b) Avec les départements : les effets collatéraux des politiques d'insertion
A travers leur compétence générale en matière d'aide sociale, les départements jouent un rôle essentiel dans le domaine de l'insertion, qui recoupe celui de la formation professionnelle, comme le montre l'exemple des bénéficiaires du RMA.
La loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion (RMI) et créant un revenu minimum d'activité (RMA) a conduit à la création du contrat insertion - revenu minimum d'activité qui a considérablement renforcé leur rôle dans celui de la formation professionnelle.
Les départements interviennent pour accompagner les personnes dans ces différentes étapes du parcours d'insertion sociale et professionnelle, en agissant à un double niveau d'engagement :
- au titre de leurs compétences obligatoires par la mise en oeuvre de leurs programmes départementaux d'insertion ;
- au titre de leurs compétences volontaires en matière d'accompagnement vers l'emploi et la formation.
A cet effet, plusieurs départements ont mis en place des mesures parfois très novatrices qui montrent qu'ils se sont vite saisis de leurs nouvelles responsabilités, comme la mission a pu le constater lors de son déplacement à Strasbourg au conseil général du Bas-Rhin.
Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales publié en janvier 2007 sur l'évaluation de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003, portant décentralisation en matière de RMI, estime, en effet, que « dans un contexte difficile, les départements se sont bien appropriés leurs nouvelles responsabilités ». Il souligne les progrès dans la construction des parcours d'insertion : meilleur suivi des bénéficiaires (avec notamment l'appel à des prestataires privés), amélioration des taux de contractualisation, diversification de l'offre d'insertion, meilleure adaptation des parcours au profil des bénéficiaires...
Ces progrès se heurtent toutefois à un certain nombre de freins. Les deux principaux sont le partenariat « non stabilisé » entre les départements et l'ANPE, mais aussi, la multiplication et la concurrence entre les différents contrats aidés, qui finissent par nuire à l'insertion professionnelle .
Face à ces difficultés, l'Union nationale interfédérale des oeuvres privées sanitaires et sociales (UNIOPSS), qui regroupe les principales associations du secteur sociosanitaire, appelle d'ailleurs à « l'émergence de négociations entre la région et les départements qui la composent, permettant de définir le partage des rôles et des financements pour les actions de formation à destination des bénéficiaires de minima sociaux ».
Lors de la table ronde susmentionnée, M. Jacques Delors a fait ce constat sévère sur la gouvernance actuelle du système de formation professionnelle : « il n'y a plus de pilote dans l'avion, les acteurs sont trop nombreux » .
Revenant sur le bilan de la loi de 1971, M. Jacques Delors a, pour résumer, identifié quatre causes principales de la dégradation du système bâti initialement « Tout d'abord, l'objectif de réconcilier le monde du travail avec l'éducation nationale a échoué, cette dernière est demeurée dans sa « citadelle » ; ensuite, les organisations syndicales ont distingué entre les formations organisées par l'entreprise et les autres formations au lieu d'adopter une conception d'ensemble ; en outre, la complexité du sujet s'est constamment accrue. Or, la simplicité commande l'efficacité ; il faut évoquer enfin les effets néfastes du corporatisme. »
Ce constat, partagé pleinement par la mission d'information, l'a conduite à formuler des propositions pour une meilleure gouvernance globale ainsi que pour la mise en place d'une cohérence territoriale.
Il est clair que le lieu de cette mise en cohérence ne peut être que la région. Ce besoin de cohérence et de pilotage est de plus en plus vivement ressenti par les acteurs de la formation, comme le prouve la multiplication des instances de coordination dans les régions.
M. Jean-Paul Denanot, président de la commission formation professionnelle de l'ARF, l'a ainsi exprimé aux membres de la mission d'information : « Je crois que l'ensemble des acteurs attendent davantage de coordination au niveau régional. Les régions ont pour l'instant tenté de répondre à cette sollicitation de manières très diverses. Les conférences des financeurs sont une solution adoptée par de nombreuses régions. Je voulais moi-même initialement organiser une telle conférence, mais celle-ci n'a pu ensuite avoir lieu. En partenariat avec l'État et le préfet, j'ai mis en place un GIP État-région qui associe également l'ensemble des acteurs (partenaires sociaux, missions locales, ANPE...), à l'exception de l'ASSEDIC. Nous disposons ainsi d'un lieu de ressources sur la formation au niveau territorial, que nous avons d'ailleurs appelé « centre de ressources. Les régions ont cherché à mener ce type d'initiative à la demande consensuelle de l'ensemble des acteurs qui souhaitaient davantage de lisibilité dans le paysage de la formation professionnelle . Quatre ou cinq GIP se sont donc mis en place (Centre, Provence-Alpes-Côte d'Azur...) ainsi que des conférences des financeurs dans d'autres régions (Rhône-Alpes, Poitou-Charentes...). Les différents acteurs ont largement pris conscience de la nécessité de se concerter afin de définir des orientations politiques suffisamment claires et non contradictoires entre les financeurs. Il me semble en effet particulièrement regrettable de constater que des fonds publics sont utilisés en concurrence les uns des autres. »