Rapport d'information n° 239 (2006-2007) de MM. Jacques VALADE , Ambroise DUPONT , Ivan RENAR , Yannick BODIN , Pierre BORDIER , Mme Colette MÉLOT et M. David ASSOULINE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 14 février 2007
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INTRODUCTION
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I. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
AMÉRICAIN : UN MODÈLE CÉLÉBRÉ MAIS
CEPENDANT MAL CONNU
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A. UN SYSTÈME DÉCENTRALISÉ AUX
ANTIPODES DE L'ORGANISATION FRANÇAISE
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B. UN SYSTÈME MARQUÉ PAR LA
DIVERSITÉ, L'AUTONOMIE ET LA COMPÉTITION
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C. UN SYSTÈME ÉDUCATIF
CONFRONTÉ À DE NOUVEAUX DÉFIS
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A. UN SYSTÈME DÉCENTRALISÉ AUX
ANTIPODES DE L'ORGANISATION FRANÇAISE
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II. UNE ACTION CULTURELLE ÉCLATÉE
ENTRE DE MULTIPLES ACTEURS
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A. LE RÔLE OSTENSIBLEMENT MODESTE DES
POUVOIRS PUBLICS
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B. LES DEUX PILIERS DE L'ACTION CULTURELLE :
LA PHILANTHROPIE ET LA FISCALITÉ
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1. La politique fiscale : le véritable
levier de la politique de soutien public à l'action culturelle
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2. Un mode de fonctionnement original
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3. Des formes intéressantes de partenariat
public/privé
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4. Les partenariats publics/privés :
un levier pour le développement de la coopération culturelle,
scientifique et technique franco-américaine
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1. La politique fiscale : le véritable
levier de la politique de soutien public à l'action culturelle
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A. LE RÔLE OSTENSIBLEMENT MODESTE DES
POUVOIRS PUBLICS
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I. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
AMÉRICAIN : UN MODÈLE CÉLÉBRÉ MAIS
CEPENDANT MAL CONNU
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ANNEXE - PROGRAMME DE LA MISSION
SÉNATORIALE
N° 239
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 14 février 2007 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) à la suite d'une mission effectuée aux États-Unis du 12 au 20 septembre 2006,
Par MM. Jacques VALADE, Ambroise DUPONT, Ivan RENAR, Yannick BODIN, Pierre BORDIER, Mme Colette MÉLOT, M. David ASSOULINE,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean-Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Robert Tropéano, André Vallet, Jean-François Voguet.
États-Unis. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La commission des affaires culturelles a décidé, en 2006, d'envoyer une délégation de ses membres aux Etats-Unis pour étudier deux thèmes particuliers, en rapport avec ses compétences, de façon à apporter l'éclairage d'un exemple étranger dans deux débats qui sont aujourd'hui au coeur de l'actualité politique.
L'organisation de l'enseignement supérieur constitue le premier de ces thèmes.
Plus personne ne conteste aujourd'hui que l'efficacité de l'enseignement supérieur, son aptitude à former une main d'oeuvre qualifiée et à contribuer à l'effort de recherche, soit un paramètre décisif dans la compétition économique mondiale, et que ce soit dans la « matière grise » que réside aujourd'hui la nouvelle richesse des Nations.
Cette prise de conscience partagée conduit aujourd'hui de nombreux Etats à engager une réflexion sans complaisance sur les forces et les faiblesses de leur système d'enseignement supérieur. La France, qui a commencé, avec la loi de programme du 18 avril 2006, à rénover l'organisation de son système de recherche, ne doit pas se soustraire à cet effort d'évaluation générale et critique, auquel le rapport de la commission sur l'économie de l'immatériel présidée par MM. Levy et Jouyet vient d'apporter une contribution très remarquée.
Dans cette perspective, une étude du système américain de l'enseignement supérieur présente un triple intérêt.
Son organisation est, en premier lieu, radicalement différente de la nôtre. Là où notre système, étroitement contrôlé par l'Etat, ne laisse aux universités qu'une autonomie limitée, les Etats-Unis laissent aux mécanismes du marché le soin de réguler un système où les universités et les établissements disposent d'une entière liberté dans le recrutement de leurs professeurs, dans la sélection de leurs étudiants et jusque dans la collation des diplômes.
En second lieu, sa réussite est incontestable, et ses universités les plus prestigieuses, généralement de statut privé, jouissent d'un prestige que confirment avec régularité les classements internationaux. De nombreuses voix en France, et notamment le rapport précité de MM. Lévy et Jouyet, nous invitent régulièrement à nous inspirer davantage de ce modèle.
Enfin, ce système est confronté à des défis proches des nôtres : promouvoir la qualité de ses filières d'excellence, sans laisser sur le bord de la route les catégories moins favorisées, et notamment les minorités ethniques qui, du fait des pesanteurs sociales, se détournent de l'enseignement supérieur. Il est significatif à cet égard, que les Etats-Unis eux-mêmes ne se dispensent pas de l'effort d'autocritique auquel sont astreints les Etats aujourd'hui. Par une heureuse coïncidence de calendrier, c'est à peu près au moment du passage de la mission sénatoriale que la commission présidée par la Secrétaire d'Etat à l'éducation, Margaret Spellings, a présenté des conclusions très critiques sur les insuffisances et les lacunes du système américain.
Le second thème portait sur l'organisation des musées et des établissements culturels, et notamment la façon dont leur financement associe fonds publics et contributions privées, ces dernières étant particulièrement généreuses sous l'impulsion d'une législation fiscale très favorable.
Le contexte budgétaire actuel qui impose une gestion rigoureuse de la dépense publique, constitue une invitation pressante, en France, à développer aux côtés des financements publics de l'Etat et des collectivités territoriales, le recours à des fonds privés. L'adoption de la loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations a constitué un premier pas important en ce sens, et plusieurs dispositions législatives sont venues, depuis, compléter et enrichir son dispositif.
La très grande expérience dont disposent les institutions culturelles américaines en matière de collecte de fonds - fundraising - peut sans nul doute contribuer à notre réflexion.
La délégation tient à remercier l'ensemble des interlocuteurs qu'elle a rencontrés, pour la qualité de leur accueil et de leurs explications, ainsi que les services de l'Ambassade de France, qui ont apporté une contribution décisive au bon déroulement de ce déplacement, et tout particulièrement, M. Jean-David Levitte, ambassadeur de France aux Etats-Unis, M. François Delattre, consul général à New York, et M. François Gauthier, consul à Boston.
I. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AMÉRICAIN : UN MODÈLE CÉLÉBRÉ MAIS CEPENDANT MAL CONNU
Souvent présenté comme modèle, le système américain d'enseignement supérieur est à la fois célèbre et mal connu.
Sa notoriété internationale tient, en grande partie, à une poignée de très prestigieuses universités dont le rayonnement se mesure par un nombre impressionnant de prix Nobel, de dépôts de brevets et de publications dans les grandes revues scientifiques.
L'évaluation à laquelle a récemment procédé l'université de Shanghai est venue apporter une nouvelle confirmation de cette prééminence, et quelque contestables que puissent souvent paraître ses méthodes et ses critères, le fait que, sur les vingt premières universités citées, dix-sept soient américaines, doit retenir toute notre attention.
Ce serait toutefois une erreur, parce que le prestige de ces grands établissements parvient seul jusqu'à nous, de juger l'ensemble du système américain d'enseignement supérieur à l'aune de ces seuls « fleurons ». Une vision trop sélective risquerait d'accréditer l'image fausse, car partielle, d'un système principalement constitué d'universités privées, très concurrentiel et exclusivement élitiste. La réalité est autrement plus complexe.
S'il est vrai qu'une partie des établissements américains est en effet privée, puisque le système est mixte, le secteur public reste majoritaire aux Etats-Unis, la répartition des enseignants et des professeurs étant d'environ 75 % dans les établissements publics contre 25 % dans le privé 1 ( * ) .
En outre, l'enseignement supérieur américain n'est pas composé uniquement de grandes universités, il présente au contraire une très grande variété d'établissements qui répondent à des besoins très différents et proposent une grande diversité de niveaux et de genres de formation.
Soucieuse d'appréhender le système dans sa complexité et sa variété, la mission sénatoriale s'est attachée à visiter des établissements caractéristiques de cette diversité. Elle s'est donc successivement rendue :
- dans les universités du MIT et de Harvard , qui, dans des genres très différents, constituent des illustrations du système d'excellence américain ;
- à « l'université de New York » ( City University of Harlem ) et à l'université noire de Howard à Washington, qui, tout en pouvant prétendre à un haut niveau d'excellence, ont une vocation marquée en matière d'intégration des minorités moins favorisées et en particulier des minorités ethniques sous-représentées ;
- les community colleges de Bunker Hill à Boston et de La Guardia à New York qui proposent des cycles courts.
La venue aux Etats-Unis de la délégation sénatoriale a coïncidé, à quelques jours près, avec la parution du rapport de la commission présidée par Margaret Spellings qui s'est livrée à une analyse sans concession du système d'enseignement supérieur américain, de ses forces, de ses faiblesses et des efforts qu'il devait réaliser pour faire face à une compétition internationale accrue.
A. UN SYSTÈME DÉCENTRALISÉ AUX ANTIPODES DE L'ORGANISATION FRANÇAISE
Le système d'enseignement supérieur américain est, dans sa conception et son organisation, très différent du système français. Il comporte un grand nombre d'établissements de statuts très différents (publics, privés sans but lucratif, privés à but lucratif) qui organisent les formations qu'ils dispensent en toute indépendance, et délivrent - ou non - des diplômes qui ne sont pas sanctionnés par l'Etat.
1. Le rôle de l'Etat fédéral : des pouvoirs limités mais des contributions financières importantes
L'Etat fédéral ne dispose, du fait de la Constitution américaine, que d'une capacité d'influence indirecte en matière d'enseignement supérieur, cette compétence relevant plutôt des Etats fédéraux eux-mêmes qui décident chacun de leur niveau d'engagement.
a) Le silence de la Constitution américaine
L'éducation ne figure pas dans les textes constitutionnels de 1787 et, à ce titre, ne peut relever des compétences de l'Etat fédéral.
En conséquence, celui-ci n'est pas habilité à légiférer en matière d'enseignement.
Il n'existe, de ce fait, aucune réglementation fédérale pour tenter de standardiser l'organisation des universités, qu'elles soient publiques ou privées, les formations qu'elles proposent, ou encore les conditions de délivrance des diplômes. Ainsi, la signification globale des « bachelors'degree » ou des « masters'degree » ne résulte-t-elle que de la convergence des pratiques en usage dans les différents établissements.
b) L'absence de véritable ministère de l'éducation nationale
Autre conséquence notable de ce silence constitutionnel, il n'existe pas, aux Etats-Unis, de ministère de l'éducation nationale susceptible d'encadrer et d'organiser les activités d'enseignement à l'échelle de la fédération.
Certes, depuis 1867, une série d'agences, de comités et de bureaux se sont succédés, avec pour objectif la collecte d'informations relatives aux établissements d'enseignement de tous niveaux répandus sur l'ensemble du territoire national. Mais les préventions suscitées par toute apparence de tentative de prise de contrôle sur ces structures ont toujours paralysé toute extension de leurs prérogatives.
Ce n'est qu'en 1980 qu'a finalement été constitué l'actuel département de l'éducation ( United States Department of Education , fréquemment désigné sous le sigle USDE ). Encore le Congrès s'est-il attaché, lors de sa création, à bien délimiter son rôle. Il lui est assigné pour mission d'assurer un égal accès à l'éducation et de promouvoir un enseignement de qualité.
Faute de pouvoir superviser le fonctionnement et l'organisation des établissements, c'est principalement à travers sa politique d'attribution des aides financières aux étudiants et des contrats de recherche avec les universités que l'Etat fédéral peut influer sur les orientations du système.
c) Des contributions financières significatives
C'est à partir de la moitié du XX e siècle que le gouvernement fédéral s'est mis à injecter dans l'enseignement supérieur des contributions financières significatives.
Au cours de la seconde guerre mondiale, l'Etat fédéral a distribué des fonds destinés à accroître les capacités militaires du pays. Puis, en 1944, de nombreux établissements ont perçu des subventions pour soutenir le retour des jeunes vétérans. Par la suite, dans les années soixante, lors du mouvement de lutte pour les droits civiques, le gouvernement fédéral a mis en place des programmes de soutiens financiers pour étudiants, sous forme de bourses ou de prêts d'études.
Aujourd'hui, le gouvernement fédéral représente la plus importante source de financement pour la recherche scientifique et les mécanismes de soutien aux étudiants. Ses contributions financières sont susceptibles de bénéficier indifféremment aux établissements privés comme aux établissements publics, sur lesquels il dispose ainsi d'un levier d'influence non négligeable.
2. Les Etats fédérés : des compétences à géométrie variable
Les établissements d'enseignement publics sont placés sous la responsabilité de chacun des 50 Etats qui composent la Nation.
Ces établissements ont un poids déterminant. S'ils ne représentent qu'à peine un tiers de la totalité des institutions d'enseignement supérieur, ils accueillent les trois quarts des étudiants.
