ALLOCUTIONS D'OUVERTURE

JOËL BOURDIN , Sénateur de l'Eure, Président de la Délégation pour la planification

La France s'est toujours méfiée du libre-échange, de l'économie de marché et du « grand large ». Elle est restée, dans ses racines culturelles, plus proche de Jules Méline que de Michel Chevalier. Depuis plus d'un siècle, péril jaune, made in Germany, défi américain, dragons, guerre économique - concept cher à Christian Harbulot - et délocalisations, se sont ainsi succédé et ont précédé le terme mondialisation sur la liste des grandes peurs collectives. Suzanne Berger et Mario Monti nous présenteront sans doute le miroir peu flatteur de nos peurs gauloises. Certes nous avons réagi à cette concurrence mondiale au travers des pôles de compétitivité, de l'innovation industrielle, de la TVA sociale, du patriotisme économique et de la politique industrielle. Sur ces thèmes les plus récents, nous entendrons avec intérêt les analyses de Jean Arthuis, Francis Mer, Jacques Lesourne et d'autres encore.

Cette journée ne sera pas le énième colloque généraliste sur la mondialisation, puisqu'il se propose dans une vision prospective, c'est-à-dire longue, de réfléchir à la nouvelle articulation des pouvoirs entre les entreprises et les Etats, induite par la globalisation économique. Si les entreprises ont toujours existé, l'Etat est un phénomène assez moderne. Louis XIV, même s'il incarnait l'Etat dans sa majesté, n'avait ainsi pratiquement aucune compétence pour l'éducation nationale, la sécurité sociale évidemment, la santé ou l'impôt, pas plus que de compétence exclusive pour la défense ou la justice.

L'Etat est-il donc un concept transitoire ? Jacques Attali, qui y a beaucoup réfléchi, nous délivrera son message, original et stimulant, sur l'issue du match entreprises/Etat. Ce message sera celui du savant, tandis que celui du politique sera donné par mes collègues présidents de commission du Sénat, Jean-Paul Emorine et Jean Arthuis, et en conclusion par Jean-Pierre Raffarin. Il nous a en effet semblé que le poste éminent de Premier ministre constituait un observatoire privilégié pour décrypter les relations entre l'Etat et les entreprises.

Entre un Etat immobile et un Etat dépassé se trouve l'espace pour un Etat moderne, capable d'inventer une nouvelle régulation sociale et économique, qu'elle soit nationale, européenne ou mondiale. Nous entendrons sur ce sujet les meilleurs praticiens, Frank Mordacq et Frédéric Tiberghien, ainsi que les meilleurs analystes, placés à des postes clé de la vie politique, Sophie Boissard et Bernard Carayon, et économique, Christian de Boissieu et Anton Brender.

J'ai donc un grand plaisir, et surtout un immense honneur, à introduire ce colloque prestigieux. Vous avez noté que son thème a été formulé de manière un peu provocante « Qui gouvernera le monde de demain ? », et cette provocation n'est pas gratuite. Je vous assure que tous les jours, sous des formes variées, aussi bien sur le terrain, dans mon département de l'Eure, qu'au Sénat, des personnes me demandent : Où allons-nous, avec cette mondialisation qui supprime les emplois dans nos entreprises ? Que fait l'Etat pour nous protéger et nous aider à affronter toutes ces concurrences ? Nous sommes donc bien au coeur des préoccupations et des attentes de nos compatriotes.

Je tiens, en conclusion de cette introduction, à remercier vivement notre partenaire, Futuribles, qui nous apporte son expertise sur ces questions de prospective, dont il est le spécialiste incontesté. Je tiens également à remercier l'ensemble des intervenants, dont la très grande qualité promet des débats riches d'enseignements. Afin que chacun puisse s'exprimer, chaque table ronde sera suivie d'un débat. Vous pourrez ainsi apporter votre contribution ou interroger les intervenants. Enfin, je remercie Dominique Rousset, journaliste économique, qui contribuera à donner vie à ces débats en les animant. Je laisse la parole à Hugues de Jouvenel, pour vous présenter les enjeux de ce colloque, avant d'ouvrir notre première table ronde.

Page mise à jour le

Partager cette page