B. LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE IMPLIQUE DES PARTENARIATS RENFORCÉS ET CIBLÉS

La lutte contre la délinquance ne peut désormais plus s'envisager sans partenariat avec les services sociaux ou l'éducation nationale, au centre duquel se trouve le maire.

1. Parvenir à des partenariats ciblés et opérationnels en matière de justice et de sécurité

Les instances locales ont permis de meilleures relations entre la justice, la police et la gendarmerie, grâce à une bonne répartition des compétences.

Leurs principales priorités sont la lutte et la prévention de la délinquance juvénile, la lutte contre l'absentéisme scolaire, les violences scolaires, la prévention des conduites addictives, le racket, l'aide aux victimes, la lutte contre les violences intrafamiliales, le soutien à la parentalité, la sécurité routière, la lutte contre les discriminations et pour la citoyenneté, l'accès au droit et à la justice de proximité, la médiation sociale, la prévention de la récidive.

Après les contrats locaux de sécurité, créés en 1997 et au nombre de 672 au 1er juin 2005 103 ( * ) , ont été créés en 2002 les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Présidés par le maire ou le président d'un établissement public de coopération intercommunale, ils ont vocation à rassembler tous les acteurs locaux de sécurité et de prévention. A cet égard, la présence du juge des enfants parait indispensable.

Au 31 décembre 2005, on comptait 906 CLSPD, dont 28 % intercommunaux. Cependant, la mise en place d'une véritable coordination intercommunale demeure délicate, l'accord des maires restant requis s'agissant des interventions sur le territoire de leur commune.

Ils ont connu un succès mitigé. Si leur président ne peut porter la responsabilité de leur bon fonctionnement, il doit en constituer « l'étincelle », et jouer un rôle d'animation. De même, le nombre de leurs membres impose la constitution d'une formation restreinte, d'une cellule de veille ou de commissions thématiques pour parvenir à une réelle effectivité.

? Il parait préférable, afin d'éviter les « grand-messes », de se concentrer sur les groupes restreints et ciblés .

Les groupes locaux de traitement de la délinquance sont des formations restreintes réunissant autour du procureur de la République le commissaire de police, le maire, ainsi que les chefs d'établissements scolaires et les bailleurs sociaux. Ils visent à focaliser l'action de la police et de la justice sur un micro-territoire, le plus souvent un quartier d'habitat social ou une copropriété dégradée, dans lequel la délinquance atteint un niveau intolérable. Ils se réunissent chaque mois et sont dissous une fois la situation assainie.

Cette pratique prétorienne apparue en Seine-Saint-Denis au milieu des années 90 est très appréciée des élus et acteurs locaux. Elle apporte des réponses judiciaires rapides, visibles et adaptées aux problèmes locaux comme aux situations individuelles, grâce à des cibles bien identifiées. Des solutions préventives éducatives et sociales pour les personnes et familles en difficulté sont également mises en place grâce au partage d'informations à caractère nominatif. En Seine-Saint-Denis on en compte actuellement six.

De même, les bureaux de coordination de lutte contre les violences urbaines réunissant les renseignements généraux 104 ( * ) , la police judiciaire, les polices municipales et le cas échéant les parquets permettent des échanges d'informations utiles.

Le plan pilote pour 25 quartiers , mis en place en janvier 2004 sous l'égide des préfets, réunit chaque mois les maires et les procureurs de la République afin de d'organiser les synergies et de permettre un traitement territorialisé, individualisé et ciblé sur des personnes et des familles tant dans les domaines de la répression que de l'accompagnement éducatif et scolaire ou de l'insertion économique . Il prévoit le partage d'informations à caractère nominatif et a d'ores et déjà permis d'améliorer le taux d'élucidation dans ces quartiers. Il devrait être étendu par le projet de loi de prévention de la délinquance actuellement en cours d'examen par le Parlement.

Dans ce cadre, 10 sites 105 ( * ) faisant l'objet d'opérations de rénovation urbaine ont intégré des impératifs de prévention situationnelle , c'est-à-dire la prise en compte des contraintes de sécurité dans l'aménagement de l'espace urbain et la construction des immeubles : installation de caméras de surveillance, amélioration de l'éclairage public, sécurisation des locaux destinés à abriter les conteneurs poubelles, et des dépôts de matériaux de construction ou de gravats, enlèvement des épaves. La mission ne peut que déplorer que le décret relatif à l'étude préalable de sécurité prévu par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 n'ait toujours pas été publié .

