ANNEXE II - AUDITIONS ET CONTRIBUTIONS AU RAPPORT D'ASSOCIATIONS D'ÉLUS ET DE PERSONNES QUALIFIÉES
A - RÉPONSES AUX QUESTIONNAIRES
ADRESSÉS PAR M. JEAN PUECH
ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE (AMF) |
Réponses de M. Jacques PELISSARD
Président de l'Association des Maires de France
1 - Qu'est-ce qui a principalement changé, selon vous, dans la vie des grandes villes après la seconde vague de décentralisation (2003-2004) ?
• Malgré la volonté de ses auteurs de promouvoir une gestion locale de proximité, la loi relative aux libertés et responsabilités ne s'est guère intéressée aux communes. Les changements qui ont pu s'opérer à ce niveau n'en sont ou n'en seront, pour l'essentiel, que des retombées indirectes liées à l'exercice par les régions et surtout par les départements de nouvelles compétences ... soit que des communes demandent et obtiennent de les exercer par délégation, soit qu'elles voient réduire les concours financiers de ces mêmes collectivités.
• Ce qui a changé ou peut changer dans la vie des communes résulte non pas du processus de décentralisation mais du phénomène de l'intercommunalité. Sa reconnaissance attendue n'a été que partielle même si elle n'a pas été négligeable avec la possibilité qui est offerte aux élus de conduire une politique locale de l'habitat. Ce qu'a apporté la loi de 2004 c'est de pouvoir introduire plus de souplesse, plus de flexibilité et donc plus de liberté dans les rapports administratifs, humains et financiers entre les structures intercommunales et les communes membres.
2 - Dans la mesure où il est possible de dresser un premier bilan de la décentralisation, pourriez-vous dégager :
- les sujets de satisfaction,
- les motifs d'inquiétude ?
43 % des maires, selon un sondage réalisé à l'occasion du Congrès des Maires 2006, seraient partisans d'une « pause » de la décentralisation. Est-ce l'avis de votre Association ?
• Tout ce que les maires ont toujours dit à l'égard de la décentralisation en tant que principe d'organisation de l'action publique n'a pas varié. Ils restent cependant toujours en attente d'une simplification dont l'horizon s'est éloigné de l'Acte II de la décentralisation lequel complexifie le paysage et les responsabilités locales. Ils attendent toujours qu'on la fasse reposer sur sa base : celle que constitue le couple communes/intercommunalité et qui pourrait justifier une décentralisation.
• Celle-ci ne pourra être abordée sans qu'au préalable on ait pu apprécier les effets et tirer tous les enseignements de la réforme. Tel est le sens de ce qu'on appelle une pause dans la réforme de la décentralisation.
3 - Qu'est-ce que l'Acte II a changé au niveau du rôle, des missions, du niveau d'activité des exécutifs locaux des villes ? Quelles améliorations statutaires (rémunération, formation, crédits d'heures, possibilités de reconversion) seraient, selon vous, souhaitables, en particulier s'agissant des élus qui viennent du secteur privé ?
• Ce n'est pas l'Acte II qui a modifié fondamentalement la nature et l'intensité du rôle des exécutifs locaux. Ce sont plutôt des réformes adjacentes qui visent explicitement ou implicitement à faire du maire le support de politiques nouvelles dans une perspective de renforcement de la cohésion sociale : la politique de l'emploi avec la gestion des contrats aidés, du logement, de l'égalité des chances, et de la prévention de la délinquance où le maire est appelé à être un coordinateur et un animateur.
• Ces évolutions vont renforcer la nécessité pour le maire de consacrer (s'il en est encore possible) plus de temps à l'exercice de son mandat. Mais aussi de recevoir les informations indispensables de la part des acteurs publics et privés avec lesquels il doit être ou est en relation .
Plus de temps car, outre la diversité et l'importance même des dossiers à prendre en charge, le maire devra de plus en plus investir son temps à des réunions de concertation liées à l'application de la loi de 2004, qui a multiplié les schémas et les conventions entre les différents niveaux de collectivité pour l'exercice conjoint (ou par délégation) de compétences. C'est dire si le maire doit trouver, dans son statut les moyens et les garanties d'une plus grande disponibilité vis-à-vis et à l'égard de leurs employeurs.
Ce qui suppose, pour le moins, une réévaluation de leur indemnisation. Les avancées opérées avec le statut actuel qui date de 1992, sur la situation post-mandat, méritent sans doute d'être complétées par des dispositions pouvant fonder un droit à la reconversion.
4 - Jugez-vous qu'un processus irréversible s'est enclenché en direction d'une « professionnalisation » des exécutifs locaux ?
• L'exercice des fonctions exécutives implique des connaissances de plus en plus larges et des compétences diversifiées et pointues. Et ceci pour des raisons multiples qui tiennent à l'extension des responsabilités locales, à l'inflation des règles, mais aussi à la décentralisation et au développement des politiques publiques territoriales que ces changements conduisent à « professionnaliser » ces fonctions. Pour autant, ce serait méconnaître la nature du mandat local que de croire que celui-ci ne pourra être le fait que des professionnels des politiques locales. Le principe électif avec ses conséquences aléatoires constitue un obstacle dirimant. Il n'est pas sûr que les citoyens veuillent choisir des professionnels mais d'abord des hommes et des femmes capables de porter l'intérêt général, d'animer, de coordonner et de fédérer les acteurs du territoire.
5 - Quelle appréciation porte l'AMF sur l'évolution, au cours des dernières années, des relations de vos collectivités :
- avec l'Etat ?
- avec les régions ?
- avec les départements ?
- avec les intercommunalités, agglomérations, communautés urbaines ?
- avec les « pays » ?
• Il n'a pas été insensible aux maires que l'Etat ait compris que l'efficacité de l'action publique supposait de s'appuyer sur eux. Ce que les maires attendent de l'Etat, c'est qu'il sache entretenir des relations de confiance, se départisse d'attitudes et de comportements unilatéraux, et qu'il s'attache à faciliter l'exercice de mandat municipal, à accroître leur liberté d'initiative et d'action. La confiance qui doit à leurs yeux présider à ces relations est, bien entendu, dépendante des moyens financiers et fiscaux qui doivent leur être reconnus, préservés et pour le moins stabilisés. C'est parce qu'ils en connaissent les limites objectives qu'ils ont mis l'accent sur l'urgente nécessité de refonder l'autonomie locale sur une réforme en profondeur de la fiscalité directe locale. Avec d'autant plus d'insistance qu'a émergé et s'est imposée l'idée d'une maîtrise des finances publiques.
• Avec les régions, comme avec les départements, les élus plaident pour que les relations avec les communes soient fondées sur la concertation, le partenariat et une démarche ascendante s'appuyant sur les projets qu'elles portent.
• Quant aux relations entre les structures intercommunales et les communes, elles ont déjà évolué et doivent continuer à évoluer de façon pragmatique dans le sens d'une recherche d'une plus grande complémentarité, d'une véritable subsidiarité, d'une maîtrise raisonnée de dépenses et des flux financiers et fiscaux. S'agissant des pays, la situation est trop hétérogène sur le territoire pour porter un jugement d'ensemble. Il semble pourtant que dans un paysage complexe, le pays ne soit plus plébiscité et perde de sa pertinence avec le développement spatial de l'intercommunalité et surtout la nécessaire rationalisation des structures.
6 - Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, le « droit à l'expérimentation » est ouvert aux collectivités locales. Quel usage en ont fait jusqu'à présent les villes ?
• L'inscription dans la Constitution du droit à l'expérimentation n'a pour le moment guère séduit les élus locaux dans leur ensemble, qu'il s'agisse des élus régionaux, départementaux et a fortiori communaux.
Il est vrai que pour ces derniers, elle n'était prévue que pour les communes disposant d'un service communal d'hygiène et de santé et qui souhaitent s'investir dans la résorption de l'habitat insalubre et la création d'établissements publics d'enseignement primaire. Cette création à titre expérimental et sur la base de volontariat paraît pour le moment susciter plus de réserves que d'adhésion.
7 - Quel jugement portez-vous sur l'impact des nouveaux transferts de compétences sur la situation financière des villes ?
