2. Les conflits d'intérêts susceptibles de porter atteinte à l'indépendance des experts
On l'a vu, le modèle français a fait le choix d'un recours massif à l'expertise externe, afin de pouvoir de recourir aux meilleurs spécialistes de chaque discipline. Les collaborations que ces experts peuvent effectuer par ailleurs pour le compte des laboratoires pharmaceutiques sont connues et considérées comme un gage supplémentaire de compétence. L'indépendance des experts et la transparence de la procédure de nomination constituent donc un objectif premier et requièrent un mode de gestion des éventuels conflits d'intérêts.
Les agences sanitaires et les pouvoirs publics sont sensibilisés à cette situation et s'attachent, depuis la création de l'agence du médicament, à définir les outils indispensables à cette gestion.
Dans une lettre publiée sur le site de l'Afssaps, le directeur général souligne d'ailleurs que « si la crédibilité de notre expertise repose d'abord sur la compétence des personnes qui y participent et la bonne organisation des phases individuelles et collégiales de l'évaluation, elle s'appuie aussi sur l'image d'impartialité et d'indépendance de l'ensemble du processus. C'est pourquoi nous devons être en mesure d'appliquer pleinement et de façon cohérente les obligations déclaratives en matière de liens d'intérêts, et de gérer en toute transparence les décisions qu'appelle l'analyse des liens pour l'organisation du processus d'évaluation, notamment les délibérations collégiales des commissions et groupes de travail 28 ( * ) . »
a) Remédier aux imperfections de la gestion des conflits d'intérêts
L'Afssaps considère qu'il n'est pas incompatible, pour un expert, d'intervenir pour le compte de l'agence et d'avoir des collaborations régulières pour des recherches, des évaluations ou des conseils avec le secteur privé, c'est-à-dire notamment avec les laboratoires pharmaceutiques.
Pour autant, il est indispensable que dans l'accomplissement de la mission de service public, tout risque de conflits d'intérêts soit évité. Pour ce faire, l'agence a privilégié une approche préventive fondée sur la transparence des liens existant entre les industriels et les experts et non sur leur interdiction générale et absolue.
Définir des critères d'identification des conflits d'intérêts
Cette démarche a été engagée par l'agence du médicament, puis poursuivie par l'Afssaps. Elle a fait l'objet d'une réflexion interne destinée à clarifier la doctrine en matière de traitement des divers types de conflits d'intérêts et à renforcer la cohérence et la mise en oeuvre de ses principes, tant par les experts que par les secrétariats techniques des divers groupes et commissions.
Inspirées par les règles en vigueur dans les pays anglo-saxons et dans les instances européennes, ces mesures ont pour objet d'aider les experts à respecter les obligations qui sont les leurs.
La réflexion menée par l'Afssaps a débouché sur la mise en oeuvre d'un système à deux niveaux qui prévoit, d'une part, la définition de critères d'identification des conflits d'intérêts, classés en conflits majeurs ou mineurs, d'autre part, l'obligation pour chaque expert de remplir une déclaration publique d'intérêts.
Pour gérer les conflits d'intérêts, un tableau de classification des risques a été établi. Son élaboration doit faciliter l'identification des conflits d'intérêts et harmoniser leur gestion.
Dans la mesure où la notion de conflits d'intérêts n'est pas définie par la loi, l'agence a entrepris de classer les divers types d'intérêts et d'identifier les situations conflictuelles . Cette classification, qui ne saurait être exhaustive au regard de la diversité des situations, présente l'avantage de la simplicité et repose sur les critères suivants :
- prise en compte du caractère actuel ou passé des intérêts ;
- degré d'implication de l'expert au sein de l'entreprise concernée par la procédure (participation au capital d'une entreprise, salariat ou participation à un organe décisionnel, prestations régulières, responsable d'une institution dépendant financièrement d'un laboratoire pharmaceutique) ;
- travaux effectués en relation avec le produit spécifique soumis à évaluation ou l'affaire traitée et nature de ces liens (par exemple, investigateur principal).
Cette classification est mise à la disposition des commissions afin de vérifier l'absence de conflits d'intérêts des membres d'une instance avec les dossiers inscrits à l'ordre du jour de la réunion ou avant de confier un dossier à un expert. Ce tableau a été diffusé à tous les experts de l'agence et est accessible sur le site Internet de l'agence.
Le dépôt d'une déclaration publique d'intérêt individuel
Cette exigence de transparence repose sur l'obligation de dépôt , et d'actualisation régulière, d'une déclaration publique d'intérêts . Il en découle une impossibilité de participer à l'évaluation des dossiers avec lesquels l'expert a un lien direct ou indirect.
La déclaration publique d'intérêts est établie sous la responsabilité des experts. Instituée par décision du directeur de l'agence du médicament dès 1994, la déclaration d'intérêts est une obligation légale depuis la loi du 1 er juillet 1998 sur le renforcement de la sécurité sanitaire. Au moment de leur nomination ou de leur entrée en fonctions, les membres des instances scientifiques consultatives de l'Afssaps, ainsi que les experts collaborant aux travaux de l'agence, doivent remplir cette déclaration mentionnant les liens, directs ou indirects, existant avec les entreprises du médicament ou les établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence de l'Afssaps. Afin de faciliter cette démarche, l'Afssaps a élaboré un formulaire-type indiquant les principaux liens à déclarer.
L'actualisation de ces documents est faite à l'initiative des experts concernés qui doivent signaler toute modification de situation.
Par ailleurs, un groupe référent sur l'indépendance de l'expertise est chargé de donner un avis sur la qualification du niveau de risque de conflits d'intérêts des experts et sur ses conséquences en termes de participation à une mission d'expertise. Ce groupe est appelé à intervenir en cas de difficulté pour déterminer le niveau de risque de conflits d'intérêts d'un expert intervenant pour le compte de l'agence. Il peut également donner, à la demande du directeur général ou à son initiative, des avis sur des situations particulières, des recommandations et des propositions de caractère général sur les mesures susceptibles de prévenir des manquements à l'indépendance des experts.
* 28 /http//afssaps.sante.fr/htm/9/ltdg1005.pdf, octobre 2005.