ANNEXE N° 3 - LES PRÊTS SUR CAPITAL
IMMOBILIER
(HOME EQUITY LOANS) AUX ÉTATS-UNIS84
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Les actifs immobiliers ne sont pas liquides et ils ne peuvent donc servir immédiatement à financer des acquisitions.
Ils sont en revanche largement acceptés aux États-Unis pour garantir des prêts de toute nature.
Au cours des dernières années, un grand nombre de propriétaires américains ont ainsi pu, en gageant leur capital immobilier, emprunter des sommes souvent élevées, pour financer des dépenses de consommation ordinaires ou solder l'encours de crédits plus onéreux.
Cette forme de crédit, bon marché et fiscalement avantageuse, tend d'ailleurs progressivement à se substituer au crédit à la consommation classique.
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I. Les Home equity loans fournissent un accès au crédit, facile et fiscalement très avantageux
1. Le capital immobilier au service du crédit
Un des facteurs essentiel de la croissance américaine est le niveau élevé de la demande intérieure lié, pour les ménages, à la facilité d'accès au crédit sous toutes ses formes que les établissements de crédit, en situation de forte concurrence, offrent généreusement : crédits hypothécaires fiscalement attrayants et de maniement très souple, prêts pour l'acquisition de voitures, multiples cartes de crédit qui incitent fortement à la consommation et prêts sur capital immobilier ( Home equity loans ). Ces derniers, depuis quelques temps, prennent une importance croissante au dépens du crédit à la consommation traditionnel.
Le capital immobilier ( home equity ) disponible d'un ménage est mesuré par la différence entre la valeur de marché de son habitation et le montant du prêt hypothécaire afférent restant à rembourser .
Cet actif net immobilier peut être utilisé de différentes manières par le propriétaire d'un bien immobilier confronté à un besoin particulier de financement. Celui-ci peut :
• choisir de vendre son habitation pour en acheter
une autre moins chère ou devenir locataire ;
• refinancer, lorsque les conditions sont favorables,
son prêt hypothécaire en empruntant plus que ce qui est
strictement nécessaire pour solder l'emprunt initial et acquitter les
frais ;
• s'engager dans un programme de
reverse
mortgage
qui lui permet de recevoir une somme forfaitaire ou une
annuité en échange de l'abandon progressif de la
propriété de son bien ;
• enfin, tout en conservant son habitation, apporter
en garantie à une banque ou un établissement financier
spécialisé son capital immobilier pour obtenir du crédit
(Home Equity Loan).
Sur la base d'une estimation de la valeur de marché de son hab itation, effectuée par un expert immobilier (appraiser) choisi par l'établissement de crédit, le propriétaire peut ainsi obtenir un prêt gagé .
Ce type de prêt gagé sur habitation prend deux formes distinctes aux États-Unis selon que son bénéficiaire souhaite un prêt traditionnel (traditional home equity loan) ou une ligne de crédit (home equity line of credit) .
Dans le premier cas, il s'agit d'un prêt classique remboursable par mensualités sur une période limitée, entre 5 et 15 ans, à un taux d'intérêt généralement fixe. Dans le second cas, il s'agit d'une ligne de crédit utilisable au gré des besoins de son bénéficiaire, dont les modalités de remboursement offrent beaucoup plus de souplesse : la période pendant laquelle il lui est possible d'utiliser ce crédit permanent est généralement comprise entre 5 et 10 ans, la période de remboursement entre 20 et 30 ans, les taux applicables sont le plus souvent variables et indexés sur l'évolution du taux de base bancaire (prime rate) ou du Treasury bond à 30 ans.
2. Une forme de crédit devenue particulièrement attrayante
Les prêts sur capital immobilier se sont particulièrement développés avec la réforme fiscale de 1986 qui a conduit à l'extinction progressive du régime de déductibilité fiscale des intérêts payés sur les crédits à la consommation. Avec cette réforme, les prêts hypothécaires, dont les intérêts restaient déductibles, sont devenus très intéressants, en particulier pour le financement des grosses dépenses de consommation des ménages, habituellement financées par cartes de crédit, prêts personnels ou crédits automobiles.
A ce traitement fiscal favorable s'ajoutent des niveaux de taux d'intérêt généralement plus faibles que ceux qui s'appliquent aux autres formes de crédits à la consommation. A titre d'exemple, si les taux d'intérêt moyens appliqués par les établissements de cartes de crédit classiques sont généralement compris entre 16 et 18 %, ceux qui s'appliquent aux prêts gagés sont plus proche des 10 %.
Un autre avantage des prêts gagés réside dans leur très grande facilité d'accès pour les ménages propriétaires . Pour certains propriétaires, en particulier ceux dont les revenus sont affectés par la perte d'un emploi ou la survenance d'une maladie prolongée, le recours à un prêt gagé sur leur habitation peut constituer l'unique moyen d'obtenir du crédit.
