B. UN « CHAÎNAGE VERTUEUX » AVEC L'EXAMEN DU PROJET DE LOI DE RÈGLEMENT ET LE DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE
1. De nouveaux enjeux lors de l'examen du projet de loi de règlement
La mise en oeuvre de la LOLF conduit à revaloriser la loi de règlement, appelée à devenir le « moment de vérité budgétaire » en comparant les données prévisionnelles de la loi de finances initiale et les résultats atteints en loi de règlement. A cet égard, deux questions devraient plus particulièrement retenir l'attention de votre commission des finances lors de l'examen du projet de loi de règlement :
- d'une part, quel usage aura-t-il été fait de la fongibilité asymétrique des crédits au sein d'un programme : quels redéploiements auront été opérés par rapport à la répartition, indicative, des crédits par actions au sein du programme ?
- d'autre part, les résultats mesurés dans les rapports annuels de performance ( RAP ), annexés au projet de loi de règlement, seront-ils cohérents avec les prévisions figurant dans les projets annuels de performance ( PAP ), annexés au projet de loi de finances initiale ? Les écarts ne seront-ils pas de nature à justifier des redéploiements de crédits lors de l'examen du projet de loi de finances initiale de l'année suivante, compte tenu des règles susceptibles d'être définies dès le débat d'orientation budgétaire ?
S'il faudra attendre le printemps 2007 pour l'examen du projet de loi de règlement pour 2006, correspondant au premier budget entièrement voté « en mode LOLF », un certain nombre de règles nouvelles méritent déjà d'être envisagées pour l'examen du projet de loi de règlement pour 2005 40 ( * ) , lequel doit être déposé avant le 1 er juin 2006 41 ( * ) .
2. Les nouvelles modalités d'examen du projet de loi de règlement
A l'automne 2005, l'examen du projet de loi de règlement pour 2004 avait déjà permis d'accorder une place accrue au suivi de l'exécution budgétaire :
- la date de la discussion en séance publique avait été avancée très en amont de l'examen du projet de loi de finances 42 ( * ) ;
- il avait été organisé pendant une journée, sous la « houlette » des rapporteurs spéciaux et avec la participation active des rapporteurs pour avis, trois débats sectoriels en séance publique, en présence des ministres concernés 43 ( * ) , afin d'approfondir l'examen des crédits.
Ces efforts doivent être poursuivis lors de la discussion du projet de loi de règlement pour 2005 , laquelle devrait être organisée pour la première fois au printemps 2006 compte tenu de l'avancement de la date de dépôt du projet de loi de règlement avant le 1 er juin de l'année suivant l'exécution budgétaire 44 ( * ) .
A cette fin, les propositions soumises à votre commission des finances sont largement convergentes avec celles formulées par notre collègue Alain Lambert et notre collègue député Didier Migaud dans leur rapport remis au gouvernement en septembre 2005 sur la mise en oeuvre de la LOLF ( cf. encadré ci-dessous ) 45 ( * ) .
Les propositions de nos collègues Alain Lambert
et Didier Migaud
« Le Parlement doit (...) s'emparer d'un dispositif où le compte-rendu est une clef de voûte du principe de responsabilité. Il est l'autorité budgétaire suprême, puisque c'est par son vote que sont autorisées la perception des ressources publiques et la réalisation des dépenses de l'Etat ; il lui revient de « boucler la boucle » en accordant une attention soutenue aux résultats et aux comptes. « Le moment privilégié de ce contrôle est l'examen du projet de loi de règlement, dont la revalorisation, souvent évoquée comme une conséquence logique et souhaitable de la LOLF, doit devenir une réalité. A cette fin, la mission formule deux recommandations pratiques : « - il convient de réserver une durée substantielle (par exemple une semaine) à l'examen de ce texte en séance publique et de renforcer la substance des travaux préparatoires en commission ; « En effet, le gouvernement devra rendre compte en détail de la façon dont l'exécution budgétaire a permis d'atteindre ou d'approcher les objectifs fixés à l'action publique : l'examen de la dépense et de la gestion des crédits sera couplé à celui des rapports de performance ; les documents d'exécution seront comparés aux documents de prévision. « Le débat sur le projet de loi de règlement a donc vocation à sortir du cercle étroit dans lequel il est confiné aujourd'hui, autour du seul ministre chargé du budget. Pour assumer pleinement leur responsabilité collégiale, les ministres devront rendre compte eux-mêmes de la gestion de leurs programmes et de la fiabilité des résultats affichés. L'audition de tous les