Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) - 14 mars
M. Laurent Chabannes, président
M. Bruno Sido , président - Nous accueillons maintenant M. Laurent Chabannes, en sa qualité de président de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN). Il va nous présenter ses réflexions sur la sécurité de l'approvisionnement électrique en France. Cette question entretient des liens avec les autres énergies et avec la politique européenne. Vous pourrez présenter dans un premier temps l'UNIDEN, son rôle et sa place dans la problématique, puis vous pourrez, dans un second temps, nous livrer votre point de vue sur la question. Viendra ensuite le temps des questions.
M. Laurent Chabannes , président de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) - L'UNIDEN regroupe les industriels pour lesquels le coût de l'énergie est une composante essentielle du prix de revient. Elle compte une trentaine de membres et représente une part importante de la consommation industrielle française.
Je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à participer à ces débats. Cette intervention constitue une bonne opportunité de nous exprimer à nouveau sur un sujet vital pour nous, et pour lequel nous nous battons depuis quelques années. Je pourrais par ailleurs répondre à vos éventuelles questions en ma qualité de président d'Exeltium, consortium d'achat à long terme d'électricité. M. Jean-Philippe Bénard, qui m'accompagne, est le président de la commission électricité de l'UNIDEN. Nous avons préparé un exposé assez bref, qui, nous l'espérons, donnera lieu à des débats. Je laisse à Jean-Philippe Bénard le soin de lancer la discussion.
M. Jean-Philippe Bénard , président de la commission électricité de l'UNIDEN - Nous souhaitons d'abord vous montrer que la question de l'indépendance électrique est fortement liée à celle de l'ouverture du marché de l'électricité, du fait des directives européennes et également du « paquet énergie » que la Commission européenne a présenté en janvier dernier. Nous effectuerons ensuite un bref rappel sur l'évolution de ce marché, en soulignant son étroite dépendance avec le mix énergétique des différents pays. Enfin nous mettrons en relation la sécurité d'approvisionnement, les choix politiques et les impacts sur le marché.
J'évoquerai d'abord l'ouverture des marchés. Les événements de l'année 2006 marquent de graves dysfonctionnements dans ce processus avec :
- une baisse de la consommation industrielle de 11 % en 2006 et de 4 % en 2005. Le rapport de RTE en fait état, et l'explique en grande partie par l'évolution du prix de l'électricité ;
- la mise en place d'Exeltium, consortium d'électro-intensifs, avec des contrats à long terme. Ce groupement a été favorisé grâce à la loi de finances rectificative pour 2005, qui a posé le cadre du montage. Sans intervention publique, ce montage aurait été difficile ;
- la création du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TARTAM), votée à la fin de 2006. Cette disposition offre la possibilité d'un retour provisoire aux tarifs, avec une pénalité de 23 % pour un consommateur important. Les conditions de ce retour sont donc supérieures à la compétitivité réelle du parc de production français et limitées en durée ;
- l'enquête sectorielle de l'Union européenne de la direction générale de la concurrence, ainsi que le « paquet énergie ». Ce dernier élément, témoin d'un dysfonctionnement, ne remet toutefois pas en cause le problème de fond, qui est l'organisation du marché.
Nous pouvons rappeler les attentes des consommateurs vis-à-vis de l'ouverture de ce marché.
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - Les consommateurs s'attendaient à pouvoir négocier librement avec les producteurs, dans le cadre d'appels d'offres. Ils comptaient se baser sur des profils de consommation, stables et prévisibles et les outils de production correspondants, donnant aux acteurs transparence et visibilité à long terme sur le parc et les prix. Nous avons ainsi pu mettre en concurrence les producteurs, jusqu'à ce que la réalité du « marché de gros » nous rattrape.
Le « marché de gros » est un marché de commodités. Il faut donc se référer au prix dicté par le cours de bourse qui interdit toute négociation. Plus le consommateur est important, plus il est pénalisé, car les transactions de ce marché se réalisent sur des petites quantités. De fait, la concurrence porte uniquement sur l'optimisation du négoce de la fourniture (0,5 % à 1 % du prix de l'énergie) et il n'existe aucune concurrence à la production. De plus, ce « marché de gros » suit des évolutions aberrantes par rapport à la réalité du mix de production des producteurs.
M. Jean-Philippe Bénard , président de la commission électricité de l'UNIDEN - Pour mémoire, je précise que le « paquet énergie » de la Commission européenne a trois grands objectifs : compétitivité, durabilité et sécurité d'approvisionnement. Il n'existe cependant pas de mesures précises susceptibles de corriger la dérive des marchés et donc d'améliorer la compétitivité. L'évolution du « marché de gros » a suivi un alignement sur le coût de production d'une nouvelle centrale au charbon ou au gaz naturel. En effet, ce type de centrale est la référence de l'indice européen du prix de l'électricité qui doit être prochainement fixé. Par conséquent, les producteurs historiques, qui ont des outils plus compétitifs que ces outils de référence, bénéficient d'une rente de situation exceptionnelle.