• Cet impact ne peut être qu'indirect. Il peut résulter de la prise en charge par les communes, par délégation, de compétences transférées au département, mais à ce jour, il ne semble pas que ce processus se soit développé. Par contre, on peut craindre que l'accroissement des dépenses lié aux nouvelles compétences des départements ne finisse par peser sur leur capacité à accompagner et soutenir financièrement les projets des communes. Plus significatives sont sans doute à cet égard les transferts de charges qui résultent des décisions ou de politiques publiques requérant l'intervention des maires.
8 - Quelle est la position de l'AMF sur le cumul des mandats ou le cumul des fonctions électives exécutives ? Des mesures plus radicales d'interdiction des cumuls sont-elles souhaitables ?
• L'AMF n'a pas pris position sur un éventuel durcissement des limitations et a fortiori sur un éventuel non-cumul intégral. Pour autant, rares sont les élus qui ne considèrent pas qu'il faille conserver à travers un cumul raisonné, un lien entre un mandat local et un mandat national.
9 - Quelle est la position de l'AMF dans le débat « démocratie représentative » - « démocratie participative » ?
• Au cours de son dernier Congrès, l'AMF a clairement affiché sa position allant bien au-delà d'une réaction sur l'idée de « jury populaire ». Elle a rappelé que les maires sont nombreux à pratiquer toutes les formes (y compris celles inscrites dans les dispositifs légaux), que l'on range sous le terme générique de démocratie participative. Elle a aussi voulu ne pas opposer l'une à l'autre, mais au contraire insister sur leur complémentarité. Elle a surtout tenu à rappeler qu'en République le dernier mot doit appartenir aux représentants légitimes, parce qu'issus du suffrage universel.
10 - Quel est, selon vous, le mode de scrutin le mieux à même de renforcer le lien entre l'élu et le citoyen (scrutin de circonscription, scrutin de liste ...) ?
• Ce n'est pas au moment où l'on cherche à renforcer le lien qui s'est distendu entre l'élu et le citoyen, que l'on peut remettre en cause le scrutin de circonscription pour aller vers le scrutin de liste.
11 - Quelle appréciation porte l'AMF sur les mesures existantes ou en cours d'examen tendant à renforcer la parité dans les assemblées délibérantes et les exécutifs locaux ?
• L'AMF est bien évidemment favorable à l'instauration de la parité et l'intervention à cet effet de la loi pour donner l'impulsion nécessaire. Elle estime aussi nécessaire de veiller à ce que l'application de principe de parité ne perturbe l'action municipale dans les plus petites communes.
ASSEMBLEE DES DEPARTEMENTS DE FRANCE (ADF) |
Mercredi 29 novembre 2006
Audition de MM. Michel LEZEAU et Marcel ROGEMONT ,
Membres du collège associé restreint de l'ADF, siégeant au Bureau.
M. Jean PUECH , rapporteur, s'est inquiété de la mise en oeuvre de la Décentralisation et notamment de son Acte II du point de vue des départements.
M. Marcel ROGEMONT a estimé que les contacts avec les services déconcentrés de l'État étaient, globalement, satisfaisants. Il a toutefois regretté une certaine précipitation dans les mesures.
Selon M. Michel LEZEAU , la « seconde Décentralisation » s'est mieux déroulée que la première, dans la mesure où, en 1982, les préfets avaient eu du mal à accepter l'émancipation des conseils généraux . M. Michel LEZEAU n'en a pas moins regretté les difficultés liées aux transferts dans le domaine sanitaire et social.
M. Michel LEZEAU s'est déclaré très attaché au canton, qui a, selon lui, permis de créer une proximité, de favoriser la lisibilité en rendant le département plus identifiable.
Il a déploré une augmentation des budgets départementaux, et regretté que les transferts de compétence n'aient pas tous été pris en compte : l'allocation personnalisée d'autonomie, le revenu minimum d'insertion, la prestation de compensation coûtent cher aux départements, même si l'augmentation des droits de mutation a, dans une certaine mesure, permis d'atténuer le choc financier qu'ont représenté ces transferts.
M. Marcel ROGEMONT a regretté le vote, le 18 décembre 2003, d'une loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion, devant s'appliquer à partir du 1 er janvier suivant. Il a toutefois estimé qu'il y avait eu, en dehors de ce cas, une vraie volonté « que les choses se passent bien ».
Il s'est demandé si la Décentralisation ne devait être qu'une Décentralisation des financements ou au contraire une Décentralisation des politiques : il est « aberrant », a-t-il souligné, que l'État décide des compétences des collectivités décentralisées.
M. Michel LEZEAU a estimé qu'il fallait « remettre à plat » l'ensemble de la fiscalité locale, et notamment, « dédier » la fiscalité. Il a regretté que les départements ne bénéficient plus du produit de la vignette.
M. Michel LEZEAU a soulevé le problème de la rémunération des élus, notamment pour ceux qui étaient salariés du privé. Pour ces derniers se pose, selon lui, un vrai problème d'attractivité.
M. Marcel ROGEMONT s'est déclaré favorable à un « système à l'allemande », fondé sur un exécutif en partie salarié : il faut, selon lui, permettre une véritable « professionnalisation » des fonctions exécutives locales.
M. Michel LEZEAU a affirmé que, dans un contexte institutionnel devenu peu lisible, le conseiller général était devenu un point de repère, en particulier dans les départements ruraux.
M. Marcel ROGEMONT a abordé la question de la parité, pour soutenir que la recherche de la proximité sociologique, via notamment le scrutin de liste, pouvait être, à terme dangereuse. Si le conseil général devait être élu sur le même mode de scrutin que le conseil régional, et donc abandonner le scrutin de circonscription, c'en serait en effet fini du lien privilégié entre le citoyen et le conseiller général. Il convient d'opérer un choix clair sur la nature du lien entre l'élu et le citoyen.
M. Michel LEZEAU a considéré que l'appellation « conseil départemental » devrait remplacer celle de « conseil général », et qu'un mandat de six ans (au lieu de trois) serait beaucoup plus adaptée à la complexité des affaires publiques.
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Sur les relations entre les départements et les autres niveaux d'administration, M. Michel LEZEAU a déclaré que la multiplication des niveaux d'intervention, si elle était source de complexité, avait aussi des aspects positifs, en favorisant les échanges d'idées et en vivifiant la démocratie locale.
M. Michel LEZEAU a appelé de ses voeux une pause, selon lui « indispensable », dans le transfert de compétences aux départements.
M. Marcel ROGEMONT s'est déclaré favorable à l'approfondissement de démarches de type consultatif. Il s'est en revanche montré opposé à une éventuelle possibilité de révocation des élus locaux.
M. Michel LEZEAU a déclaré qu'il ne fallait pas retirer aux élus leur pouvoir de décision.
Sur le cumul des mandats, M. Marcel ROGEMONT s'est déclaré favorable aux incompatibilités de fonctions : l'on ne devrait pas pouvoir participer à deux exécutifs.
Il a estimé que les problèmes des différentes catégories d'élus ne devraient pas être traités séparément, dans la mesure où il existe un seul et même « vivier », susceptible de se tarir, et qui mérite d'être protégé.
ASSOCIATION DES REGIONS DE FRANCE (ARF) |
Réponses de M. Alain ROUSSET,
Président de l'ARF
1 - Qu'est-ce qui a principalement changé, selon vous, dans la vie des régions après la seconde vague de décentralisation (2003-2004) ?
2 - Dans la mesure où il est possible de dresser un premier bilan de la décentralisation, pourriez-vous dégager :
- les sujets de satisfaction,
- les motifs d'inquiétude ?
43 % des maires, selon un sondage réalisé à l'occasion du Congrès des Maires 2006, seraient partisans d'une « pause » de la décentralisation. Est-ce l'avis des régions ?