Le degré de contrôle effectué sur ces établissements varie considérablement d'un Etat à l'autre. Alors que les universités de Californie ou du Michigan bénéficient d'une autonomie constitutionnelle, dans d'autres Etats, les membres du conseil de direction sont directement nommés par le Gouverneur et supervisent l'ensemble de leurs institutions : orientation, finances, programmes d'études...
Dans une étude réalisée au sein du Centre de sociologie des organisations, au CNRS, Cécile Brisset-Sillion relève qu'il existe « des formes de coordination étatiques au niveau de chaque Etat de l'Union, et qu'elles n'ont cessé de prendre de l'importance au cours des trente dernières années ».
Elle ajoute que « chacun des Etats s'est graduellement doté d'un ou plusieurs systèmes universitaires qui regroupent les établissements publics sous la houlette d'une administration de tutelle, et coexistent avec des établissements privés ». 2 ( * )
Ces formes de coordination prennent souvent la forme de « systèmes multi-campus » qui regroupent un certain nombre d'établissements d'enseignement supérieur.
La mission sénatoriale a eu l'occasion de visiter à New York deux établissements - l'université de Harlem et le « community college » de La Guardia - qui fournissent une illustration de ce type de système universitaire. Le « City university of New York » (CUNY) est financé pour moitié par l'Etat et pour moitié par la Ville de New York.
3. Le rôle des associations et des agences d'accréditation
La coordination du système à l'échelle fédérale est assurée par deux catégories d'organismes qui jouent le rôle d'intermédiaires entre les établissements et les gouvernements locaux et fédéral : les associations professionnelles et les agences d'accréditation.
a) Les associations
Les établissements d'enseignement supérieur se regroupent en fonction de leur nature, publique ou privée, du niveau des enseignements offerts, ou de la spécificité de leurs programmes, dans de grandes associations qui ont pour objet de les représenter, notamment auprès de l'Etat fédéral ou des différents Etats.
Ces associations sont régulièrement consultées par les pouvoirs publics et les établissements membres viennent y chercher appuis et conseils, notamment en vue de l'obtention de contrats fédéraux.
L'adhésion à ces multiples associations permet aussi d'entretenir un riche réseau relationnel.
Parmi ces associations, on citera notamment :
- le Council for Higher Education Accreditation (CHEA) qui coordonne l'activité d'accréditation entre trois types d'acteurs : les universités et collèges, les agences d'accréditation et l'USDE ; c'est la plus importante, notamment en termes d'effectifs, puisqu'elle regroupe environ 3.000 collèges et universités ;
- l'American Council of Education (ACE) , une association qui regroupe environ 1.800 membres provenant des universités, des agences d'accréditation et d'associations d'enseignants-chercheurs ;
- la National Association of Independant Colleges and Universities (NAICU) qui représente les établissements privés ;
- l'American Association of State Colleges and Universities (AASCU) qui représente plus de 400 établissements publics.
b) Les agences d'accréditation
Les agences d'accréditation sont des organismes privés, sans but lucratif, qui ont pour fonction de garantir la qualité des formations proposées par les différents établissements, publics ou privés, d'enseignement supérieur, et le cas échéant de contribuer à leur amélioration. Ces derniers recourent à leurs services sur une base strictement volontaire.
Il en existe de trois sortes :
- les agences d'accréditation régionales , qui se partagent les six zones entre lesquelles est découpé le territoire ; s'attachant à la mesure de la qualité d'un établissement dans son ensemble, elles intéressent principalement les structures publiques et privées à but non lucratif dont les formations sont sanctionnées par un diplôme ;
- les agences d'accréditation nationales examinent la totalité des formations proposées par les établissements à but lucratif qui ne délivrent pas de diplômes en fin de formation ;
- enfin, les agences d'accréditation spécialisées se consacrent plus particulièrement à l'évaluation des programmes d'enseignement dans des champs spécifiques.
Ces agences privées peuvent elles-mêmes se prêter à un examen de reconnaissance auprès du département de l'éducation américaine (USDE), ou du comité d'éducation pour l'enseignement supérieur (CHEA) qui s'assurent, à cette occasion, du respect par ces agences des objectifs qu'ils sont chargés de promouvoir.
Le département de l'éducation (USDE), qui dispose d'un bureau spécialisé à cet effet, procède, d'après des critères fixés par les lois fédérales à l'expertise, pour une période de cinq ans, des agences d'accréditation qui le sollicitent. Il s'assure que ces agences sont, dans leur processus d'accréditation, attentives à une bonne gestion administrative et fiscale des établissements, à la qualité des méthodes de recrutement et au taux de réussite des étudiants.
Cette reconnaissance par l'USDE revêt une importance déterminante pour les agences d'accréditation et pour les universités qui recourent à leurs services. En effet, seules les universités dont les programmes sont accrédités par des agences elles-mêmes reconnues par l'USDE peuvent prétendre à des subventions et des fonds fédéraux d'aides aux étudiants.
Quant au CHEA qui s'est fixé pour ambition à sa création en 1997 d'améliorer la qualité de la formation dispensée aux étudiants, il valide pour 10 ans les méthodes des agences d'accréditation.
Sur la soixantaine d'agences d'accréditation existantes, 40 environ sont reconnues par ces deux organismes.
B. UN SYSTÈME MARQUÉ PAR LA DIVERSITÉ, L'AUTONOMIE ET LA COMPÉTITION
L'enseignement supérieur américain est marqué par la diversité des établissements qui le composent. Jouissant d'une grande autonomie, ceux-ci sont engagés dans une compétition multiforme qui détermine leur rang dans un système inégalitaire et hiérarchisé.
1. La diversité des établissements
On évalue approximativement à 3.000 les institutions d'enseignement supérieur, et à 10 millions le nombre des étudiants que celles-ci accueillent. Ces chiffres peuvent cependant varier car les contours de la notion d'enseignement supérieur sont flous aux Etats-Unis. Ils donnent malgré tout un ordre d'idées.
a) Un système mixte où coexistent établissements publics et privés
Cette diversité s'exprime tout d'abord à travers la variété des statuts juridiques .
Les établissements privés jouissent généralement de la plus grande indépendance. La seule autorité à laquelle ils sont soumis est celle de leur conseil d'administration. Leur budget est alimenté, pour l'essentiel, par les droits d'inscription, généralement très élevés (43 600 dollars par an, soit jusqu'à 30 000 euros par an pour l'une des plus prestigieuses universités de l'Ivy League ), par les revenus de leurs capitaux propres, ainsi que par les dons qu'ils reçoivent des entreprises ou de leurs anciens élèves ( alumni ), encouragés par une fiscalité incitative.
Erigés en fonds de dotation (endowment) , les capitaux propres atteignent des montants considérables et ont de forts rendements.
L'argent recueilli auprès des donateurs ne sert pas à financer directement l'institution. Seuls les revenus des capitaux placés financent le fonctionnement et les investissements de l'institution.
Le tableau ci-dessous en fournit une illustration.
Institutions |
Valorisation des fonds (milliards de dollars) |
Rendement sur la dernière année |
Part du budget financée par ces revenus |
Harvard |
25,9 |
19,2 % |
31 % |
Yale |
15,2 |
22,3 % |
33 % |
Données 2005 - Source : Publicis consultants |
D'après les derniers chiffres communiqués, le fonds de dotation de Harvard aurait récemment atteint les 30 milliards de dollars.
Les établissements publics sont en revanche rattachés à un Etat qui leur octroie un budget. A de rares exceptions près, comme Berkeley, ceux-ci ne disposent pas de fonds de dotation significatifs. Les droits d'inscription y sont sensiblement plus faibles, de l'ordre de trois ou quatre fois moindres, en moyenne 3 ( * ) .
Au City college de Harlem à New York, par exemple, ils sont de 4 000 dollars par an, un niveau considéré comme particulièrement modéré.
b) Des niveaux et des durées de formation divers
Les établissements d'enseignement supérieur peuvent également être classés en fonction de la durée des formations qu'ils proposent et du niveau des diplômes qu'ils dispensent.
Très schématiquement, trois catégories peuvent ainsi être distinguées :
- les community colleges offrent un enseignement court (deux ans) du type post-secondaire. On en compterait 1.200 à travers les Etats-Unis. Initialement, ces établissements avaient d'abord vocation à délivrer une formation professionnalisante, conçue en fonction des besoins de l'économie locale.
Mais, permettant à des étudiants, généralement issus de milieux défavorisés, de combler les lacunes de leur instruction secondaire, ils sont aussi devenus -et cette fonction est aujourd'hui dominante- une antichambre pour l'entrée dans une université proposant un cycle d'études long.
Quoiqu'ils bénéficient d'un financement public, ces établissements réclament des droits d'inscription non négligeables. Ainsi, dans le community college de La Guardia, dans le quartier de Queens, à New-York, une partie significative du coût moyen d'un étudiant évalué entre 10 et 12 000 dollars par an, est financée grâce aux frais de scolarité qui sont de 1 350 dollars par trimestre. Comme votre mission d'information s'en étonnait, compte tenu de la population défavorisée, souvent issue de l'immigration à laquelle celui-ci s'adresse, on lui répondit : « It is America. Nothing is free ». « C'est l'Amérique. Ici, rien n'est gratuit. »
- des collèges « en quatre ans » proposent des filières d'enseignement supérieur long, qui débouchent normalement sur le diplôme de bachelor , lequel peut-être suivi éventuellement d'études post-graduate . Ces établissements, initialement orientés vers une formation générale, ont progressivement développé en parallèle des formations professionnelles. On en compterait un peu moins de 2 000 dans l'ensemble du pays ;
- enfin, les « universités doctorales » dispensent un enseignement universitaire de haut niveau et offrent un programme allant jusqu'au PhD, le doctorat. On ne compte que quelques centaines d'universités de ce type parmi lesquelles figurent les plus prestigieuses du pays. Ces universités proposent également la formation de premier cycle en quatre ans, et se composent donc à la fois d'un « University college » et d'une « Graduate school ».
Enfin, à l'intérieur de ces trois grandes catégories, on rencontre de grandes irrégularités de réputation et de niveau qui résultent d'un contexte très compétitif.
Si l'enseignement supérieur américain peut apparaître comme une « mosaïque d'institutions », l'organisation de celle-ci n'est cependant pas aléatoire : ces établissements se définissent les uns par rapport aux autres et sont en compétition permanente.
2. La compétition
Le système américain est marqué par une compétition permanente entre les établissements. Suivant les remarques d'un auteur américain 4 ( * ) , cette compétition est « tous azimuts » : elle ne s'arrête pas à la nature des institutions mais s'exerce entre établissements publics et établissements privés et au sein de chacune de ces catégories. Elle dépasse également les catégories établies : les « colleges » sont en compétition entre eux, mais concurrencent aussi les premiers cycles des universités. Elle est à l'origine de la différenciation, de la segmentation, et de la hiérarchie de l'enseignement supérieur.
Au rebours du système français où les universités sont censées être de niveau comparable et délivrer des diplômes de même valeur, la hiérarchie entre les établissements est, aux Etats-Unis, clairement affichée et revendiquée.
Dans ce système qui fonctionne sur le modèle d'un marché, la compétition porte sur la sélection des meilleurs étudiants, des enseignants-chercheurs les plus prometteurs, et des contrats de recherche qui sont une source importante de financement.
a) Les contrats de recherche
Les contrats de recherche avec les agences fédérales ou avec des entreprises privées constituent une des principales ressources des universités.
Aussi sont-elles engagées dans une forte compétition pour les obtenir.
Compte tenu de leur rôle central dans le financement des universités, les activités de recherche sont davantage considérées que les activités pédagogiques, ce qui entraine plusieurs conséquences :
- les enseignants-chercheurs sont davantage recrutés en fonction de leur potentiel de recherche que de leurs capacités pédagogiques ;
- les universités les plus prestigieuses sont celles qui proposent un enseignement de 3 e cycle ;
- alors que les étudiants doivent supporter des frais de scolarité importants en premier cycle, ceux qui parviennent en troisième cycle, doctorants et post-doctorants, bénéficient des soutiens financiers importants, à la mesure de leur potentiel de recherche.
b) La sélection des étudiants
L'attitude des universités américaines en matière de sélection des étudiants, dès l'entrée en premier cycle, est à l'opposé de celle qui prévaut dans l'enseignement supérieur français.
En France, la sélection à l'entrée est l'apanage de filières particulières -classes préparatoires aux grandes écoles, ou formations courtes professionnalisantes- l'entrée à l'université étant, à de rares exceptions près, ouverte à tout titulaire d'un baccalauréat. Quant aux filières sélectives, elles privilégient, par un souci de stricte équité et de neutralité, la voie du concours ou, du moins, des critères scolaires exprimés à travers une notation.
Aux Etats-Unis, la sélection est presque partout la règle, y compris dans certains « community colleges » qui, malgré leur vocation « sociale » s'efforcent aussi d'identifier les éléments les plus prometteurs pour certaines de leurs filières. Mais au rebours du système français des concours, cette sélection s'opère souvent suivant des filières et des objectifs différents.