Il est intéressant d'observer l'évolution des prix de « marché de gros » aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. L'évolution indique un passage de 22 ou 23 euros par mégawattheure (MWh) en 2002 à 50 euros par MWh en 2007, soit une hausse de 117 %. Vous remarquerez la convergence des prix pour les trois pays, alors que les mix énergétiques sont fondamentalement différents. Si les prix observés aux Pays-Bas ont été historiquement plus élevés, l'écart avec la France et l'Allemagne est maintenant minime, tandis que ceux de ces deux pays sont quasiment alignés, bien que l'Allemagne utilise davantage le charbon et inclut le coût du CO 2 dans son prix.
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - Ces évolutions expliquent les bénéfices d'EDF et des producteurs allemands, du fait de leurs coûts de production très bas. Les producteurs allemands ont bénéficié d'allocations de CO 2 importantes (90 % de CO 2 gratuit), mais ont répercuté 100 % du prix du marché du CO 2 dans le prix de l'électricité, selon un effet d'aubaine extraordinaire.
M. Jean-Philippe Bénard , président de la commission électricité de l'UNIDEN - Le niveau des tarifs réglementés pour un client industriel raccordé en très haute tension à 225 kV est d'environ 28 euros par MWh, et le TaRTAM d'environ 35 euros par MWh.
Je me permets maintenant de rappeler les caractéristiques de l'électricité, qui rendent ce produit inadapté modèle de marché qui nous est proposé. Premièrement, l'électricité n'est pas une commodité, et ne peut être échangée sur un marché fixant un prix à terme unique et qui ne tiendrait pas compte du mode de production. En effet, l'électricité, contrairement au pétrole par exemple, ne se stocke pas. De plus, la consommation est inélastique au prix.
M. Bruno Sido , président - Elle est tout de même un peu élastique, sur le court terme.
M. Jean-Philippe Bénard , président de la commission électricité de l'UNIDEN - Sur le court terme, il existe certes certains moyens d'effacement, mais l'électricité ne peut être remplacée. Par rapport au marché de commodités, ces éléments créent un déséquilibre des pouvoirs de marché entre le producteur et le consommateur. En outre, il n'existe pas d'unicité du produit : un électron nucléaire n'a pas la même valeur qu'un électron provenant d'une centrale à charbon, au gaz naturel, ou d'une installation éolienne ou hydraulique. Les plates-formes électroniques, sur lesquelles s'échange l'électricité, ont retenu le modèle du marché de « commodités » comme modèle unique, développant ainsi des rentes d'opportunité pour les acteurs en place. Ce marché de gros a fait converger les prix vers celui d'une centrale de production « classique », ceci uniquement pour permettre aux concurrents d'entrer sur le marché et de rentabiliser ces nouvelles installations. De même, comme il n'existe pas d'unicité de l'offre, il n'existe pas d'unicité de la demande. Il peut s'agir soit de besoins de base, stables et à long terme, comme les besoins industriels, soit de besoins de pointe, relatifs aux changements climatiques par exemple, soit de besoins de réserve rapide, pour faire face aux aléas techniques du réseau. Ces caractéristiques de consommation et de production sont éloignées du marché de commodités.
Deuxièmement, le marché de gros est adapté à la problématique de l'ajustement, c'est-à-dire de l'équilibre à court terme, mais pas à celle des besoins de base à long terme.
Le résultat de tout ceci est qu'il permet aux acteurs historiques de jouir de rentes de situation et les rémunère bien au-delà des besoins de renouvellement du parc. On peut lire dans la presse que l'un des objectifs de ce marché est de définir un prix permettant le renouvellement des centrales, mais le marché tel qu'il est construit actuellement entraîne des rémunérations excessives, comme l'indiquent les résultats des principaux producteurs d'électricité.
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - Concernant le bouquet énergétique, le parc français, composé à 80 % d'énergie nucléaire et à 10 % d'énergie hydraulique, est très compétitif pour la production en base. La France ne connaît pas de contrainte en base à court terme, et l'offre est disponible sans problème d'approvisionnement. Sur un marché fonctionnant bien, les applications de prix devraient être inférieures à celles qui sont en vigueur actuellement. En revanche, la France se heurte à un réel problème en pointe, renforcé par le développement des éoliennes. Aussi, selon nous, le choix de la France pour une PPI est essentiel : le bouquet énergétique doit rester une décision nationale. Opter pour la production nucléaire constitue un choix politique et non un choix de « marché ». Si seul le mécanisme de marché comptait, le nucléaire n'aurait pas été préféré.
Ce choix répond à trois objectifs :
- préserver la compétitivité de l'économie française, l'UNIDEN ressent fortement cet aspect, puisqu'une importante partie de ses membres est concernée par la question, notamment en termes d'emploi régional ;
- assurer l'indépendance énergétique de la France ;
- diminuer les émissions de CO 2 .
Cependant, si le premier objectif n'est pas respecté, comment continuer à justifier ce choix ? Nous ne plaidons pas pour le « tout nucléaire », mais indiquons que si la production nucléaire n'existe plus en France, et si les mécanismes de marché nous empêchent d'en tirer parti, une grande partie de la consommation d'électricité disparaîtra d'ici sept ans.