Selon tous les Présidents de région, l'Acte II n'a été au final qu'un rendez-vous manqué, « un immense gâchis » ! La réforme du Premier ministre de l'époque s'est perdue dans les sables des débats parlementaires et des querelles politiciennes qui suivirent la victoire socialiste aux élections régionales de 2004. Oui, c'est uniquement pour des raisons politiciennes, insultant par la même les suffrages des citoyens qui ont porté de nouvelles majorités à la tête des exécutifs régionaux, qu'un coup d'arrêt a été porté sciemment à la décentralisation. Ou plutôt, la décentralisation y a perdu son âme. Elle s'est faite par défaut, l'Etat se retirant sur la pointe des pieds, se montrant incapable de se réformer, maintenant ses structures verticales, ajoutant de la complexité et des contrôles au lieu de libérer les énergies et la créativité.
Le texte final a été de plus en plus confus et illisible. Par exemple, les régions ont beaucoup souffert de l'éclatement de la compétence du développement économique. Pourtant, où en serait notre pays si les régions n'étaient pas là pour porter la modernisation de notre tissu industriel des PME et des PMI et donc de l'emploi.
Avec l'Acte II, l'Etat garde une double commande et continue d'orchestrer la recentralisation des politiques publiques.
Les exemples abondent depuis 2004 :
- Certaines régions n'avaient pas attendu l'Etat pour fédérer les énergies locales en matière de recherche, d'innovation et de développement économique. L'Etat n'a fait que reprendre cette idée, se l'approprier pour créer les pôles de compétitivité dans lesquels il reprend aujourd'hui la main alors que les régions ont été à l'origine des projets,
- Refus de la régionalisation de la gestion des fonds européens.....
Les conseillers régionaux, interrogés en 2005 et 2006 par IPSOS, sont majoritairement favorables à la poursuite de la décentralisation et à ce qu'elle ait, enfin, une vraie inflexion régionale. 62% des élus régionaux trouvent que la régionalisation du système institutionnel français n'est « pas assez importante ».
3 - Qu'est-ce que l'Acte II a changé au niveau du rôle, des missions, du niveau d'activité des exécutifs locaux des régions ? Quelles améliorations statutaires (rémunération, formation, crédits d'heures, possibilités de reconversion) seraient, selon vous, souhaitables, en particulier s'agissant des élus qui viennent du secteur privé ?
Le transfert de nouvelles compétences a accru le travail et la spécialisation des élus. Une nouvelle réflexion pour élaborer un statut de l'élu local est nécessaire. Il faut faire le bilan de l'application de la loi relative à la démocratie de proximité pour y apporter des améliorations adaptées : indemnités (le maire d'une grande ville devrait pouvoir recevoir la même indemnité qu'un parlementaire) ; système de retraite amélioré ; validation des acquis professionnels pour la sortie de mandats ; intégration possible dans la fonction publique territoriale ...Le problème de la sous représentation des actifs et des personnes issues du privé dans la classe politique française concerne tout le monde : les élus bien sûr, les entrepreneurs et les syndicats. Tout le monde a un intérêt objectif à ce que la composition de l'ensemble de nos assemblées évolue.
4 - Jugez-vous qu'un processus irréversible s'est enclenché en direction d'une « professionnalisation » des exécutifs locaux ?
Si par professionnalisation on entend plus de travail lié aux nouvelles compétences, oui. Mais les rendez-vous électoraux sont là pour empêcher la pérennisation des fonctions. En politique, il n'y a heureusement pas de CDI !
5 - Quelle appréciation porte l'ARF sur l'évolution, au cours des dernières années, des relations des régions :
- avec l'Etat ?
- avec les départements ?
- avec les communes, intercommunalités,
agglomérations, communautés urbaines ?
- avec les
« pays » ?
L'Etat a beaucoup de mal à se défaire de sa posture jacobine à considérer les régions comme des collectivités majeures. Les relations avec les autres collectivités territoriales sont bonnes, se concrétisent dans l'élaboration et le financement de projets de territoires communs notamment dans le cadre des schémas régionaux.
6 - Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, le « droit à l'expérimentation » est ouvert aux collectivités locales. Quel usage en ont fait jusqu'à présent les régions ?
Aucun.
7 - Quel jugement portez-vous sur l'impact des nouveaux transferts de compétences sur la situation financière des régions ?
Contrairement à ce qu'a toujours dit le gouvernement, les transferts n'ont pas été compensés à l'euro près. La CCEC présidée par Jean-Pierre Fourcade l'a d'ailleurs reconnu. L'audit réalisé à l'automne pour le Forum de la gestion des villes a montré que pour l'année 2006 (pour le transfert des formations sanitaires et sociales et autres), il manque pour les régions 50 millions d'euros. Quel niveau atteindra cette somme l'an prochain quand seront effectifs les autres transferts et notamment ceux des TOS ? Je laisse à un membre éminent de la Haute-Assemblée, M.Eric DOLIGÉ, le dernier mot : la décentralisation « est une bombe financière à retardement » pour les collectivités territoriales, en particulier pour les régions.
Le plus grave est que parallèlement le gouvernement a organisé l'asphyxie des finances des régions. La réforme de la Taxe professionnelle se traduira, d'après DEXIA, par un manque à gagner pour les régions en 2007 de 290 millions d'euros. C'est pourquoi nous appelons au report d'un an de cette réforme afin qu'elle soit prise en compte dans la réforme globale des finances locales que nous appelons de nos voeux.
8 - Quelle est la position de l'ARF sur le cumul des mandats ou le cumul des fonctions électives exécutives ? Des mesures plus radicales d'interdiction des cumuls sont-elles souhaitables ?
Au minimum, il faudrait interdire le cumul entre un mandat de parlementaire et celui d'un exécutif local. Mais cela suppose concomitamment l'élaboration d'un véritable statut de l'élu local (cf réponse à la question n°3).
9 - Quelle est la position de l'ARF dans le débat « démocratie représentative » - « démocratie participative » ?
Je pense que si l'on veut revivifier la démocratie, que change le regard de nos concitoyens sur les élus, que l'envie d'aller voter leur revienne, alors il faut les associer collectivement aux décisions qui les concernent. Aux côtés de la démocratie représentative, il faut mettre en place la démocratie participative. Il n'y a pas d'opposition entre démocratie participative et démocratie représentative. Au contraire, je pense que les élus exerceront mieux leurs responsabilités s'ils sont capables de déléguer aux citoyens une partie des responsabilités.
De nombreuses régions ont mis en place des instances de démocratie participative : conseil régional des jeunes (Limousin), conseil régional des citoyens handicapés et observatoire des attentes (Ile de France), Assises régionales (Auvergne, Bretagne, Pays de la Loire...), budget participatif des lycéens (Poitou-Charentes)
10 - Quel est, selon l'ARF, le mode de scrutin le mieux à même de renforcer le lien entre l'élu et le citoyen (scrutin de circonscription, scrutin de liste ...) ?
Le mode de scrutin actuel est compliqué, le retour à une circonscription régionale unique est à souhaiter.
11 - Quelle appréciation portent les régions sur les mesures existantes ou en cours d'examen tendant à renforcer la parité dans les assemblées délibérantes et les exécutifs locaux ?
L'instauration de la parité dans les assemblées régionales a été une très bonne chose. Le projet de loi visant à instaurer la parité dans les exécutifs municipaux et régionaux va dans le bon sens. On peut toutefois déplorer que ne soient concernés, par ce texte, ni les intercommunalités (qui sont des lieux effectifs de pouvoir), ni les conseils généraux (la création d'un suppléant n'est qu'une demi-mesure).
12 - Beaucoup dénoncent le « mille-feuilles » territorial français. Pour certains, il faudrait renoncer à l'unité de notre système territorial en supprimant, par exemple, les départements dans certaines zones urbanisées où pourraient prévaloir les politiques d'agglomération (Ile-de-France ...). Un consensus s'est établi autour de la modernisation de la carte intercommunale. D'autres préconisent la suppression du « pays » Quelle est la position de l'ARF sur ces sujets ?
Ce n'est pas à l'ARF de décider de la pérennité de tel ou tel échelon. En revanche, la réforme à conduire de manière urgente est la suppression des doublons administratifs entre l'Etat et les collectivités territoriales et entre les collectivités entre elles. Ce sera une source importante d'économies et rendra l'action publique plus efficace.
