B. LES ÉTUDES POST-AMM : DES PISTES INNOVANTES
Souvent considérée comme « une vieille dame », la pharmacovigilance connaît aujourd'hui une profonde mutation et vient s'insérer dans une politique plus large de gestion souhaitée par les autorités européennes à la suite de quelques affaires très médiatisées dans le domaine des produits de santé.
Un des aspects les plus innovants issus de ces nouvelles modalités de surveillance de ces médicaments réside dans le développement des études post-autorisation de mise sur le marché (post-AMM), c'est-à-dire des études pharmaco-épidémiologiques qui sont menées une fois que les autorités sanitaires ont autorisé la commercialisation d'un médicament.
Ces études sont réalisées sous l'égide des autorités publiques et doivent être distinguées des études réalisées par les seuls laboratoires, afin d'élargir le champ de prescription d'un produit de santé.
Le développement de ces études correspond à un changement de paradigme dans le domaine de la sécurité sanitaire. Il ne s'agit plus de se reposer sur les essais cliniques réalisés antérieurement à l'AMM et des notifications transmises au réseau de pharmacovigilance, mais de développer une politique volontariste reposant sur l'anticipation d'éventuels effets indésirables lors de l'utilisation des médicaments auprès d'une large population (les experts parlent d'étude du médicament en vie réelle).
1. Un nouvel instrument de gestion du risque
Le principe du recours à des études post-AMM a été arrêté par le ministère chargé de la santé, sous l'impulsion du professeur Lucien Abenhaïm, directeur général de la santé entre 1999 et 2003. L'objectif poursuivi était de mettre à niveau la politique de veille sanitaire et de rattraper le retard accumulé par la France dans le domaine de la gestion des risques et de l'évaluation des médicaments après leur mise sur le marché, notamment par rapport aux autres pays d'Europe, au Japon et à l'Amérique du nord.
Ces études s'intègrent, notamment, dans les plans de gestion des risques exigés par les autorités européennes.
Depuis novembre 2005, et en application de la directive de 2004, les laboratoires pharmaceutiques doivent déposer un plan de gestion des risques avec le dossier d'AMM, dans des cas qu'il appartient aux agences concernées de préciser, compte tenu de la formulation de la directive (« le cas échéant »). Sur la base des réflexions convergentes conduites sur ce point en 2005 par l'Afssaps et au plan européen par l'EMEA, le dépôt d'un plan de gestion des risques sera requis notamment lorsqu'il s'agit d'une nouvelle substance active, d'un générique dont le princeps pose des problèmes de sécurité d'emploi, d'un biosimilaire, lors de toute demande d'extension d'AMM impliquant un changement significatif, ou à la demande des autorités compétentes ou encore à l'initiative de l'industriel. La plupart de ces plans de gestion des risques sont déposés dans le cadre de procédures européennes d'enregistrement mais certains peuvent l'être pour des produits relevant de la procédure nationale (exemple récent : les génériques du Subutex). Les plans de gestion des risques peuvent également être déposés en post-AMM à la demande de l'Afssaps ou des autorités compétentes au sein de l'Union européenne, suite à la mise en évidence d'un signal de pharmacovigilance. Les plans de gestion des risques incluent un plan de surveillance qui peut comporter des études post-AMM réalisées par les industriels, et un plan de minimisation des risques avec des programmes d'information et d'éducation des professionnels de santé et des patients, ainsi que des études d'impact des mesures de minimisation. Soixante-dix-neuf plans de gestion des risques déposés par les industriels ont ainsi été évalués par l'Afssaps, dont cinquante-cinq avec le dossier d'AMM et vingt-quatre en post-AMM. |
a) Les objectifs poursuivis
Les études post-AMM ont pour objet de permettre une véritable évaluation des effets d'un médicament après sa commercialisation.
Un tel objectif peut paraître surprenant puisque l'autorisation de mise sur le marché d'un produit de santé n'est délivrée qu'après une analyse de sa balance bénéfice-risque et que la décision de remboursement survient après analyse du service médical rendu.
Mais le recours à de telles études se justifie par le fait que la décision de mise sur le marché ne porte en aucun cas sur l'impact du médicament sur la santé publique mais uniquement sur la qualité du produit évaluée à partir de recherches expérimentales menées sur des échantillons réduits de population.
Les études post-AMM visent à apporter des éléments de réponse aux interrogations sur les conditions réelles de prescription et d'utilisation du médicament (caractéristiques du prescripteur et des patients, traitements choisis, durée du traitement, respect des référentiels et des recommandations de bonne pratique), la comparaison des résultats observés en conditions réelles de prescription et d'utilisation par rapport aux données des essais thérapeutiques, les risques non étudiés ou tardifs qui pourraient apparaître lors de l'utilisation d'un médicament, l'impact sur le système de soins (utilisation des services de soins, place effective dans la stratégie de prise en charge d'une pathologie) de la transposabilité des résultats des essais en « vie réelle ».
La méthodologie retenue pour mener à bien ces études repose sur de nouveaux essais cliniques, l'observation et l'exploitation de bases de données informatisées, notamment celles de l'assurance maladie.
Le résultat de ces études peut se traduire par une modification des indications retenues pour le remboursement du produit ou par une modification du prix du médicament. Enfin, il peut avoir une conséquence sur l'AMM si l'étude démontre un risque qui s'avère plus important que prévu.