M. Bruno Sido , président - Par quoi sera-t-elle remplacée ? Faudra-t-il délocaliser ?
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - Les producteurs d'aluminium ou de chlore par exemple devront se poser la question lorsque leurs contrats d'approvisionnement arriveront à échéance. Le phénomène s'est d'ailleurs déjà produit au cours des deux dernières années.
M. Bruno Sido , président - Comment s'est traduite cette baisse de la consommation des électro-intensifs ? A-t-elle consisté en une fermeture de sites de production, une meilleure utilisation de l'électricité, des délocalisations ?
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - Par exemple, l'usine d'aluminium de Lannemezan a fermé. Les usines d'enrichissement d'uranium ne peuvent également plus fonctionner sur la base des prix du marché de l'électricité. A l'horizon 2012, une dizaine de térawattheures (TWh) sont sous la menace de la fin des contrats existants. Si aucune solution n'est trouvée, ces usines seront amenées à fermer.
Le parc nucléaire français tient compte de la structure de la demande d'électricité française, mais il n'est pas optimisé en base. Les taux d'utilisation y sont inférieurs à ceux constatés à l'étranger, parce que la production nucléaire est modulée. Si la consommation en base disparaissait, l'optimisation du nucléaire serait encore moindre.
M. Bruno Sido , président - Cependant, compte tenu de vos remarques, rien n'interdit à EDF de passer des contrats en dehors des sous-marchés. En effet, EDF tâchera a priori d'éviter de se saborder.
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - Je peux difficilement répondre à cette question. Toutefois, jusqu'au vote de la loi de finances rectificative pour 2005, définissant les industries électro-intensives, l'offre à long terme était impossible. Aussi tous les producteurs d'électricité, et pas seulement EDF, se réfugiaient derrière le fait que Bruxelles interdisait les contrats à long terme. L'argumentation de Bruxelles repose sur l'idée que l'existence de contrats à long terme, ou leur surnombre, pourrait geler le marché de gros. Cette idée constitue pour nous un paradoxe, puisque nous considérons que les conditions de fonctionnement actuelles du marché de gros sont telles qu'elles favorisent toute forme de collusion tacite. Ce problème n'est du reste pas seulement français. Issu d'un groupe possédant de nombreuses usines en Europe, je peux témoigner du fait que la situation française n'est pas la plus mauvaise. Nous condamnons donc, pour les raisons précitées, ce système de marché de gros. Je ne cache cependant pas que nous ne sommes pas toujours écoutés avec une oreille amicale. Les dispositifs français présentent au moins le mérite de prendre en compte nos remarques, même s'ils sont contestés à Bruxelles. Je signale d'ailleurs que l'accord final d'Exeltium est suspendu à l'obtention d'une forme de nihil obstat de la direction générale de la concurrence.
M. Jean-Philippe Bénard , président de la commission électricité de l'UNIDEN - Nous constatons que le « paquet énergie » de l'Union européenne se focalise sur l'accès au réseau, c'est-à-dire sur l'unbundling et le pouvoir des régulateurs. Nous pensons que ce sujet, bien qu'important, n'est pas le coeur du problème. L'observation du marché français révèle que le marché de gros ne fonctionne pas, alors que l'accès actuel au réseau est facile et non-discriminatoire.
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - Au contraire, nous sommes très satisfaits du mode de fonctionnement du réseau français. La séparation patrimoniale n'améliorera pas la situation, donc nous n'exerçons aucun lobbying pour séparer RTE d'EDF. Vous livrant mon expérience, je peux affirmer que la France est exemplaire de ce point de vue : l'accès au réseau est garanti de façon équitable, et nous nous en félicitons. Nous remarquons simplement que l'unbundling n'est pas le vrai problème.
M. Jean-Philippe Bénard , président de la commission électricité de l'UNIDEN - D'ailleurs, l'ensemble des clients de RTE, consommateurs, utilisateurs de réseau et négociants, reconnaissent que le système français est performant et parfaitement non-discriminatoire. Pourtant le marché de gros est défaillant, y compris en France. Se concentrer sur l'unbundling et le pouvoir des régulateurs ne permet pas de régler les dysfonctionnements du marché, que la Commission a pourtant remarqués.
A notre avis, le « paquet énergie » de la Commission européenne n'aborde pas le problème lié à la hausse inconsidérée du marché. Pourtant, la direction générale de la concurrence a lancé une enquête sectorielle à ce sujet, consciente que le problème est réel. La courbe précédemment présentée l'indiquait : l'ouverture des marchés conduit au début à une baisse, mais surtout à une explosion des prix après quelques années. De fait, Bruxelles ne s'attaque pas à la cause de ce problème : le design de marché, ou modèle de marché, consistant à fixer un indice unique de l'électricité en Europe, alors que les moyens de production d'électricité y sont très variés. Bruxelles ne se préoccupe pas non plus de la rente de situation laissée aux producteurs, y compris d'autres pays européens.
