II. QUEL EST LE RÔLE DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (TIC) DANS LES ÉVOLUTIONS RÉCENTES DE LA PRODUCTIVITÉ ?
A. L'EFFET DES TIC SUR LA PRODUCTIVITÉ
L'acronyme TIC regroupe les matériels informatiques, les logiciels et les matériels de communication, c'est-à-dire à la fois des technologies déjà anciennes comme les ordinateurs et des technologies plus modernes, comme la téléphonie mobile ou tout ce qui est lié à l'Internet.
L'appréciation de l'importance de la « révolution technologique » portée par les TIC, comparativement aux précédentes révolutions technologiques, telles que la machine à vapeur (sur la période 1830-1860) ou l'électricité (de 1899 à 1929), a fait débat.
Un spécialiste de l'histoire de la croissance, R. GORDON, a ainsi minimisé l'ampleur des effets des TIC. Cependant, des travaux plus récents qui semblent désormais faire autorité 53 ( * ) , ont montré que la contribution des TIC à la croissance et la productivité serait depuis 1995 supérieure à celle de la machine à vapeur ou de la diffusion de l'électricité.
Les TIC permettent d'accélérer les gains de productivité au travers de trois mécanismes :
une
substitution entre facteurs de
production
- des matériels TIC se substituant à des
travailleurs - permet d'élever la productivité du travail. Il
s'agit-là d'un mécanisme d'intensification capitalistique
« classique »
-
capital deepening
-,
renforcé par
la baisse des prix relatifs des matériels
TIC
;
les secteurs producteurs de TIC connaissent des gains rapides de production globale des facteurs (PGF) , ou « progrès technique » ; ces gains de PGF dans les secteurs producteurs de TIC s'expliquent par le fait que les gains de performance des matériels TIC étant très rapides, la mesure de leurs prix liée à cette amélioration de la qualité n'évolue pas aussi rapidement, de sorte que le partage volume-prix de la production est plus favorable au volume que pour d'autres biens de services ;
des gains de PGF dans les secteurs non producteurs de TIC sont liés aux « effets de réseau » : la diffusion des TIC élève les performances des TIC déjà diffusées auprès des ménages et des entreprises.
Il est nécessaire de souligner que, jusqu'à présent, ce troisième effet fait plus l'objet d'une présomption que de mesures significatives.
Enfin, même si cet effet est voisin ou englobe celui qui précède, il est généralement admis que l'investissement en TIC renforce certes la productivité du travail au travers de l'intensité capitalistique, mais qu'il stimule aussi le progrès technique dans les secteurs non producteurs de TIC , dans la mesure où il constitue un soutien puissant de l'innovation (en particulier de l'innovation non technologique, c'est-à-dire organisationnelle). Cet aspect sera analysé plus loin à propos des gains importants de productivité observés dans certains services marchands aux États-Unis.
* 53 N. CRAFTS : « The Solow Productivity Paradox in Historical Perspective », CEPR, Discussion paper n° 3142, janvier 2002.