Pour ces différentes raisons, les home equity loans tendent à devenir pour certains propriétaires un substitut au crédit à la consommation classique . Ces prêts hypothécaires de second rang restent cependant plus onéreux que les prêts hypothécaires simples bénéficiant de la garantie des Agences publiques (Fanny Mae, Ginnie Mae). Par ailleurs, le risque pour le bénéficiaire de mise en jeu de la garantie en cas de difficulté de remboursement, donc de perte de ce qui est généralement son habitation principale, est réel.
PRINCIPAUX AVANTAGES MIS EN AVANT PAR LES UTILISATEURS DE PRÊTS GAGÉS
II. Un marché en croissance dominé par les banques 1. La croissance des encours La part des ménages propriétaires qui ont bénéficié de prêts gagés est passée de 5 % en 1977 à 13 % en 1993 . Ce taux est resté pratiquement stable en 1997. Du fait de l'accroissement sur la période du nombre de ménages propriétaires de leur logement, cette stabilité apparente traduit en fait une augmentation de 10 % du nombre des ménages ayant bénéficié de ce type de prêts entre 1994 et 1997.
PART DES MÉNAGES AMÉRICAINS,
PROPRIÉTAIRES DE LEUR LOGEMENT,
Après une période de croissance faible au début des années 90 1 , les activités de prêts gagés sur capital immobilier ont commencé à se développer à un rythme soutenu depuis 1994. En fin d'année 1997, l'encours des home equity loans atteignait le tiers de l'encours de crédit à la consommation des ménages américains, et enregistrait un rythme annuel de croissance de près de 21 %, nettement supérieur à celui des cartes de crédit (6 %). La croissance récente des activités de prêts gagés sur capital immobilier s'explique également par le fort développement du segment « subprime » du marché qui vise les propriétaires à faible revenus, disposant d'un faible capital immobilier et de médiocres antécédents en matière de crédit. Depuis quelques temps, un certain nombre d'établissements non-bancaires investissent ce marché où les taux d'intérêt sont fréquemment supérieurs de plusieurs centaines de points de base à ceux des home equity loans classiques. Les montants offerts peuvent avoir pour conséquence le relèvement du taux d'endettement hypothécaire des bénéficiaires jusqu'à 125 % de leur capital immobilier, parfois davantage. Ce marché, qui s'élevait fin 1997 à environ 90 Mds de $ (soit 20 % du marché total des home equity loans ) fait l'objet en priorité des opérations de titrisation car il intéresse particulièrement les investisseurs : en cas de baisse prononcée des taux d'intérêt, les titulaires de subprime loans sont moins enclins à anticiper le remboursement de leur prêt 2 que les autres bénéficiaires de home equity loans. 2. Un marché compartimenté dans lequel les banques commerciales occupent désormais une place majeure Plusieurs types d'établissements accordent des home equity loans. Avant le milieu des années 70, cette activité était principalement exercée par des établissements spécialisés (second mortgage companies) ou bien par des finances companies ou des particuliers. Les institutions habilitées à recevoir des dépôts, banques commerciales, établissements d'épargne et credit unions , n'étaient à l'origine que de 40 % de ces prêts. Aujourd'hui, ce sont les banques commerciales qui arrivent en tête. En 1997, plus de 90 % des Américains propriétaires de leur logement et bénéficiaires de home equity loan ont obtenu une ligne de crédit gagée par l'intermédiaire d'une institution de dépôt, principalement une banque commerciale. Dans le domaine des prêts traditionnels gagés, les finances companies continuent néanmoins de jouer un rôle significatif, avec 24 % du marché. Les banques commerciales occupent depuis plusieurs années une place centrale sur le marché très lucratif des lignes de crédit. Avec 61 % de parts de marché, elles devancent désormais très largement les établissements d'épargne et les credits unions . Toutes n'offrent cependant pas ce type de services : 53 % des banques commerciales américaines géraient, au 30 septembre 1997, un encours de lignes de crédit, 81 % d'entre elles offrant en revanche des prêts gagés traditionnels.