Il nous semble qu'au contraire, parmi ses objectifs, le « paquet énergie » paraît fixer le marché intégré, c'est-à-dire le marché unique européen, comme le but ultime. Cette optique va se traduire par l'accélération de la convergence des prix. En effet, le prix de l'énergie en France, composée de 80 % de nucléaire et de 10 % d'hydraulique, devra alors être identique à celui de la centrale de référence, basée sur l'énergie fossile, afin de permettre l'entrée de nouveaux acteurs ! Cette logique est absurde : pour créer une pseudo-concurrence à la production avec les outils les moins compétitifs, il est demandé à chacun de payer le niveau de prix correspondant à ces outils.
Comment donc marier ce marché avec les politiques énergétiques qui impactent directement les coûts de production, comme le choix du nucléaire ? Cette question revient à se demander comment rendre aux consommateurs les fruits des politiques énergétiques du passé. Nous souhaiterions à ce titre formuler une proposition, ou en tout cas donner un bon exemple. En effet, le Québec, dont plus de 90 % de la production électrique est hydraulique, a pensé qu'intégrer cette filière dans un marché conduirait à des rentes de situation pour le producteur et à des prix non compétitifs pour les consommateurs. Il a donc décidé de créer un « tarif patrimonial » proposé à l'ensemble des consommateurs, pour environ 95 % de la consommation. Ce tarif est basé sur l'idée que toute la production hydraulique appartient au patrimoine national. Pour résoudre les difficultés liées à la future hausse de consommation d'électricité, il a été décidé d'introduire un mécanisme de mise en concurrence. En effet, l'hydraulique ne pourra bientôt plus subvenir aux besoins du Québec. La mise en concurrence se traduira par une part du tarif payé par les consommateurs, de l'ordre de quelques pourcents, au fur et à mesure de l'entrée en service de nouvelles centrales. Il se produira donc une superposition d'un tarif patrimonial lié à l'outil hydraulique d'une part, avec d'autre part un faible pourcentage lié aux nouveaux outils, plus chers que l'hydraulique, mais les meilleurs du marché du moment.
Ce concept de « tarif patrimonial énergie » mérite d'être considéré en niveau européen, afin de prendre en compte les parcs de production relevant de choix politiques structurants antérieurs. Ce sujet dépasse le cadre français. En effet, d'autres pays européens pourraient également mettre à disposition de leurs consommateurs la « manne électrique ». Comme le montre le cas du Québec, nous pensons que ce dispositif peut coexister avec un dispositif de libre concurrence, garantissant les nouveaux investissements, et évitant la sur-rémunération des acteurs historiques. La compétitivité pourrait ainsi revenir au profit de l'ensemble de la collectivité.
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - En outre, notre expérience nous montre que les multiples pays ayant vécu une libéralisation ont connu, après cette phase initiale, un retour généralisé à des mécanismes de régulation. Cela concerne même les pays les plus libéraux. Le fait que l'Europe n'en prenne pas acte, et reste figée dans ses certitudes, est paradoxal. Nos constats sont pourtant empiriques. Nous assistons ainsi à des situations paradoxales, où après qu'un marché a été créé, des pouvoirs dominants pires qu'un monopole ont été établis. En effet, le monopole, lui, a au moins le mérite d'être contrôlé.
M. Henri Revol - Je souhaiterais que vous reveniez au premier document que vous avez présenté, indiquant la baisse de 11 % de la consommation de vos membres. En effet, vous l'expliquez uniquement par l'augmentation des tarifs de l'électricité. Est-ce la seule raison, ou cette évolution témoigne-t-elle de la conjoncture générale de notre industrie ?
Concernant les solutions, il est évident que si un nouveau producteur souhaite entrer sur le marché, il ne vous facturera pas son électricité 20 % moins cher que le tarif du marché. N'auriez-vous donc pas intérêt à vous constituer société de production et à créer votre propre centrale de production ? Ainsi, cette centrale pourrait vous offrir ces réductions de 20 %. Je n'envisage pas d'autres solutions.
M. Laurent Chabannes - Vous imaginez bien que cette question nous a traversé l'esprit. D'ailleurs, certains de nos membres possèdent des moyens de productions dans d'autres zones du monde, ou même en France. Ils détiennent parfois une centrale hydraulique dans une zone montagneuse. Je pense que nous nous plaignons à raison d'un marché qui fonctionne mal, et d'un pouvoir dominant s'exerçant à notre détriment. Ce premier souci existe en tout état de cause. Il ne doit cependant pas justifier automatiquement la production personnelle d'électricité. Nous souhaiterions d'abord pouvoir accorder une confiance raisonnable aux mécanismes de marché. Nous sommes d'ailleurs très bien placés pour savoir ce qu'est un marché performant. Du fait de nos multiples activités, nous possédons en effet des expériences qui méritent d'être écoutées.