ASSOCIATION DES MAIRES DE GRANDES VILLES DE FRANCE (AMGVF) |
1 - Qu'est-ce qui a principalement changé, selon vous, dans la vie des grandes villes après la seconde vague de décentralisation (2003-2004) ?
La seconde vague de décentralisation (2003-2004) a apporté relativement peu de changements dans la vie des grandes villes. Outre l'inscription de principes fondateurs ou nouveaux comme la péréquation, l'expérimentation, l'autonomie financière dans la Constitution, la loi d'août 2003 sur les libertés et les responsabilités locales a surtout organisé les nouveaux transferts obligatoires de compétences vers les régions et les départements.
Une seule exception importante -il est vrai- doit être mentionnée, c'est celle de la délégation de l'aide à la pierre qui connaît un réel succès dans les communautés urbaines et les communautés d'agglomération.
2 - Dans la mesure où il est possible de dresser un premier bilan de la décentralisation, pourriez-vous dégager :
- les sujets de satisfaction,
- les motifs d'inquiétude ?
43 % des maires, selon un sondage réalisé à l'occasion du Congrès des Maires 2006, seraient partisans d'une « pause » de la décentralisation. Est-ce l'avis de votre Association ?
Dans la mesure où les grandes villes et les agglomérations ont été peu touchées par la seconde vague de décentralisation, il est difficile de parler de la nécessité d'une pause dans la décentralisation. La dynamique de la décentralisation devrait se poursuivre mais en s'appuyant sur les villes et leurs intercommunalités. Cela est indispensable si l'on veut que les villes et les intercommunalités atteignent le niveau européen et puissent être comparables à leurs homologues allemandes, britanniques, italiennes... Encore faut-il qu'on leur en donne les moyens et que notamment on ne les prive pas de leur ressource la plus évolutive, l'impôt assis sur l'activité économique, la taxe professionnelle.
3 - Qu'est-ce que l'Acte II a changé au niveau du rôle, des missions, du niveau d'activité des exécutifs locaux des villes ? Quelles améliorations statutaires (rémunération, formation, crédits d'heures, possibilités de reconversion) seraient, selon vous, souhaitables, en particulier s'agissant des élus qui viennent du secteur privé ?
La situation des élus qui viennent du secteur privé est difficile depuis longtemps. Un certain nombre d'améliorations ont été apportées. Mais leur situation reste encore précaire. Qu'on le veuille ou non, contrairement à la Fonction publique ou l'évolution des carrières est liée à l'ancienneté, les élus qui retournent dans le secteur privé, une fois leur mandat achevé, se retrouvent dans une situation où ils ont perdu un certain nombre d'années et où il leur est impossible d'accéder à une fonction correspondante à ce quoi ils pourraient prétendre s'ils avaient poursuivi normalement leur carrière.
4 - Jugez-vous qu'un processus irréversible s'est enclenché en direction d'une « professionnalisation » des exécutifs locaux ?
La « professionnalisation » des exécutifs locaux est un fait depuis de nombreuses années. Et ce pour au moins trois raisons. La première tient à la vague de décentralisation où les transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales ont induit un accroissement des tâches à accomplir par les exécutifs locaux. La seconde a trait à la technicisation croissante des tâches à accomplir même si les adjoints ne doivent pas devenir de super « chefs de services ». La troisième provient de l'apparition, dans la pratique, de nouvelles compétences comme la santé, la réussite éducative, la sécurité et la prévention de la délinquance. L'addition de ces trois phénomènes conduit à une « professionnalisation » qui, effectivement, semble irréversible.
5 - Quelle appréciation porte l'AMGVF sur l'évolution, au cours des dernières années, des relations de vos collectivités :
- avec l'Etat ?
- avec les régions ?
- avec les départements ?
- avec les autres communes, agglomérations, communautés urbaines ?
- avec les « pays » ?
Il est difficile de répondre à une question de la sorte. On distingue presque autant de cas particuliers que de situations locales. Quelques tendances néanmoins peuvent se dégager.
Les relations avec les régions, ces collectivités territoriales récentes sont naturellement en plein essor. Il s'agit de plus en plus d'acteurs incontournables, tant à l'échelle de l'Europe et de l'aménagement du territoire que du développement économique. On est, en fait, dans une phase d'apprentissage réciproque où le couple Régions/Grandes Villes et agglomérations apprend à travailler ensemble dans un nombre de plus en plus important de domaines.
Cela ne se fait pas au détriment du département. Là également, la coopération est de plus en plus forte en matière d'action sociale notamment où elle est indispensable. Cela se traduit par la signature de conventions où souvent les grandes villes prennent en charge, par délégation des compétences du ressort du Conseil général.
Il est encore trop tôt pour porter des appréciations sur l'évolution des relations avec les communautés d'agglomération dont les périmètres et les compétences ne sont pas encore totalement stabilisés. A l'inverse les relations avec les communautés urbaines reposent sur des bases solides et anciennes qui permettent de définir clairement « qui fait quoi ».
6 - Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, le « droit à l'expérimentation » est ouvert aux collectivités locales. Quel usage en ont fait jusqu'à présent les villes ?
Le « droit à l'expérimentation » est effectivement une des grandes innovations de la réforme constitutionnelle de 2003. Il a beaucoup intéressé les juristes et les constitutionalistes. De nombreux articles ont été écrits à son sujet. Mais force est de reconnaître que, dans la pratique, il est resté lettre morte. Les grandes communes, comme les autres collectivités territoriales, n'en ont pas fait encore usage. La possibilité de demander à bénéficier d'une délégation -par exemple la délégation des aides à la pierre- a été beaucoup plus utilisée. Il est difficile d'expliquer cette différence. On ne peut que le constater et le regretter. Mais sans doute le dernier mot n'a-t-il pas été dit.
7 - Quel jugement portez-vous sur l'impact des nouveaux transferts de compétences sur la situation financière des villes ?
L'Association des Maires de Grandes Villes de France est naturellement très vigilante sur l'impact des nouveaux transferts de compétences sur la situation des villes et de leurs agglomérations. C'est ainsi que la délégation d'aides à la pierre aux intercommunalités implique de développer des services de l'habitat à même de prendre en charge ces nouvelles responsabilités.
Mais plus encore que le coût de ces nouvelles compétences ce sont les transferts de charge indus de l'Etat qui préoccupent les membres de l'AMGVF, qu'il s'agisse de différents documents administratifs comme les passeports. Enfin et surtout, par-delà les transferts de charges et, par suite, l'augmentation des dépenses, c'est le plafonnement des ressources notamment pour les intercommunalités, de la taxe professionnelle, qui constitue LE problème.
8 - Quelle est la position de l'AMGVF sur le cumul des mandats ou le cumul des fonctions électives exécutives ? Des mesures plus radicales d'interdiction des cumuls sont-elles souhaitables ?
La position de l'AMGVF sur la question du cumul des mandats ou le cumul des fonctions électives exécutives est une question ouverte parmi ses membres. Elle fait débat et il n'y a pas -ou pas encore- de position commune sur ce point. Ce qui prime néanmoins c'est la recherche de l'équilibre et la nécessité de faire entendre la voix de l'urbain là où les décisions politiques se prennent.
9 - Quelle est la position de l'AMGVF dans le débat « démocratie représentative » - « démocratie participative » ?
La position de l'AMGVF dans le débat « démocratie représentative » « démocratie participative » est claire. Les Maires de grandes villes sont ouverts à la participation des habitants aux décisions qu'ils sont amenés à prendre. Ils recourent systématiquement à la consultation des habitants avant toute décision qui engage l'avenir de la cité ou du quartier. Cette concertation est d'ailleurs devenue quasi obligatoire. Mais c'est à partir du projet sur lequel ils ont été élus lors des élections municipales qu'en dernière analyse, ils se déterminent. Dans le débat « démocratie représentative », « démocratie participative », c'est le suffrage universel direct et le vote des électeurs, tel qu'il apparaît dans l'élection qui doivent primer.
10 - Quel est, selon vous, le mode de scrutin le mieux à même de renforcer le lien entre l'élu et le citoyen (scrutin de circonscription, scrutin de liste ...) ?
Pas de réponse.
