3. L'articulation avec la question des revenus d'existence
a) La création de la prestation de compensation n'a pas mis fin aux débats sur le niveau de l'AAH
Lors des débats sur la création de la prestation de compensation, le législateur avait considéré qu'en mettant en place une prise en charge des frais de compensation par la solidarité nationale, on allègerait la contrainte qui pesait sur l'allocation aux adultes handicapées pour les personnes qui étaient jusque là obligées de prélever sur leurs revenus d'existence pour assurer la compensation des conséquences de leur handicap.
Si cette approche s'est révélée exacte pour les personnes les plus lourdement handicapées, il n'en va pas de même pour un nombre important de titulaires de l'AAH, dont les besoins en aide humaine sont moins importants et qui ont organisés leur compensation en mobilisant en priorité leur entourage. Pour ces personnes, l'actuelle ACTP, censée couvrir les dépenses de compensation, est parfois largement affectée à des dépenses courantes d'entretien. Cette situation était possible, d'une part, en raison de l'absence de contrôle de l'affectation de cette allocation, d'autre part, parce que le montant forfaitaire servi pouvait couvrir plus que les besoins réels de compensation.
Ce sont en grande partie ces personnes qui refusent aujourd'hui de basculer dans le dispositif de la prestation de compensation. Ce constat met en lumière le fait que la suppression souhaitable du droit d'option ne peut être envisagée que dans le cadre d'une réflexion plus globale sur le revenu d'existence des personnes handicapées, et notamment sur le niveau de l'AAH.
b) La question du revenu d'existence des personnes handicapées doit être envisagée de façon globale
Lors de l'examen la loi du 11 février 2005, la question du montant de l'AAH et de son indexation avaient soulevé de vifs débats. A cette occasion, votre commission avait rappelé que l'appréciation du revenu d'existence des personnes handicapées ne pouvait se limiter au seul montant nominal de l'AAH.
Elle a, depuis lors, eu l'occasion de développer cette argumentation pour l'ensemble des minima sociaux 4 ( * ) : le pouvoir d'achat d'un minimum social tel que l'AAH ne peut être envisagé qu'en tenant compte des multiples droits connexes attachés, de fait ou de droit, au bénéfice de cette allocation.
Ainsi, les allocataires de l'AAH bénéficient, à raison de leur statut, de l'exonération de la redevance audiovisuelle et de la tarification sociale téléphonique. Sous réserve du respect de critères relatifs au logement, ils bénéficient également de la majoration pour la vie autonome, voire de la garantie de ressources des personnes handicapées. Compte tenu enfin du montant de l'AAH, ils bénéficient, de fait, d'un dégrèvement total de taxe d'habitation. En tenant compte de l'ensemble de ces éléments, le pouvoir d'achat de l'AAH est donc d'ores et déjà équivalent à 80 % du Smic net.
La question du niveau de l'AAH est également inséparable de la question de la politique de l'emploi mise en oeuvre pour ce public : si l'on considère les titulaires de l'AAH comme ayant vocation à rester inactifs, il n'y a pas lieu de s'inquiéter de son niveau par rapport aux revenus du travail. Mais si l'on souhaite favoriser le retour à l'emploi de celles des personnes handicapées qui le peuvent, il convient d'éviter que le niveau de l'AAH décourage la reprise d'activité : beaucoup de personnes handicapées ne peuvent reprendre une activité qu'à temps partiel, la plupart du temps à un niveau de salaire proche du Smic.