Je vais parler maintenant d'ExeltiuM. Son objectif consistait à s'adosser au nucléaire. Nous nous sommes déclarés prêts à fournir la somme correspondant au coût d'investissement, de façon à pouvoir ensuite obtenir l'énergie au prix de revient. Nous avons accepté de prendre les risques du nucléaire, c'est-à-dire d'éventuels mauvais fonctionnement des centrales, moratoire nucléaire, retard ou surcoût liés à la construction de la centrale de Flamanville. En revanche, nous avons refusé d'être opérateur nucléaire. Je ne suis d'ailleurs pas certain de notre droit de l'être. Il est clair qu'en France -car c'est le pays qui nous préoccupe- la seule source d'énergie électrique susceptible de répondre à nos besoins est le nucléaire. L'une des raisons pour lesquelles demeurent encore de nombreuses industries papetières, d'aluminium et de chlore, entre autres, est d'ailleurs son existence. Pour nous, la réponse adaptée est Exeltium et j'espère que nous pourrons mener à terme notre démarche. De fait, je me demande pourquoi les industriels installés en France ne pourraient pas bénéficier de l'atout principal de la France, qui est sa production électronucléaire : en effet, la France a pris tous les risques associés à la production nucléaire mais elle est privée de ses bénéfices. Ceci nous renvoie à l'objectif de l'Union européenne de fixer un prix unique, qui est une vraie question politique dont la réponse conduira les industriels implantés en France à tirer des conclusions très pragmatiques.
Certains d'entre nous ont pensé à des associations pour réaliser en Europe des projets de centrales au charbon. Cependant, malheureusement, le risque lié aux émissions de carbone n'a pas permis d'aboutir aux objectifs de compétitivité fixés. Nous pouvons par contre espérer les atteindre avec le nucléaire, même s'il n'existe pas de certitude. Nous avons maintenant posé la question et apporté un début de réponse, que nous espérons concrétiser.
M. Bruno Sido , président - Pouvez-vous nous donner plus d'explications sur Exeltium, concernant sa composition, son mode de fonctionnement...
M. Laurent Chabannes - Exeltium s'est constitué en mai 2006, à partir d'un appel d'offres lancé auprès de 17 producteurs européens. Nous avons obtenu cinq réponses.
M. Bruno Sido , président - Par qui a-t-il été créé ?
M. Laurent Chabannes - Il a été fondé par sept groupes : Air Liquide, Arkema, Solvay, Alcan, Rhodia, Arcelor et UPM. Nous avons donc lancé un appel d'offre sur la base des besoins de ces sept groupes, mais également de tous ceux qui sont éligibles au terme de la loi de finances rectificative pour 2005. Il est en effet prévu que les entreprises qui le souhaitent et qui répondent aux critères d'éligibilité, puissent nous rejoindre à l'occasion d'une augmentation de capital. D'ailleurs, elles possèdent des représentants au conseil de surveillance d'Exeltium et nous les tenons informées des actualités.
Les cinq réponses obtenues se sont aujourd'hui réduites à deux. Nous avons signé un protocole d'accord avec EDF le 15 janvier, date qui indique que le processus a été long. Il est le seul avec qui nous avons signé un document. Nous sommes aujourd'hui dans la phase de finalisation de ce contrat. J'espère qu'il sera rapidement signé. Parmi d'autres, il est soumis à une clause suspensive particulière, à savoir l'obtention d'une forme de nihil obstat de la Commission européenne. Avec le Conseil de surveillance, j'ai tenu la Commission informée du contenu du projet tout au long de l'année 2006. Nous allons maintenant le présenter conjointement avec EDF, sachant que nous plaidons pour un contrat de partenariat industriel et non commercial stricto sensu, puisque nous sommes complètement associés aux industriels. Il est prévu que le calendrier démarre le 1er juillet 2007, ce qui signifie qu'avant cette date, plusieurs milliards d'euros devront avoir été levés. Il faut également nous organiser avec la cinquantaine d'autres membres intéressés, qui ne nous ont pas encore donné d'accord pour leur entrée.
M. Henri Revol - La baisse de 11 % de la consommation en 2006 est considérable, et même catastrophique. Pouvez-vous nous fournir des explications supplémentaires ?
M. Laurent Chabannes - Je n'ai pas effectué d'étude détaillée, mais je pense que ce chiffre contient la partie liée à la séparation isotopique. Il faut donc en avoir le même type de lecture que celle consacrée aux sondages.
M. Henri Revol - S'il correspondait à la baisse réelle, ce chiffre serait inquiétant.
M. Laurent Chabannes - Cette baisse est réelle.
M. Henri Revol - Oui, mais elle peut s'expliquer en grande partie par l'arrêt de l'usine de séparation isotopique. Sinon, elle serait catastrophique.
M. Jean-Philippe Bénard, président de la commission électricité de l'UNIDEN - Ce chiffre représente l'équivalent d'une centrale nucléaire. Autrement dit, la capacité de base a été d'autant plus libérée pour le marché. Ainsi, la consommation a diminué, et l'offre a augmenté. Dans le cadre d'un marché normalement constitué, les prix auraient dû beaucoup baisser. Tel n'est pourtant pas du tout le cas.
M. Michel Sergent - Lorsque nous rencontrons l'opérateur historique localement, en tant que responsables de syndicats départementaux ou en tant que concédant aux réseaux de distribution, il explique qu'il est impossible de réaliser des investissements supplémentaires pour une somme limitée car ses prix sont réglementés, et qu'il faut prévoir le transport et le renouvellement des centrales nucléaires. Il me semble pourtant que ces coûts de renouvellement sont largement surestimés et ne reflètent pas la réalité. Pourriez-vous davantage nous expliquer ce point ? En effet, les propos qui nous sont tenus indiquent le contraire, ou alors je vous ai mal compris.