11 - Quelle appréciation porte l'Association sur les mesures existantes ou en cours d'examen tendant à renforcer la parité dans les assemblées délibérantes et les exécutifs locaux ?
L'Association est favorable aux mesures existantes qui ont été votées tendant à renforcer la parité dans les assemblées délibérantes et les exécutifs locaux. Elle s'est exprimée à plusieurs reprises à cet égard, en particulier par la voie de Fabienne KELLER, sénatrice-maire de la ville de Strasbourg. L'Association était favorable aux mesures prises il y a plusieurs années. Elle est favorable aux dispositions qui viennent d'être adoptées récemment par le Parlement.
12 - Beaucoup dénoncent le « mille-feuilles » territorial français. Pour certains, il faudrait renoncer à l'unité de notre système territorial en supprimant, par exemple, les départements dans certaines zones urbanisées où pourraient prévaloir les politiques d'agglomération (Ile-de-France ...). Un consensus s'est établi autour de la modernisation de la carte intercommunale. D'autres préconisent la suppression du « pays » Quelle est la position de l'AMGVF sur ces sujets ?
Le « mille-feuilles » territorial français résulte peut-être au moins autant des compétences que du nombre de niveaux territoriaux. D'une manière générale, c'est la prudence et le pragmatisme qui doivent ici prévaloir. Il n'est pas sûr que ce soit la suppression pure et simple d'échelons territoriaux qui permette de résoudre les problèmes.
La manière dont l'intercommunalité -et non la supra-communalité- se met en place est un bon exemple sur ce point. Peu à peu les choses bougent et malgré des heurts inévitables elles vont dans le bon sens.
De même, les conventions qui, de plus en plus, sont signées entre les communes et les conseils généraux, permettent de s'adapter aux situations locales sans qu'il soit nécessairement besoin de vouloir supprimer d'un trait de plume les départements.
L'unité du système territorial n'implique pas forcément l'uniformité.
ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE (APVF) |
1 - Qu'est-ce qui a principalement changé, selon vous, dans la vie des petites villes après la seconde vague de décentralisation (2003-2004) ?
L'Acte II de la décentralisation n'a pas véritablement transféré de nouvelles compétences aux communes. Les principaux niveaux de collectivités concernées par ces transferts ont surtout été les régions et les départements. Il est vrai que les communes n'étaient pas demandeuses de nouvelles compétences mais attendaient de cette nouvelle étape de la décentralisation plus de clarté dans la répartition des compétences et dans les relations entre différents niveaux de collectivités.
Pour autant la décentralisation n'a bien évidemment pas été sans conséquence pour les communes et notamment pour les petites villes, car les interactions entre les différentes strates d'administration territoriale et les politiques de contractualisation grandissantes sont telles que les nouvelles compétences accordées à telle ou telle collectivité impactent nécessairement les relations qu'elle entretient avec les autres.
2 - Dans la mesure où il est possible de dresser un premier bilan de la décentralisation, pourriez-vous dégager :
- les sujets de satisfaction,
- les motifs d'inquiétude ?
43 % des maires, selon un sondage réalisé à l'occasion du Congrès des Maires 2006, seraient partisans d'une « pause » de la décentralisation. Est-ce l'avis de votre Association ?
Cette volonté de « pause » exprimée par les maires ne doit pas être interprétée comme une volonté de statu quo, mais plutôt comme le besoin d'un répit dans les transferts de charges. En effet la situation actuelle a suscité de très vives inquiétudes parmi l'ensemble des élus locaux, notamment les maires, comme le dernier maillon de la chaîne territoriale.
L'acte II de la décentralisation a été perçu par nombre d'élus, et par les Français dans leur grande majorité, avant tout comme une vague de transferts de charges aux collectivités locales dont l'Etat ne voulait plus ou ne savait plus comment les supporter. Cela a été particulièrement vrai avec le transfert des personnels TOS aux régions et aux départements, qui n'étaient pas tellement demandeurs, puisque ce transfert s'est traduit par une explosion des charges de personnel de ces collectivités, et aboutit à transformer la nature même de la collectivité régionale qui est passée du statut de collectivité de mission à celui d'une collectivité de gestion.
L'inquiétude est donc principalement financière, car contrairement aux engagements qui ont été pris, la compensation de ces transferts n'a pas toujours été faite « à l'euro près » pour reprendre l'expression consacrée. Et le changement de certaines règles du jeu, - je pense notamment à la réforme des règles d'indemnisation des chômeurs qui a abouti à accroître le nombre de rmistes - , a encore aggravé cette situation. Ce qui devait donc être la mère des réformes selon le Premier ministre de l'époque, M. Jean-Pierre RAFFARIN, a abouti à une grave crise de confiance entre l'Etat et les collectivités locales.
Les communes, et tout particulièrement les petites villes, sont elles aussi indirectement concernées par l'insuffisance de ces transferts financiers, car elles demeurent très dépendantes des départements et des régions pour le financement de leurs politiques d'investissement. L'inquiétude est donc grande de voir ces deux niveaux de collectivités contraintes de se recentrer sur leurs missions obligatoires et de réduire leur soutien financier aux communes. Il y a là un risque d' « effet domino » particulièrement préoccupant pour les maires.
D'après une enquête que nous avons réalisée auprès des maires des petites villes de France au cours de l'été 2006, plus de 91,7% des élus interrogés estiment d'ailleurs que l'entrée en vigueur de l'acte II de la décentralisation entraîne une dégradation de la situation financière des collectivités locales. Et 93,8% d'entre eux craignent que les régions et les départements ne soient contraints de réduire leur soutien financier aux communes.
3 - Qu'est-ce que l'Acte II a changé au niveau du rôle, des missions, du niveau d'activité des exécutifs locaux des villes ?
Comme il l'a été dit précédemment, l'acte II à proprement parler a eu assez peu de conséquences directes sur les champs de compétence des communes. Pour autant, nous constatons depuis plusieurs années une tendance très nette à l'alourdissement des responsabilités des communes, dans des domaines majeurs comme l'action sociale, la prévention de la délinquance, la gestion des risques, etc.
Au delà de ces aspects « conjoncturels », le contexte dans lequel évoluent désormais les élus locaux est caractérisé par une dynamique de transformation à plusieurs facettes, comme l'APVF la montré dans notre Livre blanc « Veut-on des élus locaux en 2008 ? »
Nous faisons le constat d'une évolution progressive mais irréversible de la gouvernance locale. L'époque où le « maire-notable » administrait sa commune en « bon père de famille » est bel et bien révolue. Alors que la société civile se structure et s'organise (associations, groupes de pression), les élus des petites villes doivent faire face à l'irruption de nouveaux acteurs dans le champ de la gouvernance locale. Si la parole des citoyens est davantage sollicitée, comme en témoigne la formidable éclosion des instances de concertation et de participation des habitants, les citoyens-électeurs attendent également de leurs élus davantage d'implication au service de leurs préoccupations quotidiennes et du développement de leur commune.
Dans la même optique, la gestion contractuelle et partenariale des politiques publiques, qui devient le nouveau modus operandi des politiques locales, sollicite davantage les élus, en termes de temps et de compétence, étant donné ses phases souvent intenses et complexes de négociation et d'arbitrage.
Par ailleurs, la fonction d'élu change de nature. Les responsabilités qu'exerce le maire d'une petite ville en 2006 sont sans commune mesure avec celles qu'il assumait trente ans plus tôt. Les deux vagues de décentralisation (1982 et 2004), comme l'émergence des intercommunalités ou des territoires de projet (Pays) font désormais des élus les pilotes d'une action publique complexe, exigeante, soucieuse de répondre à des demandes sociales toujours croissantes et de promouvoir l'image d'un territoire dans un contexte de plus en plus « concurrentiel ».
Nous assistons enfin à une explosion des modes de régulation juridiques au détriment des modes de régulation politiques. Le développement sans précédent des normes et règlementations (sous l'effet simultané des encadrements communautaires et des pressions sociales) a conduit à une diffusion massive des régulations de type juridique au détriment des régulations plus politiques : les évolutions constantes du code des marchés publics, la recherche systématique d'une responsabilité institutionnelle et le développement des batailles procédurières émanant des associations et groupements d'intérêt locaux constituent les différents symptômes d'un même mouvement de fond qui rendent nécessaire une gestion active des risques par les exécutifs locaux. Le maire ne peut désormais plus se contenter d'être dévoué, il doit être aussi compétent, disponible et s'entourer de personnes qualifiées.
