3. Désanctuariser l'école
Présence éventuelle d'un policier ou d'un gendarme au sein des établissements à la suite d'agressions, installation de caméras de vidéosurveillance, voire de portiques de sécurité aux entrées des collèges... l'école sort progressivement de la sanctuarisation dans laquelle elle s'est parfois retranchée en voulant gérer en interne les comportements déviants, malgré les réticences de certains enseignants.
En 2004, les ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale ont prévu la nomination d'un « correspondant police-sécurité de l'école » pour chaque établissement scolaire. En juin 2006, on en comptait 4.573. Après la réalisation de diagnostics de sécurité visant à anticiper les problèmes, chaque établissement devrait disposer d'ici 2007 d'un plan de prévention contre les violences scolaires incluant un partenariat plus resserré avec la police et la gendarmerie 111 ( * ) .
Cependant, la lutte contre la délinquance ne se limite pas à la lutte contre les violences scolaires, même si les premières victimes sont les élèves.
La prévention de la délinquance implique également de lutter contre l'absentéisme scolaire.
Des interlocuteurs de la mission ont en effet souligné que l'école constituait l'un des éléments de fragmentation des parcours . Le facteur majeur de l'entrée dans la délinquance est l'échec scolaire avant la sixième, qui implique un risque trois à quatre fois supérieur d'être impliqué dans des délits. De même, une étude d'un ancien directeur de la protection judiciaire de la jeunesse et d'un commissaire de la préfecture de police a indiqué que 47 % des mineurs interpellés à Paris étaient déscolarisés.
Lors de son déplacement en Martinique, la mission a constaté l'intérêt du « dispositif école, famille, quartier » mis en place par le conseil général et consistant en un suivi des élèves, associant le collège, la famille et les services sociaux. Le chef d'établissement signale aux parents et aux services sociaux et médico-sociaux l'absentéisme ou le comportement anormal d'un enfant. Cela permet le cas échéant d'identifier l'émergence d'un phénomène de bandes et de réduire les actes de délinquance dans le quartier.
4. Des partenariats entravés par la règle du secret professionnel
Une meilleure articulation entre les acteurs de la sécurité et ceux de l'accompagnement sanitaire et social permettrait de lutter plus efficacement contre la récidive et de renforcer les dispositifs de prévention, mais pose la question du secret professionnel partagé.
Le projet de loi de prévention de la délinquance, qui prévoit la possibilité de transmettre aux maires des informations à caractère social couvertes par le secret professionnel, ainsi que le signalement par les autorités académiques des manquements à l'assiduité scolaire, fait ainsi l'objet de fortes réticences de la part des travailleurs sociaux.
On notera que le projet de loi adopté par le Sénat prévoit pourtant simplement que lorsque l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels dans les domaines sanitaire, social, et éducatif relevant des compétences du maire, un coordonnateur est autorisé à transmettre au président du conseil général et au maire de la commune de résidence les informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences d'action sociale respectives.
Le dispositif des mariniers de la ville de Rotterdam présenté à la mission lors de son déplacement aux Pays-Bas est plus ambitieux. Chacun d'entre eux est responsable d'un quartier sous l'autorité directe du maire, et voit son action évaluée régulièrement. Disposant d'un budget d'un million d'euros, il est seul décideur et combine prévention et répression, en coordonnant l'action de la police, des travailleurs sociaux, des services municipaux et des associations qui ne peuvent lui opposer le secret professionnel. Il peut notamment supprimer les prestations sociales de familles au comportement délictueux.
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Une réorientation du travail de police parait donc indispensable dans l'ensemble des zones urbaines sensibles, en concertation avec le maire, désormais consacré comme le pivot de la prévention de la délinquance.
Les propositions de la mission - Réactiver une véritable police de proximité ; - Assurer une rémunération et des perspectives de carrière valorisantes pour les policiers et les gendarmes intervenant dans les ZUS ; - Développer une véritable coordination entre polices municipales et police nationale ; - Rappeler au parquet son rôle de direction de l'action de la police ; - Ouvrir le service volontaire citoyen de la police nationale aux résidents étrangers (inclus par amendement dans le projet de loi de prévention de la délinquance actuellement en cours d'examen au Parlement) ; - Améliorer la formation des gardiens de la paix en prévoyant des modules ciblés sur la jeunesse et sur la lutte contre les discriminations ; - Généraliser la pratique des référents policiers, déjà prévue pour les établissements scolaires, pour les syndics de copropriété, offices publics d'HLM ou assistantes sociales ; - Améliorer la transparence des données en matière d'effectifs des forces de l'ordre ; - Généraliser la création de cellules de veille auprès des CLSPD dans les ZUS ; - Publier le décret relatif à l'étude préalable de sécurité prévu par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 ; - Développer les équipes de prévention spécialisée. |
* 111 Le partenariat a été approfondi dans le ressort des académies de Créteil (77, 93, 94) et Amiens s'agissant notamment de la formation des personnels, du partage d'expérience sur la sécurisation des abords d'établissements, du recensement et de la diffusion des bonnes pratiques. En 2005 sont intervenues 33.731 opérations de sécurisation des établissements scolaires. Elles ont permis de relever 21.583 infractions (dont 12.000 au code de la route, 1.232 violences volontaires, 246 rackets, 217 vols avec violence, 1.864 infractions à la législation sur les stupéfiants, 298 ports ou détentions d'armes prohibées). 6.821 personnes dont 4.892 mineurs ont été mises en cause.