M. Jean-Philippe Bénard - Nous n'avons peut-être pas été suffisamment clairs. Il nous est indiqué que le marché, tel qu'il est, doit permettre de justifier de nouveaux investissements. Or, étant donnée la compétitivité du parc existant, quel que soit le pays considéré en Europe, il permet de rémunérer les acteurs largement au-delà des besoins de renouvellement du parc. Il existe donc bien des fonds pour renouveler le parc. De plus, pour la production en base en tout cas, nous étions servis en France à moyen terme. Nous ne connaissons donc que des problèmes de pointe. Je lisais dans une revue spécialisée que la France devient pourvoyeur de base de l'Europe, et achète sa fourniture de pointe à l'extérieur. Telle est effectivement la réalité. Dans un marché normalement constitué, ce phénomène devrait se retrouver dans les prix : la base devrait être beaucoup moins coûteuse qu'actuellement et la pointe beaucoup plus onéreuse.
M. Marcel Deneux , rapporteur - Je voudrais remercier le président de son intervention, mais elle nous laisse un peu perplexes quant à la compréhension des problèmes. En effet, une série de contradictions ne sont pas levées. Ainsi, vous signalez votre opposition au marché de gros, mais vous y avez cru à une période, sans quoi vous n'auriez pas connu ces difficultés. Pourquoi avoir choisi à ce moment-là de vous écarter du tarif administré ? Est-ce une erreur et la reconnaissez-vous ? Etait-elle liée au contexte ambiant ? Autrement dit, vous semblez être libéraux lorsque ce choix est gagnant et revenir à un marché plus réglementé dans le cas contraire. Vous parlez notamment de sur-rémunération, mais à quoi correspond-elle dans le cadre de l'économie libérale ? Il s'agit bien, dans le cadre de l'économie libérale, de gagner de l'argent. Existe-t-il une sur-rémunération lorsque le parc fonctionne ? Par ailleurs, un autre problème se présente, d'ordre technique : dans l'un de vos documents, vous expliquez que la France possède un réel problème en pointe, mais est-il tellement différent de celui de ses partenaires ? N'est-il pas au contraire généralisé et est-il nécessaire de mettre la France en exergue ? Il me semble que la situation en période de pointes est identique dans tous les pays.
En tant que partisan de l'économie de marché, je trouve qu'une autre contradiction émerge de vos propos. Vous cherchez en effet à montrer que le prix varie suivant le prix de revient, mais en économie de marché, celui qui produit une marchandise au meilleur prix, quelles que soient les techniques utilisées, apporte au bien commun. Il faut être clair : le marché n'est pas destiné à ne vendre qu'au prix de revient. Ces éléments forment-ils des contradictions ou les mettez-vous au contraire en valeur parce qu'ils vous servent ? Pouvez-vous nous l'expliquer ?
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - Vous avez posé beaucoup de questions, mais concernant le dernier point, je vous ferai remarquer que ce sont les producteurs d'électricité qui jugent normal que le prix de marché de l'électricité se fixe sur le niveau de prix marginal permettant de développer de nouvelles centrales, et non nous-mêmes.
M. Marcel Deneux , rapporteur - Ce ne sont cependant pas les producteurs qui fixent les prix de marché, mais le marché.
M. Laurent Chabannes - Je vais venir sur ce point. Concernant le marché de gros, nous ne l'avons jamais réclamé. Sa création ne figure pas dans les directives. Quand celles ci ont été mises en oeuvre, certaines personnes ont très gentiment commencé à nous expliquer qu'un marché de gros allait être organisé et à nous inviter à des réunions. Nous avons indiqué dès le départ notre opposition.
M. Marcel Deneux , rapporteur - Vous n'étiez cependant pas obligés de l'utiliser.
M. Laurent Chabannes - Malheureusement si.
M. Marcel Deneux , rapporteur - Pourquoi ?
M. Laurent Chabannes - Lorsqu'il propose une offre, le fournisseur précise qu'il doit gérer certains risques liés au développement du marché de gros. En réalité, il n'offre donc que le prix de gros, même si stricto sensu les volumes en KWh correspondants ne sont pas traités sur le marché de gros. Il nous est donc indiqué que le prix correspond à celui du marché de gros. Nous sommes fondamentalement en désaccord avec ce fonctionnement et nous le refusons. C'est pourquoi nous passons par des systèmes différents. Nous pourrions bien sûr l'accepter s'il s'agissait d'un vrai marché de commodités. Encore une fois, tel n'est pas le cas. En outre, un petit oligopole sur un tel marché de gros, avec une consommation obligée, crée, selon nous, des formes de collusion tacite. Aucun contrepouvoir ne s'oppose aux producteurs.
Cependant, et vous avez raison en ce sens, nous avons effectivement demandé la libéralisation du marché. Si nous avions été plus cultivés, et si nous avions mieux observé la situation dans d'autres pays du monde, nous aurions agi autrement. Nous avons été à l'origine de ce fonctionnement et nous le regrettons beaucoup.