Quelles améliorations statutaires (rémunération, formation, crédits d'heures, possibilités de reconversion) seraient, selon vous, souhaitables, en particulier s'agissant des élus qui viennent du secteur privé ?
Face à un tel défi, force est de constater que les conditions d'exercice des mandats locaux, loin de suivre le mouvement, ont plutôt eu tendance à se dégrader depuis quelques années. Le statut de l'élu, pour autant que l'on puisse employer ce terme, tel qu'il se présente à l'heure actuelle est extrêmement précaire : très lourdes difficultés à concilier mandat, activité professionnelle et vie personnelle, forte exposition au risque juridique, difficultés à recruter un encadrement performant, réinsertion professionnelle aléatoire... Outre l'absence de la sécurité matérielle et professionnelle la plus élémentaire, cette addition d'obstacles conduit inéluctablement à un scénario inacceptable : celui d'élus locaux recrutés essentiellement parmi les retraités, les hommes et les fonctionnaires.
Si nous souhaitons une classe politique renouvelée, diversifiée, davantage à l'image de notre société, il est urgent de prendre des mesures destinées à favoriser, dans les actes, l'égalité d'accès aux mandats locaux.
Nous avons fait de nombreuses propositions en ce sens dans notre Livre blanc de 2005, mais nous n'en présenterons ici que les plus significatives :
- Clarifier la responsabilité juridique des élus : Aux termes de la loi Fauchon du 10 juillet 2000, l'élu doit, pour être mis en cause pénalement, avoir conscience d'exposer autrui à un risque dramatique. Or, une jurisprudence récente tend à rendre le maire systématiquement responsable. Il est urgent d'appeler à l'application stricte de la loi, qui permette de trouver un juste équilibre entre la pleine responsabilité de l'élu et une meilleure sécurité juridique.
- Faciliter les passerelles entre vie politique et vie professionnelle : Dans une société où la mobilité des emplois s'accroît, l'activité d'élu local doit pouvoir s'inscrire comme une étape dans un parcours professionnel évolutif, au risque sinon d'en exclure des pans entiers du monde professionnel. C'est pourquoi nous devons oeuvrer pour la mise en place de véritables formations de validations des acquis à l'issu du mandat ainsi que pour la création d'un fonds d'aide à la création d'entreprise destiné aux élus sortants.
- Créer un droit d'accès à un cycle court de formation pour les élus accédant pour la première fois à des fonctions électives locales :. La complexification des politiques publiques locales pose de manière très concrète la question de l'accès aux compétences pour les élus, et en particulier pour ceux des collectivités les plus petites. Si la loi du 3 février 1992 a créé un droit à la formation des élus, celui-ci n'est concevable que sur la durée d'un mandat, dans la limite de trois journées de formation par an. Or, les besoins de formation en début de mandat pour les nouveaux élus sont la plupart du temps considérables. Permettre l'accès à des cycles intensifs de formation (avec ouverture des crédits d'heure correspondant) serait donc un moyen efficace et juste pour permettre aux nouveaux élus de faire face aux nombreuses responsabilités que confère la fonction exécutive locale.
- Rembourser aux employeurs de l'équivalent horaire du temps que les salariés élus locaux ne consacrent pas à leur activité professionnelle du fait de l'exercice de leur mandat (à l'instar de ce qui se pratique en Italie). Ce remboursement s'effectuerait sur la base du coût réel des ces absences, dans la limite de la base 100% de l'indice 1015 de la fonction publique.
- Renforcer le dispositif de remboursement des frais pour garde d'enfants ou de personnes dépendantes . L'APVF souhaiterait que les remboursements de dépenses d'assistance à personnes à domicile soient ouverts à tous les élus locaux, et non aux seuls élus ne percevant pas d'indemnité de fonction. Cette distinction n'a en effet pas lieu d'être quand on considère le faible niveau moyen d'indemnisation des élus des petites villes.
- Mettre fin au mythe du bénévolat des fonctions électives : Le maire d'une ville de 10 000 habitants gère, en moyenne, 15 millions d'euros de budget, dirige 200 agents et consacre plus de 50 heures hebdomadaires à ses fonctions. Il reçoit en contrepartie une indemnité comprise entre 1 372 et 2 074 euros nets par mois. Dans la transparence et la clarté, il est donc grand temps d'adapter la rémunération des élus locaux (maires et adjoints) aux responsabilités qu'ils exercent, à des conditions comparables à celles de cadres du public ou du privé.
4 - Jugez-vous qu'un processus irréversible s'est enclenché en direction d'une « professionnalisation » des exécutifs locaux ?
C'est un fait : les maires de petites villes, qui sont à la tête d'administrations communales importantes (une ville de 10 000 habitants emploie 150 agents et gère un budget de 10 millions d'euros en moyenne), et qui assument de nombreuses missions de solidarité et de proximité, sont aussi de véritables managers d'équipes aux profils et aux compétences très variés. Une telle évolution relève de facto d'une certaine professionnalisation des fonctions exécutives locales.
La classe politique comme l'opinion publique ont souvent tendance à refuser ce terme de « professionnalisation », au motif que, a priori , l'élu doit être un amateur qui consacre du temps à sa collectivité. Toutefois, cette définition est de moins en moins compatible avec la réalité.
Il faut toutefois nuancer ce constat dans la mesure où nous remarquons aussi que la professionnalisation recouvre, notamment pour les élus des petites villes, une multitude de cas. Entre les professionnels et les amateurs de la politique, de nombreuses personnes se consacrent à leur mandat tout en exerçant une activité professionnelle.
5 - Quelle appréciation porte l'APVF sur l'évolution, au cours des dernières années, des relations de vos collectivités :
- avec l'Etat ?
- avec les régions ?
- avec les départements ?
- avec les autres communes, agglomérations, communautés urbaines ?
- avec les « pays » ?
S'agissant de nos relations avec l'Etat, même si celles-ci sont tendues quels que soient les gouvernements et les majorités qui se succèdent, force est de constate,r qu'au cours des dernières années, de multiples sujets de malentendus et d'incompréhensions se sont accumulés. D'une part, plusieurs réformes en matière financière ont été engagées sans réelle concertation avec les élus et leurs associations représentatives, et même contre les avis unanimes de ces dernières. On pense avant tout à la réforme de la taxe professionnelle, dont les conséquences risquent d'être particulièrement douloureuses pour un certain nombre de collectivités. Nous avons également assisté, à travers divers rapports parlementaires, à un procès fait à la gestion des collectivités locales qui n'est plus acceptable.
La mise en cause de la gestion locale est d'autant plus mal ressentie par les élus locaux, que la situation financière des collectivités locales est autrement plus saine que celle de l'Etat. Faut-il rappeler que lorsqu'elles s'endettent, c'est uniquement pour financer des dépenses d'investissement ?
Nous avons conscience aujourd'hui que, dans l'intérêt de chacun, il faut sortir de cette situation malsaine et rétablir les conditions d'un partenariat confiant entre l'Etat et les collectivités locales. Nous en appelons donc à un véritable « dialogue territorial » à l'instar du dialogue social prôné par le Président de la République, qui permette une réelle concertation en amont de toute décision impactant financièrement les collectivités locales. La mise en place d'une Conférence territoriale réunissant l'Etat et les représentants des collectivités locales devrait permettre de refonder ces relations et de passer d'une logique de simple information a posteriori, à un réel partenariat fondé sur le respect des uns et des autres. Il faut passer d'une décentralisation dans les textes à une décentralisation dans les têtes.
Avec les régions et les départements nous entretenons des relations relativement bonnes, même si nous avons la crainte de voir leur soutien financier aux projets d'investissement des communes se réduire à l'avenir. Par ailleurs il faut veiller à ce que l'émergence des blocs de compétence et la désignation de chefs de file, nécessaires à l'efficacité des politiques publiques locales ne se traduisent par l'émergence d'une nouvelle forme de tutelle entre collectivités.
