LES PROPOSITIONS DE LA MISSION
Les quelque quatre-vingt-dix auditions et l'ensemble des visites sur le terrain effectuées par la mission d'information lui ont permis d'identifier, au-delà de la façade rationnelle du système de formation professionnelle, une série de dysfonctionnements inacceptables au regard des enjeux.
Ces dysfonctionnements peuvent être résumés en trois mots, dont l'ensemble de ce rapport s'attache à débusquer les avatars : complexité, cloisonnement, corporatisme.
Ils altèrent la qualité de la réponse donnée aux besoins des trois destinataires principaux du système : la Nation, qui mobilise la formation professionnelle pour conforter la compétitivité économique, l'employabilité et la mobilité sociale ; l'individu, pour qui la formation professionnelle est un gage de sécurité dans le parcours professionnel et une chance de rattraper les ratées de la formation initiale ; l'entreprise, à la recherche de la performance et d'un meilleur dialogue social.
Dans ces conditions, il est nécessaire de rompre avec la situation actuelle, à partir d'une vision politique claire des objectifs à atteindre et du chemin à suivre.
Ces objectifs ont été évoqués dans l'avant-propos du rapport : il s'agit d'organiser la politique de formation professionnelle autour de la personne, des partenariats et de la proximité.
Le chemin à suivre est triple lui aussi, il s'agit de :
- rompre avec la logique actuelle de dépense pour organiser le système autour d'une logique d'investissement et de résultat ;
- mieux répondre aux besoins de la personne (la personne physique aussi bien que la personne morale que constitue l'entreprise), de l'économie et de l'aménagement du territoire ;
- sortir la formation continue des salariés d'une logique « former ou payer » qui s'accompagne de situations inadmissibles : une redistribution des financements théoriquement mutualisés qui favorise les grandes entreprises au détriment des petites, un accès aux formations privilégiant les salariés les mieux formés au détriment des plus fragiles.
Pour autant, l'on ne peut considérer la politique de formation professionnelle et les 24 milliards d'euros qu'elle mobilise comme un investissement globalement inefficace. De nombreux indices, tels que le dépassement sensible par les entreprises du plafond légal de financement de la formation des salariés, en témoignent. En outre, le système dédié aux salariés a été assez profondément réformé en 2003 et 2004 à l'initiative des partenaires sociaux, en fonction de l'idée nouvelle et féconde de mettre la personne au centre du dispositif.
C'est pourquoi la mission d'information ne souhaite pas « tout remettre à plat » de façon autoritaire. Elle fait plutôt le choix de proposer l'achèvement du processus de recentrage sur la personne là où il n'a pas été poussé au bout de sa logique, de le lancer là où il n'a pas encore été véritablement engagé, de demander la mise en cohérence des avancées législatives qui, en 2004 , ont simultanément achevé la décentralisation de la formation professionnelle et confié aux branches professionnelles de larges prérogatives en matière de formation des salariés.
Tout cela passe par la mise en place d'une nouvelle gouvernance : au niveau national doit être assurée l'équité, au niveau régional appartient la mise en oeuvre de la cohérence, au niveau local l'action doit être concerté et engagée, sous la conduite, à chaque niveau, d'un chef de file clairement identifié.
Les pistes tracées dans cette perspective sont indiquées ci-dessous. Elles résultent d'un vaste « décorticage » du système et devront être dûment expertisées, affinées, négociées, lancées et parcourues sous l'oeil du législateur. Peu désireux de se substituer aux partenaires traditionnels de la formation professionnelle, celui-ci entend néanmoins élaborer la feuille de route et obtenir des résultats en fonction de ce qu'il considère être l'intérêt national.