Les responsables de l'admission des universités de Harvard et du Massachussetts Institut of Technology (MIT) ont exposé à la délégation sénatoriale les préoccupations, assez voisines, qui les guident dans la sélection de leurs étudiants. Deux idées générales s'en dégagent : les procédures de sélection ne s'attachent pas aux seuls résultats scolaires des candidats, mais cherchent à cerner sa personnalité dans son ensemble ; l'objectif est de constituer une collectivité d'étudiants riche de sa diversité : c'est au nom de cet objectif de diversité que sont mises en place les politiques « d'affirmative action » qui constituent un atout pour les candidats provenant de minorités sous-représentées ou de milieux moins favorisés.
La sélection prend en compte une pluralité de critères . La dimension scolaire est certes prise en compte, mais elle ne constitue qu'une composante parmi d'autres. Ce sont davantage les capacités et le potentiel de développement du candidat que l'on s'efforce d'évaluer, plutôt que des connaissances effectives. D'autres paramètres sont également pris en compte : les talents sportifs, l'aptitude au « leadership » et la capacité d'engagement personnel dans des activités associatives ou sociales, ce que nos interlocuteurs désignent parfois sous le terme de « compassion ». L'appartenance à une minorité sous-représentée ou une provenance sociale plus modeste peuvent aussi constituer un atout pour un candidat, dans la mesure où sa capacité à parvenir à un niveau « intéressant », malgré un handicap de départ, témoigne d'un mérite, d'une énergie et de prédispositions supérieures à celles d'un candidat issu des couches plus favorisées.
Une insistance particulière sur les qualités de caractère revient souvent, dans ces universités d'élite, comme dans d'autres moins prestigieuses. Les établissements déclarent rechercher des étudiants « capables de surmonter l'adversité », et de ne pas se laisser abattre par les échecs auxquels tout le monde est confronté un jour ou l'autre. Utilisant une expression parlante, l'un de nos interlocuteurs est allé jusqu'à dire : « Nous cherchons des étudiants qui ont faim ! ».
La procédure de sélection se décompose généralement en plusieurs étapes. Au MIT, comme à Harvard, un contact préalable avec un ancien étudiant de l'université constitue le plus souvent une première entrée en matière.
Les étapes suivantes de la sélection sont opérées par un comité constitué à titre principal des professeurs des disciplines concernées.
Ces deux grandes universités, dont les coûts de scolarité sont très élevés, assurent que les capacités financières des candidats sont délibérément mises de côté pendant toute la procédure de sélection. Ce n'est qu'une fois les candidats retenus que le département de l'aide financière de l'université s'attache, avec le candidat et sa famille, à construire un plan de financement. Harvard vient de décider de relever de 45 000 à 66 000 dollars de revenus annuels, le seuil en deçà duquel les familles sont dispensées du paiement des droits d'inscription.
Quant au MIT, il dispose d'une enveloppe financière propre -80 millions de dollars l'année dernière- distincte des fonds fédéraux, et, de ce fait, susceptible de bénéficier également aux non-nationaux, pour aider des étudiants qui en ont besoin. L'aide moyenne accordée s'est élevée à 28 000 dollars par étudiant. Malgré cela, les étudiants s'endettent lourdement pour financer leurs études. Le coût de quatre années d'études revient en moyenne, à 160 000 dollars, et l'endettement d'un étudiant s'établit en moyenne à 20 000 dollars à la sortie de l'université. Les responsables de l'université relativisent cependant le poids de cet endettement : les prêts sont consentis pour 30 ans, à des taux d'intérêt bas, garantis par le Gouvernement, et le salaire moyen d'un ingénieur sorti du MIT -environ 68 000 dollars annuels- lui permet, en principe, de rembourser facilement ses emprunts.
Grâce à leur richesse et à l'importance des revenus qu'elles tirent de leurs fonds propres, ces deux universités prestigieuses peuvent compenser l'impact des barrières financières dont la réalité n'est pas contestable à l'échelle du système tout entier.
Dans son rapport publié en septembre 2006, la commission Spellings s'inquiète de l'accroissement inexorable des coûts de scolarité des premiers cycles universitaires, très supérieur à l'inflation depuis 20 ans, et qui sont un sujet de préoccupation pour les étudiants, leurs familles et les pouvoirs publics. Elle déplore qu'un trop grand nombre d'étudiants soient découragés d'entreprendre des études supérieures, ou s'endettent dans des proportions préoccupantes pour les financer 5 ( * ) . Elle évalue à deux millions l'effectif des élèves qualifiés de l'enseignement secondaire qui sont dissuadés par les barrières financières de poursuivre des études supérieures 6 ( * ) . Elle estime l'encours de la dette moyenne contractée par un étudiant à la sortie du premier cycle de quatre ans à 15 500 dollars pour les étudiants du public, et à 19 400 dollars pour le privé. Les sondages montrent que ces montants sont considérés comme excessifs par 59 % de la population et par 63 % des parents d'étudiants.
c) Le recrutement des enseignants-chercheurs
Les établissements d'enseignement sont en compétition pour recruter les meilleurs enseignants-chercheurs. Dans les universités, et particulièrement dans celles qui vont jusqu'au troisième cycle, ce sont les qualités de chercheur plus que les talents pédagogiques qui déterminent la valeur d'un candidat. Cette prédominance de la recherche s'explique par plusieurs raisons.
Tout d'abord, parce que les contrats de recherche passés avec les agences fédérales, et les brevets d'invention déposés constituent une des principales ressources financières des universités. Le recrutement d'un enseignant-chercheur capable de développer une expertise reconnue, et de constituer une équipe inventive grâce à une réputation qui attire de jeunes doctorants est de nature à garantir des rentrées financières.
Ensuite, parce que la recherche est devenue, par voie de conséquence, le principal facteur discriminant dans la hiérarchie des universités. Sont considérées comme les meilleures institutions, celles qui ont une importante activité scientifique et qui affichent une priorité pour l'enseignement de troisième cycle. C'est à l'aune du nombre de prix Nobels, de brevets déposés et de publications scientifiques que se mesurent, non seulement les fleurons de l' « Ivy League », mais des universités publiques de moindre notoriété. Il n'est pas jusqu'aux « community college » qui ne se piquent de recherche.
Les universités s'efforcent donc à la fois d'attirer des enseignants-chercheurs ayant une compétence bien particulière pour développer une activité de recherche spécialisée, et de recruter quelqu'un dont le prestige rejaillira sur son département et sur son université.
Les candidats répondant à ces exigences sont d'autant plus courtisés qu'ils sont, par définition, en petit nombre.
Dans son étude précitée 7 ( * ) , Cécile Brisset-Sillon indique ainsi que, pour recruter un professeur prestigieux, il faut proposer non seulement un salaire élevé, mais aussi et surtout « une dotation de recrutement nécessaire à la réunion de bonnes conditions de travail, c'est-à-dire un ensemble de moyens matériels et humains pour faciliter sa recherche. Cette dotation varie en montant et en nature selon les disciplines et le niveau des candidats. Elle se pratique surtout dans les « sciences dures » où elle couvre équipements, espace pour la recherche (laboratoire), et financement d'assistants (secrétariat et doctorants). Elle peut être très élevée ».
Ces pratiques ont des effets structurants : « pour réussir à recruter le candidat adéquat, l'université doit pouvoir réunir une forte somme et la « miser » sur un département. Pour cela, elle doit faire des choix et redéployer ses ressources ».
Les entretiens qu'a eus la délégation sénatoriale avec les responsables de l'université de Harlem sont venus confirmer et compléter cette analyse. Cette université publique, dont les frais de scolarité sont en moyenne dix fois moindres que ceux de Harvard, s'enorgueillit cependant d'avoir formé 9 futurs prix Nobels, et s'efforce de recruter des professeurs de renom, particulièrement dans les disciplines scientifiques. Elle s'efforce de leur proposer les rémunérations les plus attrayantes possibles, tout en reconnaissant qu'il n'est pas facile d'entrer en compétition sur ce terrain avec les grandes universités privées de « l'Ivy League ».
Ses dirigeants ont également insisté sur le rôle que jouaient les fonds de recherche publics et privés dans le financement des études du troisième cycle, tout en soulignant la différence de traitement qui en résulte entre sciences dures d'un côté, et sciences sociales ou disciplines littéraires de l'autre. Considérés de ce fait comme « moins performants », ces derniers sont défavorisés par rapport aux autres départements dans l'allocation interne des ressources.
C. UN SYSTÈME ÉDUCATIF CONFRONTÉ À DE NOUVEAUX DÉFIS
Le système éducatif américain est aujourd'hui confronté à un triple défi, celui de l'économie de la connaissance qui impose d'élever le niveau global de la formation de sa population, celui de la mondialisation qui accentue les phénomènes de compétition internationale et celui de l'accès à l'enseignement supérieur des personnes issues des milieux défavorisés et en particulier des « groupes ethniques sous-représentés », qui sont d'ailleurs en forte croissance démographique.
Deux documents récents ont accéléré aux Etats-Unis la prise de conscience de la nécessité d'une réaction : les évaluations conduites par l'OCDE et les travaux conduits par la commission constituée autour de la secrétaire d'Etat américaine à l'éducation, Margaret Spellings.
La publication de ces deux documents est intervenue au mois de septembre 2006, à quelques jours du passage de la mission sénatoriale, alimentant des débats dont celle-ci a recueilli l'écho au cours des entretiens qui ont émaillé ses visites dans des établissements d'enseignement.
1. Les évaluations conduites par l'OCDE
L'OCDE porte, depuis quelques années, un intérêt croissant aux questions d'éducation, considérant que le niveau et la qualité de la fonction reçue par une population constituent un paramètre décisif dans la compétitivité d'une économie.
Elle a ainsi lancé, à la fin des années quatre-vingt-dix, un programme destiné à évaluer, à partir d'un cadre de références communes, les résultats des systèmes éducatifs de ses Etats membres, à travers la mesure des acquis des élèves de 15 ans.
Un premier rapport, publié en 2000, a présenté les premiers résultats de ce « programme international pour le suivi des élèves » désigné sous l'acronyme de PISA, qui s'est depuis poursuivi.
Les évaluations conduites par le programme PISA sur les systèmes d'enseignement secondaire, ont mis en lumière les forces et les faiblesses du système américain : si celui-ci développe, en général, chez les élèves une des meilleures aptitudes au travail en commun et une grande confiance en soi dans l'utilisation de l'outil informatique, ses résultats sont en revanche plus préoccupants en matière de compréhension de l'écrit (15 e sur 31) 8 ( * ) , d'apprentissage des mathématiques (18 e sur 31) 9 ( * ) et de culture scientifique (14 e sur 31) 10 ( * ) .
Plus récemment, dans l'édition 2006 11 ( * ) de son rapport périodique sur les systèmes éducatifs, l'OCDE s'est livrée à une évaluation comparative des systèmes américains d'enseignement supérieur.
Aux termes de ses analyses, l'Organisation estime que les Etats-Unis conservent une grande avance dans ce secteur, mais que leur suprématie, naguère incontestable, est maintenant remise en question par d'autres Etats qui sont parvenus, sur certains points, à les rattraper, voire à les dépasser.
Le rapport relève que les Etats-Unis continuent de « produire » une forte proportion de personnes hautement qualifiées : 39 % de sa population en âge de travailler (25/64 ans) ont reçu une formation supérieure. Toutefois, même si ce taux est nettement supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE (31 %), les Etats-Unis sont maintenant dépassés par le Canada (52 %), le Japon (52 %), la Corée du Sud (49 %), la Suède (42 %), la Belgique (41 %) et l'Irlande (40 %). Ils ont ainsi, en quelques années, régressé du 1 er au 7 e rang.
Le prolongement des tendances observées sur les dernières années devrait d'ailleurs conduire, d'après l'OCDE, à la poursuite de cette régression. La proportion des américains dans l'ensemble de la population de l'OCDE diplômée de l'enseignement supérieur devrait ainsi régresser de 41 % à 36 % dans les dix prochaines années si rien n'est fait pour contrecarrer cette évolution.
Sur le plan de la compétition internationale des systèmes d'enseignement supérieur, les Etats-Unis conservent en revanche une forte prééminence, même si l'écart avec leurs principaux compétiteurs tend à se réduire un peu.
Les Etats-Unis restent la destination la plus recherchée par les étudiants qui poursuivent leurs études en dehors de leur pays d'origine. En 2004, les Etats-Unis ont en effet accueilli 22 % de ces étudiants, soit le double de celui de leur plus proche concurrent, le Royaume-Uni (11 %), bien devant l'Allemagne (10 %) ou la France (9 %). Ces chiffres traduisent cependant une érosion de trois points par rapport à leur poids relatif de 2000 (25 %).
Cette évolution résulte de la concurrence que font aux Etats-Unis, sur ce « marché » en croissance, des pays comme l'Australie, la France ou le Japon. Le rapport attribue ce léger recul au coût des frais de scolarité américains qui sont supérieurs à ceux de ses principaux concurrents, à l'exception notable de la Grande-Bretagne.
Une analyse géographique plus précise de la provenance des étudiants étrangers donne toutefois la mesure du succès que rencontre le système universitaire des Etats-Unis auprès des étudiants asiatiques : 66 % des étudiants étrangers inscrits en 2004 dans les établissements américains sont d'origine asiatique et 50 % des étudiants asiatiques qui vont poursuivre leurs études supérieures à l'étranger vont aux Etats-Unis.
