b) Réfléchir à la place des patients dans le système de pharmacovigilance
Les obstacles à la mise en oeuvre d'une notification directe
L'exclusion du patient du système français de pharmacovigilance - il ne peut pas directement signaler un effet indésirable observé à un CRPV ou à l'Afssaps - constitue également un facteur de sous-notification de ces événements.
Toutefois, les expériences de notification directe, notamment celle réalisée récemment avec des patients séropositifs, n'ont pas prouvé leur efficacité par rapport au système réservé aux professionnels. Pourtant, les déclarations individuelles constitueraient une source d'information complémentaire à la notification par les professionnels de santé et particulièrement utile pour mieux connaître les conséquences - prouvées ou ressenties - de l'utilisation de médicaments sur la qualité de vie, au-delà des constatations strictement médicales.
Il convient donc qu'une réflexion soit engagée sur les moyens d' organiser au mieux le recueil et le traitement des déclarations de patients pour en éviter les effets pervers.
Ainsi, pour prévenir un engorgement du système par un trop grand nombre de déclarations, la véracité des effets indésirables éprouvés par les patients pourrait être validée préalablement par un médecin ou un pharmacien, ou consister en une déclaration commune au patient et au professionnel de santé. De cette façon, seraient également évitées les démarches individuelles destinées à la seule réparation du préjudice.
Favoriser l'émergence des associations de malades comme acteurs de la pharmacovigilance
Une autre solution pour éviter les effets pervers de la notification directe consisterait à utiliser les associations de patients comme « filtre » . Elles recueilleraient ainsi les déclarations et en évalueraient l'intérêt avant de les transmettre à un CRPV ou à l'Afssaps.
Depuis la publication du décret n° 2004-99 du 29 janvier 2004, quelques associations de patients et de consommateurs ont intégré la commission nationale de pharmacovigilance.
En outre, certaines d'entre elles exercent déjà un rôle non négligeable de sécurité sanitaire, à l'instar de l'association d'aide aux victimes des accidents et maladies liés aux risques des médicaments (AAAVAM), même si leur action ne s'inscrit pas dans un cadre officiel.
L'AAAVAM recueille ainsi les déclarations de victimes de ce type d'incidents - soit 5.000 plaintes depuis la création de l'association en 1992 - sous forme d'un questionnaire de pharmacovigilance identique à celui distribué par les CRPV. Son président estime toutefois que le nombre de notifications serait bien supérieur si certains médecins n'exerçaient pas de pressions sur les patients, de peur de voir leur responsabilité engagée 32 ( * ) . Les fiches sont ensuite transmises à l'Afssaps, qui choisit de mener ou non une enquête approfondie. Parallèlement, si elle l'estime nécessaire, l'association conseille au patient de contacter un médecin-conseil ou un avocat.
A ce jour, les plaintes reçues par l'AAAVAM concernent essentiellement des médicaments prescrits au moment de la ménopause et pour limiter la cholestérolémie. En outre, environ deux cents dossiers, dont soixante-dix confirmés par l'Afssaps, portent sur les effets indésirables du Vioxx.
Une expérience pilote de notification spontanée des patients via une vingtaine d'associations de patients devrait voir le jour en 2006 sous l'égide de l'Afssaps. La mission d'information souhaite que les résultats soient rapidement connus afin, s'ils sont positifs, de compléter le dispositif de pharmacovigilance par l'intégration d'associations choisies pour cette mission.
Toutefois, les pouvoir publics devront être attentifs à n'agréer que des associations indépendantes . En effet, un risque existe avec les associations de patients vouées à telle ou telle pathologie, qui constituent une proie facile pour les laboratoires du fait de leur désir que soit testée toute thérapie susceptible de donner un espoir aux malades qu'elles représentent.
S'il apparaît, en revanche, que cette voie n'apporte pas de progrès substantiels à la politique de sécurité sanitaire, il conviendra, à tout le moins, de mieux informer le « grand public » sur les effets indésirables observés avec certains produits, notamment grâce à un accès libre à la base de données de l'Afssaps. Il s'agit de sensibiliser les patients au risque encouru en cas de mésusage d'un médicament, d'élargissement de la prescription et, plus largement, d'automédication.
* 32 Audition de Georges-Alexandre Imbert, président de l'AAAVAM, p. 202.