4. Mesure des comptes que les autorités administratives indépendantes doivent rendre
19.1.1. L'impossibilité d'une responsabilité directement politique et l'insuffisance d'une responsabilité simplement comptable des Autorités administratives indépendantes. Il s'agit ici de tirer une première conclusion des développements précédents. Il n'est pas possible de prévoir pour les Autorités administratives indépendantes une responsabilité politique directe, seul le Gouvernement rendant des comptes sur ce mode là devant le Parlement. De la même façon, tautologiquement, il convient d'exclure toute responsabilité des Autorités administratives indépendantes devant le Gouvernement. Il est tout aussi acquis qu'une responsabilité simplement comptable ou financière ne suffit pas à correspondre à l'ampleur requise, c'est-à-dire une véritable reddition des comptes sur la corrélation entre l'usage des moyens et la concrétisation des missions.
19.1.2. La confrontation de l'usage des moyens par rapport aux finalités de l'exercice des pouvoirs par l'Autorité administrative indépendante. C'est ainsi que l'on pourrait définir la véritable reddition des comptes dont l'on pourrait dire que les Autorités administratives indépendantes doivent en être les « bénéficiaires », dans la mesure où cela leur offre une forte légitimité et un accroissement de leur crédibilité. Il est d'ailleurs remarquable que les Autorités administratives indépendantes réclament elles-mêmes une telle accountability .
19.1.3. Le lien entre unicité, pluralité et hiérarchie des missions au regard de l'impératif de reddition de comptes. C'est alors à travers cet impératif de reddition des comptes que la question des missions confiées aux Autorités administratives indépendantes prend une nouvelle importance 379 ( * ) . En effet, si l'on définit la reddition des comptes comme la confrontation entre, d'une part, les résultats obtenus par l'Autorité grâce à l'usage qu'elle aura fait de ses moyens, et, d'autre part, les finalités pour la satisfaction desquelles l'Etat lui a offert, encore faut-il connaître clairement ces buts ! Cela va de soi, mais cela pose grand problème. En effet, et le reproche peut se tourner vers le législateur lui-même, les lois successives recouvrent trop souvent les Autorités administratives indépendantes de finalités qui s'apparentent à des manteaux d'arlequin. Par exemple, non seulement l'ouverture à la concurrence, mais encore l'aménagement du territoire, mais encore l'incitation à l'innovation, mais encore le maintien de l'emploi, mais encore la protection de l'environnement, mais encore le développement de la cohésion sociale, etc. Comme procéder dans ces conditions à une quelconque évaluation ?
19.1.4. La nécessité de fournir à travers des finalités claires et hiérarchisées les moyens d'une reddition des comptes. Il ne s'agit ici en rien de soutenir que le législateur n'aurait pas pleine souveraineté pour poser les objectifs que doivent poursuivre les Autorités administratives indépendantes qu'il a créées. Mais si l'on veut bien estimer que le système n'est légitime et tenable, soutenable pour reprendre un anglicisme aujourd'hui chez lui dans les analyses françaises, que si les Autorités sont évaluées, alors il est impératif non pas nécessairement que le Parlement ne pose plus qu'une seule finalité aux Autorités (théorie du mono-mandat), mais à tout le moins hiérarchise les divers mandats donnés aux Autorités administratives indépendantes. Dès lors, cela rend certes l'évaluation plus complexe car il convient, à travers la méthodologie précitée des trois stades 380 ( * ) , d'ajouter la considération de cette hiérarchie et de vérifier que l'action de l'Autorité l'a bien respectée, lorsque deux finalités entrent en conflit. Mais enfin, cela rend l'évaluation possible, alors que celle-ci devient hors de portée lorsque de multiples finalités non hiérarchisées sont confiées par le législateur aux Autorités administratives indépendantes.
19.1.5. Le législateur, autorité politique légitime pour fixer cette hiérarchisation des finalités, condition nécessaire de la reddition des comptes. Donc, le Parlement qui voudrait construire ou améliorer la reddition des comptes des Autorités administratives indépendantes, pour mieux fonder cette indépendance même, ne peut éviter de procéder préalablement à une telle hiérarchisation. Faute de quoi, ce serait l'organe qui évalue qui devrait nécessairement opérer une telle hiérarchisation, ce qui revient à exercer un pouvoir de nature politique qui ne devrait pas lui être attribué. Il s'agit donc d'un point essentiel.
* 379 Pour l'examen de la question en tant que telle, v. supra.
* 380 V. supra.