2. Les domaines envisageables des « coopérations renforcées »
a) L'adoption de normes pourrait d'ores et déjà être facilitée par le recours aux « coopérations renforcées » dans le « troisième pilier »
Le recours aux « coopérations renforcées » pourrait aujourd'hui permettre de contourner l'obstacle de l'unanimité pour les matières du « troisième pilier ». La contrainte de l'unanimité au Conseil, qui se traduit par un droit de veto de chaque État, aboutit généralement à des blocages ou à des compromis a minima. Dans une Europe à vingt-cinq ou vingt-sept États membres, il existe un risque certain de paralysie.
Le recours aux « coopérations renforcées » permettrait de faciliter l'adoption des normes et de maintenir un degré élevé d'ambition, tant en matière d'harmonisation, que pour une pleine application du principe de la reconnaissance mutuelle. Le lancement d'une « coopération renforcée » a, d'ailleurs, déjà été évoqué lors des discussions sur la création du mandat d'arrêt européen pour surmonter le blocage d'un pays (l'Italie), qui s'est finalement rallié à un compromis.
b) En revanche, pour les aspects opérationnels, les « coopérations renforcées » présenteraient un moindre intérêt.
En effet, les compétences prévues par les traités sont plus limitées pour les aspects opérationnels et l'absence d'un cadre institutionnel spécifique constitue un obstacle important. On peut néanmoins imaginer plusieurs formes possibles de « coopérations renforcées » dans les domaines opérationnels de la coopération policière et judiciaire pénale.
Ainsi, le recours aux « coopérations renforcées » pourrait permettre de renforcer les pouvoirs reconnus à une équipe commune d'enquête . Il s'agit d'équipes de policiers et de magistrats qui pourront être créées par deux ou plusieurs États avec un objectif précis et pour une durée limitée pour effectuer des enquêtes sur le territoire de ces États. Dans le cadre d'une « coopération renforcée », on pourrait prévoir notamment la désignation d'un juge directeur unique dans le cas où une enquête concernerait plusieurs États membres d'une même « coopération renforcée ».
Le recours à la « coopération renforcée » pourrait également permettre d'utiliser et de renforcer Europol et Eurojust pour les États participant à la « coopération renforcée ». Ces États pourraient, par exemple, reconnaître à leurs représentants nationaux au sein d'Eurojust le pouvoir de déclencher des enquêtes, de direction de celles-ci et d'évocation d'affaires. Un Parquet européen serait ainsi créé au sein d'Eurojust pour les seuls États participant à la « coopération renforcée ».
Le recours aux « coopérations renforcées », dans le cadre du traité, pourrait d'ores et déjà permettre de surmonter l'obstacle de l'unanimité et de progresser sur les questions de justice et de sécurité, en particulier sur les aspects normatifs de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. |