ministres devrait être plus largement mise en oeuvre et leur participation à la séance publique doit devenir la règle - nonobstant la capacité du gouvernement à déterminer librement la façon dont il est représenté. « Pour leur part, les commissions des finances pourraient procéder à un examen exhaustif des programmes, éclairé par des « rapports d'exécution » établis par les rapporteurs spéciaux, qui seraient constitutifs d'une procédure de contrôle systématique de l'exécution budgétaire. Il serait également très souhaitable que les commissions sectorielles, jusqu'ici absentes de l'examen du projet de loi de règlement, à l'exception de celle de la défense à l'Assemblée nationale, apportent leur contribution comme elles le font pour l'examen du projet de loi de finances de l'année. « La discussion du projet de loi de règlement ne peut se contenter d'un survol des grandes masses budgétaires, mais doit répondre directement aux lois de finances intervenues durant l'année écoulée et permettre de rendre compte des écarts constatés entre budgétisation initiale et exécution, comme des résultats obtenus, programme par programme. S'il paraît difficile de prévoir une homothétie parfaite entre les discussions du projet de loi de finances et du projet de loi de règlement, il n'en demeure pas moins que l'architecture globale des débats en séance publique devrait être organisée autour des missions et que leur contenu devrait porter sur l'exécution des programmes : le programme est le lieu où s'inscrit la responsabilité du ministre - et celui-ci doit donc être directement sollicité - mais le débat ne doit pas pour autant être confisqué par une logique ministérielle. « - le calendrier parlementaire doit tenir compte de l'importance nouvelle donnée au contrôle de l'exécution « Le calendrier budgétaire est encadré par des dispositions organiques suffisamment souples pour que la pratique permette de renforcer le « chaînage vertueux » instauré par l'article 41 de la LOLF. Deux éléments doivent être notés plus particulièrement : le projet de loi de règlement est déposé et distribué avant le 1 er juin, accompagné notamment de la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes ; le rapport du Gouvernement sur l'évolution de l'économie nationale et les orientations des finances publiques, qui peut donner lieu à un « débat d'orientation budgétaire » devant les assemblées, est déposé au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, soit avant le 30 juin ». Source : Alain Lambert et Didier Migaud, « La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Réussir la LOLF, clé d'une gestion publique efficace et responsable », rapport au gouvernement, septembre 2005, citations p. 43 et 44 |
La revalorisation de la loi de règlement implique des adaptations de forme et de fond.
D'un point de vue formel, la place nouvelle accordée au projet de loi de règlement dans les travaux du Parlement doit se traduire dans l'ordre du jour : l'objectif à atteindre est que la Conférence des présidents consacre une semaine à l'examen du projet de loi de règlement , afin de permettre l'organisation de débats sectoriels sur les crédits de l'ensemble des ministères. Participeraient à ces débats le ministre, le (ou les) rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, ainsi que les orateurs des différents groupes.
Ces débats en séance publique seront d'autant plus interactifs qu'ils auront été précédés préalablement d'auditions des ministres gestionnaires effectuées par votre commission des finances. Ces auditions seraient ouvertes aux rapporteurs pour avis. La presse pourrait, par ailleurs, être présente. Concernant potentiellement l'ensemble des ministres de plein exercice, voire des autres membres du gouvernement, elles devraient être plus particulièrement approfondies dans l'hypothèse où les contraintes de l'ordre du jour ne permettraient pas d'examiner le projet de loi de règlement pendant une semaine en séance publique.
Proposition n° 6 : consacrer une semaine en séance publique à l'examen du projet de loi de règlement, préparé par des auditions des ministres gestionnaires.
Sur le fond, il conviendrait d'adapter le contenu du rapport sur le projet de loi de règlement. Il est proposé à votre commission des finances de généraliser le principe de l'examen des crédits sectoriels. Dès cette année, le rapport sur le projet de loi de règlement pourrait comporter des éléments détaillés de l'exécution budgétaire en 2005 ministère par ministère (puis, à partir de 2006, mission par mission) , sur le modèle du premier rapport de votre commission des finances sur un projet de décret d'avance 46 ( * ) .
