B. VERS UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

1. Les arguments en faveur de la création d'un « Ministère d'État à la ville, au logement et à l'aménagement du territoire »

L'ensemble de ces observations plaide pour une nouvelle organisation ministérielle de la politique de la ville . Compte tenu de sa spécificité, il pourrait sembler opportun de revenir à un Ministère de la ville de plein exercice. Afin de mieux affirmer le caractère prioritaire de cette politique, le choix d'un « Ministère d'État » pourrait, par ailleurs, se révéler utile afin, d'abord, de s'assurer que le titulaire du poste soit un responsable d'expérience et, ensuite, de lui permettre de négocier, en direct, avec les autres ministres, ses priorités, au motif qu'un ministre d'État a une « compétence générale » qui ne se limite pas à son département ministériel.

En outre, afin de permettre une approche globale des problèmes de la ville et de prendre en compte le reste du territoire, notamment péri-urbain, ce ministère devrait également être compétent pour l'aménagement du territoire et le logement. Comme le soulignait, en effet, voilà dix ans, M. Gérard Larcher, alors sénateur, « la politique de la ville et la politique de développement rural sont deux faces indissociables de toute politique d'aménagement du territoire ».

La nécessaire complémentarité entre la ville et l'aménagement du territoire est parfaitement illustrée par la question de l'utilisation des fonds européens et des crédits alloués dans le cadre des contrats de projet Etat-régions. En effet, la mission souhaite que le soutien aux quartiers en difficulté constitue une priorité majeure pour l'affectation des fonds européens et pour ceux alloués dans le cadre du volet territorial des contrats de projet Etat-région. Ce souhait correspond d'ailleurs à celui exprimé, dans une intervention récente 152 ( * ) , par le ministre de l'Intérieur, M. Nicolas Sarkozy, qui déclarait : « Nous allons en 2006 programmer les contrats de projet entre État et régions et les fonds européens pour une période de 7 ans, jusqu'en 2013. C'est une échéance majeure pour la politique d'investissement dans notre pays et je souhaite, en tant que ministre de l'aménagement du territoire, que l'État soutienne énergiquement tous les projets de désenclavement des quartiers difficiles. J'en fais une priorité majeure ». De même, plus récemment, M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, a souligné lors des rencontres de l'aménagement du territoire le 12 octobre 2006 qu'« à travers les contrats de projet État-régions, à travers l'utilisation des fonds européens », l'Etat devait « encourager un urbanisme durable ».

Ce « ministre d'État » aurait en charge la ville, l'aménagement du territoire et le logement ainsi que la tutelle de tous les services dédiés à la politique de la ville, au logement et à l'aménagement du territoire . Il aurait également une tutelle partagée sur tous les autres services qui travaillent sur les questions concernant la politique de la ville (insertion professionnelle, prévention de la délinquance, « préfets à l'égalité des chances »...).

Pour donner toute sa dimension à ce nouveau ministère, il conviendrait de le confier à une personnalité d'expérience et capable de peser sur la majorité parlementaire. Il serait également nécessaire de fixer le périmètre de ce ministère pour une durée minimale de 10 ans afin de permettre de mesurer les résultats de la politique menée dans la durée. Il reviendrait, enfin, à ce ministre d'État de préparer une loi quinquennale de programmation et d'orientation pour la ville afin de mobiliser de nouveaux moyens et de créer de nouveaux outils qui seraient mis en oeuvre sur toute la législature. La préparation, la mise en oeuvre et le suivi de cette loi quinquennale devraient faire l'objet d'un Comité interministériel à la Ville qui se réunirait au moins chaque année.

La création de ce « Ministère d'État » poserait également la question de la place de la délégation interministérielle à la ville. En effet, en l'absence de création d'un ministère de plein exercice, une hypothèse souvent évoquée par le passé a été le rattachement direct au Premier ministre, mais l'expérience de ce type d'architecture montre que, dès lors, l'influence de la délégation dépend de la proximité de son titulaire avec le Premier ministre. Par ailleurs, le risque existe également que la politique ainsi confiée à une structure administrative ne soit plus portée dans le débat politique et manque des soutiens nécessaires à l'obtention d'arbitrages budgétaires favorables dans la durée.

C'est pourquoi, dans l'hypothèse de la création d'un « Ministère d'État à la Ville, au Logement et à l'Aménagement du Territoire », la pérennité même de la DIV devrait faire l'objet d'un débat. En effet, c'est au nouveau ministre d'État que reviendrait naturellement la responsabilité de définir les priorités de la politique de la ville et d'en assurer la traduction politique et budgétaire, notamment auprès des autres ministères. C'est également à lui qu'incomberaient la tutelle et la coordination des agences. Quant à la fonction d'animation interministérielle de la DIV, elle serait portée à un niveau politique supérieur, à travers un CIV rénové, qui se réunirait au moins une fois par an. Dans un tel scénario, la DIV aurait vocation à être transformée, par exemple, en direction du nouveau ministère.

Les délégués interministériels depuis 1988

- Juillet 1988 : Yves Dauge

- Août 1991 : Jean-Marie Delarue

- Janvier 1994 : Francis Idrac

- Novembre 1996 : Jean Daubigny

- Juillet 1998 : Claude Brévan

- Juillet 2005 : Anne-Marie Charvet

- Août 2006 : Yves-Laurent Sapoval

* 152 Intervention de M. Nicolas Sarkozy à Évreux le 4 mai 2006.

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