S'agissant de l'intercommunalité, nous sommes pour le coup dans une vraie logique de partenariat car communes et intercommunalités ne forment en réalité qu'un seul niveau territorial. Nous sommes ici dans un duo et non un duel. D'ailleurs, le bilan de l'intercommunalité que dressent les maires est très largement positif. Nous avons réalisé une enquête auprès des maires des petites villes de France qui indique qu'une très large majorité des élus interrogés (77 %) jugent positif ou très positif l'impact de l'intercommunalité sur la qualité du service rendu au citoyen. Le bilan est plus nuancé sur la réduction des coûts rendue possible par l'intercommunalité car celle-ci est perçue non comme une politique de réduction des coûts mais comme une stratégie d'investissement dans des politiques nouvelles.
S'agissant enfin des pays, nous ne sommes pas favorables à leur suppression, mais il faut veiller à ce qu'ils restent des territoires de projets et à ne pas institutionnaliser un nouvel échelon administratif.
6 - Depuis la réforme constitutionnelle de 2003, le « droit à l'expérimentation » est ouvert aux collectivités locales. Quel usage en ont fait jusqu'à présent les villes ?
Le droit à l'expérimentation devait être l'une des grandes innovations qualitatives de l'acte II de la décentralisation, car ces expérimentations devaient permettre à la fois de bien évaluer le niveau de collectivité le plus pertinent pour tel ou tel transfert de compétence et de sortir d'une vision uniforme de la décentralisation en considérant que ce qui est pertinent sur un territoire donné ne l'est pas forcément ailleurs. Mais force est pourtant de constater que sauf quelques exceptions notables, comme pour la gestion des fonds structurels par exemple, l'expérimentation reste encore très peu utilisée, ce qui est regrettable. Il faut reconnaître qu'en la matière la barrière culturelle est peut-être parfois la plus difficile à franchir.
7 - Quel jugement portez-vous sur l'impact des nouveaux transferts de compétences sur la situation financière des villes ?
Les transferts de compétences n'impactent pas directement les petites villes, mais indirectement à travers les régions et les départements. Pour autant, les communes, et notamment les petites villes, ont dû faire face au cours des dernières années à la multiplication de certains transferts de charges dissimulés.
On peut citer ainsi plusieurs exemples de dépenses imposées aux collectivités locales au cours des dernières années.
Cartes nationales d'identité et passeports :
Les communes doivent aujourd'hui assumer la prise en charge et le suivi des demandes des cartes nationales d'identité et de passeport, qui sont transmises aux préfectures, sans que cette charge nouvelle imposée aux communes ne leur soit compensée, alors qu'elle mobilise plusieurs agents. NB : La commune de Buxerolles (9.200 habitants) a ainsi évalué le coût de cette charge à 33.202 euros pour la période 2002-2005 dont elle réclame aujourd'hui le remboursement à l'Etat. La Cour administrative d'appel de Lyon vient d'ailleurs de donner raison à la ville de Villeurbanne qui réclamait à l'Etat le remboursement des frais de personnel engagés pour assumer cette mission imposé par décret.
Un rapport présenté le 18 octobre dernier au Sénat par Henri de RAINCOURT sur la maîtrise des dépenses des Préfectures mettait ainsi en avant que l'externalisation de certaines tâches, comme le transfert de la gestion des cartes d'identité et des passeports aux communes, avait contribué à réduire les coûts de fonctionnement des services déconcentrés de l'Etat. En agissant ainsi l'Etat transfère une charge mais ne contribue aucunement à réduire le niveau global de la dépense publique.
Instructions des demandes de permis de construire
La loi libertés et responsabilités locales a supprimé l'assistance gratuite des DDE dans l'instruction des demandes de permis de construire pour les communes de plus de 10.000 habitants (malgré un amendement de l'APVF adopté à l'unanimité contre l'avis du gouvernement mais supprimé au moment de l'adoption du texte par le 49-3).
Les petites villes de 10.000 à 20.000 habitants - qui avaient quasiment toutes recours à cette assistance - ont dû recruter jusqu'à deux équivalents temps plein, sans compensation, puisque d'un point de vue strictement juridique la compétence avait déjà été transférée en 1982-83.
Suppression du lundi de Pentecôte
La suppression du lundi de Pentecôte comme jour férié a obligé les communes à payer 0,3% de cotisation supplémentaire pour leurs salariés sans que l'ouverture des locaux un jour de plus ne leur procure un euro supplémentaire.
Transferts police-gendarmerie
A l'occasion du transfert police-gendarmerie, certaines compétences exercées par les policiers ne l'étant plus par les gendarmes (pose de bracelets funéraires, circulation à la sortie des écoles...) les communes ont dû prendre le relais, à leur charge financière bien évidemment.
Face à cette hausse prévisible de leurs dépenses, les petites villes constatent la remise en cause d'un certain nombre de ressources pourtant essentielles pour leurs projets de développement.
TP-TFNB
Au cours des dernières années, la réforme de la taxe professionnelle et de la taxe sur le foncier non bâti ont abouti à une remise en cause de l'autonomie fiscale des collectivités locales qui touche diversement les collectivités selon leur tissu économique. Ainsi les petites villes où le secteur industriel par rapport au secteur des services est proportionnellement plus important que dans les grandes agglomérations sont davantage pénalisées par cette réforme.
Contrat de croissance et de solidarité
L'indexation des dotations à une part de la croissance, engagée sur une période triennale par le gouvernement JOSPIN a depuis lors été reconduite chaque année mais est régulièrement remise en cause. A l'occasion de la Conférence nationale des finances publiques, il a ainsi été évoqué une sortie progressive de ce contrat sur trois ans, alors même que les collectivités locales contribuent de manière importante au soutien à la croissance à travers leurs investissements qui représentent 70% des investissements publics en France.
Fonds structurels
S'agissant des fonds structurels européens, l'APVF craint que la répartition future des fonds structurels et la part destinée aux territoires infra-régionaux exclut de facto les petites villes des futures programmations. La tentation semble forte en effet pour l'Etat de substituer les fonds européens aux crédits de l'Etat, notamment pour financer la démarche des « pôles de compétitivité » et le plan de cohésion sociale.
8 - Quelle est la position de l'APVF sur le cumul des mandats ou le cumul des fonctions électives exécutives ? Des mesures plus radicales d'interdiction des cumuls sont-elles souhaitables ?
Notre association n'a pas pris de position officielle sur le sujet, dans la mesure où nombre de maires de petites villes sont concernés par ces situations de cumul, étant donné la précarité de leur statut d'élu municipal. Sur ce sujet, il faut faire preuve de bon sens : les indemnités des maires français sont bien inférieures à celles des maires des zones urbaines britanniques ou allemandes. En l'état actuel des choses, c'est la faiblesse des indemnités - et l'absence de sécurité en termes de statut - qui sert à justifier le cumul des mandats. Si la loi autorise l'exercice de deux mandats, dans les faits, il « faut » souvent avoir deux mandats.
Le meilleur moyen de lutter contre le cumul des mandats est donc à notre sens de moderniser profondément les conditions d'exercice des mandats locaux, ce qui permettrait aux élus locaux qui le souhaitent de se consacrer totalement à leur mandat municipal et d'ouvrir ainsi plus largement qu'aujourd'hui l'accès aux fonctions électives.
9 - Quelle est la position de l'APVF dans le débat « démocratie représentative » - « démocratie participative » ?
Les maires des petites villes n'ont pas attendu l'émergence de ce débat souvent très médiatique pour repenser leurs pratiques politiques et leurs rapports avec les citoyens. Le temps de l'élu qui décide seul d'un projet, en se contentant d'informer la population, est fini. Non seulement parce que nous traversons un contexte de crise de confiance vis-à-vis de la représentation politique, même si les maires sont quelque peu épargnés, mais aussi et surtout parce que les dynamiques de développement territorial ont aujourd'hui besoin d'être construites, approuvées et portées par un grand nombre d'acteurs, pour être efficaces.