2. Le rapport de la commission Spellings : une autocritique sévère
Dans le rapport qu'elle a présenté en septembre 2006, la commission réunie autour de la secrétaire d'Etat Margaret Spellings a dressé un constat sans complaisance des forces et des faiblesses de l'enseignement supérieur américain et des objectifs qu'il doit se fixer pour répondre au double défi de la globalisation et de la société de la connaissance.
Certes, rappelle le rapport, l'enseignement supérieur peut être considéré comme l'une des grandes réussites de l'histoire des Etats-Unis. Mais ce succès incontestable a fini par alimenter un sentiment d'autosatisfaction dangereux. « Nous avons dépassé, et de loin, nos concurrents pendant si longtemps, que nous avons fini par considérer comme acquise la supériorité de notre enseignement supérieur » , énonce-t-il en introduction.
Il invite les Etats-Unis à tourner le dos à cette complaisance trop facile et à regarder en face les fragilités de leur système.
Deux séries de raisons qui se renforcent mutuellement, rendent indispensable cet examen de conscience :
- une compétition internationale accrue en matière d'enseignement supérieur : « De nombreux autres pays ont suivi notre exemple et se sont mis à former à un meilleur niveau que nous un nombre supérieur de leurs concitoyens. » ;
- l'essor d'une économie de la connaissance qui suppose précisément de mieux former un nombre croissant de personnes. « Nous risquons de nous faire dépasser au moment précis où l'éducation joue dans la prospérité commune un rôle plus important que jamais ».
Le rapport insiste sur l'importance de l'enseignement supérieur :
- au plan collectif : « 90 % des créations d'emplois dans le secteur en forte croissance de l'économie de la connaissance s'adressent à des diplômés de l'enseignement supérieur » ;
- un plan individuel : « le revenu moyen d'un bachelier du secondaire est, aux Etats-Unis, inférieur de 37 % à celui d'un diplômé du supérieur ».
Le rapport considère que le système américain d'enseignement supérieur n'a pas su réagir à ce nouveau défi, mais présente les travers de ce que, dans le monde de l'économie, on appelle une « entreprise mature » : une aversion croissante pour le risque, une tendance à l'autosatisfaction, et un alourdissement excessif des coûts. Il voit dans les chiffres publiés dans le rapport de l'OCDE précité, une incitation à réagir.
Les points sur lesquels il concentre sa critique peuvent être ainsi résumés.
a) Un accès trop restreint à l'enseignement supérieur
Le rapport déplore que l'accès à l'enseignement supérieur soit, aux Etats-Unis, compromis par le fossé qui sépare le niveau que requiert le premier cycle d'enseignement supérieur, et celui que dispense l'enseignement secondaire, souvent très insuffisant.
L'évaluation à laquelle a procédé la « National Assessment of Educational Progress » (NAEP) a montré que seuls 17 % des élèves de terminale sont au niveau en mathématiques, et 36 % en lecture et compréhension de l'écrit. Ces insuffisances de l'enseignement secondaire rendent indispensables des cours de rattrapage pour environ 40 % des nouveaux étudiants. Elles se répercutent, d'ailleurs, sur le premier cycle de l'enseignement supérieur.
Ces insuffisances touchent plus particulièrement les étudiants issus des milieux économiquement défavorisés, ou des minorités ethniques. Les statistiques donnent la mesure de ces disparités, et montrent qu'à l'intérieur de la classe des 25/29 ans :
- 34 % des « blancs » obtiennent une licence ;
- 17 % des « noirs » ;
- 11 % des « latinos ».
Ces restrictions d'accès affectent également les adultes qui souhaitent compléter leur formation : 40 % des étudiants de plus de 24 ans doivent subvenir à leurs propres besoins en travaillant. Parmi eux :
- la moitié suit un cursus à temps partiel ;
- plus du tiers travaille sur un emploi à plein temps ;
- 27 % ont eux-mêmes des enfants.
Toutefois, l'offre d'enseignement peine à répondre à l'accroissement de cette demande, et le rapport s'inquiète de ce que les « community colleges » atteignent maintenant leurs limites dans de nombreux États.
b) Une augmentation des coûts qui devient dissuasive.
Le rapport s'alarme de l'augmentation soutenue des frais de scolarité au cours de la période récente, augmentation qui s'est effectuée à un rythme beaucoup plus rapide que l'inflation et que l'évolution des revenus des ménages.
Au cours des années 1995 à 2005, les frais d'inscription et de scolarité ont augmenté de 30 % dans les « community colleges », de 51 % dans le premier cycle des universités publiques, et de 36 % dans le premier cycle des universités privées.
Le rapport attribue cette inflation à l'augmentation mal maîtrisée des coûts de gestion, à un manque de vigilance dans la maîtrise des dépenses, et à des surenchères motivées par une recherche du prestige ou la crainte de perdre une réputation académique chèrement acquise.
Cette augmentation des coûts s'est accompagnée d'une diminution des aides financières attribuées aux étudiants par le gouvernement fédéral, qui sont tombées à leur plus bas niveau depuis 20 ans.
La conjonction de ces deux phénomènes finit par dissuader les étudiants de poursuivre des études supérieures, ou les amène à s'endetter lourdement.
c) Un système d'aides fédéral à restructurer
Le rapport émet d'ailleurs un jugement particulièrement sévère à l'égard du système d'aide financière fédéral aux étudiants, qu'il juge « confus, complexe, inefficace, plein de doublons » et auquel il reproche en outre de ne pas aider ceux qui en auraient le plus besoin.
Trois phénomènes en résultent :
- le nombre de demandes non satisfaites déposées par des familles à bas revenus a augmenté de 80 % entre 1995 et 2004 ;
- d'après la commission consultative des bourses étudiantes ( Advisory Committee on Student Financial Aid ), deux millions de candidats issus des classes moyennes et des milieux défavorisés seraient découragés, dans les premières années du nouveau siècle, de suivre des études supérieures ;
- d'après un autre organisme officiel, les trois quarts des étudiants en premier cycle universitaire de l'enseignement privé, et 62 % des étudiants des organismes publics ont dû contracter un emprunt pour poursuivre leurs études ; leur endettement moyen est de 15 500 dollars pour les étudiants du public, et de 19 400 dollars pour les étudiants du secteur privé non lucratif ;
- les sondages montrent que 59 % de la population juge trop élevé le niveau d'endettement des étudiants de premier cycle ; cette proportion remonte à 63 % parmi les parents d'étudiants.
d) Performances et savoirs
Le rapport relève un certain nombre d'indices qui témoignent d'une inadaptation aux besoins des formations délivrées : régression de la compréhension de l'écrit, dans le secondaire et dans le premier cycle du supérieur, taux d'échec (seuls 66 % des étudiants obtiennent en six ans le diplôme du premier cycle qui dure en principe 4 ans), écart significatif entre les résultats des étudiants « blancs » et « asiatiques » d'une part, et ceux des «noirs » et des « hispaniques » de l'autre.
e) Problèmes d'évaluation
La commission déplore une certaine opacité du système, et l'insuffisance des données à la disposition du Gouvernement pour évaluer l'efficacité des établissements. Elle estime que l'évaluation réalisée par les agences de notation, qui jouent un rôle clef, fait une trop grande part à la réputation et aux ressources financières de l'établissement et ne s'attache pas assez à la mesure des capacités et des connaissances acquises par les étudiants.
Une des difficultés pointées par la commission tient aux obstacles que rencontre la reconnaissance des « crédits » entre universités différentes.
Compte tenu de leur grande indépendance et de la variété des formations qu'ils proposent, les établissements d'enseignement supérieur ont du mal à connaître et évaluer les formations délivrées par leurs partenaires et concurrents.
Aussi hésitent-ils à valider les « crédits » universitaires délivrés par un autre établissement, ce qui constitue un frein à la mobilité des étudiants.
3. La politique d' « affirmative action » à l'épreuve du temps
La politique d' « affirmative action » , que l'on traduit très improprement en français par « discrimination positive », est une politique qui cherche à compenser les effets de longue durée provoqués par la ségrégation. Dictée par le souci moral de réparer les torts séculaires qui avaient été causés aux « noirs » d'Amérique, elle a pour objectifs d'aller au-delà de l'égalité juridique formelle pour permettre à ces derniers d'accéder à une égalité réelle.
Au cours de ses quarante premières années de mise en oeuvre, la politique d' « affirmative action » a été progressivement affinée par la jurisprudence des tribunaux, et notamment par celle de la Cour suprême. Mise au service d'un objectif de diversité, elle a été étendue à des minorités ethniques autres que les « noirs », mais fait aujourd'hui l'objet d'une contestation, y compris de la part de certains afro-américains.
a) La volonté de promouvoir une égalité réelle
La politique d' « affirmative action » est née dans le courant des années soixante, et se situe dans le prolongement du combat pour l'égalité des droits qui a abouti à l'abolition de la ségrégation.
L'abolition de la ségrégation a été le résultat d'un combat séculaire ponctué par l'adoption de textes juridiques importants.
Ainsi, entre 1865 et 1870, les 13 e , 14 e et 15 e amendements à la Constitution ont respectivement aboli l'esclavage, affirmé l'égalité devant la loi, et octroyé le droit de vote aux « noirs » américains. Cette égalité formelle se doublait cependant encore d'une séparation omniprésente dans les faits et dont un arrêt de la Cour suprême de 1896 avait validé le principe sous la formule du « séparés mais égaux ».
Ce n'est que dans le courant du XX e siècle que les pouvoirs publics ont progressivement aboli les fondements juridiques de cette ségrégation.
En 1942, un décret a interdit la discrimination à l'embauche dans l'industrie militaire. Après la guerre, en 1954, l'arrêt de la Cour suprême « Brown vs board of education » a mis fin à la doctrine « séparés mais égaux » de 1896. Enfin la loi sur les droits civils de 1964 et la loi sur le droit de vote de 1965 ont consacré, en droit, la fin de toute discrimination, avec des dispositions parfois très concrètes : ainsi, le titre VII du « Civil rights act » de 1964 interdit toute forme de discrimination à l'emploi dans les entreprises de plus de 15 employés.
La politique d' « affirmative action » constitue une étape supplémentaire, dont le président Johnson a défini l'ambition dans un discours fondateur prononcé le 4 juin 1965 devant les étudiants de l'université « noire » de Howard : « Nous ne sommes pas en quête de l'égalité comme droit ou comme théorie, mais de l'égalité comme fait, et de l'égalité comme résultat ».
Le contenu de cette « affirmative action » a progressivement été fixé par des textes fédéraux et par la jurisprudence de la Cour suprême.
Faisant suite à un premier décret présidentiel prémonitoire, pris par le président Kennedy en 1961, un décret présidentiel de 1965 a imposé à l'administration fédérale et à tout cocontractant des pouvoirs publics, une démarche volontariste, se traduisant par des mesures concrètes, afin d'accroître les possibilités d'emploi pour les minorités. Ce texte a été complété un an plus tard par des dispositions relatives à l'emploi des femmes.
La Cour suprême est ensuite intervenue pour faire appliquer l' « affirmative action » et en fixer les modalités de mise en oeuvre.
Dans l'arrêt Green de 1968, la Cour suprême a exigé la « déségrégation » effective des écoles dans les Etats du Sud, et la mise en place des mesure d' « affirmative action » pour ouvrir de façon effective les écoles aux diverses communautés.
Différents arrêts sont venus, par la suite, préciser les modalités de sa mise en oeuvre, en s'attachant à trouver un juste équilibre entre le refus de quotas fixes, jugés contraires au principe d'égalité posé par le 14 e amendement, et la prise en compte du facteur racial pour assurer la promotion des minorités sous-représentées dans l'emploi et l'éducation.
b) Le champ d'application de l' « affirmative action »
La politique d' « affirmative action » (AA) se déploie dans trois domaines privilégiés : l'emploi, les forces armées et l'éducation.
On évoquera succinctement, et pour mémoire, les deux premiers volets de cette politique qui sont étrangers au sujet du présent rapport.
La politique d'affirmative action en matière d' emploi s'applique aux seules entreprises intéressées par les marchés fédéraux, mais qui représentent cependant 20 à 25 % du total de l'emploi salarié aux Etats-Unis. Cette politique semble obtenir des résultats modestes, mais réels, au regard des comparaisons avec les entreprises non-assujetties à ces obligations.
Elle ne soulève pas aujourd'hui de contestation majeure, ni dans les syndicats de salariés, ni dans les organisations d'entreprises.
L'armée américaine est souvent citée comme un exemple réussi de l' « affirmative action » . A titre d'exemple, le pourcentage des officiers d'origine afro-américaine est passé de 0,9 % en 1949 à 7,5 % en 1976 et à 13 % en 2000. En 2004, il était de 20 %, toutes minorités confondues.
La discrimination positive au sein des armées a été ressentie comme une nécessité opérationnelle après les tensions provoquées par la guerre du Vietnam, pour assurer la cohésion au sein d'une armée professionnelle.
L'armée a toujours refusé la notion de quotas, au profit d'objectifs subordonnés à la qualification et au mérite. Un système de formation et d'évaluation permet à de jeunes engagés, capables, mais initialement en situation d'échec scolaire, de rattraper leur retard en suivant des cours pour devenir officiers.
