C. PRODUCTIVITÉ ET CROISSANCE
La place centrale de la productivité dans la croissance a été présentée en introduction à ce rapport par l'identité comptable : PIB = Productivité x emploi.
Mais, il ne s'agit-là précisément que d'une relation comptable, d'une décomposition ex post de la croissance qui ne décrit pas réellement la place de la productivité dans le circuit économique.
Le lien de causalité entre productivité et croissance peut être envisagé dans les deux sens.
Dans le premier, les gains de productivité entraînent une accélération de la croissance à la fois par le pouvoir d'achat qu'ils permettent de distribuer et par l'investissement qu'ils ont permis de financer. Cet enchaînement peut être illustré à partir du schéma ci-dessous :
LA PRODUCTIVITÉ FAIT LA CROISSANCE
Gains de productivité
Hausse des salaires réels
Hausse des profits
Hausse de l'investissement
Baisse des coûts
Augmentation
de la consommation
Augmentation
des exportations
Croissance
de la production
Mais un second lien de causalité peut être envisagé, dans lequel l' accélération de la croissance entraînerait celle de la productivité :
- à court terme , l'accélération de l'activité entraîne une hausse de l'utilisation des capacités de production ;
- à moyen terme , une hausse de la croissance et donc des débouchés entraîne celle de l'investissement et augmente ainsi l'intensité capitalistique ;
- à long terme , la croissance exerce une pression sur l'innovation et le progrès technique : les entreprises sont incitées à prendre des risques, ou plus précisément, le coût du risque est moindre du fait de l'augmentation des débouchés ; par ailleurs, l'augmentation des salaires réels incite les entreprises à mettre en oeuvre les combinaisons les plus capitalistiques.
Dans cette vision plus keynésienne, théorisée notamment par l'économiste Nicholas KALDOR, le progrès technique est considéré comme dépendant de la croissance (endogène) alors qu'il est considéré comme exogène dans la vision « schumpétérienne ».
La thèse du progrès technique, selon J. Schumpeter, considère, en effet, les innovations comme un processus discontinu : celles-ci reviennent par « grappes » et procèdent par « sauts » ; elles créent de nouveaux produits et de nouveaux processus de production. En périmant les produits et les techniques, le processus de « destruction créatrice » libère la voie aux produits et aux marchés nouveaux, nourrissant ainsi la croissance.
En sens inverse, le ralentissement de la productivité après le premier choc pétrolier a fait l'objet de nombreux travaux 17 ( * ) qui avancent trois séries d'explications :
- un effet de type schumpétérien, avec la fin de la diffusion de la grappe d'innovations due notamment au développement de l'automobile et de l'équipement des ménages, dans les années 60 ;
- la fin du processus de rattrapage par les pays européens du pays technologiquement le plus avancé (les États-Unis) ;
- le manque de dynamisme de la demande lié au ralentissement de la croissance après le premier choc pétrolier.
* 17 La contribution la plus complète et la plus connue est celle de Paul DUBOIS « Rupture de croissance et progrès technique ». Economie et statistique, octobre 1985.