d) Les avantages d'une remise en cause du principe même de l'obligation légale ...

Il n'est pas indifférent de constater que l'obligation légale ne se rencontre qu'au sein de rares pays que sont la France, l'Espagne et le Québec...

(1) Une mutualisation dévoyée, un principe du « former ou payer » obsolète

En premier lieu, on rappellera que le principe du « former ou payer » aboutit à une mutualisation dévoyée et inéquitable : les salariés les moins qualifiés accèdent peu à la formation, tandis que les petites entreprises sont obligées de supporter une partie importante du coût d'une formation dont elles n'éprouvent pas forcément le besoin.

En second lieu, l'obligation légale n'apporte, en réalité, aucune incitation financière à la formation : soit l'entreprise forme peu ou pas du tout, et elle paie de toute façon la même chose (l'obligation légale), soit elle décide d'engager des dépenses qui excèdent l'obligation légale, et elle n'a aucun « bonus » fiscal ou social particulier à attendre de ce comportement. Il s'agit donc d'un système déresponsabilisant en deçà de l'obligation légale, et non mobilisateur au-delà.

Ce dernier aspect, comme le soulignent MM. Pierre Cahuc et André Zylberberg 108 ( * ) , rend au surplus le système aveugle aux « externalités positives » 109 ( * ) de la formation continue. Ces auteurs ne préconisent pas moins que la suppression de l'obligation légale et de mettre en oeuvre « un système plus simple, plus efficace et plus équitable, fondé sur les prélèvements et les subventions : les entreprises déterminent les sommes investies dans la formation professionnelle et obtiennent, en contrepartie, des subventions proportionnelles à leurs dépenses . Dans ce système, les subventions nécessitent des prélèvements , les entreprises cotisant à un fonds spécifique pour la formation professionnelle . Ainsi, l'obligation légale disparaît ». Ils constatent, par ailleurs, que de nombreux pays étrangers ont instauré des systèmes de prélèvements et de subventions, sachant que la partie prélèvement peut résulter d'une contribution ad hoc ou ne pas être différenciée au sein des prélèvements obligatoires...

M. Paul Santelmann, chef du service prospective de l'AFPA , note que « le système de mutualisation et de collecte des fonds de la formation professionnelle est inadapté aux petites et moyennes entreprises. Les entreprises versent aux collecteurs les sommes qu'elles doivent, mais ne récupèrent pas nécessairement leur investissement. Les grandes entreprises, elles, n'ont pas besoin de structures externes pour gérer leur stratégie de formation de leurs salariés. Elles ne versent donc que ce qu'elles doivent dans le cadre du congé de formation et de l'alternance (...) La dynamique de mutualisation et de collecte, en tout état de cause, ne constitue pas plus une incitation pour les PME que pour les grandes firmes ».

Pour sa part, M. Michel Théry, du CEREQ, rappelle que « les partenaires sociaux, dans l'accord de 2003, ont souhaité revenir sur le principe de l'obligation fiscale . Ils se sont fixé des rendez-vous, qui n'ont pas été tenus. Cet élément est une indication de la difficulté du système à fonctionner. Depuis une vingtaine d'années les partenaires sociaux font savoir qu'ils se débarrasseraient volontiers d'une obligation fiscale née, en 1970, de l'impuissance des acteurs à s'entendre ».

A cet égard, l'article 27 de l'ANI, reproduit ci-dessous, est cependant demeuré sans suite.


Article 27 de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle

« Les parties signataires du présent accord considèrent que le développement de la formation professionnelle continue peut être favorisé par une plus grande autonomie des partenaires sociaux dans la définition des objectifs de la formation professionnelle et dans l'affectation des moyens qui leur sont consacrés.

« Dans cette perspective, elles décident de procéder le 31 décembre 2004 au plus tard, à l'examen des modalités et des incidences d'un passage d'une obligation fiscale à une obligation conventionnelle en matière de formation professionnelle continue.

« Les parties signataires du présent accord se concerteront, à cette occasion, avec les pouvoirs publics ».

Plus de trente ans après l'instauration de l'obligation légale, qui visait à faire comprendre aux entreprises que la formation constituait un investissement nécessaire, le risque d'une désincitation massive au financement de la formation professionnelle semble pouvoir être écarté dans l'hypothèse d'une suppression de l'obligation, dès lors que les entreprises consacrent spontanément, en moyenne, 3 % de leur masse salariale à la formation professionnelle, soit presque le double de l'obligation légale...

Enfin, en troisième lieu, on relèvera que le principe du « former ou payer » aboutit à un contrôle de l'imputabilité des formations qui aboutit à en rigidifier les critères de façon particulièrement préjudiciable aux petites entreprises , volontiers portées vers des modes de formation innovants compte tenu de leur souplesse de fonctionnement mais aussi de capacités financières parfois limitées.

* 108 « La formation professionnelle des adultes : un système à la dérive », étude parue le 10 juillet 2006.

* 109 Les bienfaits de la formation professionnelle se diffusent à l'ensemble de l'économie, au-delà des avantages procurés à la personne formée et à son entreprise.

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