3. Des conséquences fortement préjudiciables pour la presse parisienne
Coûts de fabrication trop élevés, organisation du travail improductive, coûts induits exorbitants, l'héritage du « Livre » demeure extrêmement lourd à assumer pour la presse quotidienne nationale.
En dépit des plans de modernisation successifs, elle continue d'en payer le prix dans son fonctionnement quotidien ainsi qu'à l'occasion d'actions ponctuelles difficilement justifiables.
a) L'augmentation du prix de vente
Compte tenu des surcoûts induits par l'organisation de la filière d'impression et de distribution, les éditeurs de presse quotidienne nationale ont été contraints de s'adapter, et, dans un contexte de dépression du marché publicitaire, d'augmenter leurs prix de vente pour équilibrer leurs comptes.
La situation de la presse parisienne a ainsi provoqué cette remarque chez M. Michel Comboul, président du syndicat de la presse quotidienne régionale, lors de son audition par les membres du groupe de travail : « Nous ne sommes pas confrontés aux mêmes problèmes que la presse parisienne, nous avons une gestion plus sévère, les imprimeries intégrées permettent de mieux négocier les conditions de travail. Ouest-France est à 70 centimes, il n'y a pas un journal à 1 euro. On essaie de tenir les prix. »
Bien qu'il ne faille pas exagérer l'impact du prix de vente sur l'acte d'achat, celui-ci n'est plus tout à fait neutre sur l'acte d'achat. Cette intuition est confirmée par M. Eric Herteloup, directeur général adjoint d'Amaury, qui confiait au Nouvel Observateur 16 ( * ) : « Notre meilleure publicité, c'est d'abord le prix. Celui de l'Équipe n'a pas bougé depuis douze ans. Ceux du Parisien et d'Aujourd'hui doivent rester au niveau de la presse régionale. On ne peut pas vendre un produit qui est hors de prix, comme les autres titres de la presse nationale. »
Alors que la presse quotidienne fait désormais l'objet d'un achat impulsif, il y a fort à parier que le prix soit désormais pris en compte par les acheteurs potentiels. La hausse continue du prix des quotidiens français écarte en tous cas à coup sûr de leur lecture les populations les plus sensibles à ce facteur tels que les jeunes, sensibles à la gratuité, et les classes populaires, traditionnellement grandes consommatrices de journaux.
b) Des économies sur les autres postes de coûts
L'impression et la distribution étant des postes de coûts incompressibles pour les quotidiens, il est probable qu'un ajustement se soit réalisé sur les autres postes de dépenses des éditeurs.
Si les surcoûts liés à la fabrication ne doivent pas porter seuls la responsabilité de la crise éditoriale que traverse la presse quotidienne, ils y participent certainement en réduisant les marges de manoeuvre financières des éditeurs. Le développement du recours aux pigistes et la réduction des effectifs des rédactions trouvent certainement dans cette situation une partie de leur explication.
c) Des actions ponctuelles difficilement justifiables
En dépit de la diminution de son influence dans les imprimeries et au sein des NMPP, en dépit de la modernisation du secteur, le « Livre » préserve sa capacité de nuisance. Il sait encore se faire entendre en ordonnant le blocage de la parution des titres à l'image du mot d'ordre du 13 juin dernier, privant ainsi les lecteurs de l'ensemble des quotidiens nationaux.
Cette « politique de la terre brûlée », difficilement compréhensible compte tenu de la santé financière des quotidiens, indispose parfois les membres mêmes de l'organisation : la FILPAC-CGT estime ainsi que, « dans un contexte de remise en cause des postes et effectifs dans la presse, les actions actuelles dans la distribution nuisent davantage aux organisations de la CGT qu'aux directions patronales qui, elles seules, tirent les bénéfices de la division en cours ».
En décourageant les lecteurs et en les conduisant à recourir à des médias de substitution, elle risque en tous cas de porter rapidement un coup fatal -un de plus- à l'économie de la presse parisienne.
* 16 Le Nouvel Observateur, Presse quotidienne : cherche lecteurs désespérément, n° 2186, semaine du 28 septembre 2006.