2. La politique du médicament en Belgique et Grande-Bretagne
Afin de comparer l'organisation française à celle choisie en matière de mise sur le marché et de suivi des médicaments par des pays de même niveau économique, social et sanitaire, la mission d'information s'est rendue à Bruxelles le 14 décembre 2005 et à Londres les 21 et 22 février 2006. Elle y a rencontré les principaux acteurs de la politique du médicament : ministère de la santé, agences sanitaires, parlementaires, etc.
a) Le système belge : le choix d'une instance unique
En Belgique, la politique du médicament relève du niveau fédéral . Il existe ainsi un service fédéral chargé de la santé publique, de la sécurité de la chaîne alimentaire et de l'environnement, qui comprend cinq directions générales, dont la direction générale du médicament (DGM). Celle-ci est chargée d'assurer la qualité, la sécurité et l'efficacité des médicaments au sens large (médicaments à usage humain et vétérinaire, dispositifs médicaux, préparations dans l'officine, matières premières destinées à la préparation et à la production des médicaments, etc.), de leur conception à leur emploi et dans l'intérêt de la santé publique.
La DGM comprend elle-même cinq départements, qui correspondent aux domaines de réglementation de la politique du médicament : la recherche et le développement (R&D), l'enregistrement, la vigilance, la production et la distribution, le bon usage. En revanche, les questions de remboursement et de prise en charge des traitements sont traitées par le service public fédéral des affaires sociales.
Ces cinq départements opérationnels sont soutenus par trois départements logistiques : qualité et gestion des connaissances, communication et information, réglementation, ainsi que par trois services administratifs : office management, informatique, budget et contrôle de gestion.
Le département « recherche et développement » Il comprend sept groupes pharmacothérapeutiques (cinq pour les médicaments à usage humain - gastro-entérologie, cardiologie, immunologie, bactériologie et neurologie -, un pour l'homéopathie et la phytothérapie et un pour les dispositifs médicaux) chargés, pendant la phase de développement du médicament : - de l'évaluation et l'approbation des demandes d'autorisation pour la réalisation d'études cliniques ; - du suivi et du contrôle des études cliniques, par la coordination et la réalisation d'inspections, ainsi que par le suivi des effets indésirables et du manque d'efficacité ; - de la formulation d'avis scientifiques sur le contenu de l'étude au demandeur de l'autorisation ; - de l'acquisition des connaissances scientifiques appropriées, rendues ensuite disponibles à l'ensemble de la DGM. Le département « enregistrement » Les sept groupes pharmacothérapeutiques précités et l'unité des médicaments vétérinaires évaluent, dans le cadre de ce département, les dossiers de demandes d'AMM, les variations et les renouvellements quinquennaux selon les normes et les directives en vigueur en termes de qualité, de sécurité et d'efficacité clinique. Ils sont ensuite chargés de délivrer l'AMM, mais aussi de contrôler les instances accréditées pour accorder le marquage CE aux dispositifs médicaux. Le département traite chaque année 10.000 dossiers d'AMM , essentiellement dans le cadre du renouvellement quinquennal de l'AMM ou de l'autorisation de génériques. En effet, les dossiers concernant de nouveaux produits sont le plus souvent déposés à l'EMEA. A cet égard, il convient de noter que le système de renouvellement sera prochainement modifié pour devenir unique (un renouvellement définitif après cinq ans d'autorisation satisfaisante) mais plus exigeant. Le département « vigilance » Sa mission est de collecter, d'évaluer et d'assurer le suivi des informations pertinentes au sujet des médicaments pour éviter ou limiter les effets indésirables survenant chez l'utilisateur. Il exerce donc une activité de pharmacovigilance, d'hémovigilance et de matériovigilance : traitement des notifications spontanées d'effets indésirables par les professionnels de santé, évaluation des rapports de vigilance, mise en oeuvre d'études post-AMM et communication d'informations sur la sécurité d'emploi des produits. Le département « production et distribution » Il s'assure, par des inspections sur sites, de la conformité aux normes, directives et dispositions légales concernant la fabrication, la distribution et la délivrance de médicaments, en vue de l'octroi d'autorisations de commercialisation et de certificats CE pour les dispositifs médicaux. Il fonctionne en trois unités : officines, hôpitaux, dispositifs médicaux, médicaments vétérinaires (unité I) ; industries, laboratoires, matières premières (unité II) ; produits spéciaux et lutte contre la fraude (unité III). Le département « bon usage du médicament » Il lui revient : - d'assurer une communication rapide à tous les intéressés sur les actions correctrices à prendre vis-à-vis des médicaments sur le marché, en lien avec le département « vigilance » ; - de contrôler la publicité adressée au grand public et aux professionnels de santé ; - de contrôler l'emploi des produits qui ne sont pas enregistrés en Belgique ; - d'améliorer la qualité de l'information fournie aux partenaires externes. Le département « réglementation »
Il a en charge le soutien de la DGM en ce qui concerne la
législation (rédaction et suivi des textes, développement
de propositions d'amélioration, suivi de la législation
européenne et transposition en droit interne), donne des avis et des
informations juridiques et règle les éventuels litiges avec les
laboratoires, les professionnels de santé et les associations de
patients.
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La DGM est également chargée du contrôle, au regard de la charte de la visite médicale, de l'activité des 2.000 délégués médicaux (soit une proportion très inférieure à celle constatée en France), qui exercent auprès de 50.000 professionnels de santé dont 17.000 médecins généralistes et 17.000 spécialistes.
Comme l'Afssaps et la HAS en France, la DGM belge est actuellement mobilisée pour mettre en oeuvre la nouvelle législation européenne, notamment pour ce qui concerne le renforcement de la transparence de ses décisions et de son fonctionnement. Elle travaille, en amont du processus législatif, à préparer la révision du droit national en matière de médicament constitué par la loi du 25 mars 1964 et les arrêtés royaux du 6 juin 1960 et du 3 juillet 1969.
Bien que relevant de l'Etat belge fédéral, la DGM n'est pas pour autant entièrement indépendante de l'industrie pharmaceutique . En effet, son budget repose à 80 % sur les redevances versées par les laboratoires en fonction des dossiers de demande d'AMM déposés, les 20 % restants étant fournis par une subvention d'Etat. Elle se rapproche donc en cela d'une agence sanitaire comme l'Afssaps.
Par ailleurs, pour mener à bien ses missions et compléter le travail de ses collaborateurs, la DGM fait appel à un pôle de trois cents experts externes appartenant au monde académique et rattachés chacun à un groupe pharmacothérapeutique de travail. Leurs éventuels conflits d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique sont obligatoirement mis à jour chaque année, mais aucun dispositif de contrôle officiel n'existe à ce jour. Selon la nature du lien qu'entretient l'expert avec un laboratoire concerné, il pourra toutefois se voir interdire de participer aux travaux de la DGM.
Au final, si la Belgique a choisi une organisation monocéphale dans le domaine du médicament, ce qui la préserve du manque de coordination qui existe entre les différentes instances françaises, elle est confrontée aux mêmes difficultés pour ce qui concerne son indépendance vis-à-vis de l'industrie.