B. LA CONTESTATION DE LA LÉGALITÉ DE LA TAXE PAR LES RÉGIES
L'histoire récente de la taxe alimentant le FSER a été marquée par une série de contestations de la part des régies, portant sur la légalité de la mise en recouvrement.
1. L'absence de base juridique (1997-1998)
Comme cela a été rappelé plus haut, les montants précis dus au titre des différentes tranches du barème de la taxe étaient fixés jusqu'à fin 2002 par un arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre de la communication. Or, à la suite de retards administratifs, la mise en recouvrement de la taxe s'est effectuée sans l'intervention de cet arrêté entre le 1 er octobre 1997 et le 1 er septembre 1998 inclus 22 ( * ) . Ce vide juridique a incité les régies publicitaires de TF1, France Télévisions et Canal Plus à déposer un recours pour contester la mise en recouvrement de la taxe sur la période. L'issue du contentieux ayant été favorable à ces sociétés, 10,2 M€ leur ont été reversés par les services fiscaux .
Du fait de l'absence de trésorerie du FSER, la Trésorerie générale des Hauts-de-Seine et l'Agence comptable des impôts de Paris ont accepté d'en porter la charge sur un compte de tiers, générant une dette sur le compte 461.4 « décaissement à régulariser - remboursement divers à la charge de l'Etat ».
Afin de régulariser cette dette, et compte tenu de la très forte opposition de la DDM à voir le FSER ponctionné de 10 M€, le cabinet du Premier ministre a arbitré en décembre 2004 en faveur de son règlement sur le chapitre évaluatif 15.02.60.10 des charges communes « remboursements divers » .
La question est donc aujourd'hui régularisée. Mais la régularisation est intervenue tardivement ; elle s'est en outre avérée coûteuse pour le budget de l'Etat puisque le manque à gagner n'a pas été financé par une réduction des dépenses du FSER.
2. La conformité au regard du droit communautaire (2003)
La taxe alimentant le FSER a été notifiée à la Commission européenne à chaque fois qu'un décret venait proroger le dispositif institué par le décret du 17 novembre 1982 (en dernier lieu, au moment de la publication du décret du 29 décembre 1997). Elle a dû, par ailleurs, être notifiée à la Commission européenne au moment de la transformation de la taxe parafiscale en « imposition de toute nature » fin 2002.
Une première notification de la nouvelle taxe, adossée à la TVA, a eu lieu le 15 novembre 2002. La Commission européenne a alors considéré, par décision du 8 mai 2003, que la nouvelle taxe n'était pas conforme au droit communautaire, au motif qu'elle pouvait conduire à faire payer des sociétés étrangères pour le financement d'un service réservé aux radios françaises (la taxe visait, dans sa première version, les messages publicitaires émis et diffusés « à destination » du territoire français). Une nouvelle version de la taxe (visant les messages publicitaires émis et diffusés « à partir » du territoire français) a été notifiée à la Commission en juin 2003 et déclarée conforme le 28 juillet 2003.
Le recouvrement de la nouvelle taxe a donc été suspendu au premier semestre 2003. Il n'est intervenu qu'après la publication de la loi du 1 er août 2003, dans laquelle le nouveau dispositif avait été intégré. Cependant, le recouvrement a porté sur les recettes encaissées au premier semestre même si, formellement, la taxe était due au titre du second semestre.
Une régie (Canal Plus) a entrepris de contester la légalité de la mise en recouvrement de la taxe au titre du premier semestre 2003 (pour un montant de 185 K€). Elle estime que la taxe ne pouvait, en vertu de l'article 88.3 du traité CE, faire l'objet d'une procédure de recouvrement pour une période antérieure à la décision de la Commission se prononçant sur la compatibilité de l'aide avec le droit communautaire. Une réclamation a été adressée à l'administration fiscale le 3 décembre 2003 ; l'affaire a ensuite été portée devant le tribunal administratif, où elle est en cours d'instruction.
Il faut ajouter à ces contentieux successifs quatre réclamations déposées par TF1 Publicité, France Télévisions Publicité, M6 Publicité et Canal Plus au titre des exercices 2001 et 2002 23 ( * ) .
Les précautions juridiques prises par l'administration n'ont pas été suffisantes pour éviter la contestation de la légalité de la perception de la taxe par les principaux redevables. Cela introduit une incertitude sur le montant des recettes de l'année et peut conduire à des moins-values de recettes significatives même si, pour l'heure, les reversements ont été supportés par le budget de l'Etat et non par le FSER .
* 22 L'arrêté, pris le 23 juillet 1998, a été publié au JO le 2 septembre.
* 23 Il s'agit de réclamations qui, de l'avis de la Direction de la législation fiscale, ont peu de chances d'aboutir et qui portent sur la conformité de la taxe parafiscale au regard de l'article 4 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 (intérêt économique et social du prélèvement) et de l'article 4 du décret du 30 octobre 1980 (obligation de fournir un compte rendu de l'emploi des fonds avant toute prorogation de la taxe).