Les minorités restent toutefois moins représentées dans les emplois techniques et au sommet de la hiérarchie.
La politique d' « affirmative action » ne fait l'objet d'aucune remise en cause et sa nécessité n'est pas contestée au sein de l'armée.
L'éducation demeure en revanche le domaine privilégié d'application de l'« affirmative action » et de sa contestation.
Dans un premier temps, de nombreux établissements d'enseignement mirent en application la politique d'« affirmative action » en recourant à des quotas. La Cour Suprême, saisie par un étudiant blanc dont la candidature avait été écartée suivant cette méthode par la faculté de médecine de Californie au profit d'un candidat noir nanti d'un moins bon dossier, prohiba les quotas raciaux dans un jugement de 1978.
L'« affirmative action » n'en restait pas moins légitime mais devait dorénavant s'effectuer au nom d'un principe de diversité qui pouvait figurer aux côtés de critères plus traditionnels comme les résultats scolaires, les succès sportifs ou les engagements associatifs. La diversité est ainsi devenue le fondement de l'action en faveur de l'égalité des chances entre les races.
Comme le remarque Guy Sorman 12 ( * ) , dans un récent ouvrage : « Passer des quotas à la diversité fut un peu plus qu'un exercice de casuistique : l'« affirmative action », fondée sur des quotas, était une réparation morale des torts passés, renvoyant à la vieille culpabilité des Blancs envers les minorités de couleur. La diversité est, en revanche, une projection vers le futur : pas de repentance, mais un moyen d'édifier une société meilleure. La notion de diversité est aussi plus vaste que celle de la race, car elle renvoie à une expérience historique ou culturelle dont la race peut être une composante, mais non exclusive. Ainsi le sexe, un handicap ou des pratiques sociales différentes participent-ils tout autant d'une expérience que le principe de diversité inclura ; telle est la thèse des partisans de cette diversité ».
Deux décisions de la Cour Suprême rendues le 23 janvier 2003 dans des affaires concernant l'Université du Michigan sont venues préciser davantage encore les modalités d'application de la politique d'« affirmative action » . Elle a donné raison à une étudiante qui avait pu démontrer que des quotas raciaux avaient été appliqués, et que les candidats des minorités s'étaient systématiquement vu attribuer des points supplémentaires. Elle a, en revanche, débouté une autre étudiante parce que son dossier d'admission avait bien fait l'objet d'un examen individuel. Elle légitime donc l'utilisation du critère de race « parmi d'autres critères » dans des procédures d'admission, mais en insistant sur l'obligation pour l'université de mettre en place des procédures adaptées.
c) L'enjeu de la politique d'« affirmative action » au regard des flux migratoires
Initialement conçue à destination de la minorité noire, pour compenser les effets d'une ségrégation séculaire, la politique d'« affirmative action » s'est progressivement étendue à d'autres minorités, issues de vagues d'immigration plus récentes et dotées d'un dynamisme démographique important.
Les Etats-Unis connaissent en effet actuellement une vague d'immigration sans précédent. Ils accueillent environ 1,3 million d'immigrants par an, dont la moitié est originaire d'Amérique latine, et le tiers du seul Mexique. Ainsi, en 2006, 36 millions de résidents américains, sur une population globale de 298 millions d'habitants, étaient nés à l'étranger.
Les projections du bureau de recensement soulignent le rôle moteur de l'immigration dans la forte croissance de la démographie américaine. Sur la période 1990-2000, cette croissance a été de 13 %, à comparer aux 3,4 % de l'Union européenne. Si les tendances actuelles se prolongent, la population pourrait passer de 282 millions d'habitants en 2000 à 420 millions en 2050, soit une hausse de 49 % en un demi-siècle.
Cette évolution a déjà des conséquences importantes sur la composition de la population américaine. Les Hispaniques (naturalisés, immigrants légaux et illégaux, enfants nés aux Etats-Unis) constituent désormais la première communauté ethnique des Etats-Unis, avec 41,3 millions de personnes, soit 14 % de la population totale, devant les afro-américains (13 %) et les américains d'origine asiatique (4,7 %).
En 2050, ils devraient représenter le quart de la population américaine.
Du fait de cette forte immigration, trois Etats, la Californie, le Nouveau-Mexique et le Texas sont devenus, selon la terminologie américaine, « majoritairement composés de minorités ».
Cette immigration ne se limite plus aux six Etats frontières traditionnels, mais concerne désormais l'ensemble du territoire. La population d'origine étrangère a doublé, depuis 1990, dans 25 Etats, et triplé dans 9 autres : +390 % en Caroline du Nord, +200 % en Géorgie et au Colorado.
En outre, les Hispaniques constituent une population jeune : 40 % d'entre eux ont moins de 18 ans, et leur âge médian est de 27,2 années contre 30 pour les « noirs », et 33,2 pour les « asiatiques », et 40,3 pour les « caucasiens ».
L'importance numérique et la jeunesse de cette population constituent, à n'en pas douter, un des grands défis que devra relever dans les prochaines années le système éducatif américain.
d) Une politique en questions
La politique d'affirmative action suscite aujourd'hui des débats.
Cette politique volontaire n'est en effet pas parvenue à compenser les handicaps sociaux qui pèsent sur certaines minorités qui restent « sous-représentées » dans le système éducatif américain et en particulier dans l'enseignement supérieur, comme le montrent les chiffres cités par la commission Spellings.
Quatre Etats, la Californie en 1996, suivie du Texas en 1997, de l'Etat de Washington en 1998 et de la Floride en 1999 ont fortement réduit, voire supprimé leurs programmes d' « affirmative action » à leur niveau, les législations fédérales continuant toutefois de s'appliquer. Des tentatives similaires ont eu lieu dans une douzaine d'autres Etats, mais n'ont pas abouti.
La contestation de la politique d'affirmative action fait appel à deux catégories d'arguments.
Les uns soulignent, d'une part, que les mécanismes distorsifs de l' « affirmative action » risquent par contrecoup de dévaloriser les réussites des individus issus des minorités concernées, en jetant un doute sur leur valeur et leurs mérites effectifs : à diplôme égal, une personne n'ayant pas bénéficié de ce « coup de pouce » n'a-t-elle pas une probabilité supérieure d'être compétente ? Ces arguments rencontrent un écho certain dans les cercles de pensée conservateurs.
L'autre argument insiste sur l'effet néfaste que jouerait la politique d' « affirmative action » en matière d'intégration. Pour certains et notamment pour les afro-américains du « Project 21 », l' « affirmative action » utile à ses débuts, contribuerait maintenant à enfermer ces groupes ethniques dans leur identité, et, en consacrant les divisions de la société, freinerait au rebours de son objectif l'intégration des groupes minoritaires.
Guy Sorman résume ainsi les arguments avancés par Ward Connerly, un afro-américain engagé dans une croisade pour l'abolition de l' « affirmative action » : « Depuis l'origine de la nation américaine, tout citoyen au long de sa vie, ne cesse de décliner son identité raciale... Cette classification, qui nous paraît obsessionnelle, fut d'abord à l'origine de la discrimination ; puis elle est devenue le socle de l'affirmative action. Mais celle-ci n'est-elle pas la poursuite de celle-là dans des habits neufs ?... L'affirmative action perpétue la dépendance et les comportements d'esclave sous un autre nom. Bien des jeunes noirs en concluent qu'il ne faut pas trop travailler à l'école, puisque les Blancs, de toute manière, leur devront réparation : comportement courant qui fait perdre pied à l'école, puis dans la société ».
Les tenants de ce type d'approche revendiquent « a colorblind America », une Amérique indifférente aux critères raciaux, peut être plus adaptée aux nouvelles réalités d'une Nation où la ségrégation institutionnelle appartient à l'histoire, et où les métissages rendent de plus en plus improbables les catégories ethniques déterminées.
Les Etats-Unis n'en viendront-ils pas alors à substituer aux critères raciaux des critères socio-économiques qui permettraient de faciliter l'accès des plus défavorisés à une éducation de qualité ?
II. UNE ACTION CULTURELLE ÉCLATÉE ENTRE DE MULTIPLES ACTEURS
Les Etats-Unis ne disposent pas plus d'un ministère de la culture fédéral qu'ils ne se sont dotés d'un ministère de l'éducation nationale à part entière.
Il n'existe pas, en conséquence, aux Etats-Unis de politique culturelle relevant de la responsabilité de l'Etat, et les tentatives de l'exécutif pour renforcer son influence en ce domaine se sont toujours heurtées à l'opposition du Congrès. La vie culturelle, d'une très grande richesse et d'une très grande diversité, relève très largement, aux Etats-Unis de ce que l'on appelle la « philanthropie ». Elle prend la forme d'une mosaïque d'actions culturelles reposant sur une multitude d'organismes, le plus souvent privés et à but non lucratif, qui constituent une sorte d'« économie culturelle non marchande 13 ( * ) ».
En outre, et contrairement à la France qui privilégie un financement public direct de la culture, et qui a dû surmonter une certaine réticence naturelle à l'égard de l'argent privé pour encourager le mécénat, les Etats-Unis sont, au contraire, par tradition, très hostiles à tout ce qui pourrait passer pour une culture d'Etat ou pour une forme de contrôle de l'Etat sur la culture. Si le secteur public contribue cependant, dans une mesure plus importante qu'on ne le dit parfois au financement des arts et de la culture, c'est surtout à travers des formes de partenariat qui mêlent financements publics et financements privés, ou plus encore, peut-être, à travers une fiscalité extrêmement favorable au développement de la philanthropie.
Les visites que la délégation a effectuées à la « National Gallery of Art », au « John Kennedy Center for the performing arts », et les nombreux responsables d'institutions culturelles qu'elle a rencontrés, lui ont permis de mieux saisir l'originalité foncière d'un système si opposé au système français, où l'Etat fédéral essaie de se faire aussi discret que possible, et où les institutions et les mécanismes clefs sont de nature privée.
A. LE RÔLE OSTENSIBLEMENT MODESTE DES POUVOIRS PUBLICS
Contrairement à la France, où le pouvoir central revendique ostensiblement son rôle de protecteur des arts et de garant de la démocratisation de la culture, l'Etat fédéral américain se montre par tradition aussi discret que possible dans le soutien, non négligeable, qu'il apporte à l'action culturelle. Le président Kennedy, qui était partisan d'une plus grande implication de son administration dans la vie culturelle, disait toutefois prudemment que cette action devait être menée « sans fanfare » .
1. La tradition américaine : un domaine qui ne doit relever que de l'initiative privée
Comme l'ont souligné certains des interlocuteurs de la mission, en particulier, M. Leonar L. Silverstein, président de la French american Foundation, dans la tradition américaine, la culture relève de l'initiative privée et non de la responsabilité d'Etat.
Cette tradition remonte aux premiers colons, qui fuyant des persécutions religieuses ou politiques, étaient très attachés à la défense de la liberté contre d'éventuels empiétements des pouvoirs publics. Arrivant en outre sur une terre où tout était à construire, ils ont dû compter tout d'abord sur leur esprit d'initiative et d'entraide mutuelle pour répondre aux besoins communs, sans attendre qu'une organisation de type étatique s'en charge. Dans « de la démocratie en Amérique », Alexis de Tocqueville a bien compris combien l'initiative privée et l'esprit associatif étaient consubstantiels à la culture américaine.
Cette impulsion originelle est restée très présente aujourd'hui, dans la société américaine, et elle règne sans trop de partage dans un certain nombre de secteurs, et tout particulièrement dans celui de la culture.
Il est très significatif de cette méfiance à l'égard de l'Etat qu'un écrivain comme Walt Whitman, qui constitue en quelque sorte le poète symbole de l'Amérique au XIX e , ait critiqué la littérature européenne comme ayant « ses origines dans les cours » [royales] et comme sentant « les faveurs du prince » au rebours de la littérature américaine qui devait, selon lui, refléter le peuple dans sa diversité.
2. Le rôle direct volontairement modeste de l'Etat fédéral
L'intervention de l'Etat fédéral dans la vie culturelle américaine est restée sinon inexistante, du moins très ponctuelle jusque dans la première moitié du XX e siècle.
Les quelques tentatives opérées par l'exécutif en ce domaine, se sont heurtées avec régularité à l'hostilité déclarée et aux refus les plus catégoriques du Congrès.
La seule exception, mais elle est de taille : la création en 1800 de la Bibliothèque du Congrès, initialement conçue pour réunir les ouvrages nécessaires aux parlementaires dans leur travail, mais dont la vocation s'est bientôt élargie, et qui constitue aujourd'hui la première bibliothèque du monde en nombre d'ouvrages.
Tournant exceptionnel à tous points de vue dans l'histoire américaine, le « New deal » , lancé par le Président Franklin Delano Roosevelt pour sortir le pays de la crise de 1929 par une vigoureuse intervention de l'Etat, eut aussi une dimension culturelle.
Le lancement du « Federal Theater Project » en juillet 1935, confié à Hallie Flanagan, se traduisit par la création de 5 théâtres régionaux, respectivement à New-York, Los-Angeles, Chicago, Boston et La Nouvelle-Orléans, doublée de créations théâtrales dans de nombreux Etats destinées à toucher de nouveaux publics au moyen de nouvelles formes de théâtre expérimental. Cette parenthèse, qui a contribué au lancement d'artistes comme Arthur Miller, John Huston, Joseph Losey, et surtout Orson Welles, a été refermée par le Congrès entre 1939 et 1942.
