B. LA COMPLEXITÉ : FACILITÉ OU NÉCESSITÉ ?
Afin de compléter le panorama d'un système qui a priori ne répond pas de façon suffisamment efficace à la vocation que lui assignent les réalités économiques et sociales actuelles, il importe d'évoquer les cloisonnements qui génèrent la complexité et de montrer comment l'on tente de pallier ses principaux effets pervers en installant entre les dispositifs des passerelles qui n'en facilitent pas la lecture.
1. La juxtaposition des statuts, des responsabilités, des prestations
Les développements qui suivent n'ont pas vocation à présenter une description des dispositifs de la formation professionnelle, mais à évoquer leur logique de construction et d'articulation, en illustrant ce propos éclairant de M. André Cottenceau, chef de file formation de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) « la France possède presque tous les dispositifs nécessaires, mais personne ne les connaît bien ».
a) La formation des scolaires : l'État et la région
L'organisation de la formation professionnelle initiale est dessinée dans le premier chapitre ci-dessus, on se contentera de rappeler ici qu'elle est globalement le reflet problématique et contesté d'une séparation stricte des rôles entre une formation initiale diplômante organisée par l'État avec un concours financier des régions, et une formation professionnelle à ambition qualifiante portée par les partenaires sociaux, essentiellement au niveau des branches d'activité.
b) La formation des salariés du secteur privé : l'entreprise, les partenaires sociaux
Le dispositif destiné aux salariés du secteur privé, profondément recadré par la loi du 4 mai 2004, est principalement du ressort de l'entreprise et des partenaires sociaux, qui ont négocié et conclu l'accord national interprofessionnel (ANI) du 5 décembre 2003 comprenant de nombreuses dispositions importantes auxquelles la loi du 4 mai 2004 a donné valeur législative.
Le besoin de formation du salarié est déterminé grâce au bilan de compétence et à l'entretien professionnel. Le processus de formation peut ensuite mobiliser plusieurs outils : les formations à l'initiative de l'employeur sont regroupées dans le plan de formation de l'entreprise, celles à l'initiative du salarié ont lieu dans le cadre du congé individuel de formation (CIF), celles décidées en commun par le salarié et l'employeur prennent la forme soit du droit individuel à la formation (DIF), soit de la période de professionnalisation. Il faut citer en outre la validation des acquis de l'expérience (VAE), qui permet aux salariés d'obtenir une certification de leurs compétences à la suite d'une procédure qui consacre le caractère formateur du travail. Rappelons cependant que, au-delà de l'entreprise d'appartenance du salarié, celui-ci peut avoir accès à la promotion professionnelle par le biais de formations telles que les cours du soir du conservatoire national des arts et métiers (CNAM), évoquée dans le troisième chapitre ci-dessous.
La portée des principaux outils de formation existants est rappelée dans le tableau suivant :
Modalités de départ en formation
Source : Liaisons sociales, législation sociale n° 8736, D1 formation professionnelle 279, novembre 2006
Par ailleurs, il convient de rappeler le rôle essentiel que l'ANI et la loi confient aux branches professionnelles dans la mise en oeuvre de la formation professionnelle des salariés.
Tout d'abord, la prégnance de la négociation de branche a été renforcée avec l'obligation, prévue par l'article L. 934-2 du code du travail, de négocier tous les trois ans et non plus tous les cinq ans.
Ensuite, la loi renvoie à la négociation de branche la définition des modalités de mise en oeuvre de l'obligation légale de financement décrite dans le quatrième chapitre ci-dessous. En l'occurrence, les accords de branche doivent définir la répartition des financements collectés au titre de l'obligation légale entre les contrats et les périodes de professionnalisation. C'est ainsi qu'il appartient aux branches de définir l'équilibre souhaitable entre, d'une part, le recrutement de jeunes et d'adultes auxquels il convient de donner une qualification dans le cadre de leur recherche d'un emploi, d'autre part, le maintien dans l'emploi des salariés dont l'intégration professionnelle est fragilisée par l'évolution des techniques et des modes de production.
Il appartient aussi aux branches professionnelles de fixer la part du 0,9 % finançant le plan de formation ( cf. chapitre IV ci-dessous), destinée au financement du DIF, ainsi que la part dédiée au congé de formation, au bilan de compétences et à la VAE. En effet, la loi n'institue pas de financement spécifique pour ces dispositifs.
Une autre responsabilité des branches professionnelles consiste à définir les objectifs et les priorités de la formation continue des salariés. C'est ainsi que les branches se sont vu reconnaître un rôle prospectif à travers la mise en place d'observatoires des métiers et des qualifications, et à travers le rôle des commissions paritaires nationales de l'emploi, chargées de suivre l'évolution de l'emploi et des qualifications dans la branche.
Les branches fixent aussi des priorités dans la mise en oeuvre des actions entreprises dans le cadre du plan de formation, du DIF, des contrats et des périodes de professionnalisation. En ce qui concerne le plan de formation, les branches peuvent définir les frontières entre les actions d'adaptation et les actions de développement des compétences. Elles peuvent aussi identifier des priorités entre les trois catégories d'actions couvertes par le plan de formation : les actions d'adaptation au poste de travail, les actions d'adaptation aux évolutions de l'emploi et les actions d'adaptation au maintien dans l'emploi. Pour autant, la plupart des témoignages entendus au cours des auditions de la mission suggèrent que les entreprises conservent l'essentiel de leurs marges de manoeuvre en la matière.
Les branches professionnelles peuvent aussi intervenir en matière de mise en oeuvre du DIF afin de fixer des priorités entre les actions de formation susceptibles d'être menées dans ce cadre. A défaut d'un accord de branche, d'un accord d'entreprise ou d'un accord conclu au sein d'un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) interprofessionnel, la loi prévoit que les actions de formation entreprises dans le cadre du DIF pourront être des actions de promotion, d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances, en fonction de l'énumération inscrite dans l'article L. 900-2 du code du travail, ou encore des actions de qualification prévues à l'article L. 900-3 du code du travail.
Enfin, les branches ont la capacité de définir les conditions d'accueil et d'insertion des jeunes et des adultes dans le cadre des contrats et des périodes de professionnalisation, ainsi que dans le cadre des contrats d'apprentissage, et de fixer les conditions de mise en oeuvre et les objectifs à réaliser en matière d'égalité d'accès des femmes et des personnes handicapées à la formation.
Par ailleurs, les branches professionnelles ont également des compétences en ce qui concerne le déroulement des formations en dehors du temps de travail.