VENTILATION, PAR MONTANT D'ACTIFS,
La gestion des lignes de crédit s'avère plus complexe que celle des prêts traditionnels, ce qui explique que les grandes banques soient plus présentes sur ce marché. 3. Une clientèle généralement plus aisée D'une manière générale, le marché des home equity loans vise une clientèle plus sophistiquée et aisée que la moyenne des ménages américains . C'est particulièrement vrai pour les prêts qui prennent la forme de lignes de crédit. Si près de deux tiers des ménages américains sont propriétaires de leur logement, leur propension à recourir aux prêts gagés varie en fonction de leur situation financière, de leur niveau d'éducation ou de leur âge . Les propriétaires sans encours de crédit hypothécaire sont généralement des personnes seules, souvent retraitées qui, bien que disposant d'un capital immobilier important, ont des revenus généralement plus faibles que la moyenne. Les bénéficiaires de lignes de crédit disposent généralement d'une habitation plus chère, de revenus plus élevés. CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES DES PROPRIÉTAIRES AMÉRICAINS EN 1997
Les statistiques de l'industrie bancaire dans son ensemble en matière d'impayés reflètent cette relative aisance financière des ménages recourant aux home equity loans . Selon l' American Bankers Association , moins de 1 % des lignes de crédit et de 1,3 % des prêts traditionnels accordées par les banques commerciales sont en situation compromise, ce qui constitue le taux le plus faible de toutes les catégories de prêts 3 . Par comparaison, environ 3,5% de cartes de crédit et des prêts personnels connaissent des situations d'impayés. Un des atouts principaux des financements ayant pour collatéral un bien immobilier est qu'ils permettent aux propriétaires d'emprunter des montants relativement élevés. La valeur médiane des encours des home equity loans est généralement beaucoup plus importante que celle de l'encours des autres formes de prêts, 2 à 3 fois plus que les prêts personnels (installment loans) , 10 fois plus pour les cartes de crédit. En 1997, le montant moyen des lignes de crédit accordées était de 20.155 dollars, celui des prêts traditionnels de 17.956 dollars. Ces crédits gagés sont généralement utilisés par les propriétaires pour financer les grosses dépenses d'amélioration de leur habitat ou pour solder l'encours d'autres formes d'endettement (cartes de crédit en particulier). Mais, comme le montre le tableau ci-après ces fonds peuvent aussi servir directement au financement de dépenses de consommation ordinaires. UTILISATION DES « HOME EQUITY LOANS »
* Comme le montre l'évolution récente des home equity loans , les ménages américains sont de plus en plus amenés à pratiquer une gestion active de leur endettement, procédant à des arbitrages permanents entre le remboursement de leurs prêts hypothécaires et d'autres formes de placements ou de dépenses . Encouragés par un système fiscal qui les incite, grâce à la déductibilité des intérêts, à différer indéfiniment l'amortissement complet de leurs prêts hypothécaires, les Américains deviennent ainsi de plus en plus des propriétaires occupants sans être nécessairement propriétaires de la valeur patrimoniale de leur logement. Ce changement de comportement face à l'immobilier explique aussi, malgré la faiblesse du taux d'épargne, l'importance des flux dont bénéficient les marchés d'actions. ANNEXE Les Reverse Mortgages 4 Il s'agit d'une forme particulière de home equity loans , qui permet de convertir une partie du capital immobilier en argent liquide, sans se désaisir du bien. Contrairement à l' home equity loan , cependant :
La formule a été originellement conçue pour compléter les ressources de personnes âgées pauvres en liquidité mais riches en capital immobilier. Comme il s'agit d'un prêt hypothécaire inversé (le capital n'est pas remboursé progressivement mais à la fin du contrat), l'assiette servant au calcul des intérêts s'élargit chaque mois, représentant une augmentation significative avec le temps. La perspective d'une forte perte en capital explique sans doute que la grande majorité des plans soient souscrits par des personnes de 76 ans ou plus. Ce prêt peut prendre la forme d'un versement forfaitaire unique, de l'ouverture d'une ligne de crédit ou d'une rente mensuelle. Son montant se détermine à partir de la valeur de la maison, l'âge de l'emprunteur et les taux d'intérêt du moment. Il a été accordé à ce jour prés de 190.000 prêts. Cependant, ceci ne représente qu'une infime portion du marché potentiel. En effet, le capital immobilier des plus de 65 ans s'élève à 1.300 Mds de $ et plus de 12 millions de propriétaires pourraient en bénéficier. Le reverse mortgage est autorisé dans 46 États, mais la moitié des prêts ont été accordés dans les cinq États parmi les plus florissants des États-Unis : la Californie, New York, le Connecticut, le New Jersey et l'Illinois. 1 En 1992 et 1993, la baisse des taux d'intérêt à des niveaux jamais atteints depuis 20 ans, a entraîné une vague sans précédent d'opérations de refinancement des prêts hypothécaires de premier rang. Les propriétaires titulaires de prêts sur capital immobilier ont alors généralement choisi de rembourser ces derniers prêts afin de bénéficier des conditions favorables des nouveaux prêts hypothécaires, freinant du même coup le développement des activités touchant spécifiquement aux prêts sur capital immobilier. 2 La plupart des États américains prohibant l'institution par les banques ou les établissements prêteurs de pénalités en cas de remboursement anticipé des prêts, tout mouvement significatif de baisse des taux d'intérêt stimule généralement les activités de refinancement. 3 En revanche, le taux de défaillance des « subprime loans » est en moyenne beaucoup plus élevé : 7,5 % en 1997. 4 Hypothèque inversée 5 Sauf dans le cas d'un prêt à durée limitée. 6 Caractéristique qui peut être exploitée pour soustraire à l'impôt une partie de l'héritage immobilier. Source : Extraits du Bulletin n° 88 - Mai 1998, du French Treasury Office. |
* 84 Cette annexe s'inspire largement d'une note parue dans le bulletin de l'Agence financière de New York du Ministère de l'économie et des finances.