Nos élus sont en général très demandeurs de réflexions et d'échanges d'expériences sur cette thématique de la démocratie participative, ce qui nous a notamment conduit à organiser une formation spécifique pour les élus et les collaborateurs de cabinet sur ce sujet. Nous avons pu constater à cette occasion que dans leurs discours comme dans leurs pratiques, les élus des petites villes ne s'en tiennent plus à l'opposition stérile entre démocratie représentative et démocratie participative, mais les conçoivent de façon complémentaire. La démocratie participative n'est en effet pas seulement une forme de gouvernement de la cité, c'est aussi un vecteur de socialisation et de mobilisation des habitants. Elle est devenue aujourd'hui « irrésistible » car elle est un fait culturel.
Dans ce contexte, l'enjeu fondamental est moins de polémiquer sur l'opportunité de la participation que de bien fixer les conditions et les missions assignées à ces dispositifs participatifs en rappelant que la décision ne peut relever in fine que de l'assemblée élue au suffrage universel, au risque sinon de stimuler les phénomènes de type NIMBY ( Not in my backyard / Pas dans mon jardin) et de remettre en cause les fondements de notre démocratie locale.
10 - Quel est, selon vous, le mode de scrutin le mieux à même de renforcer le lien entre l'élu et le citoyen (scrutin de circonscription, scrutin de liste ...) ?
Tout dépend de quelle élection on parle. Tout le monde s'accorde pour dire que le mode de scrutin actuel qui prévaut dans les villes de plus de 3.500 habitants est la garantie d'un lien fort entre le maire, son conseil municipal et les citoyens. Non pas parce qu'il s'agit d'un scrutin de liste, mais parce que le ressort territorial, à savoir la commune, est très bien identifié par les citoyens, étant dépositaire d'une véritable identité locale.
De manière plus générale, on constate que les scrutins de liste sur de grands ressorts territoriaux, à l'instar des circonscriptions interrégionales ponctuellement créées pour les élections européennes de 2004, ont tendance à éloigner les élus des citoyens et à créer des élites politiques a-territoriales. Or, l'association mentale de l'élu à un territoire est aujourd'hui le meilleur gage de proximité démocratique.
Pour autant, il faut aussi prendre en compte le fait que les scrutins uninominaux de circonscriptions permettent un moindre renouvellement de la classe politique. C'est le cas des Conseils généraux dont la composition est moins jeune et moins féminisée que les autres assemblées locales, nationales et européennes. Il y a donc un équilibre à trouver entre l'attente légitime d'un lien fort entre l'élu, d'un côté, et un ressort territorial, de l'autre côté, et la nécessité de modes de scrutin qui ne « verrouillent » pas la représentation politique locale.
11 - Quelle appréciation porte l'Association sur les mesures existantes ou en cours d'examen tendant à renforcer la parité dans les assemblées délibérantes et les exécutifs locaux ?
L'APVF approuve la démarche qui a inspiré le gouvernement, et qui s'inscrit dans la suite logique de la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives, tout en regrettant que l'intercommunalité ait été tenue à l'écart de cette démarche paritaire.
Les maires des petites villes ont toutefois tenu à attirer l'attention du gouvernement et des parlementaires sur le côté inachevé des dispositions d'un texte de loi qui ne se saisirait pas en même temps de la question de la modernisation des conditions d'exercice des mandats locaux. Dans ce domaine, comme nous l'avons vu, la technicisation et la judiciarisation croissantes de la gestion locale, la croissance des demandes sociales et l'exigence de disponibilité accrue changent la donne pour les élus locaux. Cela sera encore plus vrai pour les femmes qui accèderont demain à des fonctions exécutives locales et qui ne sauraient être cantonnées dans des attributions relevant de compétences secondaires. Ce serait là un bien mauvais service rendu à la juste cause de la parité en politique.
L'APVF appelle donc le gouvernement, le législateur et les partis politiques à une prise de conscience bien avant les élections municipales du printemps 2008 sur l'urgence de nouvelles avancées en matière de statut de l'élu local. A cette fin, M. Martin MALVY vient d'écrire au Ministre de l'Intérieur et aux présidents des groupes parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi qu'aux principaux partis politiques pour leur présenter les propositions de l'APVF qui pourraient être prises avant la fin de la législature dans le domaine des conditions d'exercice des mandats locaux.
Il s'agit notamment :
- Du remboursement aux employeurs de l'équivalent horaire du temps que les salariés élus locaux ne consacrent pas à leur activité professionnelle du fait de l'exercice de leur mandat ;
- De l'élargissement du dispositif de remboursement des frais pour garde d'enfants ou de personnes dépendantes à l'ensemble des élus locaux, et non plus aux seuls élus ne percevant pas d'indemnité de fonction ;
- De la création d'un droit d'accès à un cycle de formation pour les élus accédant pour la première fois à des fonctions électives locales.
12 - Beaucoup dénoncent le « mille-feuilles » territorial français. Pour certains, il faudrait renoncer à l'unité de notre système territorial en supprimant, par exemple, les départements dans certaines zones urbanisées où pourraient prévaloir les politiques d'agglomération (Ile-de-France ...). Un consensus s'est établi autour de la modernisation de la carte intercommunale. D'autres préconisent la suppression du « pays ». Quelle est la position de l'APVF sur ces sujets ?
Les débats sur la suppression de tel ou tel échelon de collectivité est un débat ancien et sans fin. Il a encore de beaux jours devant lui. En réalité, le vrai débat doit moins porter sur le nombre d'échelons territoriaux, ni même sur le nombre de collectivités dans leur ensemble, mais bien davantage sur leur capacité à travailler en partenariat et leur adéquation avec les réalités locales. Comment voudriez-vous supprimer la centaine de départements français alors que ces derniers exercent des compétences essentielles dans le domaine de l'action sociale et que l'Etat vient de leur transférer la gestion des routes nationales ?
A ces visions dogmatiques, il faut privilégier une approche plus pragmatique des choses. La fusion des communes dans les années 70 s'est révélée être un échec car elle ne tenait pas compte de l'attachement quasi-sentimental des Français à leur commune, premier échelon de démocratie locale. Nous avons trop besoin de cette proximité et du rôle que joue le maire auprès de nos concitoyens pour s'en priver. La « révolution territoriale » qu'a constituée la coopération intercommunale dopée par les lois JOXE et CHEVÈNEMENT dans les années 90, est beaucoup plus intéressante de ce point de vue, même si ce mouvement, encore jeune, reste à parfaire dans certains domaines.
La proposition formulée par certains élus, notamment au sein de l'Institut de la décentralisation, visant à coupler l'action du département et des grandes communautés urbaines ou d'agglomération dans les départements les plus urbains, est une approche également intéressante car plus en rapport avec les réalités locales. Il s'agit d'une idée particulièrement innovante dont il faut néanmoins ne pas ignorer la difficulté de mise en oeuvre dans un pays qui garde le culte de l'uniformité et du « jardin à la française ». Mais c'est une piste qu'il faut explorer, et pour laquelle on peut imaginer des expérimentations.
Sortir du « mille-feuilles » territorial exige enfin qu'on passe à un Acte III de la décentralisation, qui ne se traduise pas par de nouveaux transferts de compétences mais par une rationalisation des transferts précédents dans un souci de plus grande lisibilité des compétences.
B - AUDITIONS DU RAPPORTEUR
Association des Régions de France (ARF)
- M. Alain ROUSSET , Président ;
- M. François LANGLOIS , Délégué général ;
Assemblée des Départements de France (ADF)
- M. Michel LEZEAU , Conseiller général (UMP) d'Indre-et-Loire, Membre du collège associé restreint, siégeant au Bureau ;
- M. Marcel ROGEMONT , Conseiller général (SOC) d'Ille-et-Vilaine, Membre du collège associé restreint, siégeant au Bureau ;
Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d'Industrie (ACFCI)
- M. André MARCON , Premier Vice-président, Président de la Chambre régionale d'Auvergne ;
- Mme Catherine MERCIER , Directrice des politiques territoriales ;
DIACT (Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires)
- Mme Sylvie ESPARRE , Directrice.