M. Bruno Sido , président - Vous n'aviez pas prévu l'« effet boomerang » qui a suivi.
M. Laurent Chabannes - Certes, mais les événements survenus dans d'autres parties du monde ont montré qu'après la phase de libéralisation, une phase de « réorganisation » est apparue.
M. Marcel Deneux , rapporteur - Concernant le problème de la pointe, le mix énergétique français présente-t-il des caractéristiques vraiment différentes de celles qu'on observe ailleurs ? En effet, il existe un problème en pointe, mais il ne concerne pas que la France.
M. Jean-Philippe Bénard , président de la commission électricité de l'UNIDEN - Le problème en pointe affecte sans doute les autres pays, mais nous reprenons simplement ici les prévisions pluriannuelles de RTE. Celui-ci, garant de l'équilibre entre les demandes à terme, signale lui-même le problème en pointe à court terme. Cette information ne provient pas des consommateurs, mais du gestionnaire du réseau de transport, indépendant, qui réalise le bilan entre l'évolution en pointe et l'évolution en base. Il me semble d'ailleurs qu'ici même le président d'EDF a fait état de l'évolution très forte de la consommation en pointe, bien supérieure à celle observée en base. D'après le compte-rendu de ses propos, nous pourvoyons en base l'Europe, et achetons la pointe ailleurs. Ainsi, vraisemblablement des pays sont excédentaires en pointe, alors que la France en est relativement déficitaire.
M. Michel Billout , rapporteur - Veuillez excuser mon ton un peu direct, mais si je comprends bien votre exposé, vous êtes en train d'expliquer que la libéralisation du marché de l'énergie risque d'être responsable de la disparition de l'industrie électro-intensive en France, et peut-être en Europe. Cette conséquence de la libéralisation à marche forcée serait étonnante. Faut-il donc continuer à libéraliser le marché compte tenu du constat que vous dressez ?
En effet, vous militez pour des contrats à long terme, et je le comprends parfaitement. Sans cela, il vous serait difficile d'assurer l'approvisionnement de l'industrie en cas de marché fluctuant, comme c'est le cas aujourd'hui. Il s'agit, sinon de tarifs administrés, du moins de tarifs très régulés. Cependant, nous avons observé, en rencontrant la semaine dernière l'un des membres de la direction générale de la concurrence à Bruxelles, que les contrats à long terme et les tarifs réglementés sont les deux conditions qui ne peuvent être supportées si l'on cherche à créer un marché concurrentiel de l'énergie. Nous sommes donc au coeur d'une contradiction majeure. Peut-il exister un moyen terme ? Ne faut-il pas prendre une décision plus radicale ? Le choix d'un marché totalement libéralisé et concurrentiel entraîne des conséquences sur la production énergétique.
M. Laurent Chabannes , président de l'UNIDEN - Nous nous posons la même question. Je dirais même qu'en tant que consommateur à l'UNIDEN, je finis par me demander à quoi tout cela sert. Je reconnais que j'ai pensé autrement et je revendique le droit de me tromper, mais je m'interroge parfois sur l'intérêt de ces démarches.
M. Jean-Marc Pastor , rapporteur - Votre témoignage suscite bien des questions. Mais au-delà de celles tenant aux moyens de production et aux structures physiques de transport, n'est-ce pas plutôt celles concernant le concept même de libéralisation et, a contrario, la mécanique du marché administré, encadré, de l'énergie ? Votre témoignage nous permet d'ouvrir un très vaste débat, qui est loin d'être anodin, puisque vous reportez votre interrogation au niveau européen et que celle-ci constitue le sujet de fond. Cette libéralisation de l'économie de marché montre ses limites. Pour certains secteurs, il apparaît que la nécessité d'une mutualisation, d'une solidarité et d'une péréquation des prix -le tarif réglementé étant finalement un tarif « péréqué »- nécessite une structure qui puisse assurer cette mutualisation et cette péréquation.
La loi de 2004 a permis tout d'un coup d'ouvrir le marché, en donnant l'impression que, dans le domaine de l'énergie, l'économie de marché va assurer la régulation. Comment, au vu de votre expérience, envisageriez-vous une organisation européenne permettant d'assurer l'équilibre entre d'une part l'espace réservé à la notion d'économie de marché, et d'autre part l'espace réservé à une maîtrise de la production et des prix ? Pourriez-vous davantage développer ce point ?
M. Laurent Chabannes - Nous avons essayé de donner quelques pistes, mais nous ne possédons pas la solution. Nous pensons en tout cas qu'il faut du temps. Le fait d'avoir introduit la libéralisation du jour au lendemain, alors que les acteurs de la production sont en nombre très réduit, et que la tendance en Europe est à la concentration, rend illusoire l'idée que la concurrence peut être développée. Je crois que nous sommes d'accord sur le fait que l'effet serait autre s'il existait en France dix producteurs différents. Cependant, il me semble aussi que nous nous accordons à penser que cet élément s'opposerait à l'intérêt des consommateurs français. Autrement dit, il faut du temps pour introduire progressivement la concurrence. Celle-ci doit être introduite dans le domaine marginal. Ainsi, dans l'intervalle, pour éviter d'éventuels abus de la part de propriétaires d'actifs, nous proposons une forme de tarif patrimonial.
