II. LA DETTE RENIÉE : LES FONDS FSV ET FFIPSA
Deux organismes à statut particulier contribuent à l'équilibre financier de la sécurité sociale : le fonds de solidarité vieillesse (FSV) et le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (Ffipsa).
L'un et l'autre présentent aujourd'hui la caractéristique d'être affectés par un déficit cumulé au 31 décembre 2005, d' exactement 3,7 milliards d'euros pour le FSV et d' environ 4,6 milliards d'euros pour le Ffipsa . Au total, les montants cumulés des deux déficits ont donc atteint :
environ 8,3 milliards d'euros au 31 décembre 2005
et devraient s'élever à :
plus de 9 milliards d'euros au 31 décembre 2006.
Cette situation est permise par l'inaction de l'Etat qui doit pourtant, en droit, assurer l'équilibre budgétaire, année après année, de ces deux structures. Reniées par l'Etat, ces dettes pèsent sur la trésorerie des organismes sociaux et de l'Acoss.
Inquiète de ce déni, votre commission avait d'ailleurs obtenu qu'une séance spécifique du Sénat soit consacrée, le 15 novembre dernier, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, à un débat sur la situation financière des deux fonds, avec la participation du ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, Philippe Bas.
A. LE FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE (FSV)
1. Un déficit qui atteindra 5,2 milliards d'euros fin 2006
Créé par la loi du 22 juillet 1993, le fonds de solidarité vieillesse est chargé du financement des avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale. Le FSV est un établissement public de l'Etat à caractère administratif, disposant de l'autonomie administrative, budgétaire, financière et comptable.
Depuis 2001, le FSV présente un solde annuel régulièrement déficitaire .
La nature même des ressources dont bénéficie le fonds et des charges qui lui incombent explique une partie des fluctuations qui affectent son résultat annuel. Les unes et les autres sont, en effet, étroitement corrélées à la conjoncture économique : d'un côté, les recettes de contribution sociale généralisée (CSG) sont fortement liées à la progression de la masse salariale ; de l'autre, le rythme de croissance des charges du FSV est largement fonction des transferts au titre de la validation des périodes de chômage.
La progression des dépenses au titre de la prise en charge des cotisations retraite pour les chômeurs a ainsi été sans commune mesure (+ 31 % entre 2001 et 2004) avec celle des autres prestations versées par le FSV, à savoir les diverses allocations du minimum vieillesse ainsi que les majorations de pensions pour les parents ayant trois enfants et plus.
Un autre facteur de l'instabilité financière qui affecte le FSV réside dans le caractère très fluctuant de la part de la C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés) affectée au FSV. La dégradation très forte du solde du fonds entre 2004 et 2005 s'explique ainsi par la diminution du montant de la C3S attribuée au fonds (1,3 milliard d'euros en 2004 et 200 millions d'euros en 2005). Cette évolution s'explique, d'une part, par l'attribution exceptionnelle en 2004 de la C3S (solde 2003 et anticipation du versement du solde 2004), d'autre part, par les besoins accrus des régimes bénéficiaires en priorité de la C3S, en 2005 et 2006 (Canam, Organic et Cancava).
Évolution du solde du FSV |
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(en millions d'euros) |
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2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
|
Solde du FSV |
- 1.350 |
- 933 |
- 639 |
- 2.005 |
- 1.493 |
Solde cumulé du FSV |
- 123 |
- 1.056 |
- 1.695 |
- 3.700 |
- 5.193 |
Réserves du FSV |
+ 1.227 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Source : Direction de la sécurité sociale |
Selon les données fournies par la Direction de la sécurité sociale, les soldes cumulés au 31 décembre 2005 et au 31 décembre 2006 seraient en nette dégradation, avec respectivement - 3.700 millions d'euros fin 2005 et - 5.193 millions d'euros fin 2006 .
Sur la base du scénario retenu dans l'annexe B de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 présentant les perspectives financières pluriannuelles des branches et des organismes concourant au financement des régimes de sécurité sociale, le fonds de solidarité vieillesse devrait certes bénéficier de l'amélioration de la conjoncture, se traduisant par une accélération des recettes et par un ralentissement des dépenses au titre de la prise en charge des cotisations de retraite des chômeurs. Son déficit annuel diminuerait notablement, passant du pic de 2005 (2 milliards d'euros) à environ 500 millions d'euros en 2009, ce dernier chiffre, qui apparaît résolument optimiste, reposant lui-même sur des perspectives volontaristes de baisse sensible du chômage.
Prévisions d'évolution du solde du FSV pour la période 2006-2009 |
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(en milliards d'euros) |
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2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
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Recettes |
13,1 |
13,4 |
13,9 |
14,5 |
Solde |
Dépenses |
14,6 |
14,8 |
15,0 |
15,0 |
cumulé |
Solde |
- 1,5 |
- 1,4 |
- 1,1 |
- 0,5 |
- 4,5 |
Source : Annexe B - Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 |
Le cumul négatif des comptes du FSV atteindrait cependant 4,5 milliards d'euros sur la période 2006-2009, dont 3 milliards d'euros sur la période 2007-2009, montants qu'il faudra ajouter aux soldes cumulés des années antérieures. Le déficit cumulé atteindrait ainsi environ 8,2 milliards d'euros au 31 décembre 2009, soit un montant représentant plus de la moitié des recettes prévues, contre un peu plus du quart, déjà, en 2005.
Cette situation déficitaire a enfin des conséquences dommageables pour le fonds de réserve des retraites (FRR), en principe affectataire du versement de tout ou partie des excédents de l'année précédente du fonds de solidarité vieillesse. Ainsi, en 2000, le gouvernement de Lionel Jospin avait annoncé que sur un objectif de 152 milliards d'euros prévu à l'horizon 2020 pour le financement du FRR, 46 milliards devaient provenir du FSV. A ce jour, 287 millions d'euros ont été versés au FRR au titre du seul exercice excédentaire (année 2000) du FSV.