Autre moment significatif, l'inauguration, en 1941, de la « National Gallery of Art » , issue d'un partenariat entre le donateur Andrew W. Mellon et le Congrès, et qui constitue l'un des très rares musées publics américains.
C'est au président John Fitzgeral Kennedy qu'il est revenu d'initier un retour, d'abord symbolique, du pouvoir fédéral dans le champ de la culture. Outre les réceptions d'artistes à la Maison blanche, il faut signaler le voyage d'André Malraux en 1962, pour sceller le prêt de « la Joconde ». Et comme le prêt d'oeuvres par des musées français à des musées étrangers, et notamment américains, fait aujourd'hui débat, il n'est peut-être pas inutile de citer ici les propos tenus par l'illustre ministre de la culture du Général de Gaulle au président américain.
« On a parlé des risques que prenait ce tableau en quittant le Louvre. Ils sont réels, quoique exagérés. Mais ceux qu'ont pris les gars qui débarquèrent un jour à Arromanches, - sans parler de ceux qui les avaient précédés vingt trois ans plus tôt - étaient beaucoup plus certains. Aux plus humbles d'entre eux, qui m'écoutent peut-être, je tiens à dire, sans élever la voix, que le chef d'oeuvre auquel vous rendez ce soir un hommage, M. le Président, est un tableau qu'ils ont sauvé » .
Sur le plan institutionnel, la tentative du président Kennedy de créer par la loi un « Conseil national pour les arts » , s'est heurtée à l'hostilité du congrès, et celui-ci a dû se contenter de créer un simple comité par un décret présidentiel.
C'est au président Johnson qu'il est revenu de faire aboutir cette impulsion, à travers la création, votée après de vifs débats par le Congrès en septembre 1965, d'un « National Endowment for the Arts » , ayant vocation à apporter un soutien financier public aux institutions et aux actions culturelles.
Toutefois, comme l'indique sa dénomination ( « endowment » ), celui-ci est moins conçu sur le modèle d'une administration régalienne que d'une fondation privée, dont il reprend d'ailleurs largement les modes d'intervention.
Comme l'explique très clairement Frédéric Martel 14 ( * ) , ceux-ci obéissent à la technique du « matching fund » , initiée par la fondation Ford, qui conditionne l'attribution d'une subvention publique en faveur d'une institution culturelle à la nécessité pour celle-ci de trouver également, de son côté, une somme équivalente par d'autres sources.
« L'idée, très ancrée dans le modèle américain, explique notre auteur , est que pour assurer sa survie, et sa liberté, la culture doit être financée non pas par une source unique mais par des financements variés et croisés qui se complètent, se marient et s'équilibrent ».
Ce type d'interventions conjointes présente à cet égard un triple avantage :
- il permet de dynamiser la philanthropie, puisque les subventions de l'Etat ne servent, en quelque sorte, qu'à amorcer d'autres financements ;
- il évite à l'Etat de s'engager sans retour, et de devenir responsable de la survie des institutions culturelles qu'il aura, un jour soutenues ;
- enfin, il garantit la liberté des artistes et des institutions qui ne dépendent pas du seul Etat.
L'une des premières grandes actions réalisées par la NEA fut la construction d'un « National cultural center » à Washington, qui deviendra bientôt le « John Kennedy Center for the performing arts ».
Le « National Endowment for the Arts » connaîtra par la suite des fortunes diverses : un âge d'or sous la présidence de Richard Nixon, en particulier grâce à l'impulsion de Nancy Hanks. Son action en faveur des musées et des orchestres symphoniques s'est alors doublée d'un souci de décentralisation culturelle, et d'ouverture aux cultures de l'Amérique moyenne, à travers l'organisation de tournées, et l'organisation d'ateliers d'écriture dans les écoles.
Les tentatives de dissolution engagées par le Président Ronald Reagan se sont heurtées à l'hostilité du Congrès, et notamment de la Chambre des représentants où les démocrates avaient conservé la majorité, ainsi que des milieux artistiques, y compris lorsqu'ils étaient de sensibilité républicaine, comme l'acteur Charlton Heston.
Le NEA fut cependant fortement ébranlé par les polémiques qui scandèrent la « guerre des deux cultures » - la « Culture Wars » - , au coeur desquelles il se trouva embarqué. Celles-ci ont provoqué son déclin mais non sa disparition.
3. Les autres acteurs publics
A l'image de l'Etat de New-York, qui a été le premier à créer une agence culturelle en 1960 (soit cinq ans avec la création du NEA fédéral), les autres Etats américains se sont progressivement dotés, dans le courant des années 70, d'agences publiques, très diverses par leurs statuts, leur organisation et leurs moyens. Ainsi, par exemple, en 2004, leur budget variait de 50 millions de dollars pour l'Agence de l'Etat de New-York, à 20 millions de dollars pour celles de l'Illinois, 6 millions de dollars pour celle du Texas, et 5 millions de dollars pour celle du Kentucky 15 ( * ) .
Les villes ont aussi, à leur tour, créé des agences culturelles. Il en existerait aujourd'hui environ 4 000, et leur budget global était évalué à 770 millions de dollars en 2005.
Il faut également citer deux politiques transversales, très répandues aux Etats-Unis :
- les programmes « per cents for the arts » qui consistent à réserver un pourcentage donné (généralement 1 %) du budget de toute nouvelle construction publique au financement de l'art ;
- les festivals, souvent gratuits, et de grande qualité, qui fleurissent pendant la période estivale dans les parcs d'un très grand nombre de villes.
B. LES DEUX PILIERS DE L'ACTION CULTURELLE : LA PHILANTHROPIE ET LA FISCALITÉ
Ce serait cependant une lourde erreur d'inférer de la faiblesse des moyens d'intervention directs des pouvoirs publics, et notamment de l'Etat fédéral, dans la sphère culturelle, que celui-ci la néglige ou l'abandonne aux seules forces du marché.
Si les Etats-Unis possèdent des industries culturelles puissantes, et notamment celle du cinéma, qui fonctionnent suivant des lois du profit de l'économie marchande, il existe également dans la sphère culturelle un vaste domaine relevant de l'économie non marchande, et qui constitue le vecteur privilégié de l'action culturelle.
Mais, contrairement au modèle français et européen, où ce secteur non marchand de la culture est pris en charge par les pouvoirs publics, aux Etats-Unis, celui-ci est assuré par une multitude d'institutions privées, mais à but non lucratif, qui définissent chacune leur politique et leur orientation. Ces organismes s'appuient sur la philanthropie (c'est-à-dire des donations faites par les citoyens les plus riches), le bénévolat (le temps que leur consacrent les citoyens moins fortunés) et bénéficient du soutien indirect mais très appréciable d'une fiscalité très favorable.
De sorte, pour reprendre l'expression d'un auteur qu'on a déjà cité qu' « il n'y a pas de ministère de la culture mais il y a des politiques d'action culturelle, en creux, indirectes et néanmoins validées régulièrement par le Congrès à travers les lois qui autorisent les déductions d'impôt 16 ( * ) » .
1. La politique fiscale : le véritable levier de la politique de soutien public à l'action culturelle
Ce vaste secteur à but non lucratif sur lequel s'appuie le système bénéficie d'importantes exonérations fiscales accordées au niveau fédéral comme au niveau local.
Ce manque à gagner fiscal, considérable, correspond en quelque sorte, à une forme de subventionnement public indirect et discret. « Cette dissimulation, aux Etats-Unis, des budgets artistiques et culturels, tranche avec leur affichage en Europe 17 ( * ) » .
Le montant de cette dépense fiscale dans le domaine de la culture, est mal connu, mais il est considérable. L'un des interlocuteurs de la mission sénatoriale, M. Léonard L. Silverstein, fin connaisseur du système, s'appuyant sur les travaux d'un organisme de recherche réputé, « The Trust for Philanthropy » évaluait globalement à 6 milliards de dollars la dépense fiscale occasionnée, en 2003, par les dégrèvements d'impôts dans le domaine de la culture et des arts. Ce montant est à mettre en relation avec la modestie des moyens d'interventions directs de l'Etat fédéral, et notamment de son principal instrument, le « National endowment for the arts » , dont la subvention ne s'élevait, en 2005, qu'à 125 millions de dollars.
Cette politique fiscale généreuse n'est d'ailleurs pas l'apanage de la seule sphère culturelle, mais bénéficie, plus largement encore, d'ailleurs, aux églises, à l'éducation et à la santé. Des secteurs entiers de la vie publique sont ainsi financés, de manière indirecte, par les pouvoirs publics, mais gérés par une multitude d'organismes privés non lucratifs que l'on désigne, aux Etats-Unis, sous le terme générique de « philanthropie » .
Ces appuis financiers ne sont pas distribués suivant des directives gouvernementales, mais leur affectation suit les goûts et les préférences des donateurs, à travers les sélections qu'ils font des bénéficiaires de leur générosité, et à travers les consignes, parfois strictes, dont ils accompagnent leur don. « Au lieu de subventions directes, dont les Américains pensent qu'elles placent les institutions dans une dépendance vis à vis de l'Etat, c'est par des exonérations fiscales que l'Amérique fonctionne et qu'elle dit assurer l'autonomie de la société civile 18 ( * ) » .
Le système fiscal, extrêmement favorable, comporte deux composantes principales : les déductions fiscales ouvertes aux donateurs, et l'exonération fiscale des associations d'utilité publique à but non lucratif.
a) Les déductions fiscales en faveur des donateurs
La « philanthropie » aux Etats-Unis présente certaines analogies avec l'« évergétisme » des cités antiques. L'une comme l'autre conduisent certains citoyens parmi les plus riches à engager, sans contrepartie manifeste et immédiate, de fortes dépenses au profit de la collectivité à laquelle ils appartiennent.
Cette propension au don, qui prend sans doute sa source dans les origines protestantes et puritaines du capitalisme américain, n'est d'ailleurs pas limitée aux citoyens les plus riches. Elle préexiste aux encouragements que leur donne la puissance publique, mais les incitations fiscales ont certainement contribué à son extension et à son épanouissement.
Le principe de cet encouragement public au don est simple et généreux : le système fiscal américain autorise, depuis 1917, le donateur à déduire de son revenu imposable annuel la totalité du don qu'il a effectué en argent, en nature, ou sous forme d'oeuvre d'art, à condition bien entendu, que ce soit au profit d'une association à but non lucratif et reconnue d'utilité publique (« public charity »). Cette déduction est plafonnée à 50 % du revenu annuel de donateur, depuis la réforme engagée en 1969 pour remédier à certaines dérives du système.
Celles-ci avaient été mises en lumière par le secrétaire d'Etat américain au trésor qui, lors d'une audition devant le Congrès, avait révélé que lors du précédent exercice fiscal de 1967, 155 citoyens américains des plus fortunés étaient parvenus, notamment grâce à ces possibilités de déduction, à se dispenser de tout paiement de l'impôt.
Au cours des travaux de la commission d'enquête immédiatement diligentée par le Congrès pour faire la lumière sur cette affaire, l'un des plus illustres et des plus généreux mécènes du pays, venu apporter son témoignage sur une base volontaire, avait suscité l'émotion en déclarant que, même s'il pouvait facilement s'abstenir par ces voies du paiement de tout impôt, il ne s'en imposait pas moins, par une sorte de discipline personnelle, de maintenir 10 à 15 % de son revenu dans l'assiette de l'impôt.
Le Congrès, fort raisonnablement, a souhaité mettre fin à une situation où, certains des contribuables les plus riches pouvaient s'abstenir de tout paiement de l'impôt sur le revenu et où d'autres pouvaient fixer librement le montant de la contribution qu'ils se proposaient de verser au profit de l'Etat.
Outre le plafonnement des déductions à 50 % du revenu brut global, d'autres dispositions ont été votées à cette occasion, pour mieux encadrer ce dispositif. Celles-ci tendaient :
- à limiter le bénéfice des déductions aux dons versés aux seules institutions qui peuvent se réclamer d'un large soutien public, prouvé par leur grand nombre de donateurs ;
- à éviter la perpétuation d'un contrôle familial sur les institutions bénéficiaires ;
- à imposer aux fondations une dépense annuelle de 5 % de leur capital.
Ces possibilités de déductions concernent aussi bien l'impôt sur le revenu ( income tax ), l'impôt sur les successions ( estate tax ) et, dans la plupart des cas, les impôts fonciers ( real property tax ). Elles s'appliquent à la fiscalité fédérale et se retrouvent dans la fiscalité des Etats et la fiscalité locale.
Une disposition spécifique, particulièrement intéressante dans le domaine culturel, mérite d'être signalée : celle qui permet, dans le cas d'un don fait à un musée sous la forme d'un bien matériel (tableau, oeuvre d'art...), de le déduire de son revenu en prenant en compte, non sa valeur d'achat, mais sa valeur actualisée.
Cette mesure présente ainsi un double avantage : non seulement la valeur du bien est déductible en totalité du revenu, mais en outre la cession de celui-ci est dispensée de toute imposition sur les plus-values, qui s'imposerait dans tout autre cas.
b) Le régime fiscal des organisations d'utilité publique
Un régime fiscal particulièrement attractif est accordé à certaines associations, sous réserve de remplir des conditions bien précises.