En outre, certains parquets ont mis en place des relations privilégiées avec les communes. Ainsi, le procureur de la République et les quarante maires de Seine-Saint-Denis se réunissent tous les quatre mois pour évoquer les questions de délinquance. Un tel dispositif parait cependant difficilement généralisable à d'autres départements du fait du nombre de communes concernées.

En complément des dispositions de la loi du 9 mars 2004 prévoyant l'information des maires sur le traitement des infractions causant des troubles graves à l'ordre public intervenus dans leur commune 106 ( * ) , la Seine-Saint-Denis bénéficie de correspondants justice ville recrutés par les communes mais agréés, soumis au secret professionnel, et disposant d'un bureau au palais, chargés d'informer les maires quant au traitement juridique des infractions constatées sur leur territoire. Ce dispositif a démontré son utilité.

Par ailleurs, les fermetures généralisées des maisons de la justice et du droit, pourtant très appréciées, en raison du manque de greffiers mis à disposition par les chefs de juridiction, ont été unanimement regrettées. Si la priorité consiste effectivement à pourvoir les postes de greffiers au sein même des juridictions, il serait néanmoins opportun de maintenir des « Points info droit » réunissant avocats et associations d'aide aux victimes.

? Le développement de la concertation entre police nationale et polices municipales devrait être encouragé.

3.226 communes disposent d'une police municipale 107 ( * ) . Une convention de coordination entre la police nationale ou la gendarmerie et la police municipale est déjà requise lorsque la brigade municipale comprend au moins cinq agents ou est armée. Ceci permet d'assurer l'information et d'éviter des doublons et des carences.

En outre, la police nationale participe depuis 2001 à la formation des policiers municipaux dans le domaine de l'emploi des armes, de la lutte contre la toxicomanie, et de la formation de conducteurs de chien de patrouille. De même, une coopération s'est établie en matière de vidéosurveillance.

Les agents de police municipale 108 ( * ) ayant vocation à devenir agent de police judiciaire adjoint opérant sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, il serait souhaitable de développer un véritable partenariat avec la police nationale , afin notamment d'intervenir dans la journée pour assurer une présence.

En effet, leur rôle est loin d'être négligeable. Ainsi, Mme Fabienne Keller, maire de Strasbourg, et M. Robert Grossmann, président de la communauté urbaine, ont indiqué à la mission que le recrutement de 52 policiers municipaux, outre la mise en place d'adjoints de quartiers et de 13 bureaux de police dans l'agglomération et la mise en place d'un système de vidéosurveillance dans le centre-ville et les transports en commun, avait permis de diminuer la délinquance de 50 % en quatre ans. De même, l'unité de police urbaine de Marseille, composée de 16 policiers en civil très intégrés à la population des quartiers, a joué un rôle déterminant dans la prévention des violences en novembre dernier.

Depuis la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, les agents de police municipale peuvent constater certaines contraventions ne nécessitant pas d'actes d'enquête et ne concernant pas des atteintes à l'intégrité des personnes 109 ( * ) . Ils peuvent en outre, s'agissant des contraventions qu'ils sont habilités à constater et qui ont porté préjudice à un bien communal, proposer au contrevenant une transaction consistant en la réparation du préjudice. Elle doit être homologuée par le procureur de la République.

* 103 Les CLS ont un caractère opérationnel et définissent un plan d'action devant comporter pour chaque mesure un calendrier d'exécution ainsi que des outils d'évaluation, les moyens engagés par chaque partenaire et la répartition des responsabilités.

* 104 Repositionnés sur la surveillance des banlieues à partir de 1991.

* 105 Notamment le Val fourré à Mantes-la-Jolie ou les Tarterêts à Corbeil-Essonnes.

* 106 Art. L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales.

* 107 On compte 17.458 agents de police municipale, principalement dans le sud-est et en région parisienne, dans 3.226 communes, la plupart du temps avec moins de 5 agents. Elles se concentrent dans les départements des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne, de Seine-Saint-Denis (234, 16,5 pour 100.000 habitants), de la Réunion et des Bouches du Rhône.

* 108 Fonctionnaires territoriaux de catégorie C ayant suivi une formation de 25 semaines.

* 109 Un décret en Conseil d'Etat, non encore paru, devrait inclure la divagation d'animaux dangereux, les menaces de violences, les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes, l'abandon d'ordures et de déchets et les destructions, ainsi que les dégradations et détériorations légères.

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