu'ils y cotisent tous.
c) Les inconvénients de la référence à une cotisation historique
Enfin, la référence à une cotisation historique est susceptible d'introduire des distorsions. En effet, le plafonnement fondé sur la cotisation 2002 :
1) ne permet pas de prendre pleinement en compte l' évolution réelle de l'activité et du chiffre d'affaires des exploitations ;
2) ne permet pas de prendre en compte la situation des exploitants installés postérieurement à 2002. Ce sont donc près de 6.000 agriculteurs nouvellement installés chaque année qui sont de facto privés de toute possibilité de plafonnement , alors même que les nouvelles exploitations connaissent une croissance souvent dynamique de leur chiffre d'affaires.
* 8 Sous réserve, toutefois, que l'activité de transformation et de commercialisation n'ait pas été séparée de l'activité de production.