Le régime fiscal des organisations à but non lucratif est défini par l'article 501 c du code des impôts américain.
Au sein de ce statut général, il existe une catégorie particulière, définie à l'alinéa 3, affectée aux « activités charitables, scientifiques et éducatives ». Ces organisations ne sont donc pas seulement « à but non lucratif », mais sont en outre « reconnues d'utilité publique » en raison de leur mission d'intérêt général, d'où leur dénomination de « public charities », ou dans le jargon plus ésotérique de l'administration, de « 501 c 3 », par référence à l'article du code des impôts.
Ces « public charities » bénéficient d'un régime fiscal particulièrement favorable que l'on peut résumer en trois traits :
- elles échappent à l'impôt fédéral sur les revenus et à l'impôt sur les sociétés ;
- elles sont exemptes d'impôt foncier local et très largement des impôts indirects ;
- enfin, elles peuvent recevoir des dons d'autant plus généreux que leurs donateurs pourront les déduire de leurs propres impôts.
Ce régime fiscal extrêmement favorable explique le succès de ce statut juridique auprès des institutions culturelles.
« La quasi totalité des musées, des orchestres et des opéras depuis le début du XXe siècle, et plus récemment, la plupart des ballets et des festivals, et presque tous les théâtres de création, (à l'exception de Broadway) sont désormais à but non lucratif aux Etats-Unis. Et cela peut aller plus loin encore : de nombreuses maisons d'édition (presses universitaires), certaines galeries d'art innovantes et la grande majorité des cinémas d'art et d'essai sont à but non lucratif, quand ils sont souvent régis par un statut commercial en Europe... Ce lent basculement de la vie culturelle du côté non marchand est un trait caractéristique du système culturel américain contemporain » 19 ( * ) .
2. Un mode de fonctionnement original
Financé pour partie par la philanthropie et pour partie par le produit de son activité, l'ensemble du secteur non marchand représente aujourd'hui, aux Etats-Unis, 8,5 % du PIB. Il est constitué d'un peu plus de 1 million d'associations à but non lucratif qui emploient 11 millions de salariés, soit 9,3 % de la population active américaine, sans compter l'apport très significatif du bénévolat, qui pèserait l'équivalent de 9 millions d'emplois à temps plein 20 ( * ) .
Au total, les Américains, toutes causes confondues, donnent en moyenne plus de 250 milliards de dollars par an aux organismes à but non lucratif. D'après les chiffres communiqués par M. Léonard Silverstein, au cours de sa rencontre avec la délégation, la répartition de ces dons serait la suivantes :
- 36 % en faveur des églises ;
- 13 % aux écoles et universités ;
- 9 % à la santé ;
- 5,4 % à la culture et aux arts, soit 13 milliards de dollars par an ;
- le solde se partageant entre diverses causes notamment internationales et environnementales.
D'après les statistiques américaines, le montant global de ces dons provient :
- à 74,5 % de personnes physiques
- à 10,9 % des fondations ;
- à 9 % des legs des particuliers ;
- à 5,6 % des entreprises.
Contrairement à une idée communément répandue en Europe, le mécénat d'entreprise ne joue pas un rôle déterminant dans le secteur non marchand aux Etats-Unis.
a) Le statut des « public charities »
Pour obtenir le statut d'organisations à but non lucratif et d'utilité publique ( public charities ), les organisations doivent remplir un certain nombre de conditions.
Elles ont, tout d'abord pour obligation, sinon de ne pas réaliser de profits, du moins de ne pas les répartir entre leurs « actionnaires ». Elles doivent au contraire réinvestir ces profits, parfois conséquents, dans leurs biens immobiliers ou dans leur fonds de dotation ( « endowment » ).
Seconde condition, elles doivent avoir pour objet de remplir une mission charitable ou d'éducation, ces deux notions étant interprétées de façon très extensive.
Enfin, elles ont une obligation de transparence en matière de gestion, et doivent publier et rendre accessible à tous, notamment sur l'Internet, un rapport annuel très détaillé et certifié.
Aux yeux de l'observateur européen, leur nature juridique paraît mixte : elles sont à la fois de nature publique par leurs buts d'intérêt général, et privée par leurs capitaux, leurs méthodes de gestion et de fonctionnement.
Elles tirent leurs ressources à la fois des contributions des donateurs encouragées par la fiscalité, et des recettes qu'elles tirent de leur activité, au même titre qu'un organisme commercial (billetterie, produits dérivés, services...).
b) Direction et administration : « le board »
Ces organismes sont dirigés par un conseil d'administration, ou « board » , composé généralement des plus importants donateurs, qui assument cette charge à titre bénévole.
Fonctionnant sur le modèle des conseils d'administration des entreprises, et constituées de membres qui sont, par ailleurs des hommes d'affaires, ces instances dirigeantes définissent les orientations et les activités de l'organisme en toute liberté, et en l'absence de toute tutelle extérieure.
Consultés sur toute opération importante, particulièrement dès lors qu'elle a des conséquences financières dont ils peuvent avoir à supporter les effets, les membres du conseil délèguent cependant dans des proportions importantes, mais variables, la direction artistique de l'organisme aux professionnels qu'ils ont recrutés à cet effet.
Ils conservent, en revanche, une implication particulière dans l'activité de levée de fonds.
c) La levée de fonds : le « fundraising »
La levée de fonds ( « fundraising » ) est une activité essentielle au fonctionnement et au dynamisme d'une organisation. Aussi est-elle de plus en plus souvent confiée, sous la supervision du conseil d'administration, à un département spécialisé, qui jouit d'une position enviable dans l'organigramme.
Constitué de spécialistes de la collecte de fonds - une profession à part entière -, ce département a pour mission de prospecter les différentes sources de contributions possibles : les agences publiques, les fondations locales ou nationales oeuvrant dans le secteur d'activité, et surtout les donateurs qu'ils soient riches ou non. Le don aux associations d'utilité publique n'est pas, en effet, aux Etats-Unis, l'apanage des familles aisées. D'après des statistiques de 1998, 70 % des ménages américains effectuent des dons. Il faut cependant signaler qu'on évalue à 7,2 millions le nombre des Américains « millionnaires » : cela ouvre des perspectives, même si, pour reprendre le mot d'un des interlocuteurs de la mission, « personne ne vous donnera jamais son dernier million de dollars » .
Les pratiques de démarchage varient en fonction des contributeurs escomptés : sites internet et bulletins d'information en direction des contributeurs potentiels modestes ; démarchages téléphoniques personnalisés pour les contributeurs intermédiaires ; invitations et approches plus soignées pour les donateurs les plus généreux.
En contrepartie de leur contribution, les donateurs sont en droit d'attendre toute une gamme de privilèges proportionnels à leur générosité : réservations prioritaires, invitations à certains événements, accès réservé au parking pour les premières catégories ; soirées de gala, participation à des voyages ou des activités pour les contributeurs les plus généreux. La collecte de fonds joue à fond la carte de la distinction et du réseau social, en développant des activités de groupes reposant sur l'exclusivité de l'appartenance à une catégorie particulière de donateurs : on ne convie pas aux mêmes manifestations ceux qui donnent annuellement 300 000 dollars et ceux qui n'en ont donné que 100 000...
d) Les fonds de dotation : « endowment »
Tout comme les universités privées, et de façon très comparable (cf. 1 re partie du rapport), les organismes culturels à but non lucratif disposent d'une dotation initiale, complétée, le cas échéant, de dotations complémentaires, qui constituent un capital, placé en bourse, et dont seuls les intérêts sont utilisés pour financer le fonctionnement et l'activité de l'organisme.
Ces fonds ou « endowment » peuvent atteindre des montants considérables. Le tableau ci-après recense les dix plus importants.
« ENDOWMENTS » DE QUELQUES
INSTITUTIONS CULTURELLES
|
|
Metropolitan Museum of Art de New York |
1 700 |
Museum of Fine Arts de Houston (Texas) |
1 000 |
Cleveland Museum of Art |
658 |
Colonial Williamsburg Foundation |
634 |
National Gallery of Art (Washington) |
600 |
Art Institute of Chicago |
595 |
New York Public Library |
462 |
Boston Symphony Orchestra |
280 |
Woodruff Arts Center (Atlanta) |
245 |
Nelson-Atkins Museum (Kansas City) |
200 |
Sources : The Chronicle of Higher Education / The Chronicle of Philanthropy, numéro spécial « Endowments », 27 mai 2003. Cité dans F. Martel op. cité p. 566. |
Ces fonds, qui proviennent généralement de legs ou de dons conséquents, permettent souvent à leurs donateurs d'espérer une part d'immortalité, en obtenant que leur nom soit attribué en contrepartie au bâtiment, ou à une partie de celui-ci : auditorium, aile ou salle du musée.
e) Le bénévolat
Le bénévolat est une pratique très couramment répandue aux Etats-Unis, où l'on évalue à 93 millions le nombre de bénévoles tous secteurs confondus.
Le secteur culturel bénéficie dans une large mesure de cette pratique dans laquelle on vient chercher une occupation valorisante, un statut social, une reconnaissance et qui répondent à des motivations finalement pas très éloignées de celles des donateurs, les uns offrant libéralement leur temps, les autres leur argent.
3. Des formes intéressantes de partenariat public/privé
La délégation a visité deux institutions célèbres qui fournissent une illustration des formes de partenariat que l'on rencontre aux Etats-Unis : la « National Gallery of Art » et le « John Kennedy Center for the performing arts ».
a) La « National Gallery of Art »
La « National Gallery of Art » est un des rares musées publics américains.
Sa création résulte cependant d'une initiative privée : celle d'un riche donateur, Andrew W. Mellon, qui adressa, à la fin de l'année 1936, au moment des fêtes de Noël, une lettre du Président Roosevelt dans laquelle il se proposait de faire don à la Nation de sa collection d'oeuvres d'art et de prendre à sa charge la construction d'un musée sur le « Mall » à Washington pour l'accueillir, sous réserve que le gouvernement fédéral en assurât le fonctionnement et l'entretien.
Lors de sa 77 e session, le Congrès approuva en 1937 le principe de cette donation et d'une contribution de l'Etat. En contrepartie de la contribution financière apportée par l'Etat fédéral au fonctionnement du nouveau musée, le Congrès posa le principe de la gratuité de son accès, considérant que le visiteur américain avait, en quelque sorte, déjà acquitté le prix de son billet en qualité de contribuable.
Le musée fut inauguré le 17 mars 1941 par le Président Roosevelt.
A l'occasion de son entretien avec la délégation, Mme Christine Myers, responsable de la recherche de fonds pour les programmes et expositions, a précisé que les contributions apportées par le gouvernement au fil du temps -approximativement 1,5 milliard de dollars- ne représentaient que le tiers des contributions apportées par divers donateurs privés, sous forme d'argent ou d'oeuvres d'art.
Le musée envisage d'ailleurs, à l'occasion du 100 e anniversaire de la naissance d'Andrew Mellon, de lancer en 2007 une campagne de levée de fonds qui s'étalera jusqu'en 2012 et dont on attend 250 millions de dollars.
Le musée constitue une institution à part aux Etats-Unis, du fait de sa double nature, publique et privée.
Le Congrès conserve un droit de regard important sur la gestion du musée : il a souhaité notamment, fixer dans la loi les règles qui régissent les donations partielles d'oeuvres en sa faveur. C'est également le Congrès qui examine et vote chaque année le budget de fonctionnement et d'entretien, auquel il accorde une augmentation légère et régulière.
Le soutien public prend également une autre forme très appréciable. Le prêt d'oeuvres dans le cadre d'expositions temporaires entraine des coûts d'assurance croissants. Pour parer à cette difficulté, l'Etat se porte dorénavant garant, ce qui permet une économie réelle, compte tenu de la rareté des réclamations.
La gestion courante de l'institution se fait en revanche sur le mode des institutions privées. Elle est assurée par un conseil d'administration de cinq membres, dans la nomination desquels le gouvernement ne peut intervenir, et d'un représentant de l'Etat.
b) Le « John Kennedy Center for the performing arts »
Le « John Kennedy Center for the performing arts » est une autre institution culturelle majeure sise à Washington, un complexe de salles et de lieux orientés vers le spectacle vivant.
Le Gouvernement fédéral a pris en charge la construction initiale du bâtiment, mais cette contribution publique n'est pas exclusive de contributions privées, les levées de fonds ayant été organisées et autorisées dès l'origine.
Actuellement, le Centre combine trois sources de financements :
- les contributions fédérales, d'un montant de 28,4 millions de dollars en 2006, représentent 19,1 % du total, et permettent la prise en charge de l'entretien du bâtiment, en qualité de mémorial présidentiel ;
- les levées de fonds ont apporté l'année dernière 54,4 millions de dollars, soit 36,6 % de l'ensemble ;
- enfin, les recettes (billetterie et autres) ont représenté 65,9 millions de dollars, soit 44,3 % du total.
De façon exceptionnelle, les membres du conseil d'administration sont nommés directement par le Président des Etats-Unis.
