B. UN PAYS FRAGILE MAIS EN VOIE DE STABILISATION
Après la longue période de dictature, l'Albanie a connu une ouverture démocratique au début des années 90, cependant troublée par d'importants phénomènes de violence. Ainsi, en 1997, la faillite du système bancaire « pyramidal » a conduit à des émeutes faisant plusieurs milliers de morts. Une force multinationale de protection, dirigée par l'Italie, a dû être installée dans le pays d'avril à août 1997. Cette mission « Alba », autorisée par la résolution 1101 du 28 mars 1997 du Conseil de sécurité des Nations unies, était dotée de 7.000 hommes dont 930 français, et chargée d'un mandat humanitaire et de protection de 450 observateurs de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Elle a permis que se déroulent de nouvelles élections dont le parti socialiste de Fatos Nano est ressorti vainqueur.
1992 - 1997 : la difficile conversion de l'Albanie à l'économie de marché La période qui s'ouvre à compter de 1992 est caractérisée par de profondes réformes économiques en Albanie. Alors que la production industrielle a fortement chuté après la chute du mur de Berlin, que le déficit agricole s'accroît, que l'inflation est galopante, le gouvernement se lance dans un grand programme de réforme visant à redresser les finances publiques, privatiser certains secteurs de l'économie, libéraliser les prix et ouvrir les échanges extérieurs. Alors que de nombreux Albanais perdent leur emploi dans ces restructurations, le gouvernement autorise la création de sociétés pyramidales - grandes compagnies chargées de collecter l'épargne des ménages en échange d'intérêts extrêmement rémunérateurs (de l'ordre de 10 à 25 % par mois). Ces sociétés connaissent un énorme succès, elles servent notamment à financer des campagnes électorales. Toutefois, après les élections municipales d'octobre 1996, les premières faillites ont lieu. En très peu de temps, les Albanais perdent l'épargne de toute une vie et, pour beaucoup, jusqu'à leur logement. Au total près de deux milliards d'euros disparaissent. Le gouvernement est accusé de ne rien faire contre les responsables de ces sociétés, dont plusieurs fuient le pays. Un mouvement de révolte antigouvernementale se déclare d'abord à Vlora, ville du sud, siège des principales sociétés pyramidales. L'armée et la police refusent d'intervenir par la force pour écraser la rébellion, et abandonnent leur poste. Faute de protection, de nombreux bâtiments publics sont détruits ou incendiés : commissariats de police, mairies, entreprises d'État, prisons. La population s'en prend aux bases militaires afin de récupérer des armes.
Au total, les émeutes consécutives à la
chute des sociétés pyramidales feront plusieurs milliers de morts
et témoigneront de l'incapacité du pouvoir albanais de
résoudre une crise civile par des méthodes pacifiques. Plusieurs
milliers d'armes sont également, depuis cette période, aux mains
de la population civile, avec les dangers que cela représente.
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L'expérience des sociétés pyramidales et du déchaînement de violence qui l'a accompagnée témoigne de la fragilité de la construction politique et démocratique de l'Albanie où pouvoir politique et intérêts financiers ont longtemps été associés.
Malgré ces évènements sombres, aujourd'hui, l'Albanie semble davantage stabilisée sur le plan politique . Le pays est en effet capable d'organiser des élections dans de bonnes conditions, et de connaître l'alternance.
Si le déroulement des élections locales en octobre 2003 n'a pas été conforme aux normes internationales, l'Albanie a adopté depuis un nouveau code électoral. Ainsi, les élections législatives de juillet 2005 se sont déroulées dans de bonnes conditions et dans le calme. Elles ont donné le pouvoir à l'ancien président Sali Berisha, qui a battu le premier ministre socialiste sortant, Fatos Nano, en poste depuis les évènements de 1997, et cette alternance politique s'est réalisée sans heurts.
La vie politique albanaise est bipolarisée, et les deux grandes formations ont un comportement traditionnel d'affrontement, mais la démocratie fonctionne. La nouvelle équipe gouvernementale, très rajeunie, se met au travail avec comme principal mot d'ordre la lutte contre la corruption, qui reste le fléau majeur du pays. Le programme du nouveau gouvernement comporte vingt-trois points, dont la lutte contre la corruption, le crime organisé et les trafics, l'amélioration de la situation macroéconomique, une stratégie budgétaire et fiscale plus cohérente, un gouvernement resserré et plus efficace, l'ouverture rapide du marché des télécommunications, la simplification des mesures administratives, un financement accru du système éducatif, une réforme du secteur de la santé ainsi que des mesures d'ordre social.
La principale difficulté à laquelle est confrontée l'Albanie est cependant son manque de capacités administratives , et les difficultés à mettre en oeuvre correctement les droits que la législation albanaise accorde aux citoyens.