b) Prévenir les « sorties précoces » : diversifier les parcours de réussite
Les représentants des familles, entendus par la mission, ont insisté sur la nécessité de proposer des parcours plus diversifiés aux élèves peu à leur aise au sein d'un système éducatif qui privilégie, plus que dans d'autres pays, l'abstraction à une approche plus concrète des savoirs .
Ainsi, comme l'avait souligné un parent d'élève à l'occasion des consultations menées dans le cadre du débat national pour l'avenir de l'école, « l'école va bien pour les enfants qui vont bien » . Reste à l'adapter aux quelque 20 % pour lesquels le cadre ordinaire ne favorise pas l'épanouissement et la réussite.
Une meilleure valorisation, dans les cursus scolaires, des activités valorisant le « geste », manuelles, sportives ou artistiques, permettrait de mieux reconnaître les compétences de chaque enfant et de s'appuyer sur ces points forts pour les « raccrocher » aux apprentissages. Il s'agit de faire évoluer les mentalités, afin de lutter contre la hiérarchisation des formes d'intelligence, qui reste encore fortement ancrée dans nos mentalités. Comme l'a souligné M. André Gauron, « chacun connaît un rapport au savoir propre et l'acquisition de connaissances ne fonctionne pas de la même manière pour tous. Certains sont dotés d'une approche concrète et ont besoin d'apprendre par la pratique, plutôt qu'à travers des pédagogies abstraites » .
A cet égard, la pédagogie « active » de l'alternance peut s'avérer profitable à des élèves ne parvenant pas à trouver leur place au sein du « moule » du collège actuel. Les expérimentations menées depuis 2003, en faveur d'élèves des classes de quatrième - concernant environ 20 000 élèves, soit 3,5 % des effectifs -, devraient pouvoir être étendues , même de façon ponctuelle et transitoire. M. Jean-Louis Nembrini, directeur général des enseignements scolaires, en a, en effet, confirmé les atouts : « les résultats tendent à prouver que ces jeunes retrouvent le goût pour les études générales. En effet, les stages donnent une dimension concrète à des savoirs abstraits. L'alternance ne doit pas être conçue comme une orientation précoce mais comme un moyen d'activer le goût pour la maîtrise du socle commun ».
c) Renforcer les moyens de suivi à la sortie du système éducatif : repérer et accompagner
A plus court terme, chaque jeune quittant le système éducatif en situation d'échec, sans diplôme ou qualification suffisante, devrait se voir proposer une prise en charge et un accompagnement adapté.
Comme l'a souligné Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), « nous manquons d'un dispositif simple de type suédois, dans lequel les jeunes sans bac sont immédiatement pris en charge par leur collectivité locale . Au travers de formations par alternance, de stages, ou de retour à l'académisme, la nation s'engage à ce que ces personnes acquièrent une qualification. Il ne faut pas créer de nouveau un contrat, mais une obligation. »
Alors que la première année suivant la sortie du système scolaire représente - pour reprendre la formule employée par M. Jean-Paul Denanot, président de la commission formation professionnelle de l'ARF - « l'année de tous les dangers » -, le relais doit être immédiat pour être efficace.
A cet égard, une coordination forte par une mise en réseau des différents acteurs concernés - académies, conseils régionaux, missions locales, maisons de l'information sur la formation et l'emploi (MIFE), etc. - s'impose pour réduire les « temps d'errance » et faire preuve d'une nécessaire réactivité dans les solutions proposées.
Les marges de progrès sont importantes dans la plupart des régions. En effet, M. Jean-Raymond Lepinay, président de l'Union nationale des missions locales, a fait observer que « les dispositifs perdent en crédibilité en raison de leur isolement et de leur fractionnement au sein du parcours » : ainsi, le « délai de carence » d'un an, pendant lequel les établissements scolaires, dans le cadre de la mission générale d'insertion (MGI), ont la responsabilité et l'obligation de proposer un suivi vers l'accès à la qualification, en permettant le retour en formation initiale ou l'entrée en formation qualifiante, lui est apparu inadapté : « la transition avec l'éducation nationale est déplorable. (...) Le problème est qu'un jeune qui quitte le système de l'éducation nationale ne va pas revenir dans les locaux de celle-ci. Ce serait mieux s'il pouvait être convoqué ailleurs » .
Il ne s'agit pas, cependant, d'opposer les structures les unes aux autres, dans la mesure où chacune aboutit à des résultats positifs, mais de mieux les articuler, afin d'éviter les formes de « zapping » d'un dispositif à l'autre. La généralisation d'outils communs et automatiques de suivi , « activés » dès que l'élève abandonnerait le cursus de formation avant son terme ou sans avoir obtenu le diplôme visé, apparaît comme un préalable nécessaire pour ne pas « perdre de vue » les élèves concernés.
Comme le souligne un récent rapport des inspections générales de l'éducation nationale 76 ( * ) , ces outils sont actuellement inexistants ou insuffisamment développés pour aboutir à une connaissance précise du phénomène, et donc y apporter, de façon individualisée, sur la base d'un bilan de compétences et de motivation, les solutions préventives et curatives adaptées. Ces outils devraient être pilotés par les établissements scolaires et les autorités académiques, en lien et avec l'appui des centres d'information et d'orientation (CIO) . Cette proposition s'inscrit en cohérence avec les recommandations formulées par M. Pierre Lunel, délégué interministériel, dans le « schéma national de l'orientation et de l'insertion professionnelle des jeunes » cité plus haut : celui-ci suggère, en effet, de confier aux CIO un rôle de coordination locale du recensement et du suivi des jeunes sortis du système éducatif sans qualification.
* 76 « Sorties sans qualification. Analyse des causes, des évolutions, des solutions pour y remédier », Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN) et Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), juin 2005.