A ce titre, le cas de la Scandinavie est instructif. Auparavant, le marché de l'électricité fonctionnait bien, parce qu'il était à dominante hydraulique, que l'eau se stocke et s'approche davantage d'une commodité, et que le marché se partageait entre plusieurs dizaines de producteurs différents. Les Scandinaves étaient donc satisfaits de ce système. Ils ont alors construit un nouveau câble les reliant à l'Europe continentale. Parce qu'ils bénéficiaient du différentiel de prix, ils ont massivement exporté. Ils ont donc géré l'eau de façon marchande, et connu d'importantes difficultés d'approvisionnement local. De fait, la Scandinavie s'est globalement alignée sur les prix de la plaque continentale. Leurs questions sont maintenant identiques aux nôtres.
M. René Beaumont - J'ai beaucoup apprécié ces dernières paroles recommandant du temps pour l'évolution du marché énergétique français. En effet, comme chacun le sait, l'électricité n'étant pas un bien comme un autre, le jeu de la concurrence sur ce marché est un peu particulier, ce qui a largement été évoqué ici. De plus, tous les producteurs savent bien fabriquer en base, mais insuffisamment en pointe. La chance du marché européen, comme l'a rappelé M. Pierre Gadonneix ici, est de connaître des pointes différentes selon les pays. La situation serait beaucoup plus compliquée sinon. Ainsi, les pointes se produisent en décembre en Allemagne, en janvier en France, en juillet en Espagne et en août en Italie. Si toutes les pointes avaient lieu en janvier, nous serions en situation de pénurie.
M. Laurent Chabannes - Les pointes de la journée sont à vingt heures.
M. René Beaumont - Certes, mais je parle des consommations globales cumulées. Je veux dire que fort heureusement, la France connaît ses périodes de pointe en janvier, et pas en décembre par exemple.
Par ailleurs, comme mon voisin et d'autres, j'affiche un petit sourire un peu ironique, parce qu'il y a sept ou huit ans vous faisiez partie de ceux qui réclamaient avec force la libéralisation du marché de l'électricité. Quand elle s'est produite, vous vous y êtes précipités un peu naïvement. Je me permets de le rappeler. Vous n'aviez d'ailleurs pas prévu cette baisse immédiate. Vous vous êtes donc précipités, pour faire ensuite pression auprès des parlementaires de tous bords, et essayer ainsi de revenir à une nouvelle régulation. Il faut désigner les évènements par leur nom, je les pense ainsi et les redirais ainsi.
Aujourd'hui, je m'inquiète du fait que, dans la production d'électricité, les moyens pour stocker l'électricité ne soient pas assez étudiés, ainsi que les moyens de bénéficier de systèmes plus rapides d'intervention en pointe, que ce soit à vingt heures ou au mois de janvier. Je crois que nous devons dans ce domaine effectuer des recherches en Europe. Nous savons que l'hydraulique est de loin le plus facile à stocker, et le plus facile à mettre en action, puisque le temps de latence est extrêmement bref. Ce temps est assez extraordinaire, et un peu plus long pour le thermique. Nous devrions lancer une recherche très précise sur les ressources disponibles en pointe et en besoins d'intervention rapide, quelle que soit la pointe, et où qu'elle soit, afin d'améliorer le marché. La notion de temps est donc essentielle dans la mise au point d'un marché ouvert. Je pense que les producteurs d'électricité européens, et français en particulier, ont déjà démarré ce chantier, consistant à produire de façon à ce qu'une plus grande capacité de production soit mobilisable instantanément. Cet enjeu est essentiel dans le marché. En effet, comme nous l'avons rappelé, l'électron nucléaire ne possède pas la même valeur que les autres, parce que, même s'il est produit couramment, il est beaucoup plus long à mettre en place, et qu'en plus il est entaché d'une certaine méfiance écologique. Je crois donc que nous devons mener une vraie recherche sur cette capacité de mobilisation de nos capacités de production. Elle existe déjà pour l'hydraulique, mais en tant qu'ancien administrateur de la CNR, il me semble que peu de progrès supplémentaires peuvent être réalisés en France, sauf par des particuliers, qui additionnés, peuvent avoir un effet conséquent. Il me semble que dans les pays du nord et du centre de l'Europe en particulier, de nombreux efforts doivent être fournis.
M. Laurent Chabannes - Je voudrais simplement rappeler un témoignage. Lorsque la libéralisation a démarré, certaines personnes se sont effectivement pressées à nos portes pour conquérir de nouveaux clients. Je peux vous garantir que ce mouvement s'est beaucoup calmé. Comme il n'existait aucune référence de prix de gros, ces personnes ignoraient les mouvements des concurrents, selon un vrai jeu de la concurrence. Les appels d'offres révélaient d'ailleurs des écarts significatifs. Le marché de gros a unifié ces éléments dans les conditions que je décrivais précédemment. De plus, lorsque nous avons lancé l'appel d'offres pour Exeltium, nous n'avons pas constaté un grand appétit pour l'investissement en France.
M. Bruno Sido , président - Puisque les questions sont terminées, je vous remercie de votre présence aujourd'hui.