Le Centre est géré par cinq comités, dont un comité consultatif et un comité des arts de la scène.
La collecte de fonds est confiée à un département spécialisé, composé de professionnels de la collecte. Ses effectifs -42 personnes- à comparer à celui des 103 musiciens de l'orchestre, permet de mesurer l'importance que le Centre attache à cette activité.
Les responsables du Centre ont insisté sur les avantages de ce mode de financement :
- sa dimension sociale : les citoyens les plus aisés subventionnent une portion du prix des billets des moins riches ;
- sa dimension libérale : la collecte de fonds étant un marché concurrentiel où les institutions culturelles rivalisent pour recueillir l'argent des donateurs privés, ces derniers ont la possibilité, par leur générosité d'infléchir dans le sens de leur goût l'action culturelle ;
- son respect de l'indépendance des institutions et des équipes artistiques : compte tenu de leur nombre, et de leur faible poids relatif, aucun donateur individuel n'est en mesure d'exercer des pressions sur l'équipe artistique pour infléchir sa programmation.
4. Les partenariats publics/privés : un levier pour le développement de la coopération culturelle, scientifique et technique franco-américaine
La coopération culturelle, scientifique et technique entre la France et les Etats-Unis n'a cessé de se renforcer au cours des dernières années. L'ambassade de France dispose à cet effet d'une enveloppe de crédits d'intervention de 3,21 millions d'euros.
Les principaux axes en sont la promotion de la création française contemporaine, le soutien à la présence de la langue française dans l'enseignement américain, et notamment en Louisiane, ainsi que le développement de partenariats publics-privés.
Ces derniers s'appuient notamment sur la fondation FACE ( French American Cultural Exchange ) qui permet d'obtenir un effet de levier : deux dollars de financements extérieurs venant compléter chaque dollar versé par la France.
Les principales orientations retenues en 2006 étaient :
- le renforcement de la coopération universitaire (programmes Chateaubriand et Fulbright notamment) afin de rééquilibrer les flux d'échanges étudiants ;
- les actions dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
- la participation au débat d'idées pour faire entendre la « voix de la France » auprès des décideurs et des futures élites ;
- le maintien du français dans l'enseignement américain.
Enfin, un effort particulier est prévu au profit de la reconstruction de la Louisiane, à la suite du passage de l'ouragan Katrina. Un fonds de solidarité géré par la fondation FACE a permis de réunir plus d'un million de dollars. Il permettra les actions suivantes :
- soutien aux artistes et manifestations musicales à La Nouvelle-Orléans ;
- aide aux programmes linguistiques et soutien exceptionnel à l'Alliance française de La Nouvelle-Orléans.
Les entreprises françaises implantées aux Etats-Unis ont apporté pour leur part une contribution estimée à 22 millions de dollars.
Au cours d'une réunion qui s'est tenue le 14 février 2007, la commission a approuvé ce rapport à l'unanimité .
ANNEXE - PROGRAMME DE LA MISSION SÉNATORIALE
MARDI 12 SEPTEMBRE 2006 :
Ø 15h50 : Arrivée à Washington
Ø Accueil par Robby JUDES, conseiller culturel adjoint à l'Ambassade de France
Ø 19h30 : Dîner d'accueil à la Résidence du Ministre-Conseiller, M. Denis PIETTON.
MERCREDI 13 SEPTEMBRE 2006 :
Ø 9h00 : Tour de ville.
Ø 11h00 : Réunion avec le Sénateur Judd GREGG (R-NH) dans la salle 393 « Russel Senate Office Building » suivi de la visite du Congrès.
Ø 13h00 : Déjeuner avec M. Leonard L. SILVERSTEIN, Président de la French-American Cultural Foundation.
M. SILVERSTEIN, francophone, a joué un rôle important dans la vie culturelle de la capitale américaine. Il a été notamment le Président du National Symphony Orchestra. Avocat fiscaliste, il a participé à la rédaction de la loi sur les fondations à but non lucratif. Il a aussi été le Président de l'Alliance française de Washington.
Organisation des musées, visite et rencontre des responsables :
Ø National Gallery of Art :
- 14h30 : Mme Christine MYERS : Directeur du développement, en charge de la recherche de fonds pour les programmes et expositions.
- M. Benedict LECA : Assistant Conservateur en chef des peintures européennes.
Ø 16h30 : John F. Kennedy Center for the performing Arts :
- M. Joseph J. KRAKORA : Directeur des relations extérieures et des affaires internationals.
- Mrs Ann STOCK , Vice-présidente.
- M. Thomas A. WEST , Vice-président du développement.
Ø 19h30 : Dîner offert à la Résidence de M. l'Ambassadeur, Jean-David Levitte.
JEUDI 14 SEPTEMBRE 2006 :
Rencontre avec un responsable institutionnel
Ø 9h00 : Tom FARRELL (Dpt of Education du Dpt d'Etat) - 2201 C. Street, N W.
Tom FARRELL est chargé de tous les échanges éducatifs et universitaires co-gérés avec le Department of Education, autre Ministère de Tutelle sur les programmes Fulbright ou les programmes UE-US (niveau master).
Mme Rosalind SWENSON - Deputy Assistant Secretary for Academic programs.
Mme Jennifer GIBSON - Branch Chief for teachers Exchange Program.
M. Stanley COLVIN - Director for the Office of Exchange Coordination and designation.
Intégration des minorités
Ø 11h00 : Visite de l'Université privée noire de Howard, fondée en 1867.
Rencontre avec :
- L'Ambassadeur Horace G. Dawson Jr ., Directeur du Bunche International Affairs Center ;
- Mme Patricia ROBERTS, harris Public Affairs Program ;
- Dr Harold A. SCOTT , directeur-adjoint
- Dr Orlando TAYLOR , doyen
- Dr Lorenzo MORRIS , président du département de sciences politiques
- M. Kim WELLS , directeur du service des carrières
Ø 13h00 - 15h00 : Déjeuner au restaurant « Le Diplomate » de l'Ambassade de France avec :
- Mme Mary KIRK (Vice President of Student Exchanges) ;
- M. Tom FARRELL (Department d'Etat) ;
- et M. James O'DONNELL , Provost Georgetown.
Ø 15h00 : Départ pour l'aéroport de Washington Dulles
Ø 19h18 : Arrivée à Boston
Ø Accueil par le Consul général, M. François GAUTHIER et Mme Brigitte BOUVIER, attachée culturelle
Ø 20h30 : Dîner d'accueil au club des Algonquins avec le Consulat Général
Présentation du contexte local par le Consul Général.
VENDREDI 15 SEPTEMBRE 2006 :
Etude du système universitaire américain, accès à la formation supérieure, aide aux étudiants défavorisés
Ø 9h00 : Politiques de recrutements des étudiants, filières d'excellence :
Visite et réunion de travail au Massachussets Institute of Technology (MIT) - 77 Massachusetts Avenue - Building 3 - Room 108 , avec Mme Joanne Cummings, Associate Director of Admissions.
Présentation de la fondation MIT-France et rencontre avec Mme Susan BERGER, directrice du programme, M. Olivier BLANCHARD et Mme Esther DUFLO, professeurs d'économie au MIT.
Filières d'excellence, politiques de recrutement, aide aux étudiants défavorisés :
Ø Visite et réunions de travail à Harvard (Center for European Studies) - 27 Kirkland Street .
Rencontres avec :
Mme Bridget Terry LONG (Harvard Graduate School of Education). Sa recherche porte sur les politiques éducatives et leurs effets sur l'accès à l'enseignement supérieur.
M. Roger BANKS , Directeur du Programme de recrutement des minorités à Harvard College ( Undergraduate Minority Recrutment Program [UMRP]).
M. James WILKINSON , directeur du Centre Derek Bok pour l'enseignement et l'apprentissage à l'Université d'Harvard (The Derek Bok Center pour l'enseignement et l'apprentissage à l'Université d'Harvard (The Derek Bok Center for Teaching and Learning).
Déjeuner : Center for European Studies en présence d'universitaires français enseignant à Harvard.
Etude du système universitaire américain, accès à la formation supérieure, aide aux étudiants défavorisés :
Ø Après-midi : Visite et entretiens dans un Community College.
Visite du Community College de Boston : Bunker Hill Community College - 250 New Rutherford Avenue - Boston - Massachusetts 02129.
Ø 19h00 : Cocktail à la Résidence du Consul Général de France, François GAUTHIER - 2 Hubbard Park à Cambridge.
SAMEDI 16 SEPTEMBRE 2006 :
Ø Matin : Visite du Museum of fine arts.
Ø Déjeuner au bord de la mer à Rockport.
Ø Puis, départ pour une visite de la Côte (Concord, Rockport, Salem, Marblehead...).
Ø Dîner à Boston.
DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2006 :
Ø 8h15 : Départ pour New-York
Ø 9h30 : Arrivée à New-York - La Guardia.
Ø 11h30 : Gospel « Meek Baptist »
Ø 15h00 : Visite du MoMA - The Museum of Modern Art
Accueil par Blanche TANNERY , chargée de mission pour les arts visuels
Ø 19h30 : Spectacle « The color Purple » au Broadway Theater
LUNDI 18 SEPTEMBRE 2006 :
Enseignement scolaire public, multiculturalisme :
Ø 8h30 : Départ de l'hôtel vers Julia Richman School Complex (6 écoles publiques.
Ø 9h00 : Entretien avec les représentants du « Département of Education » de la ville de New-York.
Ø 9h30 : Visite du Julia Richman School Complex (3 visites avec les équipes de chaque école).
Ø 10h30 : Manhattan International School, Programme « French Heritage Language ».
Universités, immigration et intégration
Ø 12h00 : Départ pour le Consulat général - 934 Fifth Avenue.
Ø 12h30 : Déjeuner de travail au Consulat général de France avec des universitaires / administrateurs publics spécialistes des questions d'intégration et des politiques sociales à New-York.
Accueil des publics multiculturels, « outreach » :
Ø 14h15 - 16h30 : Table ronde au Service Culturel avec des organisateurs de festivals urbains et des responsables de grandes institutions culturelles :
- Modératrice : Francesca CANADE-SAUTMAN (City University of New-York - CUNY, Graduate Center)
- Alexa BIRDSONG (Directrice des activités culturelles de Central Park)
- Karen BROOKS HOPKINS (Présidente, Brooklyn Academy of Music)
- Tom FINKELPEARL (Directeur Queens Museum)
- Frank HENTSCHKER (Segal Theatre, CUNY)
- Susan KENT (Directeur and chief executive of the Branch Libraries, NYPL)
- Gregory MOSHER (Directeur, Columbia University Arts Initiative, New-York Public Library)
- Jack WALSH (Directeur du Festival de musique «Celebrate Brooklyn»)
- Julian ZUGAZAGOITIA (Directeur du Museo del Barrio)
Ø 20h30 : Dîner donné par Mrs Kareen Rispal, Conseiller culturel.
MARDI 19 SEPTEMBRE 2006 :
Accès à la formation supérieure, aide aux étudiants défavorisés :
Ø 9h00 : Départ de l'hôtel (check-out) pour le quartier de Queens.
Ø 10h00 : Visite et entretiens dans un Community College « La Guardia Community College, Queens ».
Ø 12h00 : Déjeuner sur place.
Ø 13h15 : Départ pour Cuny - City University of New-York, Harlem.
Ø 14h00 : Visite et entretiens à CUNY, grand campus universitaire urbain à Harlem.
Ø 16h00 : Départ pour Kennedy Airport.
Ø Arrivée à Paris - Roissy II - Terminal 2E - à 8 h 50 le mercredi 20 septembre 2006.
* 1 « Universités publiques aux Etats-Unis. Une autonomie sous tutelle » par Cécile Brisset-Sillion (p. 18).
* 2 Cécile Brisset-Sillion, op. cit. p. 19.
* 3 Cécile Brisset-Sillion op. cite p. 20.
* 4 B. Clark « The academic life : small worlds, differents worlds ». the Carnegie Foundation for the advancement of teaching (1988) cité in Cécile Brisset Sillon, op. cit.
* 5 « A test of leadership - Charting the future fort U.S. higher education ; a report of the commission appointed by Secretary of Education Margaret Spellings ».
* 6 Idem p. 12.
* 7 Cécile Brisset-Sillon, op. cité p. 92
* 8 Rapport PISA 2000, p. 59.
* 9 Rapport PISA 2000, p. 86.
* 10 Rapport PISA 2000, p. 97.
* 11 Education at a glance 2006 - OCDE « Briefing note for the United States » - 12 septembre 2006.
* 12 « Made in USA : regards sur la civilisation américaine » par Guy Sorman (Prix France - Amérique 2005).
* 13 C'est la notion que propose notamment Frédéric Martel dans un ouvrage récent qui a vocation à devenir un ouvrage de référence « De la culture en Amérique », Gallimard 2006, cf. page 365.
* 14 « De la culture en Amérique », Frédéric Martel, Gallimard 2006, pages 86 et sq.
* 15 Frédéric Martel, op. cité, p. 193.
* 16 Frédéric Martel, op. cité, p. 525
* 17 Frédéric Martel, op cité, page 525.
* 18 Frédéric Martel, op cité, page 305.
* 19 Frédéric Martel, op cité, page 339.
* 20 Idem page 307.