2. L'objectif d'élévation du niveau général des formations face à ses limites
La réponse du système éducatif au défi du chômage des jeunes par la massification de l'accès à l'enseignement secondaire et supérieur et l'allongement de la durée des études tend à montrer les limites de son efficacité.
Alors que la dépense intérieure d'éducation 11 ( * ) a plus que doublé en trente ans et progressé de 70 % depuis 1985 en euros constants, s'établissant, en 2005, à 117,9 milliards d'euros, soit 7 % du PIB et 1 880 euros par habitant, le taux de chômage des jeunes est resté à un niveau élevé - puisqu'il s'établit à 21,1 % pour les moins de vingt-cinq ans en avril 2007, contre 7,4 % pour les actifs de vingt-cinq à quarante-neuf ans et 5,5 % des cinquante ans et plus -, et la problématique de leur insertion reste prégnante.
D'une part, notre système éducatif ne parvient pas à conduire tous les jeunes vers un niveau de qualification ou un diplôme leur permettant d'accéder à l'emploi. D'autre part, la prééminence accordée à la filière générale, « voie royale » vers la poursuite d'études longues, a conduit à dévaloriser l'image de l'enseignement professionnel, alors que celui-ci joue un rôle majeur dans l'élévation du niveau de qualification des jeunes et dans leur insertion.
a) Un « noyau dur » de sortants sans diplôme ou qualification : une faille du système éducatif
Si le nombre de jeunes quittant le système scolaire sans qualification a fortement diminué sur la longue période, les difficultés d'insertion qu'ils rencontrent se sont aggravées dans un contexte d'élévation du niveau général des formations. La persistance d'un « noyau dur », qui stagne à un niveau stable et encore élevé depuis près de dix ans, interpelle, au-delà du système éducatif, l'ensemble des acteurs de la formation auditionnés par la mission, compte tenu de son coût social et humain et du défi que ce problème pose à l'ensemble de notre système de formation, initiale comme continue : il s'agit, en effet, d'un « interstice à combler » pour éviter que les handicaps de départ se perpétuent, voire s'amplifient.
(1) Des chiffres rigides à la baisse
L'analyse du phénomène est complexe à étudier, dans la mesure où il fait l'objet de différentes définitions :
- d'un point de vue restrictif, et selon la définition française, près de 60 000 jeunes, soit 8 % d'une génération, sortent du système scolaire « sans qualification » , c'est-à-dire après le collège, en première année de CAP ou BEP (niveaux VI et V bis ) 12 ( * ) - 6 % des jeunes, contre 35 % dans les années soixante - ou à l'issue d'une seconde générale ;
- d'un point de vue plus large, et en référence au seuil minimal de qualification fixé par l'Union européenne dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne, il convient d'ajouter à ces sorties sans qualification les sorties sans diplôme de l'enseignement secondaire (soit après un échec au CAP, au BEP ou au baccalauréat) ; s'ils étaient deux fois plus nombreux à la fin des années soixante-dix, cela concerne chaque année, à un niveau stable depuis dix ans, environ 160 000 jeunes, soit près de 20 % d'une génération 13 ( * ) ;
- d'autres données, issues des enquêtes emploi de l'INSEE sur le niveau de diplôme ou d'inscription le plus élevé des 20-24 ans, montrent, qu'en 2005, 17 % des jeunes de cette tranche d'âge 14 ( * ) (19,4 % des garçons et 14,3 % des filles), soit environ 133 000 jeunes, poursuivant ou non des études, ne sont pas diplômés du second cycle de l'enseignement secondaire 15 ( * ) .
Au-delà de ces données, environ 90 000 jeunes par an sortent sans diplôme de l'enseignement supérieur , dont environ 20 % des entrants à l'université.
Répartition par niveau de sortie du système éducatif
Source : Enquête « Génération 2001 », CEREQ, 2005 (champ : 762 000 sortants)
La nomenclature des niveaux de formation |
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Classification française |
Niveau de formation |
Equivalent classification CITE* |
Ø Niveau VI |
Pas de formation au-delà de la fin de la scolarité obligatoire |
0 |
Ø Niveau V bis |
Formation courte d'une durée maximum d'un an (sortie avant l'année terminale du second cycle court) |
2 |
Ø Niveau V |
Niveau de formation équivalent à celui du BEP ou du CAP |
3c |
Ø Niveau IV |
Qualification d'un niveau équivalent à celui du baccalauréat ou du brevet professionnel |
3 |
Ø Niveau III |
Niveau du BTS, du DUT ou de fin de 1 er cycle de l'enseignement supérieur |
5b |
Ø Niveau II et I |
Niveau comparable au supérieur à celui d'un 2 e cycle de l'enseignement supérieur |
6 |
*Classification internationale type des enseignements (CITE) de l'UNESCO, utilisée pour les comparaisons entre pays (classement selon le diplôme obtenu).
* 11 La dépense intérieure d'éducation (DIE) recense la totalité des dépenses en faveur du système éducatif (enseignement scolaire et universitaire, apprentissage...), effectuées par l'ensemble des agents économiques (Etat, collectivités locales, entreprises, ménages).
Pour le second degré, la DIE atteint 52,5 milliards d'euros en 2005 (+ 35 % depuis 1990 en euros constants), soit 8 650 euros en moyenne par élève et par an.
Pour l'enseignement supérieur, la DIE atteint 20,6 milliards d'euros en 2005 (+ 46 % depuis 1990 en euros constants), soit une dépense moyenne de 8 940 euros par étudiant, soit un peu moins que la moyenne de l'OCDE.
Le ministère de l'éducation y contribue à près de 66 %.
* 12 Parmi les jeunes ayant quitté les bancs de l'école sans qualification en 1998, 51 % sortaient d'une première année d'enseignement professionnel, 38 % de collège et 11 % d'une section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA).
* 13 Selon l'enquête « Génération 2001 du CEREQ », cela concerne 21,3 % de l'ensemble des élèves et apprentis sortis du système éducatif en 2001, soit 163 000 jeunes.
* 14 Ils étaient 23 % en 1996 et 18 % en 2000.
* 15 Au niveau européen, la réduction du nombre de jeunes non qualifiés fait l'objet d'un suivi dans le cadre du processus de Lisbonne à travers le taux de diplômés de la fin du secondaire parmi les jeunes âgés de vingt à vingt-quatre ans. L'objectif à atteindre est fixé à 85 % en 2010 (la moyenne européenne s'établit à 77 % en 2005, contre 83 % en France).