Ces travaux seraient naturellement à conduire en étroite concertation avec les rapporteurs spéciaux, lesquels pourraient intervenir en séance.
Proposition n° 7 : inclure des éléments d'analyse des crédits détaillés par unité de vote (mission) dans le rapport sur le projet de loi de règlement.
Des éléments d'information précis, nécessaires aux analyses mission par mission, pourraient prendre la forme de questionnaires budgétaires « de printemps » , symétriques aux questionnaires budgétaires adressés avant l'examen du projet de loi de finances initiale. Même si la LOLF ne prévoit pas expressément de tels questionnaires, le droit de communication défini à l'article 57 de la LOLF 47 ( * ) offre la base juridique nécessaire pour obtenir ces informations auprès du gouvernement.
Une association encore plus étroite avec la Cour des comptes , laquelle remettra quatre rapports sur l'exécution budgétaire (deux sur le projet de loi de règlement et des comptes associés, en vue du débat d'orientation budgétaire et concernant la certification des comptes), contribuerait également à renforcer l'information du Parlement, selon des modalités à définir avec la Cour des comptes 48 ( * ) .
* 40 Les lois de finances (initiale et rectificative) pour 2005 ont conservé l'ancienne nomenclature budgétaire par ministères et par titres, ne permettant ainsi pas de comparaison directe avec les crédits des missions qui figureront dans le projet de loi de finances initiale pour 2007. En revanche, les avant-projets annuels de performance (« pré-PAP ») annexés au projet de loi de finances pour 2005 devraient d'ores et déjà permettre de tirer des premières conclusions concernant la mesure de la performance, sous cette réserve que très peu d'indicateurs de performance étaient renseignés dans les « pré-PAP » et que les choix finalement retenus dans le projet de loi de finances initiale pour 2006 concernent la nouvelle nomenclature budgétaire ainsi qu'une autre liste d'objectifs et indicateurs de performance.
* 41 En application des dispositions de l'article 46 de la LOLF, « le projet de loi de règlement, y compris les documents prévus à l'article 54 [à savoir, les annexes au projet de loi de règlement] et aux 4° et 5° de l'article 58 [à savoir, le rapport de la Cour des comptes sur les résultats de l'exécution budgétaire et la certification par la Cour des comptes de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'Etat] est déposé et distribué avant le 1er juin de l'année suivant celle de l'exécution du budget auquel il se rapporte ». Ces dispositions s'appliquent à compter du projet de loi de règlement pour l'année 2005, mais parmi les annexes visées à l'article 54 de la LOLF, n'est seul visé, pour l'exécution 2005, que le compte général de l'Etat.
* 42 Le projet de loi portant règlement définitif du budget pour 2004 a été examiné en séance publique au Sénat le 12 octobre 2005. Les années précédentes, les projets de loi de règlement pour 2003 et 2002 avaient été examinés par le Sénat respectivement le 10 novembre 2004 et le 27 octobre 2003.
* 43 Etaient intervenus en séance MM. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, et Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication.
* 44 Les années précédentes, le projet de loi de règlement devait être déposé avant le 30 juin de l'année suivant celle de l'exécution budgétaire. Sauf à inscrire l'examen du projet de loi de règlement à l'ordre du jour d'une éventuelle session extraordinaire, cette date de dépôt signifiait que l'examen du projet de loi de règlement n'intervenait, au plus tôt, qu'au début de la session ordinaire en octobre, souvent après que l'examen en séance publique du projet de loi de finances initiale eut commencé à l'Assemblée nationale.
* 45 Alain Lambert et Didier Migaud, « La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Réussir la LOLF, clé d'une gestion publique efficace et responsable », rapport au gouvernement, septembre 2005.
* 46 Sénat, rapport d'information n° 252 (2005-2006).
* 47 Les deux premiers alinéas de l'article 57 de la LOLF disposent :
« Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs spéciaux et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d'une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet. A cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles.
« Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent , y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis ».
* 48 A cette fin, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a été auditionné par votre commission des finances le 5 avril 2006, et sera à nouveau auditionné le 30 mai prochain sur les deux rapports de la Cour des comptes concernant l'exécution 2005 et les comptes associés.