1. Sécuriser l'accès à l'emploi par la qualification
• Passer d'une orientation subie à une
orientation choisie
- Dès la classe de cinquième, ouvrir les élèves à la connaissance des métiers ; généraliser à tous les collégiens des classes de troisième l'option de « découverte professionnelle » de trois heures hebdomadaires mise en place à titre facultatif à la rentrée 2005 ;
- « Professionnaliser » les acteurs de l'orientation : introduire des stages d'immersion en entreprise ou milieu professionnel (collectivité publique, association...) obligatoires en formation initiale et continue pour tous les enseignants, ainsi que les conseillers d'orientation-psychologues , qu'il convient de renommer conseillers d'orientation professionnelle et psychologues (COP2) , afin de manifester plus nettement cette double dimension essentielle ;
- Mobiliser la communauté éducative (familles, élèves, enseignants, personnels de direction, élus locaux) au sein du conseil local de la formation proposé ci-après afin de mieux informer les élèves et les familles sur les débouchés des différentes filières de formation. Inciter les collèges à suivre les parcours de formation et d'insertion de leurs anciens élèves. Conduire l'ensemble des établissements (lycées professionnels, centres de formation d'apprentis, IUT, universités...) à collecter et diffuser, au moment des procédures d'inscription, leurs résultats en termes d'insertion professionnelle des élèves diplômés.
• Les jeunes « sans
qualification » : prévenir et accompagner
- Valoriser les points forts de tous jeunes scolarisés : mettre par exemple en lumière l'importance et la légitimité de « l'intelligence de la main » ;
- Un préalable nécessaire, assurer la maîtrise des « fondamentaux » : orienter les jeunes repérés en difficulté de lecture aux Journées d'appel et de préparation pour la défense (JAPD) vers les missions locales ;
- Mettre en place, au sein des établissements scolaires et en lien avec les centres d'information et d'orientation, des indicateurs de suivi des abandons en cours de scolarité et des sorties sans diplôme ; mettre en réseau les acteurs de l'insertion (missions générales d'insertion, missions locales, conseils régionaux, MIFE...) pour organiser et coordonner les moyens de prise en charge.
• Réconcilier
« apprendre » et « travailler » :
reconnaître les « vertus » de l'entreprise formatrice
- Simplifier les outils pour optimiser les capacités d'accueil en entreprise et en centre de formation : regrouper le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation au sein d'un cadre unifié de « contrat d'insertion en alternance », tout en conservant à chacun des dispositifs ses spécificités ;
- Simplifier les cursus, s'interroger sur l'utilité et la pérennité du BEP, diplôme à vocation plus propédeutique que professionnelle ;
- Encourager les parcours plus itératifs entre les études et l'activité, les allers et retours entre l'école et l'entreprise étant facilités par la mise en place du compte d'épargne formation proposé ci-après ;
- Introduire une « dose » d'alternance sous statut scolaire dans les cursus en lycée professionnel, en développant notamment la possibilité de préparer le BTS sous cette forme ; instituer, en contrepartie, un « statut du lycéen professionnel » , incluant notamment une forme de rémunération des stages effectués et la prise en compte de ces stages dans le décompte des annuités de retraite, afin de renforcer l'attractivité l'enseignement professionnel ;
- Intensifier le dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE) pour offrir une « deuxième chance » d'accès à la qualification ou à de meilleures perspectives de carrière. A cette fin, renforcer l'accompagnement des candidats en y impliquant de façon plus dynamique l'ensemble des organismes d'accueil : ANPE, OPCA, missions locales, CIO, points relais conseil ;
- Ouvrir aux élus locaux et aux personnes engagées dans la vie publique et associative l'accès de la VAE afin de reconnaître les compétences qu'ils ont développées dans le cadre de leurs responsabilités et de favoriser leur reconversion dans le champ du service public à la fin de leur mandat.
• Imbriquer le système éducatif et
le monde professionnel
- Développer l'apprentissage, la VAE et la formation continue des adultes au sein des lycées professionnels et des établissements universitaires, favoriser les passerelles, valoriser l'utilisation de leurs locaux et de leurs équipements afin d'en faire de véritables centres de ressources ;
- Renforcer la représentation des acteurs économiques au sein des conseils d'administration des lycées professionnels et des universités ;
- Adapter le stock des diplômes et des certifications aux besoins de l'économie : mettre en place un mode unifié de construction des titres et certifications professionnels afin d'améliorer la lisibilité et la cohérence globale de l'offre existante, dans le cadre d'une concertation interministérielle renforcée ; évaluer la pertinence de l'offre existante au regard des possibilités d'insertion ; mettre en place une véritable gestion paritaire de la création et de la révision des titres ; mieux tenir compte des perspectives de débouchés et prévoir les flux d'entrée en formation ;
- Diffuser largement dans le système de formation une projection à cinq ans des perspectives d'emploi afin de favoriser les formations aux métiers de demain plutôt qu'à ceux du passé.