Comparaison entre les ressources de personnes célibataires, locataires d'un logement indépendant (au loyer de 250 euros) selon qu'elles sont bénéficiaires de l'AAH, bénéficiaires du RMI ou rémunérées au Smic |
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Bénéficiaire de l'AAH |
Bénéficiaire du RMI |
Personne rémunérée au Smic |
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Taux supérieur ou égal à 80 % |
Taux compris entre 50 % et 80 % |
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Ressources perçues |
Ressources perçues |
Ressources perçues |
Ressources perçues |
Revenus d'activité : 0 AAH : 610,28 Majoration pour la vie autonome (MVA) : 101,80 Complément de ressources : 179,31 Allocation logement : 239,60 ( * ) CMU : non |
Revenus d'activité : 0 AAH : 610,28 Allocation logement : 239,60 ( * ) CMU : non |
Revenus d'activité : 0 RMI après abattement du forfait logement : 381,09 Prime de fin d'année : 152,45 Allocation logement : 239,60 ( * ) CMU : oui |
Revenus d'activité : 971,18 Allocation logement : 30,25 ( * ) CMU : non |
Total mensuel : - 849,88 - 951,80 si MVA - 1 029,31 si complément de ressources |
Total mensuel : 849,88 |
Total mensuel : 633,40 |
Total mensuel : 1 001,43 |
Impôts |
Impôts |
Impôts |
Impôts |
Impôt sur le revenu : 0 Redevance audiovisuelle : exonération Taxe d'habitation : exonération Réduction d'abonnement téléphonique : 7,49 par mois Réduction d'abonnement électrique : 30 % à 50 % sur les 100 premiers KWH |
Impôt sur le revenu : 0 Redevance audiovisuelle : exonération Taxe d'habitation : exonération Réduction d'abonnement téléphonique : 7,49 par mois Réduction d'abonnement électrique : 30 % à 50 % sur les 100 premiers KWH |
Impôt sur le revenu : 0 Redevance audiovisuelle : exonération Taxe d'habitation : exonération Réduction des abonnements téléphonique et électrique : 154 par an |
Impôt sur le revenu : 0 Prime pour l'emploi : 671 ( * ) (crédit d'impôt) Redevance audiovisuelle : 116,50 Taxe d'habitation : oui, montant variable |
Total (Ressources - impôts) |
Total (Ressources - impôts) |
Total (Ressources - impôts) |
Total (Ressources - impôts) |
Total mensuel : - 862,71 - 964,63 si MVA - 1 042,14 si complément de ressources |
Total mensuel : 862,71 |
Total mensuel : 646,23 |
Total mensuel : 1 047,55 moins la taxe d'habitation mensualisée, moins la mutuelle |
(*) Montants estimés donnés à titre indicatif. |
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Source : ministère délégué
à la sécurité sociale, aux personnes
âgées,
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Pour toutes ces raisons, votre commission reste prudente vis-à-vis de tout projet tendant simplement à relever le montant de l'AAH, sans considération du contexte dans lequel cette allocation s'inscrit. Elle reconnaît toutefois que des améliorations pourraient être apportées pour résoudre les situations les plus injustes.
Les critères d'attribution des deux compléments d'AAH issus de la réforme de 2005 sont sans doute excessivement restrictifs et un assouplissement permettrait de répondre aux demandes des associations en matière de pouvoir d'achat :
- les critères relatifs à l'absence de revenus d'activité écartent d'abord injustement du bénéfice des compléments les personnes handicapées qui font l'effort de tenter une insertion professionnelle, ce qui freine de façon certaine le retour à l'emploi. Même si, s'agissant de personnes lourdement handicapées, la probabilité de parvenir à occuper un emploi est faible, elle doit être encouragée, ne serait-ce qu'en raison de la reconnaissance sociale attachée à l'exercice d'une activité professionnelle ;
- de la même façon, réserver les compléments aux personnes qui perçoivent l'AAH à taux plein revient à exclure de leur bénéfice toute personne qui perçoit un revenu d'activité suffisant pour déclencher la dégressivité de l'AAH. Or, pour une personne seule, l'AAH devient dégressive dès lors que le revenu d'activité est supérieur à 0,3 Smic ;
- il serait enfin possible d'assouplir le critère de capacité de travail ouvrant droit au bénéfice de la garantie de ressources : en remontant la capacité de travail restante de 5 % à 10 %, on pourrait élargir le nombre de bénéficiaires de ce complément, sans risque majeur de désincitation au travail, car le public visé resterait encore celui des personnes très lourdement handicapées.
Ces assouplissements pourraient être financés grâce aux économies attendues du durcissement des conditions d'accès à l'AAH pour les personnes ayant un taux d'invalidité compris entre 50 % et 80 %, voté en loi de finances pour 2007.
* 4 « Minima sociaux : mieux concilier équité et reprise d'activité », rapport d'information n° 334 (2004-2005) de Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires sociales.